jeudi 27 mars 2008

"Le Livre des Illusions" - Paul Auster

Par Thom

Il aura suffit que je dise quelques semaines plus tôt que depuis quelques années Paul Auster était en baisse pour que je tombe sur une merveille ! Comme si une puissance supérieure avait voulu me montrer à quel point j'avais tort et avait délibérément placé ce livre d'occase sur ma route, ce livre sorti en 2002 - c'est à dire précisément au moment où j'avais décidé que j'avais accordé bien assez d'attention à des textes très moyens comme "Tombouctou" ou "Sophie Calle"...

A la mort de son épouse et de son fils, David Zimmer s'est réfugié dans l'écriture, rédigeant l'unique étude sur le cinéaste Hector Mann (sorte de Chaplin trascendé par l'imaginaire austeresque). Vers la fin des années 30, après une poignée de comédies à succès, Mann a tout plaqué, s'est littéralement volatilisé...David, qui s'est rapidement laissé fasciner par le mystère entourant le personnage, a fait de son étude un ouvrage référence doublée d'un mini succès...puis a tenté de trouver d'autres dérivatifs à sa douleur.
Il en est à ce point de sa vie lorsque débute le roman, sur un étrange courrier : une femme prétend en effet être l'épouse de Mann, qui serait toujours en vie mais à l'agonie. Pis encore : elle lui demande expressément de les rejoindre, lui et son époux, au Nouveau Mexique...

Difficile de sortir du livre...je l'ai fini il y a une heure et je suis encore tout remué, tout confus...assailli par un mélange de sensations bizarres...pour moi c'est assurément le meilleur livre d'Auster depuis "Music Of Chance". On y retrouve un élément qui, à mon sens, avait disparu de ses livres ces dernières années : le côté "histoire extraordinaire vécue par des gens ordinaires". Une sorte de "auster's touch" (totalement sublimée dans "Mr Vertigo").
D'un autre côté, s'il est évident que Paulo a conservé sa marque de fabrique, il introduit aussi des éléments nouveaux et innattendus...à commencer par le cinéma, comme par hasard (puisque pour ceux qui ne le savaient pas Auster a pas mal bossé pour le 7eme art depuis une dizaine d'années). Les premières pages, lorsque le narrateur évoque ses rapports avec cet art, sont superbes. C'est assez paradoxal, car même si la couverture de mon édition montre un vieux rétroprojecteur, le cinéma n'est absolument pas au coeur de l'oeuvre...pas plus en tout cas que la littérature - ou n'importe quel autre art.
Autre élément totalement nouveau, la construction du texte, bâti comme une tragédie antique. Ce qui le rend difficile à résumer, chaque détail étant capital (même les passages où Zimmer essaie de traduire Chateaubriand) pour amener au dénouement final, prévisible au moins cent pages à l'avance mais pas moins douloureux pour autant.

Une oeuvre-somme, finalement. Car certains des éléments utilisés par l'auteur étaient déjà présents en filligranes dans "Leviathan" ou "The Locked Room".



(exemple de détail : vers le milieu du livre, un des personnages laisse entendre que l'histoire se passe en 1988...et il faut attendre la dernière page pour comprendre pourquoi, pourquoi ça ne pouvait pas se passer en 2002)

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