L'Avis de Livrovore
J'ai choisi ce livre parce que j'avais lu de très bonnes critiques sur ce forum, et parce que j'entendais beaucoup parler en bien de cet auteur. Du coup, j'étais persuadée que j'allais aimer. Manque de bol, je me suis plutôt ennuyée... Philip Roth nous sert là une histoire sous forme de confession, le personnage principal nous explique toute sa vie, ses frustrations et préoccupations. Il y a quelques passages qui m'ont fait sourire, et un seul passage qui m'a vraiment faire rire. Pour le reste, ce livre m'a laissée indifférente. Je n'ai pas réussi à m'intéresser à ce qu'il raconte. L'auteur s'est certainement voulu subversif, sauf que placer les mots "bite" et "con" à chaque page ce n'est plus choquant aujourd'hui, c'est juste lassant. C'est donc une grosse déception pour moi, mais j'essaierai certainement plus tard un autre livre de Philip Roth, pour voir...
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L'Avis de Thom
J'ai beaucoup de mal à avoir un avis objectif sur ce livre, que je viens de lire pour la seconde fois. Parce que pour les admirateurs de Philip Roth (dont je suis) et pour la plupart des fans de littérature américaine (dont je suis également), Alex Portnoy est quasiment mythique.
A un résumé, je préfère souligner le terme personnage, car on a trop souvent tendance à considérer que Philip Roth est le narrateur de ses romans. C'est vrai dans certains ("Operation Shylock" au hasard), mais c'est totalement faux dans la plupart des cas. C'est là tout son génie dans "Portnoy", justement : on ne lit pas un livre de Philip Roth, on lit la confession d'Alex Portnoy. On y croit dur comme fer. Pas à un seul moment on n'a envie de mettre en doute la véracité du propos... c'est une constante chez les Philip Roth, mais c'est particulièrement prononcé dans ce livre précisément
Je prends la peine de le préciser parce que l'image du père est omniprésente dans l'oeuvre de Roth. Un père faible, écrasé par sa femme... dans "Portnoy", comme dans "When she was good", comme dans les nouvelles de "Goodbye Colombus", comme Ira Ringold (le père spirituel en l'occurrence) dans "I married a communist". Rien à voir avec le Herman de "Patrimony", qui relève plus du père fantasmé à mon sens.
Et "Portnoy", plus qu'un livre sur la mère, plus qu'un livre sur le sexe, m'apparaît comme un livre sur le père - plutôt sur l'absence de père. Son inexistence. Comme un sujet en creux, qui se glisserait discrètement dans la plupart des textes de l'auteur. Car finalement, si les relations d'Alex avec le sexe est si compliquée, c'est moins à cause de sa mère que parce qu'il n'a jamais eu face à lui l'image masculine nécessaire à tout petit garçon pour s'épanouir.
Euh... peut-être que je projette mes propres obsessions dedans en fait! Mais après tout c'est normal, c'est le propre d'un mythe.
Pour moi, la phrase qui résume le livre est la suivante :
"...si seulement mon père avait été ma mère! et ma mère mon père!"
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L'Avis de Zaphod
Avertissement : désolé, je vais utiliser 256 fois le mot "complexe" dans ce commentaire, mais les synonymes sont assez difficiles à trouver (c'est comme pour le mot synonyme, vous connaissez un synonyme de synonyme?). A la limite, j'aurais pu utiliser névrose, mais c'est pas exactement ça.
Remerciements : Sans l'Aristochat, ce livre serait encore resté longtemps, peut-être indéfiniment dans ma liste à lire. C'est sûr que c'est moins impressionnant de se lancer dans un livre de l'Aristochat que dans un livre de Philip Roth. Alors, merci à l'Aristochat.
Je comprends ceux qui se sont ennuyés en lisant ce livre. La description (bien que traitée ici avec brio et humour) de la famille juive new-yorkaise caricaturale coincée dans ses traditions avec une mère dominatrice et hyper-protectrice est éculée depuis belle lurette (ça c'est une expression que j'adore, "belle lurette").
Même chose pour l'étalage de fantasmes sexuels plus ou moins pervers.
En fait, au début, je trouvais Alex, ses complexes, son histoire, sa vie absolument sans intérêt.
Bon, déjà, au niveau des complexes, Roth ne tient pas la distance face à Kafka (il y a d'ailleurs quelques clins d'oeil à Kafka dans le livre). Ceux de Kafka sont cent fois plus lourds. Ils donnent des oeuvres bien plus tordues que l'auteur n'osait d'ailleurs même pas publier tellement il était complexé.
Et puis, je me suis aperçu que les fameux complexes d'Alex n'étaient pas le seul sujet du livre. Peut-on trouver un livre choquant ou subversif parce qu'il contient le mot "con" ou le mot "bite" (même répétés un grand nombre de fois)? S'arrêter à cela, c'est un peu passer à côté du livre. Roth entreprend en effet une quête d'une noblesse et d'une difficulté inouïe : rien moins qu'essayer de comprendre comment nous devenons ce que nous sommes.
Et pour ce faire, Roth ne choisit pas la voie passablement plus facile de l'autobiographie. Il choisit la voie royale de la fiction.
Et c'est un succès. Alex Portnoy existe. Roth lui donne une telle réalité ! "Il impose sa fiction à l'expérience", selon la citation rapportée par Thom.
Il n'y a pas de grand drame romanesque dans la vie d'Alex Portnoy, car les grands drames il est à la limite possible d'y faire face courageusement et de les surmonter. Une infinie succession de petites vexations ou contrariétés est parfois beaucoup plus insidieuse, et travaille comme une lame de fond.
Il y a bien quelques évènements symboliques éminemment phalliques, comme l'épisode du couteau que la mère pointe sur le jeune Alex pour l'obliger à manger, ou celui de la batte de baseball, où Alex perd définitivement toute illusion concernant la virilité de son père.
'Okay, Big Shot Ballplayer',he says, and grasps my new regulation bat somewhere near the middle - and to my astonishment, with his left hand where his right hand should be. I am suddenly overcome with such sadness: I want to tell him, 'Hey, your hands are wrong', but am unable to, for fear I might begin to cry - or he might! 'Come on, Big Shot, throw the ball', he calls, and so I do - and of course discover that on top of all the other things I am just beginning to suspect about my father, he isn't 'King Kong' Charlie Keller either.
Son père est incapable de tenir une batte, ce qui est tout bonnement inimaginable pour un américain de sexe mâle, et il aurait voulu le lui dire, mais depuis quand un fils apprend-il à son père à tenir une batte? Au lieu de ça, il n'aura de cesse de tenir son sexe dressé comme une batte, dans un besoin constant de se rassurer sur sa propre virilité (bon, du moins, c'est une interprétation comme une autre, hein ).
Les complexes sont toujours drôles. C'est méchant mais c'est comme ça. En passant par la fiction, Roth a su conserver la drôlerie de complexes qui ne lui sont probablement pas complètement étrangers.
Roth décrit si bien l'obsession qu'on se pose la question : soit il est lui-même un obsédé de première, ce qui en fait un auteur exceptionnellement sympathique, soit c'est pure fiction, ce qui en fait un auteur exceptionnellement doué.
Ah oui, et la dernière phrase du livre est tout simplement géniale. Même si je m'étais emmerdé pendant toute la lecture, la dernière phrase rachèterait presque le tout.
J'ai choisi ce livre parce que j'avais lu de très bonnes critiques sur ce forum, et parce que j'entendais beaucoup parler en bien de cet auteur. Du coup, j'étais persuadée que j'allais aimer. Manque de bol, je me suis plutôt ennuyée... Philip Roth nous sert là une histoire sous forme de confession, le personnage principal nous explique toute sa vie, ses frustrations et préoccupations. Il y a quelques passages qui m'ont fait sourire, et un seul passage qui m'a vraiment faire rire. Pour le reste, ce livre m'a laissée indifférente. Je n'ai pas réussi à m'intéresser à ce qu'il raconte. L'auteur s'est certainement voulu subversif, sauf que placer les mots "bite" et "con" à chaque page ce n'est plus choquant aujourd'hui, c'est juste lassant. C'est donc une grosse déception pour moi, mais j'essaierai certainement plus tard un autre livre de Philip Roth, pour voir...
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L'Avis de Thom
J'ai beaucoup de mal à avoir un avis objectif sur ce livre, que je viens de lire pour la seconde fois. Parce que pour les admirateurs de Philip Roth (dont je suis) et pour la plupart des fans de littérature américaine (dont je suis également), Alex Portnoy est quasiment mythique.
A un résumé, je préfère souligner le terme personnage, car on a trop souvent tendance à considérer que Philip Roth est le narrateur de ses romans. C'est vrai dans certains ("Operation Shylock" au hasard), mais c'est totalement faux dans la plupart des cas. C'est là tout son génie dans "Portnoy", justement : on ne lit pas un livre de Philip Roth, on lit la confession d'Alex Portnoy. On y croit dur comme fer. Pas à un seul moment on n'a envie de mettre en doute la véracité du propos... c'est une constante chez les Philip Roth, mais c'est particulièrement prononcé dans ce livre précisément
Je prends la peine de le préciser parce que l'image du père est omniprésente dans l'oeuvre de Roth. Un père faible, écrasé par sa femme... dans "Portnoy", comme dans "When she was good", comme dans les nouvelles de "Goodbye Colombus", comme Ira Ringold (le père spirituel en l'occurrence) dans "I married a communist". Rien à voir avec le Herman de "Patrimony", qui relève plus du père fantasmé à mon sens.
Et "Portnoy", plus qu'un livre sur la mère, plus qu'un livre sur le sexe, m'apparaît comme un livre sur le père - plutôt sur l'absence de père. Son inexistence. Comme un sujet en creux, qui se glisserait discrètement dans la plupart des textes de l'auteur. Car finalement, si les relations d'Alex avec le sexe est si compliquée, c'est moins à cause de sa mère que parce qu'il n'a jamais eu face à lui l'image masculine nécessaire à tout petit garçon pour s'épanouir.
Euh... peut-être que je projette mes propres obsessions dedans en fait! Mais après tout c'est normal, c'est le propre d'un mythe.
Pour moi, la phrase qui résume le livre est la suivante :
"...si seulement mon père avait été ma mère! et ma mère mon père!"
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L'Avis de Zaphod
Avertissement : désolé, je vais utiliser 256 fois le mot "complexe" dans ce commentaire, mais les synonymes sont assez difficiles à trouver (c'est comme pour le mot synonyme, vous connaissez un synonyme de synonyme?). A la limite, j'aurais pu utiliser névrose, mais c'est pas exactement ça.
Remerciements : Sans l'Aristochat, ce livre serait encore resté longtemps, peut-être indéfiniment dans ma liste à lire. C'est sûr que c'est moins impressionnant de se lancer dans un livre de l'Aristochat que dans un livre de Philip Roth. Alors, merci à l'Aristochat.
Je comprends ceux qui se sont ennuyés en lisant ce livre. La description (bien que traitée ici avec brio et humour) de la famille juive new-yorkaise caricaturale coincée dans ses traditions avec une mère dominatrice et hyper-protectrice est éculée depuis belle lurette (ça c'est une expression que j'adore, "belle lurette").
Même chose pour l'étalage de fantasmes sexuels plus ou moins pervers.
En fait, au début, je trouvais Alex, ses complexes, son histoire, sa vie absolument sans intérêt.
Bon, déjà, au niveau des complexes, Roth ne tient pas la distance face à Kafka (il y a d'ailleurs quelques clins d'oeil à Kafka dans le livre). Ceux de Kafka sont cent fois plus lourds. Ils donnent des oeuvres bien plus tordues que l'auteur n'osait d'ailleurs même pas publier tellement il était complexé.
Et puis, je me suis aperçu que les fameux complexes d'Alex n'étaient pas le seul sujet du livre. Peut-on trouver un livre choquant ou subversif parce qu'il contient le mot "con" ou le mot "bite" (même répétés un grand nombre de fois)? S'arrêter à cela, c'est un peu passer à côté du livre. Roth entreprend en effet une quête d'une noblesse et d'une difficulté inouïe : rien moins qu'essayer de comprendre comment nous devenons ce que nous sommes.
Et pour ce faire, Roth ne choisit pas la voie passablement plus facile de l'autobiographie. Il choisit la voie royale de la fiction.
Et c'est un succès. Alex Portnoy existe. Roth lui donne une telle réalité ! "Il impose sa fiction à l'expérience", selon la citation rapportée par Thom.
Il n'y a pas de grand drame romanesque dans la vie d'Alex Portnoy, car les grands drames il est à la limite possible d'y faire face courageusement et de les surmonter. Une infinie succession de petites vexations ou contrariétés est parfois beaucoup plus insidieuse, et travaille comme une lame de fond.
Il y a bien quelques évènements symboliques éminemment phalliques, comme l'épisode du couteau que la mère pointe sur le jeune Alex pour l'obliger à manger, ou celui de la batte de baseball, où Alex perd définitivement toute illusion concernant la virilité de son père.
'Okay, Big Shot Ballplayer',he says, and grasps my new regulation bat somewhere near the middle - and to my astonishment, with his left hand where his right hand should be. I am suddenly overcome with such sadness: I want to tell him, 'Hey, your hands are wrong', but am unable to, for fear I might begin to cry - or he might! 'Come on, Big Shot, throw the ball', he calls, and so I do - and of course discover that on top of all the other things I am just beginning to suspect about my father, he isn't 'King Kong' Charlie Keller either.
Son père est incapable de tenir une batte, ce qui est tout bonnement inimaginable pour un américain de sexe mâle, et il aurait voulu le lui dire, mais depuis quand un fils apprend-il à son père à tenir une batte? Au lieu de ça, il n'aura de cesse de tenir son sexe dressé comme une batte, dans un besoin constant de se rassurer sur sa propre virilité (bon, du moins, c'est une interprétation comme une autre, hein ).
Les complexes sont toujours drôles. C'est méchant mais c'est comme ça. En passant par la fiction, Roth a su conserver la drôlerie de complexes qui ne lui sont probablement pas complètement étrangers.
Roth décrit si bien l'obsession qu'on se pose la question : soit il est lui-même un obsédé de première, ce qui en fait un auteur exceptionnellement sympathique, soit c'est pure fiction, ce qui en fait un auteur exceptionnellement doué.
Ah oui, et la dernière phrase du livre est tout simplement géniale. Même si je m'étais emmerdé pendant toute la lecture, la dernière phrase rachèterait presque le tout.
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