Par Zaphod
Résumé :
C'est l'histoire d'un mec qui roule en voiture, qui perd aux cartes, et qui construit un mur.
Ma lecture: Je crois que je vais me faire descendre. Il y a longtemps, j'avais emprunté un livre d'Auster à la bibli. Je ne me souviens plus du titre, une histoire dont le personnage principal était écrivain (mais a mon avis, cet indice ne doit pas suffire à identifier un livre précis d'Auster).
Je m'étais ennuyé comme un rat mort et le livre m'était bien vite tombé des mains. Ni les personnages, ni l'histoire, ni le style ne m'intéressaient. Pourtant, j'ai toujours entendu le plus grand bien (c'est un euphémisme) de cet écrivain, alors, je devais lui donner une seconde chance. J'ai choisi "la musique du hasard" pas tout à fait au hasard. Et j'ai bien failli revivre la même expérience, car j'ai trouvé le début du livre affreux.
La manière dont Auster met en place son histoire est pour moi l'incarnation typique d'un style lourd. Je me rends compte que je dois argumenter un peu ici, alors, je recopie le début du chapitre 3, mais beaucoup d'autres extraits pourraient servir d'exemple.
Nashe réalisait que cette manière d'agir ne lui ressemblait pas. Il s'entendait prononcer des mots qui, à l'instant même où il les articulait, lui paraissaient exprimer la pensée de quelqu'un d'autre, comme s'il n'avait été qu'un acteur en train de se produire sur la scène d'un théâtre imaginaire en récitant un texte écrit d'avance à son intention. Il n'avait jamais rien ressenti de pareil, et ce qui l'étonnait c'était combien ça le troublait peu, l'aisance avec laquelle il se glissait dans ce rôle. L'argent seul importait, et si ce gamin mal élevé pouvait lui en obtenir, Nashe se sentait enclin à tout risquer pour contribuer à la réussite de son entreprise. Ce projet était sans doute insensé, mais le risque en lui-même constituait une motivation, ce geste de confiance aveugle prouvait qu'il était enfin disposé à accueillir tout ce qui pouvait lui arriver.
Etc ... Je me demande pourquoi Auster croit devoir nous expliquer tout ce qu'il vient de nous raconter dans les deux premiers chapitres. Chez un auteur qui a du style, toutes ces interprétations des faits et ces impressions auraient du ressortir de la lecture du récit sans devoir être froidement exposés comme s'il prenait le lecteur pour un idiot. Ces explications du récit à l'intérieur du récit sont d'une lourdeur insupportable. Elles pourraient à la rigueur passer s'il s'agissait d'un récit à la première personne (le personnage essaye de comprendre ce qui lui arrive et fait part de ses réflexions), mais pas avec un narrateur omniscient. On dirait un mauvais résumé fait par un potache de cinquième.
Heureusement, ce défaut s'atténue grandement vers le milieu du roman, je crois que c'est lorsque le personnage principal rencontre son alter ego, ce qui permet une forme de dialogue et ouvre un peu cette relation figée entre l'auteur et son personnage. Je dois dire aussi pour être honnête qu'il y a quelque chose de génial et de fascinant dans ce roman : c'est la situation du héros.
Qui n'a pas eu envie au moins une fois de tout plaquer, de se débarrasser de toute contrainte ?
La question est dans ce cas si on se révélerait une personne différente, ou même si on pourrait atteindre de cette manière le vrai Moi. Cette question est suffisamment passionnante pour ne plus avoir envie de lâcher le livre. J'ai adoré (et pour cause !), puisque c'est finalement le problème de l'individu confronté à son propre néant. Je ne résiste pas à deux petites citations :
... le musée de Flower n'était qu'un cimetière d'ombres, un autel dément à l'esprit de néant.
Car même le plus minuscule zéro était un grand trou de néant, un cercle assez vaste pour contenir le monde.
Auster, à ce stade, ne donne pas de réponse toute faite et on n'est même pas sûr de ce qui se passe vraiment (par exemple, est-ce qu'il y a eu arnaque, la vie des héros est-elle réellement menacée, ...).
J'ai bien aimé aussi certaines des situations loufoques, comme la manière de tout miser sur un "coup de chance", ou le mode de remboursement de la dette. La fin est un peu une pirouette toutefois, mais c'est vrai aussi qu'elle s'inscrit dans la logique du récit et qu'on la sentait venir d'une certaine manière.
En résumé, je n'ai pas accroché au style, ni aux personnages un peu plats, mais j'ai adoré les situations et les thèmes abordés. Donc, je m'en vais lui laisser une autre chance, probablement avec "Moon Palace" (le livre que j'avais l'intention d'emprunter initialement).
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'adore votre blog et votre sens critique, mélange de bon sens et d'attente de surgissements magiques: là se trouve selon moi l'intelligence du lecteur, la vraie, celle tant malmenée par l'édition française contemporaine ( notamment).
Deux toutes petites choses, si je puis humblement me le permettre: le narrateur est toujours omniscient.
Deuxième chose: il existe des traductions épouvantables de Paul Auster, par des gens qui ne peuvent transcrire l'intraduisible que peut être la langue anglaise en littérature mais qui sont les petits-cousins du directeur de collection ( je ne plaisante qu'à moitié), et ce qui n'arrange pas pour autant les affaires du lecteur.
Si vous le pouvez, parcourez ne serait-ce qu'un peu une édition originale: le style Auster n'est jamais lourd très longtemps dans le texte.
Bien à vous,
M