samedi 28 février 2009

"La femme qui se cognait dans les portes" - Roddy Doyle

Moi, Roddy Doyle, femme battue, par Ingannmic.


Paula Spencer n’est pas surprise lorsqu’un guard vient lui annoncer la mort de Charlo, son époux dont elle était séparée depuis un an, qui vient d’être abattu par la police à la suite d’un vol qui a mal tourné.
Ce décès provoque en elle le besoin de revenir sur leurs 17 années de vie commune, de tenter d’analyser avec lucidité le quotidien qu’elle vécut à ses côtés, ponctué de raclées, de dents cassées, de cheveux arrachés, d’humiliations…

Face à la situation des femmes battues, les questions que l’on se pose communément ne manquent pas : comment peuvent-elles rester avec ce monstre ? Pourquoi ne s’enfuient-elles pas ? Et surtout, surtout… comment peuvent-elles encore aimer cette ordure ? On sent presque poindre, derrière ces questions, un certain jugement, non ? (« Moi, à leur place, ça fait longtemps que j’aurais pris mes cliques et mes claques »)…
Oui, mais voilà : nous ne sommes pas à leur place, et tout semble tellement plus facile, vu depuis une vie conjugale « normale », quand on a un travail qui pourrait nous permettre, le cas échéant, de vivre seule, quand on n’est pas devenue alcoolique, vulnérable, méprisée…
Avec l’histoire de Paula –et grâce à l’immense talent de Roddy Doyle qui, rappelons-le tout de même, EST UN HOMME-, j’ai eu l’impression de mieux appréhender les raisons et le mécanisme qui peuvent amener une femme à subir ces violences sans se révolter. Notre héroïne n’a pas une image d’elle en tant que femme, ni même simplement en tant que personne, très valorisante. Echec scolaire, milieu social où les filles, dès l’âge de 13 ans, n’ont le choix qu’entre « être une salope ou un cul serré »… si bien que lorsque le beau Charlo Spencer, qui dans le quartier est une célébrité, jette son dévolu sur elle, elle a l’impression de bénéficier d’un statut particulier, source de respectabilité et de reconnaissance. Ensuite, tout s’enchaîne : le mariage, la première grossesse, la première fois qu’il porte la main sur elle… et les premières excuses qu’elle lui trouve, la main de plus en plus lourde sur les bouteilles, les autres grossesses, les boulots minables et mal payés.
On a l’impression que la suite n’est qu’un tourbillon, qui ne lui permet à aucun moment de prendre du recul. Certes, elle ne veut pas voir l’évidence, mais qui l’aide à ouvrir les yeux ? Lorsqu’elle se rend à l’hôpital, les médecins voient ses blessures mais évitent son regard. Son haleine d’alcoolique rend les choses tellement plus faciles : elle est tombée, elle s’est cognée…
Sans doute parce qu’elle a finalement réussi à chasser cet homme de sa vie, elle parvient petit à petit, avec le recul, à admettre ce qui nous paraît à nous si évident : elle n’est pas coupable, et rien ne peut justifier qu’un homme traite sa femme de cette façon.

Plus qu’un portrait, « La femme qui se cognait dans les portes » est une plongée dans l’enfer de la maltraitance conjugale, mais aussi de la misère sociale. Le lecteur « écoute » Paula (c’est elle la narratrice) sans se souvenir un instant que l’auteur est un homme.
Une lecture certes parfois difficile, mais un grand coup de cœur tout de même !

vendredi 27 février 2009

"Chinoises" - Xinran

Récits venant du cœur par Sandrounette

Xinran est une journaliste radio dans une Chine qui panse les plaies de la Révolution culturelle. Entre 1987 et 1995, elle a animé de 22h à minuit "Mots sur la brise nocturne", émission où elle invitait les femmes à donner leurs avis sur la société. Cela s'est vite transformé en débats et témoignages poignants que Xinran ne pouvait diffuser car la censure est malheureusement toujours d'actualité dans cette décennie. Grâce à sa compassion et à son ton toujours dans le juste, la journaliste acquiert une bonne réputation et recueille de nombreuses confessions de femmes bafouées par leur famille, le Parti, la vie...

Elle décide de consigner ces mémoires féminines dans ce livre afin que tous (et en particulier les occidentaux) puissent se rendre compte du peu de considération de la femme dans le régime de Mao et encore aujourd'hui.
Le directeur de programme de sa radio l'interpelle pour qu'elle couche sur le papier la vie de ces femmes:

" Xinran, vous devriez écrire tout cela. Ecrire permet de se décharger de ce qu'on porte et cela peut aider à créer un espace pour accueillir de nouvelles façons de penser et de sentir. Si vous n'écrivez pas ces histoires, leur trop-plein va vous briser le coeur."

Et quel bien lui en a pris! Un petit bijou est né dans la sueur du labeur de ces chinoises, dans les larmes que leur a infligé la révolution culturelle (quelle horreur!), dans leurs plaies qui ne se refermeront jamais. Ce n'est pas une lecture de tout repos: on entre dans l'intimité la plus pure de ces laissées pour compte et Xinran ne nous épargne rien: ni les viols, ni les tortures, ni les deuils... Et on en sort grandi.

Quand on lit l'histoire des mères ayant survécu au tremblement de terre ou bien l'histoire de cette femme séparée de force de son amour pendant 45 ans sans parvenir à tourner la page, l'histoire de toutes ces chinoises se font l'écho de notre propre histoire et on ne peut que ressentir un peu de honte de nos vies si "faciles" en comparaison. Grâce à une plume qui vient du coeur et qui ne tombe jamais dans la pitié, Xinran lève le voile sur toutes ces femmes qui gagnent à être connues.

"A l'époque, en Chine, écrire un livre tel que celui-ci m'aurait peut-être valu la prison. [...] En Angleterre, le livre est devenu possible. Comme si une plume avait poussé dans mon coeur."

jeudi 26 février 2009

"Le Mont-Brûlé" - Daphné du Maurier

Saga ordinaire, par Ingannmic.

Avec « Le Mont-Brûlé », nous suivons l’histoire d’une famille irlandaise, les Brodrick, sur cinq générations, de 1820 à 1920. Peu importe d’ailleurs que ces Brodrick soient irlandais, et peu importe aussi l’époque dans laquelle ils évoluent. En effet, hormis en toute fin du récit, Daphné Du Maurier ne semble guère attacher d’importance à l’environnement géographique, politique ou historique de ses protagonistes. C’est aux individus qu’elle s’intéresse, à leur caractère, leurs faiblesses, la façon dont ils conduisent leurs destinées ou au contraire se laissent dominer par les événements.

Au début du roman, John Brodrick (surnommé « Copper* John »), propriétaire d’un vaste domaine, concrétise son projet d’exploiter les mines de cuivre du Mont-Brûlé, initiative qui va permettre à lui-même ainsi qu’à ses descendants de vivre plus que confortablement. Veuf, il vit avec ses cinq enfants, et place beaucoup d’espoir en son fils Henry, qui fait preuve de rigueur et de sérieux dans tout ce qu’il entreprend, au contraire de son jeune frère John, rêveur et paresseux. La réussite de son entreprise n’est ternie que par la rivalité avec les Donovan, de misérables et vils braconniers qui auraient été dépossédés de leurs terres quelques années auparavant au profit d’un aïeul de Copper John. Les descendants de ce dernier n’hériteront pas tous de son sens des affaires et de son pragmatisme, certains connaîtront même des existences ou des fins tragiques, minés par l’alcoolisme, le manque de confiance en eux, ou simplement par la malchance.
J’avais lu « Le Mont-Brûlé » il y a quelques années, sans en avoir gardé de souvenir précis, et j’ai compris pourquoi. Ce roman se lit plutôt facilement malgré quelques longueurs, mais n’a pas suscité chez moi d’intérêt notable. Il donne l’impression que l’auteur a justement donné dans la facilité. Voulait-elle absolument inclure à son œuvre déjà prolifique une « saga » ? Tous les ingrédients sont en effet réunis : une profusion de personnages plus ou moins complexes, évoluant dans une immense propriété transmise de père en fils, chaque génération portant avec elle son lot de malheurs…

Bref, rien de bien original.


(*Cuivre, en anglais).

mercredi 25 février 2009

"Le vieil homme et la mer" - Ernest Hemingway

Et non je ne suis pas un espadon ! par Sandrounette

Voilà un autre roman que je n'aurais certainement pas lu sans une comparse... Je ne connais pas beaucoup la littérature américaine, comme vous le savez mais je suis en train de combler mes lacunes!

Le vieux, Santiago, est un pêcheur sans le sou vivant à Cuba. Il partage ses journées entre ses virées en mer et Manolin, jeune garçon qu'il avait pris sous sa coupe et qui s'occupe de lui.
Depuis 84 jours, Santiago n'a pris aucun poisson mais ne désespère pas! Quand il s'engage en mer à l'aube de ce 85ème jour, il sait que ce sera pour aujourd'hui.
S'en suit un combat épique entre le vieux et un espadon...

Quand j'ai commencé ce livre, j'ai pris un peu peur : va-t-on nous parler de pêche pendant cent pages ? Le style était aussi un peu suranné et puis j'ai mordu à l'hameçon. Cette histoire est surtout une affaire de courage entre un homme et son adversaire. L'admiration et l'humanité que ressent Santiago envers ce "seigneur des mers" forcent le respect. J'ai été très émue par le dénouement qui montre que finalement, l'injustice frappe même les hommes courageux.

Je continuerai certainement cette découverte de la littérature américaine avec cet ancien aristochat!

lundi 23 février 2009

"L’œuvre" – Emile Zola

Les artistes sans complaisance par Sandrine


"L’œuvre" est jusqu’ici un de mes Zola les plus difficiles. Certainement parce qu’il touche à un monde que je connais, dans lequel je vis depuis toujours, ma mère étant peintre. Du coup, ma lecture s’en trouve plus "sensibilisée". Je reconnais que ce monde est assez bien observé par l’auteur, ce monde d’artistes crevant de faim, d’espoir qu’un jour peut-être..., qui racolent pour vendre leurs œuvres , les faire exposer par des marchands véreux pour la plupart, les opportunistes tentant de plaire au public et ceux qui restent fidèle à leur touche malgré tout, les angoisses, l’envie, la jalousie, le désespoir...

Zola se décrit très clairement dans ce livre dans le personnage de Sandoz, les premières années de galère puis son recul dans la vie bourgeoise, observant ses contemporains avec peu de complaisance.
Il a vu et relate cette folie qui prend, qui saccage tout ou presque sur son passage mais il a vu aussi les moments de joie, les échauffements entre amis, les extrêmes si vite atteints.

Ce livre fit grand bruit lors de sa sortie, tout le monde voulait découvrir qui se cachait derrière les personnages, Van Gogh reconnut Manet, d’autres Cézanne (Zola et Cézanne se fâchèrent à vie, il y eu les pros Zola, les pros Cézanne) derrière Claude Lantier, personnage principal, désirant que sa peinture soit reconnue malgré son originalité, né trop tôt très certainement, tentant de renverser le Salon et désespérant de ne pouvoir mettre son ressenti sur toile. Doué pour les ébauches mais ne sachant pas s’arrêter, gâchant sa toile à force de retouches, Lantier est un passionné, la peinture est sa raison de vivre, son seul amour, sa pire ennemie. Cela ne peut finir bien évidemment...

dimanche 22 février 2009

"Mary Anne" - Daphné Du Maurier

Tenue de soirée, par Thom


L’histoire littéraire retient parfois les choses de travers. C’est aussi pour ça qu’on l’aime, mais lorsqu’on la prend en flagrant délit d’approximation ça fait quand même toujours bizarre.

« Mary Anne » est censé être la grande œuvre de Daphné Du Maurier, le grand livre qui claque et qui jette, avec le fond et la forme. Une grande fresque historique bouleversante inspirée de la vie de sa trisaïeule, célèbre courtisane de la fin dix-huitième qui grimpa à vitesse grand V un ascenseur social déjà bien en panne à son époque. En fait de fresque historique il y a surtout pas mal de clichés, d’approximations et l’impression désagréable que les seules choses qu’ait lues l’auteur sur ce siècle aient été des fiches bristols rédigées à la va-vite pour son bac. Cependant ce n’est pas sa faute : Daphné Du Maurier n’a a priori jamais prétendu écrire un grand livre sur le dix-huitième et elle n’est pas responsable des âneries retenues par d’autres.

Elle est en revanche clairement responsable de la médiocrité de son roman. Médiocrité crevant les yeux dès le chapitre deux, lorsque Mary Anne est surprise par sa mère avec son amant forcément illégitime dans une chambre forcément sombre. Cris, larmes, et que je te donne du On s'aime on va se marier alors que le lecteur sait bien que non, Joseph il s’en tape (sans mauvais jeu de mots) de la fille, ça se voit à des kilomètres. Combien de fois ai-je lu ce passage dans ma vie ? Trop pour éprouver autre chose que de l’ennui quand je tombe dessus. Et le fait que « Mary Anne » date de 1954 n’est pas une excuse, en 1954 ç’avait déjà été écrit cent fois au moins.

La suite s’inscrit dans la même lignée, entre clichés et lieux communs, figures imposées plus souvent qu’emblématiques et dialogues de sourds avec un lecteur (moi, le cas échéant) qui en a vu d’autres (et des mieux !) dans le genre. Ce n’est jamais totalement nul, car Du Maurieur reste une auteure de grand classe, mais dans l’ensemble ça ne vole pas bien haut et on est très loin de ses meilleurs livres. D’aucuns argueront sans doute que Mary Anne est une figure de la révolte féminine (ce que l’éditeur n’a pas manqué de noter en exergue du bouquin) et que de fait c'est vachement trop bien d'avoir écrit ça en 54. Ouais, mais non : d'abord faudrait voir à pas confondre Du Maurier avec la Grande Simone ou la Grande Françoise. Ensuite Mary Anne c’est surtout un genre de Rastignac au féminin, toute aussi antipathique mais franchement moins fascinante. Dire que j’ai été ému qu’elle reprenne l’ascenseur social à toute blinde en sens inverse une fois arrivée au dernier étage serait mentir : j’ai surtout été soulagé. Oui, l’auteure a réussi à tenir son pari et à écrire un livre clichesque et prévisible du début à la fin. Qui contient certes quelques jolis moments, mais cela relève heureusement plus de l’erreur de parcours que d’une volonté farouche d’écrire des pages de qualité.

Présenté autrement par les éditeurs, les critiques ou l’histoire littéraire (et plus généralement par tous ces gens qu’on n’arrive pas toujours à désigner qui font qu’on a entendu parler d’un livre durant des années avant de mettre la main dessus), j’aurais peut-être consenti à l’indulgence. Mais vendu comme un grand livre sérieux d’une grande auteure populaire désolé, je ne marche pas dans la combine. A l’exception de « The King’s General », je crois donc pouvoir affirmer maintenant que je préfère cent fois les livres pas sérieux et pas du tout encensés de Daphné Du Maurier plutôt que ce genre de tambouille en costumes aux accents d’escroquerie.
...

samedi 21 février 2009

"Ceux qui vont mourir te saluent" - Fred Vargas


Ça, c'est fait
par Sandrounette


Henri Valhubert, expert d'art parisien, se rend à Rome après avoir découvert un dessin de Michel-Ange qui devrait se trouver dans les archives du Vatican. Et là, c'est le drame! Il se fait empoisonné par de la ciguë sur la place Farnese alors qu'il avait rendez-vous avec son fils, étudiant à l'école française de Rome.
On fait alors la connaissance de Claude, fils en question et de ses amis qui se font appeler Néron et Tibère (rien que ça!).

Alors quand l'inspecteur Ruggieri est appelé pour mener l'enquête sur place, il se heurte à ce triumvirat plein de secrets et de malice, à Laura, la belle et mystérieuse femme de la victime et à Monseigneur Vitelli, le responsable des archives de la Vaticane.

Il s'agit de mon premier Vargas et je l'ai trouvé trop rapide : l'intrigue est bien ficelée en soi et j'ai tout de suite accroché à ces personnages, ce décor romain que j'aime tant. J'ai cependant l'impression d'avoir été flouée! Non parce que le coupable n'est pas celui que l'on croit (et heureusement!) mais parce que je n'ai pas été assez impregnée de l'ambiance romaine que j'attendais.
Le titre et la quatrième de couverture m'avaient attirée, le roman s'est rapidement écoulé entre mes mains sans avoir eu le temps de me régaler.

vendredi 20 février 2009

"Le fils du vent" - Henning Mankell

Déracinement, par Ingannmic.


Dans les années 1870, Hans Bengler, jeune entomologiste suédois, part dans le désert de Kalahari (Afrique australe). Son but est d'atteindre la renommée en découvrant un insecte qui n'aurait pas encore été répertorié.
Après plus d'un an passé en Afrique, il rentre en Suède, ramenant avec lui un scarabée encore inconnu, et un garçon d'à peine 10 ans, dont la famille a été décimée lors d'un massacre perpétré par des blancs. Il a décidé de l'adopter et de le prénommer Daniel.
Hans Bengler tente alors de gagner sa vie en participant à des conférences au cours desquelles il présente son insecte, et surtout le garçon, dont la peau noire et les cheveux crépus font sensation... mais la gloire n'est pas au rendez-vous, et le père adoptif de Daniel doit repartir en voyage, après avoir confié celui-ci à un couple de fermiers. Malgré la gentillesse de ces derniers, l'enfant n'a qu'une idée en tête : rentrer chez lui...

Henning Mankell a fait de Daniel un personnage vraiment émouvant. A travers son histoire, on est témoin de l'obscurantisme qui règne à cette époque (à laquelle de grands scientifiques pensent encore que les noirs sont issus d'une race inférieure, destinée à disparaître...), et qui peut sembler étonnant, dans la mesure où l'action se déroule à l'aube du XXème siècle!
L'enfant est d'une naïveté pleine de bon sens face aux carcans que lui impose la société occidentale (en matière d'habillement, de rites religieux...) et on assiste au choc de 2 cultures dont le mode de vie, la spiritualité, sont radicalement différents.
On ne peut s'empêcher de se dire que la plus "évoluée" n'est peut-être pas celle que l'on croit…

Je ne connaissais pas du tout cet auteur, et j'ai trouvé ce récit à la fois très intéressant et très prenant. Je tenterai la prochaine fois l'un de ses romans policiers…

jeudi 19 février 2009

"Azazel" - Boris Akounine


Aventures d'un jeune limier russe naïf et chanceux...enfin presque, par Mbu.


Je ne lis pas souvent de romans russes. Mais chaque fois que j’en lis un, il commence par une journée splendide dans un parc. Ce parc se situe à Moscou (c’est d'ailleurs peut-être le même) et un événement absurde s’y produit. Et, si ce n’est pas Satan, c’est Azazel, le diable semble avoir ses pénates à Moscou. Mais cette fois, pas de jus d’abricot.
Dans un parc de Moscou, donc, par une belle journée, une très belle jeune fille prend le soleil en compagnie de sa duègne, lorsqu’un jeune homme bien mis, mais au regard étrange, lui fait une déclaration d’amour grotesque avant de réclamer un baiser. La jeune fille refuse et le jeune homme se fait sauter la cervelle. Tout cela pourrait paraître un quelconque suicide d’un jeune homme ivre, fantasque ou simplement très mal élevé, si ce n’est que plusieurs témoins dans la ville ont eu droit au même genre de scène étrange, la cervelle sur le pavé en moins. Cela suffit au très jeune Eraste Fandorine (20 ans), qui s’ennuyant à copier des rapports, rêve de vraies enquêtes et se lance sur la piste de cette mystérieuse mode du suicide. Cela mène très rapidement le jeune homme auprès de deux femmes superbes : l’innocente jeune fille du parc et la venimeuse « Cléopâtre », reine à la longue traîne d’amoureux. Très rapidement, le jeune limier certes naïf mais plein d’intuitions, se lance sur les traces d’une terrible organisation internationale : « Azazel ».
Ce récit raconte les débuts de Fandorine, que je découvre pour la première fois. Celui-ci a certes de l’intuition et une certaine perspicacité, mais il a surtout de la chance. Peu à peu, il se déniaise au fil des nombreuses aventures qui l’entraînent à travers l’Europe à la rencontre de multiples personnages et de déceptions plus multiples encore. Tête brûlée, intuitif, emporté par les sentiments, le héros passe de l’enfance à l’âge adulte qu’il quitte définitivement au dernier chapitre (et tel en est d’ailleurs le titre). S’il est parfois aveugle à ce qui est évident, obstiné dans ses bons sentiments, on le voit évoluer et forcément, il est clair que dans les prochains romans, c’est un tout autre Fandorine que nous suivrons.
J’ai beaucoup aimé ce roman plein d’aventures, avec ce jeune homme charmant et cocasse que je suivrai volontiers dans de nouvelles aventures.

mercredi 18 février 2009

"La vie d'une autre" - Frédérique Deghelt

A la recherche du temps perdu..., par Ingannmic.


L'idée de départ de " La vie d'une autre" me plaisait bien : à l'issue d'une soirée arrosée au cours de laquelle elle flirte avec un séduisant jeune homme, Marie, la narratrice, se réveille douze ans plus tard mariée à Pablo (le jeune homme en question), et mère de trois enfants. Le hic, c'est que ces douze années écoulées sont pour elle un véritable trou noir dont elle ne garde aucun souvenir. Elle décide de cacher son amnésie à sa famille, de mener l'enquête pour tenter de comprendre celle qu'elle est devenue, et surtout de découvrir le pourquoi de cette perte de mémoire.
A partir de là, ma lecture a été un peu gâchée : Marie découvre, par le témoignage de ses proches, qu'elle et Pablo forment un couple idyllique ; ils sont riches, ils sont beaux, leur bonheur irradie à tel point qu'il profite à leur entourage, leurs enfants sont merveilleux, chaque jour est une fête... Bref, une perfection lisse, peu crédible et agaçante, à laquelle il est difficile de s'identifier !
Et pourtant, petit à petit, je me suis laissée séduire par le charme de l'écriture de Frédérique Deghelt, et par celui de son héroïne. Elle a su prêter à cette dernière une profondeur très touchante. Spectatrice de sa propre vie, Marie, qui dans son esprit est toujours une célibataire de 25 ans, s'interroge sur la façon dont elle a pu devenir cette mère et épouse "parfaite", à l'aise dans l'organisation d'un quotidien où l'on ne peut plus ne penser qu'à soi, et comment elle en est venue à choisir Pablo comme père de ses enfants. Puis, au fur et à mesure de son "enquête", elle réalise que ce beau tableau comportait des zones d'ombre, et c'est là que le récit devient particulièrement intéressant car avec son regard de "jeune fille", Marie aborde avec recul et lucidité la sempiternelle problématique de la vie de couple : comment maintenir l'équilibre entre liberté individuelle, respect de l'autre et pérennité de la relation à deux ? Comment toujours aimer l'autre pour ce qu'il est, et non pour les manques qu'il comble en nous ?
Une histoire donc finalement banale. Ce qui l'est moins, c'est la façon dont elle est abordée par l'auteure, qui permet ce regard neuf et honnête sur la relation des protagonistes, et la personnalité de la narratrice, extraordinaire dans son refus total de tout compromis, et sa volonté farouche de préserver la pureté de l'amour qu'elle éprouve pour son époux.
J'ai également trouvé dans ce roman de très beaux passages sur le sentiment amoureux, et j'en garderai le souvenir d'une lecture agréable, mais sans plus, pour la raison évoquée plus haut.

mardi 17 février 2009

« La cité des livres qui rêvent » - Walter Moers

Un livre qui croule sous les livres...et l'imagination, par Mbu.



Hildegunst Taillemythes, jeune dragon de son état et écrivain, comme tout habitant de la Tour des Dragons (ça se trouve en Zamonie, pour ceux qui l’ignorent encore), nous raconte comment il est entré en possession du Livre Sanglant et comment il a atteint l’Orm (ça, c’est comme le Sehnsucht allemand, ça ne se décrit pas).

Saurien encore fort jeune (il n’a que 70 ans), Hildegunst hérite d’un manuscrit extraordinaire à la mort de son parrain en écriture. Si extraordinaire, qu’il se met immédiatement en route pour en retrouver l’auteur. Pour cela, il se rend à Bouquinbourg, la Cité des Livres qui Rêvent, dont il visitera brièvement la surface, en bon touriste naïf et curieux, avant d’être rapidement berné (l’occasion va plusieurs fois se présenter où il regrettera la trop grande confiance qu’il accorde aux habitants de la très douteuse cité). Piégé par un livre dangereux, abandonné dans le dédale immense des catacombes de Bouquinbourg, où errent toutes sortes de créatures - des terribles chasseurs de livres précieux (sorte de mercenaires barbares) aux livres vivants, en passant par les terrifiants Rongelivres, les fourbes livres dangereux, le roi des Ombres, craint de tous et des créatures sans nom et dont on ne s’empressera pas de faire connaissance - Hildegunst recherche la sortie (à noter que si celle-ci se trouve vers le haut, notre jeune ami, lui, s’enfonce inexorablement). Maladroit, plutôt lâche, il bénéficie bien sûr de beaucoup de chance – et de quelques soutiens inattendus. Bref, il se déniaise à ses propres dépends et s’initie à tous les secrets… des livres.

Dès les premières pages, le dragon narrateur au si joli nom fait le tri des lecteurs. Il nous met en garde contre les dangers de la lecture de son récit, et ne garde avec lui que les lecteurs assez courageux et résistants (ou inconscients) pour continuer jusqu’au bout. Alléchée, je l’ai témérairement suivi et ne le regrette pas.

Ce livre sur les livres pullule de bouquins dont les illustrations sont un régal. Tout amoureux des livres rêverait de se plonger dans cet univers qui sent le vieux grimoire et s’orne d’écritures, de poésie et d’humour. Imaginez une ville qui ne tourne qu’autour du livre, et dont les catacombes regorge de ces chef-d’œuvres, imaginez des livres vivants, nocifs ou attachants, des livres pièges et des romans si bien écrits qu’ils agissent sur le lecteur comme une drogue !

On l’emprunte à la bibliothèque pour enfants, mais ce n’est pas, et de loin, un livre pour les enfants (il se trouve d’ailleurs sur l’étagère des « grands » enfants). Et c’est un régal, que d’être un grand enfant. L’adulte lui trouvera, dans les noms d’auteurs cités, les anagrammes de bien des auteurs connus (si on ne les devine pas, la clé se trouve sur wiki) .

Quelques lenteurs parfois, néanmoins, Hildegunst (car Walter Moers n’a fait que traduire son œuvre zamonienne) nous donne pas mal d’explications sur certaines des étrangetés que l’on rencontre. Mais franchement, ce n’est pas une si grosse faiblesse. C’est vraiment avec l’impression de quitter de très bons amis auxquels je m’étais attachée, que j’ai quitté l’univers des catacombes de Bouquinville.

lundi 16 février 2009

"Glamorama" - Bret Easton Ellis

Does the bee follow the buzz, or the buzz follow the bee? par Zaph

Pourquoi est-ce que je n'avais jamais lu un livre de BEE jusqu'à aujourd'hui ? A couse de tout le buzz fait autour de BEE ?
Pas exactement. En fait, malgré les louanges que j'ai pu lire ici ou là, aucune critique ne me donnait vraiment envie de le lire.
D'ailleurs, quand j'ai commencé Glamorama, j'ai failli me dire que j'avais eu raison d'hésiter. D'abord, tous les tics dont parlent les autres chroniqueurs sont bien présents, comme par exemple l'insistance obsessionnelle sur les marques des vêtements et objets, ou encore les listes assommantes de "célébrités". Ça m'énervait d'autant plus que je ne connais pas le quart des marques ou des célébrités en question. Mais bon, malgré mon irritation j'ai persévéré ; puisque le livre se passe dans le milieu de la mode, je me suis dit que c'était un truc pour mettre en avant l'aspect superficiel de ces gens. C'était quand-même pas gagné, parce que moi, en plus, le milieu des petits minets superficiels qui ne pensent qu'aux fringues et à être vus avec une "star" pour acquérir un peu de notoriété bidon, ça me gonfle passablement.

Et pourtant, bien que Victor, le personnage principal, soit le type même de ce genre de personne, BEE (c'est bien pratique, quand-même, cette abréviation) à réussi à m'intéresser à lui. C'est à dire qu'avec uniquement du superficiel, il réussit à créer de la profondeur. Mathématiquement, il réussit à courber un plan pour en faire un volume. A partir de deux dimensions, il en crée une troisième.
Dire comme je l'ai lu que le but de l'auteur est de faire une critique de notre société d'image et de consommation me paraît bien réducteur et même complètement à côté de la question. Bien sûr, le livre est fondamentalement ancré ou même noyé dans un microcosme typique de notre époque ; toutefois il ne s'agit pas de critique, mais plutôt d'une exploration esthétique, et de voir comment ces thèmes peuvent être le moteur d'une histoire.

Dans le monde de Glamorama, donc, il y a confusion totale entre fiction et réalité. Les protagonistes sont mannequins ou acteurs, et vivent leur vie comme s'ils tournaient un film, cherchant constamment l'œil de la caméra ou l'approbation du réalisateur.
Ils construisent leur vie comme une succession de scènes d'un script qu'ils ne maîtrisent pas et ne comprennent pas.
Tout n'est qu'apparence dénuée de substance et l'illusion est la seule réalité, la seule vérité.

Dans ce monde, une scène de torture insoutenable ou une bombe qui explose, arrachant les membres de victimes innocentes, cela fait peur, mais le même genre de peur que l'on peut ressentir en visionnant un film d'horreur.

Il y a aussi des gimmicks amusants, par exemple, Victor, le personnage principal se plaint constamment du froid, au point que les sols des appartements sont couverts de givre, comme si cette image littérale faisait écho au caractère tellement froid et indifférent des personnages. Le livre est aussi parsemé de confettis, comme si tout n'était que spectacle, carnaval endiablé où chacun porte un masque et où il est impossible de (re)connaître les autres et même soi-même.
Tous les personnages du roman habitent un univers parallèle, ne vivent qu'entre gens du même monde. Pourtant, ironiquement, ce petit monde des privilégiés de la mode ne vit que grâce au regard de la multitude qu'il ne croise jamais.

Quant au dénouement, c'est bien simple, on n'y croit pas. On préfère s'accrocher à cette ambiance onirique, virant plus souvent qu'à son tour au cauchemardesque.

Est ce que je vais lire un autre livre de BEE ? Pas sûr. En fait, malgré les critiques positives que j'ai pu lire, y compris la mienne, aucune ne me donne vraiment envie de lire cet auteur.

dimanche 15 février 2009

« Les Rougon-Macquart » - Emile Zola


Destins et génétique par Sandrine


Zola va écrire son œuvre, 20 livres où il étudie les effets de la génétique, le pire de deux familles, les Rougon et les Macquart, qui ont une "ancêtre" commune, folle.
La folie, l'alcoolisme, la faiblesse vont poursuivre chacun de ses descendants. Sous différentes formes bien sûr, avec des luttes presque toujours...heureusement. Voici les résumés des 9 premiers volumes.

La fortune des Rougon :

Là où tout commence.
Avec ce premier "volume", on assiste à l'élévation bourgeoise des Rougon et à la déchéance des Macquart. Les 2 familles se haïssent, mais ne peuvent pas empêcher certains de s'aimer, de faire des enfants et de perpétuer les gènes...

La Curée :

Second volume des Rougon- Macquart.

Aristide Rougon, dit Saccard, va faire rapidement fortune à Paris, avec l'aide de son frère Eugène que l'on retrouvera dans un volume ultérieur.
Si il s'enrichit à une vitesse incroyable il dépense tout encore plus vite, et se retrouve vite à escroquer sa propre femme.

Les personnages sont durs, sans pitié, sans cœur. On éprouve aucune empathie pour Saccard, j'avais même envie qu'il se plante assez violemment et le plus vite possible...

Le Ventre de Paris :

3ème volume des Rougon - Macquart.

Le Ventre de Paris c'est Les Halles. Des commerces, de la nourriture, des odeurs, de la pourriture. Zola montre un talent particulier de descriptions, j'ai presque eu une indigestion en lisant ce livre...
On retrouve Lisa Macquart, charcutière, sœur de Gervaise (personnage important car très marquant d'un volume ultérieur).Ainsi que Claude Lantier (Les Lantier forment, semblerait-il la 3ème famille de ce cycle).
Florent s'évade du bagne et arrive à Paris, c'est le demi-frère de Quenu, mari de Lisa. Il va animer une société secrète et se faire dénoncer assez rapidement, ses critiques et son intrusion dans ce monde gras et florissant étant assez mal vu...

La conquête de Plassans :

4ème volume des Rougon- Macquart

L'action se passe à Plassans, ville mère des Rougon - Macquart. La ville, acquise à Napoléon III grâce aux intrigues de la famille Rougon, est passée aux légitimistes. Un prêtre bonapartiste, l'abbé Faujas, y a été envoyé pour la reconquérir. À son arrivée, il est logé chez François Mouret, fils d'Ursule Macquart, un commerçant retraité âgé de quarante-cinq ans dont le seul défaut est d'être assez maniaque, ce que supportent difficilement sa femme Marthe et ses enfants.
Mouret est descendant Macquart, Marthe fille de Rougon.
Quand arrive le prêtre, Marthe perd la tête, et plonge dans une folie religieuse hystérique. Elle va sacrifier sa maison, ses enfants, sa raison pour cet homme manipulateur qui reflète bien ce que Zola pensait à cette époque de l'église et de ces représentants...


La faute de l'abbé Mouret :

5ème volume des Rougon- Macquart

Second roman de la série s'attaquant au catholicisme, ici en condamnant l'obligation du célibat chez les prêtres. Serge Mouret est le fils de Marthe, héroïne du roman précédent. Le célibat va le conduire à adorer la vierge Marie, de façon intense, accompagné d'extases et de mortifications qui finissent par le rendre gravement malade. À deux doigts de mourir, il est confié par son oncle, le docteur Pascal, à un athée nommé Jeanbernat et à sa nièce Albine, qui vivent dans une propriété à l'abandon appelée le Paradou.
Albine et Serge vont se découvrir dans ce Paradou, vivant tel Adam et Eve, bientôt chassés par un prêtre qui rappellera à Serge ses devoirs.

Son excellence Eugène Rougon :

6ème volume des Rougon- Macquart

Nous suivons la carrière politique d'Eugène Rougon. Un homme dévoré par l'appétit de pouvoir, qui va gravir les échelons, chuter à cause d'une femme et pourtant remonter, ayant retourné sa veste au moment propice.
Ce n'est pas le volume le + agréable à lire, la politique n'étant pas toujours passionnante et assez peu compréhensible pour moi (pas française, connaissance de base de Napoléon III).
Mais ce roman pourrait se transposer à notre époque sans problème et nous montre les rouages (qui n'ont certainement pas changés) de la politique

L'Assommoir :

7ème volume des Rougon - Macquart

Gervaise Macquart a suivi Auguste Lantier à Paris, avec leurs 2 enfants. Lantier la quitte après une scène mémorable.
Elle s'en sortira dans un premier temps puis sombrera dans la l'alcoolisme et la misère.

"Un matin, comme ça sentait mauvais dans le corridor, on se rappela qu’on ne l’avait pas vue (Gervaise) depuis deux jours ; et on la découvrit déjà verte, dans sa niche."

En lisant ce livre, une question me taraudait : Zola est-il capable d'empathie? Il semble ne pas aimer ses personnages, il les regarde d'en haut, chronique leurs malheurs mais ne semble pas vouloir être trop proches d'eux...
C'est un grand livre mais dur à lire, il m'a marqué parce que moi, j'ai eu de la sympathie pour Gervaise, et que j'aurais voulu plonger dans l'histoire pour la secouer et l'aider. Comme quoi, Zola a réussi son pari : emmener le lecteur dans les bas-fonds de Paris afin de lui ouvrir les yeux. Il voulait que cela change, il plébiscitait plus d'éducation et la fermeture de ces bars (l'Assommoir étant l'un d'eux) qui tuaient à petits feux la population.
Le roman est froid mais ne sombre pas dans le misérabilisme. C'est une juste et cruelle vérité.


Une page d'amour :

8ème volume des Rougon – Macquart

Hélène, fille d'Ursule Macquart et du chapelier Mouret épouse Grandjean, ils ont une fille fragile, physiquement et nerveusement. Grandjean meurt et Hélène vit sa vie de Mère, tranquillement. Sa fille Jeanne est assez exclusive et refuse que sa mère puisse avoir tout contact qui l'éloignerait d'elle.
Il y a donc 2 passions dans ce livre, celle de Jeanne pour sa mère, exclusive et malsaine (et encouragée inconsciemment par Hélène) et celle d'Hélène pour Deberle, un médecin qui soignera sa fille et qui habite la maison à côté. Pas vraiment d'amour ni dans l'une ni dans l'autre plutôt de la possessivité pour la première et du besoin sexuelle pour la seconde.

Entre 2 roman "durs" (L'Assommoir et Nana), Zola a écrit "Une page d'amour» dans l'idée de faire "souffler" ses lecteurs. Certains le verront effectivement comme un petit livre, intéressant mais pas aussi important que les autres livres des Rougon -Macquart. Pourtant ce livre est troublant, il explore la passion, son pourquoi, son comment, son apogée...Mais le sexe semblant être pour Zola l'ultime péché, la fin ne sera pas rose...

Nana :

9ème roman de la série Rougon-Macquart.

Nana est la fille de Gervaise, principale protagoniste de L'Assommoir. Pour se sortir de sa misère, elle décide de vendre sa peau, son corps. Actrice nulle mais superbe elle va vite monter les échelons, brisant le cœur des ses amants et les ruinant impitoyablement.

Ce roman a beaucoup choqué lors de sa parution, parlant sans vraiment de retenue de la prostitution, celle de luxe et son opposée, que Nana se trouve de temps en temps obligée de "pratiquer" pour éponger ses dettes. Il choque encore à notre époque peut-être pour d'autres raisons (cet aveuglement des hommes face à une Nana qui les méprise en fait ; l'abondance des repas, des toilettes, des dépenses; l'amour qui ne semble pas exister...)
Un peu longuet à mon goût mais superbe quand même, la dernière page fait oublier les longueurs!!!

samedi 14 février 2009

"Le bouc émissaire" - Daphné du Maurier

Mi figue, mi raisin, par Ingannmic.



Professeur d’histoire proche de la quarantaine, John rentre à Londres après un séjour en France, pays dont il affectionne particulièrement la culture et la langue, qu’il parle couramment. Personnage falot, insignifiant, sans véritable ami ni famille, il souffre de la platitude et de la médiocrité de son existence. Lors d’une halte au Mans, il fait la connaissance d’un homme qui est son parfait sosie. Au lendemain d’une soirée fortement arrosée en compagnie de ce double qui le met mal à l’aise, John est réveillé par un individu qui se prétend son chauffeur et qui lui donne du « Monsieur le Comte »…Le comte en question a disparu, et avec lui toute trace de l’identité du professeur, dont il a emporté papiers, vêtements et véhicule. Bien que sa première impulsion soit de dissiper le malentendu, John se laisse rapidement prendre à ce rôle, qu’il va jouer auprès de la famille de Jean de Gué –le comte- qui n’y voit que du feu.

Bien que je reconnaisse à ce « Bouc émissaire » de grandes qualités, mon impression à l’issue de cette lecture est plutôt mitigée. Pourtant, c’est avec habileté que Daphné Du Maurier exploite cette idée d’interversion des rôles, qui m’a au départ un peu refroidie, parce que c’est un subterfuge que je trouve complètement invraisemblable, et qui a été largement utilisé depuis, et ce de façon plus ou moins heureuse. Je dois effectivement avouer que malgré mon a priori, cette invraisemblance ne m’a pas gênée, ici. En effet, cet échange m’a semblé n’être qu’un prétexte dont l’auteur se sert afin de se livrer à une fine analyse des rapports que peuvent entretenir les individus avec les autres et avec eux-mêmes, et des interactions qui influencent les relations humaines au sein d’un groupe. Interactions d’autant plus complexes et subtiles que les personnages dont il est question sont amers et malheureux, liés par de malsains secrets, minés par d’inavouables jalousies. Et c’est avec talent que l’auteur met en lumière l’ambiguïté présente en chaque individu, la frontière souvent fragile qui sépare le bien du mal, la séduction qui peut émaner de ceux qui apparaissent comme malfaisants, et qui suscitent malgré tout l’amour de certains de leurs proches.
Le cadre même du récit se prête à merveille à cette atmosphère lourde et sinistre : un château isolé au fond de la campagne, des tourelles enveloppées de brume, des chambres aux sombres rideaux souvent fermés…
Je crois finalement que ce qui a gâché mon plaisir, c’est que ce roman m’a semblé « vieillot » ! Ce château, justement, vétuste et délabré, ces personnages un peu démodés dans leur langage etcertaines de leurs façons d’être (notamment ce rapport à la religion qui s’apparente à de la superstition)…m’ont finalement empêché d’entrer vraiment dans leur histoire, ou d’éprouver la moindre empathie.

vendredi 13 février 2009

"Une éducation libertine" - Jean-Baptiste Del Amo

Gaspard de Paris... par Sandrounette


Gaspard est un jeune breton débarquant dans la capitale en quête d'aventure et de considération, ce qu'il n'avait pas chez ses paysans de parents.
Le roman commence par une longue (trop?) description de Paris à cette époque. Ça aurait vraiment pu être intéressant mais j'ai l'impression que l'auteur a voulu trop bien faire. Oui le lecteur a compris que Paris était une ville puante à cette époque, que la sueur côtoyaient les excréments et la pourriture. Il l'avait compris au bout de trois pages alors pourquoi insister lourdement pendant 50 pages?

Ensuite, le livre m'attirait par son titre et sa quatrième de couverture qui promettaient un parcours initiatique, une ascension dans les milieux non-autorisés du XVIII° siècle et là aussi : quelle déception! Mais je sais pourquoi... Quelque chose me titillait au fur et à mesure que j'avançais dans ma lecture et je n'ai pu m'empêcher de penser au "Parfum" de Patrick Sünskind que j'avais adoré! Mais un sous-Sünskind. Là où l'auteur allemand avait su recréer une ambiance certes nauséabonde mais crédible et délicate, Del Amo n'arrive qu'à lasser son lecteur.

Parlons maintenant du "parcours initiatique" promis : Gaspard commence par trouver un emploi des bas-fonds: plonger dans la Seine. Mais le plus invraisemblable est qu'il arrive ensuite à devenir garçon perruquier, emploi bourgeois au service de l'Aristocratie qui nécessitait des recommandations. Bon admettons...
Mais voilà que notre garçon porcher de Quimper réfléchit beaucoup et sait lire... comme par magie. Trop c'est trop!
La relation qu'il entretiendra avec son mentor n'est pas digne du titre de libertinage tant elle est traitée superficiellement.

Peut-être suis-je trop exigeante. J'en attendais beaucoup de ce jeune auteur et je suis déçue. Espérons que ses prochains romans seront plus intéressants que celui-ci...

jeudi 12 février 2009

"Une balle près du coeur" - Madeleine Chapsal


Un remake d' "Aimez-vous Brahms" ?
par Anne.


Il y a quelques semaines, j'étais très pressée. J'avais cinq minutes pour choisir des livres à la bibliothèque. J'en ai pris quatre à la va-vite sur l'étagère où l'on étale les nouvelles acquisitions.


Un, deux, trois et... ah, voilà un Sagan, très bien. Quand je les ai fait enregistrer, j'ai vu que ce n'était pas un livre de Sagan mais sur Sagan. Je ne lis jamais de biographies mais n'ayant pas le temps de le changer pour un autre livre je l'ai mis dans mon sac. Deux semaines plus tard je l'ai feuilleté puis j'ai commencé à lire "Sagan à toute allure" de Marie-Dominique Lelièvre pour le finir d'un trait. C'est une biographie très intéressante et ça se lit comme un roman. Depuis, chaque fois que je vais à la bibliothèque j'emprunte un livre de Sagan. La dernière fois, c'était "Aimez-vous Brahms".


Parmi les autres trois livres que j'ai pris il y avait un livre de Madeleine Chapsal : "Une balle près du coeur". J'ai d'abord lu "Aimez-vous Brahms" et tout de suite après le livre de Chapsal et... j'avais l'impression de lire deux fois le même livre. L'histoire, le choix des mots, les phrases, tout respire le livre de Sagan. Pourtant ils ne sont pas du tout identiques. C'est plutôt comme "Le portrait de Dorian Gray" de Oscar Wilde et "Dorian, an imitation" de Will Self. Dans le livre de Sagan et celui de Chapsal il s'agit d'une femme qui aime un homme pas très fidèle mais qui ne peut pas vivre sans elle. Toutes les deux en souffrent, mais ne veulent pas le quitter. Mais si pendant la lecture du livre de Sagan le lecteur se demande pourquoi la femme n'oublie pas cet homme qui la trompe, dans le livre de Chapsal c'est la jeune femme, Emmanuelle, qui se pose la question après que son ami Maxime lui a dit ces deux petits mots "je pars" qui sont entrés dans son corps comme une balle. Une balle près du coeur. Pourquoi ça fait tellement mal? Qu'est-ce au fond que l'amour? Pendant toute l'histoire elle s'auto-analyse et elle le fait d'une façon très profonde et convaincante. Deux fois la même histoire, mais deux livres tout à fait différents, seulement pour moi il n'y aucune doute que Madeleine Chapsal s'est laissée inspirer par "Aimez-vous Brahms". Le résultat est un remake très intéressant et il m'a donné envie de découvrir ses autres livres.

mercredi 11 février 2009

"Le bar sous la mer" - Stefano Benni

Un petit décaméron moderne ? par Mbu.



Un homme se promenant au bord de la mer aperçoit soudain un vieil homme sur son trente et un, qui se jette à l’eau. Dans une tentative pour l’en empêcher, le promeneur plonge aussi et se retrouve nez à nez avec l’entrée d’un bar, dans lequel l’introduit le vieil homme. A l’intérieur : plusieurs personnages fort différents, du rude marin à la vieille dame en passant par la punk, la petite fille, le chien et sa puce, racontent chacun une histoire.

Les personnages sur la couverture du livre, tous des figures célèbres, s’animent et prennent la parole. Afin de les reconnaître, une petite carte numérotée des personnages nous aide à voir qui parle. Et chacun raconte une histoire qui correspond quelque peu à sa personnalité. Les histoires sont donc très variées, le ton change et toutes contiennent originalité et surprise. On passe d’histoires d’un village fou (ou de fous) à des contes philosophiques, d’amour ou d’aventures. Point commun entre ces histoires ? On y respire l’Italie. Un livre très sympa, sans être un coup de cœur.

mardi 10 février 2009

"Zoli" - Colum McCann

Voyage chez les roms, par Ingannmic.


Tchécoslovaquie, années 30. Sa famille ayant été massacrée par un bataillon fasciste, Marienka Novotna, enfant rom âgée de 6 ans, est élevée par son grand-père Stanislaus, fervent admirateur de Marx et Lénine qui la surnomme Zoli. Grâce à lui, la fillette apprend à lire, et se découvre une passion pour l'écriture.
Après la 2nde guerre mondiale et l'installation au pouvoir des communistes, le poète bolchévique Martin Stransky la prend sous son aile dans le but d'en faire une icône du parti en exploitant ses talents de poétesse et de chanteuse. Il lui fait rencontrer Stephen Swann, traducteur anglais d'origine slovaque, qui va tomber follement amoureux de la jeune femme.

Par ses imperfections, ses doutes permanents vis-à-vis des autres et d'elle-même, cette Zoli est vraiment touchante. Pour ceux qui l'utilisent, elle est le symbole de la réhabilitation et de l'accès à l'instruction de la communauté rom, après des années de persécutions, mais à aucun moment les deux mondes ne parviennent à se comprendre réellement.
Quant à notre héroïne, bien que profondément attachée à ses racines et imprégnée des traditions tziganes, elle donne l'impression de conserver une grande indépendance d'esprit, et surtout cette force immense qui lui permet, en dépit des revers de l'existence, de survivre et d'avancer, entre la cruauté des uns et la bonté des autres. Malgré quelques longueurs et le fait que la personnalité des autres protagonistes soit occultée au profit de celle de Zoli, cela restera pour moi le souvenir d'une lecture agréable, et une incursion intéressante dans un univers méconnu.

lundi 9 février 2009

"Longues peines" - Jean Teulé

Jean Teulé, je t'aime !!! par Livrovore



Vous l'aurez compris, je suis littéralement tombée sous le charme de l'écriture de Teulé. Chaque fois ses livres me touchent, pourtant à chaque fois il arrive à s'atteler à des styles de récit très différents. Avec "Longues peines", cette fois, il nous parle de la cellule 108 du quartier des hommes d'une maison d'arrêt, de la cellule 209 du quartier des femmes de cette même prison, et puis des gardiens, du directeur et de sa femme... de tout ce petit monde qui est forcé de vivre ensemble dans un endroit clos et pas très accueillant. C'est une sorte de roman-témoignage, où il met en scène tous ces personnages sous forme d'histoire. Mais encore une fois Jean Teulé s'est plus que documenté : ce récit est tiré de faits authentiques.
C'est certainement ce qui fait que le livre est encore plus touchant, de se dire que tout ceci est vrai. C'est ce qui fait qu'en le lisant j'avais la chair de poule et une boule au ventre.
Il a construit son roman de manière à ce que chaque fois que l'on commence à s'attacher à l'un des personnages en suivant ses agissements au quotidien, quelques paragraphes plus loin on se prend une grande claque en découvrant les raisons de son incarcération.
On découvre aussi les conditions de vie des détenus, qui ne sont clairement pas les meilleures pour soigner une maladie mentale ou mener à une réinsertion dans la société. On se dit que forcément, en ayant vécu cela, on risque de ressortir en étant pire qu'avant. Et il n'y a pas que les détenus qui doivent supporter ces conditions et l'enfermement, les matons vivent également un enfer, même si eux, ils rentrent chez eux le soir. Mais quand ils sont seuls chez eux le soir avec tout cela en tête, sont-ils réellement "libres", "libérés" de tout ça ?
"D'ailleurs, parfois les détenus nous le disent : "ce qui me fait marrer, surveillant, c'est que vous aussi vous allez passer votre jeunesse en prison."
C'est un livre qui émeut, qui révolte, qui fait peur... et avec une écriture qui nous engouffre directement au coeur de la prison, nous aussi, lecteurs-témoins...
"Tu sais... la justice des prisons... Y a à en laisser et à en laisser..."

dimanche 8 février 2009

"Le Général du Roi" - Daphné Du Maurier

L'œuvre de toute une vie, par Thom


Années 1650 : Honor, jeune aristocrate provinciale, rencontre Richard, le général du roi du titre. Elle est entière, impertinente, parfois très dure – mais très très tendre à l’intérieur. Il est drôle, acerbe, facétieux, brillant – et très dur à l’intérieur. Tous les ingrédients sont réunis pour que l’histoire soit une catastrophe, ce qui bien entendu ne va pas manquer…

« The King’s General » est généralement considéré comme étant « à part » du reste de l’œuvre de son auteure…on peut difficilement le nier : les points communs entre ce roman et les autres sont ténus et tiennent principalement dans l’écriture d’une Daphné Du Maurier qui ne peut qu’épater par son éclectisme et, surtout, son aisance dans tous les domaines. On ne sera d’ailleurs pas spécialement étonné d’apprendre qu’il s’agit là du résultat de presque une décennie de travail, LE grand roman que l’auteure de « Rebecca » a toujours souhaité d’écrire. Et il est de fait indéniable qu’on y retrouve un richesse étonnante, une immense complexité, tant dans l’étude de mœurs que dans la diversité des thématiques abordées : passion, violence, fidélité, infirmité de Honor, orgueil (et préjugés)…peu d’histoire, malgré l’aspect extérieur d’un roman historique, mais ce n’est pas vraiment le propos…d’autant moins, en fait, que le postulat de base (à savoir le caractère même de l’héroïne) n’est pas crédible une seconde : il faudrait être timbré ou fort mal renseigné pour croire une seule seconde qu’il ait pu exister des femmes aussi libres et indépendantes (à tout point de vue) que celle-ci dans l’Angleterre du dix-septième siècle – époque à laquelle les seules femmes à peu près libres de leur pensée ou de leurs mouvements étaient les veuves (et encore à conditions qu’elles n’aient pas un père ou un oncle pour les ramener à leur condition de pot de fleur). Pourtant, cet élément, qui aurait dû être la grande faiblesse du récit, en est au contraire la force : à travers ce portrait d’une femme vivant quatre cent ans plus tôt (rien que ça), Daphné Du Maurier renvoie un écho violent aux préoccupations des femmes de son époque à elle – ce qui demeure l’essence même du roman historique. De fait, la réussite est presque totale si l’on accepte d’oublier que l’intrigue est un peu lente à l’allumage (je vous assure qu’on accepte sans rechigner !). D’autant que l’auteure parvient à écrire :

…une histoire se passant au dix-septième sans jamais tomber dans le cliché (tentation de la plupart des gros malins qui s’attèlent)…

…une histoire de passion sans jamais tomber dans le larmoyant (tentation de la plupart des gros malins qui s’y attèlent).

…une histoire dont l’héroïne est infirme sans jamais tomber dans le pathos grotesque (tentation de…enfin vous avez compris, je pense).

...

samedi 7 février 2009

« From Hell » - Alan Moore et Eddie Campbell

Atmosphère, atmosphère... par Sandrine




Cette bande dessinée atypique est en fait, sous le couvert de l'histoire de l'Eventreur, une magnifique fresque du Londres de 1888.
L'auteur et le dessinateur se sont énormément documentés et nous livrent une BD qui reste gravée dans la mémoire.
On y trouve une des hypothèses sur celui que fut Jack l'Eventreur. Et on y trouve une ambiance, une atmosphère incroyable qui prend à la gorge. On se retrouve à Whitechappel, en enfer.

J'ai vraiment adoré!!!
J'ai eu l'impression de lire un livre plutôt qu'une BD tellement elle est dense!!
Le dessin très sombre et sans fioritures peut rebuter mais se prête parfaitement à l'ambiance "malsaine" de cette époque.
De plus, à la fin de l'histoire, il y a des notes des auteurs, avec leurs sources et leurs inspirations. Très intéressant! Et également, un petit topo dessiné des différentes théories de l'affaire "Jack l'Eventreur".

Ce n’est pas un coup de cœur malgré tout à cause d'un chapitre qui ne m'a plu que moyennement : beaucoup de blabla, je l'ai lu en diagonale. Mais à lire pour l’évocation de ce Londres et de cette affaire qui passionne encore…

Edition Delcourt
576 pages

vendredi 6 février 2009

"La théorie des cordes" - José Carlos Somoza

Triste et décevant, par Mbu.


J’attendais beaucoup de ce livre. Beaucoup trop. Il y a longtemps, j’avais vu un reportage (en allemand, ce qui n’aide pas dans ce cas) sur la théorie des cordes. Autant dire que j’étais restée aussi perplexe que fascinée (j’avais pas compris grand chose). Mais quel potentiel pour l’imagination ! Du coup, la théorie des cordes, de Somoza, devenait extrêmement prometteur. Et c’est l’eau à la bouche que j’admirais son inquiétante couverture, une ange sombre replié sur lui-même, avant de pénétrer dans le mystère de ce roman.

Un groupe de scientifiques isolés sur une île exploitent la théorie des cordes afin d’ouvrir des cordes de temps et d’explorer le passé. Mais le jeu est dangereux et une terrible menace pèse sur tous ceux qui se sont trouvés sur l’île : des scientifiques aux soldats qui gardaient les laboratoires, une mort plus que terrifiante, atroce même les attendent. Et les rattrape malgré leurs efforts pour oublier « l’expérience ».

On suit, dans ce périple, une héroïne, belle et intelligente, extrêmement sexy et terrifiée. Son passé la rattrape alors qu’elle donne un cours de physique et, dès le départ, on est plongé dans l’action et curieux de comprendre. Mais… on se retrouve avec la narration de l’aventure depuis le début, c’est à dire depuis un certain stage qu’a suivi la belle. Histoires non pas de collégiens mais de jeunes universitaires, avec leurs jalousies, leur libido… face à la très belle scientifique « encore adolescente » qui nous fait même part de ses problèmes relationnels avec sa maman… Bref, le rythme est cassé, l’histoire banalisée. Puis on s’en va sur l’île, centre de l’intérêt. Mais le ton ne change pas. Un jeune scientifique pervers (voire sadique), de belles scientifiques (une russe s’ajoute à l’Esmeralda) en bikini, la promiscuité… bref, une grande déception. Là-dessus s’ajoute le mystère : et je dois avouer que l’histoire se transforme à ce point en véritable roman d’épouvante. Surtout si on le lit le soir dans son lit. Le moins que je puisse lui accorder, c’est qu0en jouant avec les peurs les plus fondamentales (en tout cas les miennes), il glace le sang, cryogénise la moelle des os.

Bref, un livre efficace là où je ne l’attendais pas, mais si peu original. L’auteur a choisi de mettre ses fantasmes malsains en scène. Tant mieux pour lui, moi, je m’en passe.

jeudi 5 février 2009

"Falaises" - Olivier Adam

Ingannmic troublée...


Depuis le balcon d'une chambre d'hôtel, face aux falaises d'Etretat, d'où sa mère s'est jetée 20 ans plus tôt, le narrateur se souvient...
Le temps d'une nuit, il remonte le fil de son existence sur les traces d'une enfance et d'une jeunesse marquées par la mort et la violence.
"Troublant" est le terme qui me vient spontanément pour évoquer ce que j'ai ressenti à la lecture de "Falaises", et ce pour différentes raisons.
Tout d'abord pour le malaise qui s'est emparé de moi en découvrant l'histoire de ces garçons et filles auxquels le malheur semble s'accrocher, qui sont plombés dès leurs débuts dans l'existence par une mauvaise donne à laquelle ils ne peuvent plus échapper. En réaction, ils s'étourdissent, de sexe, d'alcool, de musique, ou vont jusqu'à l'autodestruction (par le suicide, l'anorexie). Le narrateur, qui perd ainsi sa mère, des amis, qui subit les coups et les humiliations paternels, goûte lui aussi à tous les excès et on comprend aisément ce besoin de s'étourdir... seul l'amour (réciproque) qu'il porte à son frère lui permet de survivre.

Ce qui m'a troublée également, c'est que bien que mon enfance ne ressemble pas vraiment à celle du héros, j'ai souvent éprouvé un sentiment de familiarité, attaché au contexte du récit. Olivier Adam a le même âge que moi, et les repères musicaux, télévisuels, et surtout les paysages urbains qu'il évoque sont aussi ceux que j'ai connus : ces lotissements pavillonaires entourés de hautes tours, ces villes sans centre, ces rues peuplées de gamins désoeuvrés qui traînent dehors jusqu'à la nuit...ont contribué -en suscitant des échos de ma propre jeunesse- à renforcer la véracité de cette histoire.

En effet, et ce sera le dernier point, j'ai cru deviné (à tort ou à raison, je ne sais pas) que l'auteur nous livrait un récit de sa propre expérience, et si c'est le cas, il réussit à le faire sans complaisance ni apitoiement sur lui-même. Il donne davantage l'impression de vouloir revenir sur son passé pour tenter de s'en exorciser, de s'en guérir afin de pouvoir aller de l'avant, et fait preuve de beaucoup de lucidité. C'est pour cela qu'en dépit de la tristesse dont est empreint "Falaises", il réussit tout de même à s'en dégager une grande poussée d'espoir. Le plus difficile restant sans doute de pouvoir s'avouer qu'aimer les autres ne suffit pas à faire leur bonheur, ni à leur donner l'envie de rester près de nous.

mercredi 4 février 2009

"La compagnie des Célestins" - Stefano Benni



Un conte trempé dans le vitriol, par Mbu

Dans un pays imaginaire ressemblant beaucoup à l’Italie, dirigé par un dictateur ayant de très grands traits communs avec Mussolini (en autre le nom), et vivant sous la menace d’une prophétie implacable, trois orphelins, Memorino le philosophe, Lucifer l’implacable et Ali qui rêve d’une famille, s’échappent de leur orphelinat des pères zopilotes, misérable d’austérité, pour refonder une équipe de foot de rue - sport clandestin réservé aux orphelins se jouant sur les terrains sauvages de l’urbanisme et oû tous les coups sont permis. En effet, la Galdonie va accueillir le championnat du monde, sous l’égide du Grand Bâtard, protecteur des orphelins.

En chemin, ils rencontrent l’étrange Céleste, adolescente adepte de corde à sauter aux ressources étonnantes, dont celle de faire une excellente joueuse de foot de rue. Mais deux journalistes à la moralité douteuse mais au bras long se lancent à la poursuite des fuyards, derrière lesquels se dandinent un moine zopilote aux pulsions sexuelles incontrôlables et un moine bastonide (de bastonner) peu porté sur les restrictions. S’ajoute aux poursuivants l’égoarde Mussolardi lui-même, ainsi qu’un maître de guerre à l’insondable cynisme.

Pendant ce temps s’introduisent en Galdonie, entre deux versets du Grand Bâtard, par des moyens aussi originaux que subtils, les équipes internationales de foot de rue.

Si le roman commence comme un conte moderne dans lequel le lecteur va retrouver de nombreuses références (politique, fast-food, histoire et le reste du monde qui n’est pas imaginaire), il ne se prive pas de plonger dans la violence et l’horreur, sans pudeur, lorsque l’essence militaire pure et dure prend le mors aux dents. Et si le foot de rue et un prétexte pour mettre en scène cette parodie superbe de cynisme et de futilité, il est ici magique, original et hautement symbolique.

Je suis à peu près tout le contraire d’une fan de foot (j’émigre sur une île déserte à chaque mondial) et je ne pensais pas lire un jour un bouquin dont le héro serait le foot. Mais là est l’astuce, ce n’est pas un livre sur le foot. Plutôt sur les valeurs que ce foot-là représente, la solidarité, l’égalité et surtout, l’intégrité.

Petite ombre au tableau, le stéréotypage des nations représentées m’a un peu déplu. Un très bon bouquin cependant.

mardi 3 février 2009

"Les Palmiers sauvages" (aka "Si je t'aimais, Jérusalem") - William Faulkner

Simplement complexe, par Thom


Au coeur de la Grande Crue, deux destins se croisent: celui du forçat et celui de Wilbourne. Le forçat, libre, ne ressent que de la nostalgie pour le pénitencier. Il se sent littéralement prisonnier de cette liberté nouvelle à laquelle on ne l'a guère habitué. Wilbourne, lui, vient d'être condamné à cinquante ans de détention suite au décès de sa mère.

Comme toujours avec Faulkner, les différentes histoires se succèdent: celle du forçat, celle de Wilbourne, et celle des parents de Wilbourne, Charlotte et Harry, qui sacrifièrent tout pour vivre leur passion, quitte à être poussés à la fuite. A ceci près que cette fois, la double narration reste scindée du début à la fin, les personnages se croisent une fois au début du roman pour ne plus jamais se revoir. Plus déroutant encore : après avoir joué avec la chronologie dans ses oeuvres précédentes, Faulkner écrit cette fois-ci non pas par flashback mais par anticipation...!

La tête vous tourne un peu durant quelques pages, ce livre nécessite un réel temps d'adaptation. Paradoxalement, au niveau de l'écriture pure, c'est assurément son livre le plus facile d'accès, le plus lisible. De même, ses thèmes sont autrement plus simples à saisir que par le passé (ils sont en fait bêtement bipolaires: liberté / privation de liberté ; amour / négation de l'amour)...

Bref, sous la plume d'un autre, tout cela ne serait qu'une tambouille assez indigeste. Sous la plume de Faulkner, c'est un chef-d'oeuvre (méconnu qui plus est). Un roman fascinant, presque envoûtant... son texte le plus dépouillé, et le plus touchant aussi.

lundi 2 février 2009

"Le libraire" - Régis de Sa Moreira

Un libraire décevant, par Ingannmic.

Sa librairie est située dans une ville où elles sont légion, mais la sienne n'est pas comme les autres : elle reste ouverte 24h/24 et 7 jours/7, est interdite aux couples (mais les fumeurs y sont les bienvenus), les clients qui y entrent ont des demandes souvent particulières, recherchant des ouvrages "où tout se passe dans un bois", "ne contenant aucun appareil électroménager", "citant plusieurs fois le mot mansuétude", et j'en passe. Lui-même -notre "libraire", donc- a plus d'une excentricité à son actif ! Il boit des tisanes dont le goût lui évoque la visite de son dernier client, parle à ses livres et les nourrit (de lectures, bien entendu), et entrepose à l'étage des piles de recueils dont il a arraché une page, envoyée à l'un de ses nombreux frères et soeurs, éparpillés aux quatre coins du monde, et auxquels en revanche il n'écrit jamais de lettres.

Je m'attendais, je crois, à ce qu'il s'agisse d'un roman exceptionnel. Des avis que j'avais pu lire à son sujet, il ressortait qu'il y était question de poésie, de rêve, d'absurde...Certes, j'ai bien eu l'impression moi aussi que la volonté de Régis de Sa Moreira était de faire dans le poétique, et je n'irai pas jusqu'à dire qu'il n'y parvient pas, mais je ne me suis pas personnellement sentie emportée ni émue par le style très métaphorique de l'auteur, même s'il m'a parfois fait sourire. Ce qui est agréable durant les 30 premières pages finit par devenir lassant, voire creux, et donne le sentiment de tourner en rond. Je me suis demandée à certains moments si l'auteur ne s'était pas juste essayé à un exercice de style, et à d'autres si le ton absurde qui se dégage de son récit était volontaire, où la conséquence d'une histoire qui se voulait énigmatique, mais qui au final n'a tout simplement ni queue ni tête. Je me suis enfin interrogée sur l'utilité du prologue et de l'épilogue qui, à l'instar du reste du roman, sont incompréhensibles sans avoir le charme du mystère.

Comme bien souvent lorsque l'on attend trop d'une oeuvre, j'ai été déçue à la hauteur de mes espérances !

...

dimanche 1 février 2009

Daphné du Maurier (Aristochat Février 2009-Mars 2009)

Le mystère Du Maurier, par Ingannmic.

Il était une fois…

Une petite fille prénommée Daphné, issue d’une famille d’artistes célèbres : un papa –Sir Gerald Du Maurier- acteur, un grand-père –Georges- illustrateur, et auteur de Peter Ibbetson*. Devenue une jeune femme, élevée dans une grande liberté, et disposant de tout l’argent dont elle voulait, elle voyagea en Europe avec ses amis, participa à des croisières, et écrivit son premier roman (« La chaîne d’amour », 1931) dont le succès fut immédiat. L’année suivante elle épousa le major Frederick Browning, un bel officier avec lequel elle allait couler des jours heureux jusqu’à sa mort (de l’officier, pas de Daphné, qui survivra, elle, jusqu’en 1989) dans leur prestigieuse demeure de Manabilly, en Cornouailles.
Sa carrière d’écrivain ne fut pas en reste : dès 30 ans, elle était célèbre dans le monde entier, prodigieusement riche, et sans nul doute l’une des romancières les plus lues du monde britannique.
Un merveilleux conte de fées, en somme…

Et d’ailleurs, à une époque où la littérature anglaise traite de l’engagement politique et du totalitarisme, des formes de sociétés et des religions, les romans de Daphné Du Maurier parlent amour, aventure, nostalgie, suspense, sont parfois même « de cape et d’épée», avec leur lot de pirates, d’amours contrariées et de belles dames en péril… mais il serait injuste et un peu rapide de la reléguer dans la catégorie des auteurs populaires à grands effets.
En effet, son oeuvre révèle aussi son incontestable sens du mystère, et un talent certain pour créer des atmosphères parfois gothiques, nous transporter dans des lieux oppressants.
De même, à la lumière de l’histoire de sa vie, qui apparaît comme quasi-idyllique, on peut s’interroger sur les origines de cette inspiration qu’elle puise dans les rêves, les terreurs et les forces obscures de l’inconscient humain, qui sont la source de nombre de ses récits, dans lesquels il est question de meurtre et de passion, de nature sinistre et grandiose, du Mal, incarné souvent par un séduisant personnage… troublante également est la fascination pour son père, qui traverse toute son œuvre de façon ambiguë, à la fois captivante et dangereuse, voire mêlée au thème de l’inceste.
Alors… ? Si, comme certains le pensent, il est certain que Daphné Du Maurier ait intensément vécu les histoires qu’elle racontait, on peut supposer qu’il y a dans sa biographie de mystérieuses zones d’ombre. A moins tout simplement qu’elle n’ait bénéficié d’une imagination débridée…

Tout cela nous amène à une sacrément bonne nouvelle, non ? Eh oui, grâce à ce nouvel aristochat, vous pourrez remonter sur la trace des pirates et des contrebandiers, suivre le sillage d’inquiétants fantômes, plonger dans les affres de l’amour, trembler de peur devant des volatiles… et ce sous des formes diverses et variées puisque vous aurez le choix entre :
-des romans (« L’auberge de la Jamaïque », « Rebecca », « Le Mont-brulé », « Ma cousine Rachel », « Le vol du faucon »…)
-des recueils de nouvelles (« Les oiseaux », « Le pommier », « Le point de rupture »…)
-du théâtre (« September tide »)
-des biographies (« Golden Lags »…)
et même des « guides régionaux » (« Enchanted Cornwall »).
Et la liste n’est pas exhaustive !!
Bonne lecture…



*Peter Ibbetson : célèbre roman à caractère autobiographique paru en 1891.)