mercredi 31 décembre 2008

"La huitième couleur" - Terry Pratchett


Le début d'une grande histoire d'amour
par Sandrounette

Il était une fois le Disque-Monde, un monde complètement loufoque porté par quatre éléphant eux-même juchés sur une tortue, la grande A'Tuin. Le Disque-Monde est un disque donc, dont on peut basculer si on se retrouve au Bord.

La Huitième couleur est le premier tome des annales du Disque-Monde où nous faisons la connaissance du pseudo mage Rincevent qui n'a jamais réussi à prononcer un seul sort depuis qu'une des formules magiques interdites fit irruption dans son cerveau. Il se met à accompagner DeuxFleurs, citoyen agatéen venu faire du tourisme à Ankh-Morpork, la ville où regorge le plus de bandits sur tout le Disque-Monde. Nos deux accolytes, accompagné de l'excellent bagage de DeuxFleurs vont vivre des aventures qui vont plonger le lecteur dans différentes parties de cet univers : visite d'un temple de magie noire, du pays des dragons, du Royaume de Krull au Bord pour finir dans l'espace...

C'est grâce à deux amis que je suis allée acheter le premier tome de cette saga et je les remercie au plus haut point! Je me suis régalée du début à la fin. Terry Pratchett a un extraordinaire pouvoir: celui de captiver son lecteur et de le faire mourir de rire! 34 tomes (en VF) sont parus actuellement. Voilà d'excellents moments de lecture en perspective!!!

mardi 30 décembre 2008

Terry Pratchett


Terry Pratchett et la modernité
, par
Ananke

J’ai trouvé hier un mot qui va peut-être me permettre d’articuler autour de lui deux trois choses que je voulais vous dire sur Terry Pratchett. Oui, enfin, bon… Sur sa saga « Les Annales du Disque-monde » (Faire bien attention aux deux n sinon, on risque de l’avoir dans le cul.) Ce qui me plait dans son écriture, c’est sa modernité.

Le mot peut surprendre. En premier lieu parce qu’il sert souvent à exhumer des auteurs morts et enterrés. On nous retape leur momie vite fait en les trouvant « d’une surprenante modernité ». Surprenant d’actualité serait plus juste. Je ne crois pas que notre époque se caractérise en tous points et tous lieux par sa modernité. C’est d’ailleurs le deuxième item de cette remarque préalable à laquelle on ne pourra pas reprocher de ne pas vous prendre la main, et la tête, et les ailes alouette, mais il est tôt et on ne voudrait pas vous perdre entre la salle de bain et le café. La modernité de Terry Pratchett parait aller d’elle même s’agissant d’un auteur né à peine dix ans avant moi et d’une saga dont le premier opus sort en 1983. Ben oui, mais non. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on lit beaucoup d’auteurs – parfois même des bons – qui paraissent soucieux de montrer que leur livre aurait pu être écrit au siècle dernier, voire celui d’avant. Je vous cause même pas de cette mode consistant à placer les intrigues dans quelque faux pli d’une Histoire mal repassée dont on sait qu’elle n’ose et abonde.

Modernité enfin peut surprendre puisque les Annales du disque-monde grouillent de trolls, mages, sorcières, qu’on associe plus volontiers à un passé reculé qu’à la contemporanéité, pour user d’un mot tellement encombrant que j’ai du m’y prendre à trois fois pour réussir à le garer en créneau dans cette phrase.

Oui, mais « Hé hé hé ! » si je puis me permettre ! Cet anachronisme n’est pas l’aspect le moins moderne de l'œuvre de T. Pratchett. D’ailleurs il n’est que de jeter un coup d’œil sur vos fausses poutres de chêne en polystyrène, sur votre lino de vieilles dalles de fermes et vos couverts d’inox décor « vieux Paris » pour s’en convaincre. Du toc ? Non, un jeu sur les apparences, une gestion de l’image, bien dans l’air du temps donc.

Mais s’il n’y avait que ça ! Pour essayer de vous montrer ce que j’entends de la modernité de Pratchett, peut-être serait-il plus simple de revenir sur le moment même où, lisant « Le faucheur », ce mot s’est imposé. Je vais donc m’attarder un peu sur ces quelques lignes-déclic, mais après vous les avoir situées.

On est dans le livre « Le faucheur » écrit en 91, copyrighté en 1998 pour la traduction française, paru chez Pocket sous le numéro 5785 et puisque nous sommes dans les chiffres, précisons qu’il s’agit là du onzième livre des Annales du Disque-monde qui en comprend plus de trente. On est même au début de la page 164 de ce livre qui en comprend 314, mais c’est écrit gros.

Le roman met en scène la Mort, dans son incarnation (si je puis dire) la plus traditionnelle : un squelette et sa faux. Dans ce livre, la Mort laisse tomber son job – ce qui entraînera des conséquences écologiques tout à fait réjouissantes – pour aller prendre un boulot de commis de ferme sous le nom de Pierre Porte. La scène se situe peut après que la Mort ait sauvé une petite fille d’un incendie, ce qui la place dans une situation un peu inextricable, mais dont elle espère sortir en reprenant un peu du service, en faisant un sort à coup de faux au remplaçant qui pourrait venir chercher la fillette. Mais il lui faut pour cela disposer d’une faux particulièrement bien aiguisée et la Mort vient de passer les pages précédentes en préparatifs pour affûter son instrument, cherchant jusque là en vain quelque chose d’assez fin pour en parfaire le fil. Elle trouve. Cette matière assez délicatement abrasive, c’est la lumière de l’aube. Dans l’extrait, elle procède à des essais sur une matière assez fine elle aussi pour éprouver le parfait tranchant de sa faux : L’exclamation poussée par Melle Trottemenu (fermière, son employeuse) en le voyant procéder et le chant du coq.

Deux mots sur le coq, qui viendront à l’appui de l’idée qu’un des sujets de l’auteur – et c’est bien en ça qu’il est moderne – c’est le langage lui-même. Ce coq s’appelle Cyril. Il souffre de trouble de mémoire se manifestant par l’incapacité de se souvenir de son texte. Pierre Porte tente de l’aider en lui écrivant « cocorico ! » sur un papier punaisé dans le poulailler, mais on s’apercevra hélas, chaque matin, y compris dans l’extrait, que ce coq souffre également de dyslexie.

Heu… Ne croyez pas que j’invente quoi que ce soit, tout est dans le texte. Mais passons à l’extrait. « Elle » désigne Melle T. « Il » la Mort alias Pierre Porte.


Je crois que je pourrais creuser cet extrait à l’infini sans jamais en épuiser les richesses – c’est en général un bon indice de la densité d’un texte - mais on va se contenter de la couche du dessus. Donc, ayant affûté sa faux à la lumière de l’aube, la Mort en éprouve le tranchant sur les phrases et les mots présents dans l’air à ce moment là. C’est ce que veut rendre l’effet typographique. Il y réussit tout à fait bien. Mais ce faisant, à quoi assiste-t-on, mine de rien ? À l’irruption d’une troisième dimension dans le texte qui n’en n’a habituellement que deux. Une peu grandiloquent comme formule ? J’explique. Habituellement, le texte suit sa ligne d’écriture. Il part de là, il progresse là bas à droite et quand il butte sur la marge, hop, il revient à la ligne. Autrement dit, il respecte ces propriétés de toute bonne vieille droite dont tu te souviendrais si tu avais passé ton CM2 à autre chose qu’échanger des images Panini. Tu te souviendrais alors aussi qu’il faut trois axes pour définir un plan. Pas encore assez clair ? Ok : le texte, habituellement, c’est un train. Là, pas. Ou alors c’est ici un train dont les wagons seraient empilés les un SUR les autres. Ça résiste encore ? Il te faut un indice supplémentaire pour comprendre qu’on est passé du texte classique à autre chose ? J’ai. Essaye de lire l’extrait à voix haute. Vu ? On remarquera aussi qu’en raison de ce même « saut quantique », je n’ai pas pu citer cet extrait en le tapant, il m’a fallu le scanner. Quittant la ligne pour le plan, le texte quitte le clavier pour l’image. Alors si ça c’est pas moderne, qu’est-ce qu’il te faut ? Le lecteur attentif aura remarqué, dans le même ordre d’idées, que la Mort s’exprime en CAPITALES. Ce lecteur attentif se construira son explication lui-même, j’ai déjà donné.

Qu’est ce qu’on a en dessous ? Mmmm ! Encore mieux. L’idée que la mort coupe le langage serait déjà très intéressante. Nous sommes des êtres mortels et des êtres de langage, parfois même des êtres de langage mortel comme Bernard Werber et la mort nous fait passer de l’interminable blabla à l’éternel silence. Intéressant, mais pas très nouveau. Mais là, là ! s’enflamma-t-il au point qu’il dû aller se passer les mains sous l’eau, là, le langage n’est pas interrompu, il est segmenté. Ici, la mort ne nous réduit pas au silence, elle dissocie nos syllabes, comme si le processus de décomposition qui réduit notre matière organique en éléments primaires, en unités plus simples, affectait aussi notre langage. On n’est décidément pas très loin de la philo, mais je vais m’arrêter là, parce que je suis encore en pyjama.

Mais je vous rassure, on peut fort heureusement lire Terry Pratchett sans arsenal conceptuel particulier, ni tenue de soirée particulière, les zygomatiques suffisent. C’est d’une inventivité débridé, loufoque et les premières strates de cette excellente littérature sont toutes d’hilarité jubilatoire. Tu vois les Monty Python ? Pareil. A l’exception des deux premiers volumes de la saga, qui introduisent le cycle, tous les autres volumes peuvent se lire indépendamment. Le mot de fin pour le magnifique travail de traduction assuré par Patrick Couton, qui doit bien s’éclater, mais pas que. Si vous le croisez, serrez-le sur votre sœur de ma part. Quoi ? Ah merde ! Serrez le sur votre cœur de ma part.


N.B. Complètement oublié de mentionner un détail poétique et loufoque : apparaissent tout au long du récit des boules de verre qu'on retourne pour qu'il neige sur le bâtiment miniature quelles contiennent. On apprendra que ce sont des oeufs de ville et qu'après éclosion, le premier stade de leur développement est un chariot métallique à roulette. Autrement dit : un Caddie.

lundi 29 décembre 2008

"Des Inconnues" - Patrick Modiano


C'est quoi son nom, déjà ?
par Zaph


Voilà un genre d'écriture qui me plait énormément : en dire beaucoup tout en ayant l'air de ne pas dire grand chose, et en même temps, laisser le lecteur dans le flou sur ce qui a été dit exactement. Vous trouvez ça tordu ? Vous avez raison, moi aussi, mais c'est le genre de roman qui m'ouvre des portes.

Il s'agit ici de la vie d'une jeune femme que Modiano raconte à la première personne, avec des phrases simples et limpides, en exposant juste des faits sans pathos excessif, d'une manière qui semble presque détachée.
Inutile de résumer l'action du livre, ce n'est pas vraiment l'important. Il n'y a d'ailleurs pas grand chose à dire de cette vie passablement morne.
Et pourtant, ce personnage pratiquement transparent, presque insignifiant, Modiano réussit à lui donner une épaisseur et une présence étourdissantes, et on se demande comment.
Il y a là je trouve une certaine magie de l'écriture.

La vie de l'héroïne (dont je me rends compte au moment de rédiger ce commentaire que son nom ne nous a jamais été révélé) est d'une vacuité terrible. Elle erre à travers villes et époques en tournant en rond, en cherchant quelque chose de vague (le grand amour ? ) sans vraiment y croire. D'ailleurs, peut-être que cette recherche n'est que prétexte pour masquer une fuite, une stratégie d'évitement.

Je me suis demandé ce que pouvait bien vouloir dire le titre "Des inconnues". Et je me suis aperçu que ce récit divisé en trois parties, que j'ai naturellement pris pour trois tranches de la vie de l'héroïne, pouvait fort bien être constitué de trois nouvelles indépendantes parlant de femmes différentes, mais pourtant étrangement semblables.
Par ailleurs, l'héroïne ne se connaît pas elle-même. Elle est en quête de soi et de sa vie, mais les deux choses semblent lui être inaccessibles, bien qu'elle n'y attache finalement pas tellement d'importance.

Un livre qui laisse une impression étrange et un goût de trop peu, parce qu'il n'y a pas de résolution, et qu'on n'est pas plus avancé à la fin qu'au début, et pourtant si ...

dimanche 28 décembre 2008

"Histoires grotesques et sérieuses" - Edgar Allan Poe


De l'art de la description...courte par Sandrine

Je commence à cerner ce qui me plaît et déplaît chez Poe. Il a ce talent pour plonger le lecteur dans une dimension étrange et fantastique. Je m’en suis rendu compte au fil de ma lecture, j’avais envie de prendre le livre et de voir ou sa nouvelle histoire allait m’emmener…
Mais il y a les descriptions, longues, trop longues, semblant sans fin pour le lecteur.

Cela peut passer quand l’histoire tient la route comme dans «Le joueur d’échec de Maelzel » où Poe nous livre ces constatations, c’est long, descriptif mais intéressant !

Dans ce volume, il y a trois nouvelles qui ne sont que descriptions ! Le lecteur s’y engage confiant, puis se dit que quelque chose va se passer après cet interminable discours. Il attend plein d’espoir une chute…puis si, comme moi, il craque, il s’apercevra en tournant les pages que chute ou histoire il n’y a point ! « Le domaine d’Arnheim », « Le cottage Landor » et « La philosophie de l’ameublement » sont des pures descriptions, mais tellement longues et tatillonnes qu’aucunes de ces descriptions ne s’impriment dans mon imagination (pourtant fertile).

Poe, dans quelques nouvelles, se moque d’auteurs soporifiques …Et c’est cela qui me déplait le plus, cette estime qu’il semble avoir de lui-même. Son talent est indéniable bien sûr mais il lui arrive d’être soporifique lui aussi ! Cela lui passe au-dessus de la tête !

Dans « La genèse d’un poème », il y a ce poème « Le Corbeau », magnifique et le déroulement de sa création par l’auteur. Et là Poe se gargarise le bec de son talent, de son originalité d’une telle manière, que le dernier mot lu, exaspérée, j’ai fermé ce livre avec une violence rare et l’ai posé loin de moi le temps de pouvoir y penser plus calmement.

Evidemment une telle réaction n’est pas totalement négative, cela veut vraiment dire qu’il se passe quelque chose avec l’auteur mais jusqu’ici, je me rends compte que si je ne l’avais pas lu, je ne m’en porterais pas moins bien…

samedi 27 décembre 2008

"A perte de vue" - Amanda Eyre Ward


Cherche Ellie désespérément
par Sandrounette

Je tiens à vous le dire tout de suite: il s'agit d'un livre coup de cœur! Mais chaque chose en son temps, voici ce qui se passe:
Caroline, Madeline et Ellie sont trois petites filles vivants dans la lointaine banlieue new-yorkaise. On peut qualifier leur vie de pitoyable: deux parents alcooliques qui ne s'occupent pas d'elles à part pour les battre de temps en temps. A elles trois, elles se fabriquent un univers imaginaire dans la penderie de Caroline, leur refuge. Un jour, elles décident de fuguer. Elles mettent leur plan au point et sont prêtes: à leur sortie de l'école, elles rouleront vers la Nouvelle-Orléans.
Cependant, l'une d'entre elle ne sera pas au rendez-vous. Ellie, la cadette de cinq ans disparaît.

A priori, on pourrait croire qu'il s'agit d'une enquête sur la disparition d'Ellie. J'avoue que c'était mon horizon d'attente quand j'ai lu la quatrième de couverture. En réalité, ça ressemble beaucoup plus au livre 26a. Caroline est la narratrice. On la voit évoluer dans sa vie adulte à la Nouvelle-Orléans. Elle travaille dans les bars, n'a pas de relation fixe et ne veut pas en avoir. Elle vit une relation conflictuelle avec sa mère et ne parle plus beaucoup à Madeline. Bref, elle est paumée!
On comprendra au fil du roman, le pourquoi et le comment de la disparition d'Ellie. Le récit laisse en effet la place à une deuxième voix en italique qui explique les événements, comme un journal intime.
La fin est extraordinaire, je n'en dis pas plus!

vendredi 26 décembre 2008

Céline

"La Haine, ça enrichit la lucidité et ça ne fait pas grossir." par Thom

Telle était la devise de Céline, le plus sulfureux du désormais fameux club des sulfureux. Le mec pour qui on a inventé le mot sulfureux . Céline a beaucoup d'immitateurs, mais aucun n'a jamais pu l'égaler. Parce que Céline n'était pas sulfureux par pose. Sa simple existence était sulfureuse, il était l'incarnation du terme sulfureux. Son troisième prénom, après Louis et Ferdinand, était d'ailleurs probablement Sulfure.

Plus sérieusement :

Céline fait partie de ces auteurs dont le mythe a depuis longtemps dépassé l'oeuvre. Tout le monde connaît son nom. Ceux qui ont lu autre chose de lui que "Voyage au bout de la Nuit" sont en revanche nettement moins nombreux.
Le gros problème de Céline, c'est que son mythe pue, alors que pour les autres écrivains de son statut, le mythe est vachement flatteur, genre enfance difficile, héros romantique et tout le bazard. Céline a probablement eu une enfance infiniment plus difficile que tout ces petits rigolos, mais il a eu la pudeur de ne pas nous casser les couilles avec. Alors réglons le problème de Céline-le-méchant-collabo-antisémite vite fait bien, car trop d'idées reçues et de contre-vérités circulent à propos de cet auteur. Oui, Céline a écrit des pamphlets antisémites. Mais contrairement à ce qu'on raconte souvent, il ne les a pas écrit sous l'occupation, mais bien avant, à une époque où il n'était qu'un antisémite au milieu de plein d'autres antisémites. Je ne dis pas que c'est bien, simplement que c'est hors de propos. J'irai même jusqu'à dire que si ces textes avaient été écrit ne fût-ce que quinze ans plus tôt, on n'en parlerait jamais. Voltaire a écrit des trucs encore pires que "Bagatelle pour un massacre", pour autant on ne lui en tient pas rigueur. Surtout, ces textes avaient des objectifs bien moins "nobles" qu'on l'a cru. En réalité, tout est parti de "Mort à crédit", second roman qui fit un bide colossal à sa sortie et fut massacré par la critique. Alors, Céline a l'idée de rédiger un premier pamphlet (antisoviétique, lui), "Mea Culpa", juste comme ça, pour voir, parce que c'est dans l'air du temps. Le succès sera tel que Céline va ensuite tomber dans le piège de la surenchère - pour le résultat que l'on sait.

Je trouvais néanmoins important de préciser qu'au départ, ces textes étaient bien plus motivés par l'opportunisme (exactement comme pour Voltaire, justement) que par des convictions profondes. Céline a juste donné aux gens ce qu'ils voulaient et, sans pour autant le dédouaner, il est bon de rappeler qu'à sa sortie, "L'Ecole des cadavres" fut un énorme succès de librairie.

Du reste, sans chercher à excuser des choses inexcusables, Céline, qu'on compare souvent à Proust (j'ai jamais vraiment su pourquoi ), en était fait l'inverse absolu : Céline est né pauvre, a croupi dans la misère durant la première partie de sa vie, et venait d'une famille presque entièrement analphabète. Il est de ce point de vue un modèle d'écrivain autodidacte. Céline a combattu pendant la première guerre mondiale, a cotoyé l'horreur de très près, et avant d'être collaborateur, il était surtout pacifiste. Cet aspect de son oeuvre et de sa vie, on en parle beaucoup moins. Pourtant, Céline, exactement à l'image du gouvernement français de 1938, voulait à tout prix éviter la guerre avec Allemagne. Il n'avait d'ailleurs pas hésité, à l'époque, à prendre publiquement position contre cette guerre...mais, comme souvent, les pacifistes ont eu tort cette fois-ci .

Ensuite, évidemment, rien ne forçait Céline à collaborer. Mais très franchement, sa collaboration a pris, dans l'histoire de la littérature, une ampleur très supérieure à ce qu'elle a été en réalité.

Céline, en effet, est parvenu à faire encore plus fort que n'importe qui durant la guerre : il s'est foutu à dos ET les résistants ET Vichy . Les premiers pour cause d'antisémitisme, les seconds parce qu'il préconisait la libéralisation de la société et la réduction du temps de travail. Du coup, contrairement à ce qu'on raconte, Céline n'aura jamais été dans les petits papiers de Vichy. Bien au contraire : "Les beaux draps" sera interdit par ce gouvernement d'occupatio, et on lui refusera le droit d'exercer son métier (à savoir médecin). Autant l'accusation d'antisémitisme est difficile à nier, autant celle de collaboration est pour sa part totalement fausse et basée sur des ragots. Céline n'a jamais assisté le gouvernement en place, il n'a jamais dénoncé qui que ce soit, il s'est contenté de faire comme une grande majorité de français : il a été lâche. Collabo par lâcheté et pas spécialement par conviction. Son seul fait de collaboration avéré - et encore - c'est sa fuite à la libération. Motivée, une fois encore, par la lacheté.
Il n'en demeure pas moins que lorsque les tribunaux internationaux demanderont quelques années plus tard à la France de formuler un chef d'inculpation contre lui, elle en sera bien incapable. De même qu'elle sera incapable d'obtenir son extradition du Danemark, puisque n'ayant aucun fait concret à lui reprocher hormis quelques textes antisémites sortis quinze ans plus tôt. Au final, Céline vivra sept ans en exil pour rien ou presque. On ne s'en plaindra pas, puisque cela lui aura permis de rédiger le chef d'oeuvre "Guignol's Band", récit tragi-comique de sa vie en Angleterre, puis des oeuvres moins connues mais passionnantes, comme "Nord" ou "D'un château à l'autre", qui parlent de la suite de son exil - en Allemagne puis au Danemark (donc).

Amnistié en 1951, Céline n'écrira plus grand chose durant les dix dernières années de sa vie. Il faut dire qu'il en a écrit largement assez le reste du temps. Entre l'inévitable "Voyage au bout de la Nuit" (qui, on a tendance à l'oublier, s'ouvre sur une diathrybe antimilitariste et antifasciste !) et "Mort à crédit", sans parler d'oeuvres posthumes du calibre du "Pont de Londres", il y a de quoi lire jusqu'à la fin de nos jours. Et apprécier un stye qui, tout de même, bien au-delà du reste, a fait école.

A l'instar de D.H. Lawrence pour la langue anglaise, Céline a en effet libéré la langue française. En introduisant le langage parlé dans la littérature, non plus par le biais de personnages comme dans les grands classiques mais par le biais de ses narrateurs, le méchant antisémite a tout simplement révolutionné le roman, au point qu'aujourd'hui les trois quarts des auteurs français ne sont que des sous-Céline sans envergure. J'irai même plus loin : il n'y a tout simplement plus un seul auteur de langue française, aujourd'hui, qui n'ait été influencé d'une manière ou d'une autre par Céline. Parfois, c'est par le truchement d'un de ses héritiers, mais au final, cela revient au même. Céline, c'est un peu les Beatles : après eux, n'importe qui voulant jouer de la musique "pop" a fatalement puisé des choses chez eux - souvent de manière totalement inconsciente. Pareil pour Ferdinand ! Son emprunte est tout simplement indélébile, et son influence a largement dépassé le cadre de la France, marquant de son sceau les plus grands, et le voilà qui se retrouve étudié dans les lycées et les universités (shocking ! ). Personne n'a jamais vraiment percé le secret de ce langage unique en son genre, de sa profondeur et de sa sombre poésie. Mais beaucoup ont essayé de l'immiter !

En attendant, je mets au défi ses détracteurs de trouver une seule ligne antisémite dans ses romans. On peut s'amuser à faire un jeu comme ça, s'il y a des candidats...

(je m'en fous, je les connais par coeur donc je sais déjà que je vais gagner)

...les conneries et les thèses fumeuses, c'étaient dans les pamphlets. Dans les romans, il y a juste de la simplicité, de la force, de l'humour, de la colère, de la tristesse parfois...bref de l'humanité - et donc de la beauté.

"Au commencement était l'émotion"

...a t'il aussi écrit.

(mais bizarrement cette citation là, tout le monde l'a oubliée)

jeudi 25 décembre 2008

"Voyage au bout de la nuit" - Louis-Ferdinand Céline

Réédition de Noël, par Thom

Un jour, vous ouvrez un livre. Ce livre dont tout le monde vous parle mais que personne autour de vous n'a jamais lu. Vous ne savez pas trop où vous allez, et le quatrième de couverture ne vous aide pas. Le titre est très beau, l'auteur a un nom de femme. Céline. On vous a bien entendu prévenu qu'avec Céline, fallait faire gaffe. Raclure antisémite. Pourriture collabo. On vous a déjà dit tout ça, car vous vous intéressez à la littérature depuis quelques temps, et donc vous avez déjà ingéré ces informations-là depuis un bail - avant même d'avoir lu une seule ligne de ce mec. Ce Céline.

Et pourtant au bout de quelques pages vous tombez sur une longue diatribe antipatriotique. Vous êtes un peu perdu, du coup. Il vaut dire que vous êtes jeune. Pas un gamin, ok - à dix-sept ans ça vexe d'entendre ce genre de chose. Mais vous êtes quand même assez loin d'être un adulte. Vous ne connaissez pas encore vraiment la littérature, vous ne connaissez d'ailleurs pas encore vraiment grand chose. « On est puceau de l'Horreur comme on l'est de la volupté. ». Vous apprendrez plus tard que cette citation est archi-connue. Pour l'heure vous êtes puceau de la littérature.

Mais ce n'est pas grave du tout. Céline n'a pas un pseudo de mère maquerelle pour rien.

Il va s'occuper de vous.

Le revers de la médaille est que vous allez ensuite subir une sinistre panne de lecture, une déprime littéraire des plus douloureuses : vous aurez connu une telle extase que vos prochaines conquêtes risquent de vous sembler bien fades. C'est un peu ça le problème quand on commence par le meilleur. On devient exigeant. On ne s'échauffe plus pour le premier joli minois venu. On prend le risque de rapidement virer blasé, ou élitiste ou aigri (les trois allant souvent de paire). Dans le meilleur des cas on devient un avide consommateur de produits de substitutions, ce après avoir cherché pendant des années un shoot aussi puissant que ce premier choc. En vain. Dans l'idéal, « Voyage au bout de la Nuit » devrait être précédé de la mention : Déconseillé aux moins de soixante-dix ans. Voire : A lire uniquement la semaine précédant votre mort. Etre électrocuté trop jeune avec ce livre, c'est un peu comme de se faire offrir la 9ème de Beethoven (et de l'adorer) pour ses douze ans. Et après, on fait quoi ?

A celui qui trouverait ce dernier exemple complètement crétin je dirai : oui, d'accord, c'est vrai que ça n'a aucun sens. On trouvera sans doute quelques contre-exemples mais dans l'ensemble il paraît peu plausible qu'un ado adore immédiatement la 9ème de Beethoven (ou n'importe quelle pièce de musique classique, en fait). Quand précisément la principale force (sinon le principal vice) du « Voyage... » est d'être abordable par n'importe qui n'importe quand. Les idées (antipatriotisme, donc, mais aussi plus généralement pacifisme, initiation à l'horreur du monde et à la folie des hommes...) ne sont pas exprimées de manière didactique, mais elles restent suffisamment explicites pour ne pas prêter le flanc au contresens, et c'est bien entendu dans cet étonnant (et rarissime) juste milieu que Céline se démarque de la grande majorité des auteurs de son temps.

Soit il est long, ce livre. Mais on parle bien d'un voyage et non d'une excursion. Et long, ce n'est pas gros. Bien au contraire : chez Céline, pas un poil de graisse. Rien que du muscle et du nerf ; ni sucre ajouté ni enluminures inutile. S'il y a jamais eu une littéraire au cordeau... elle se trouve assurément ici, au cœur du « Voyage... » - au terme de la nuit. Et je ne parle pas ici que de style, mais bien d'épure au sens large du terme : Céline a ce don incroyable d'aller droit à l'essentiel, bulldozer lancé sur le chemin d'un unique but - transcender le réel et retourner de fond en comble les tréfonds de l'âme humaine. Son antihéros, Bardamu, que fait-il, que voit-il ? Il se heurte, sans cesse, à l'absurdité de l'existence, à sa vanité autant qu'à sa violence. Céline, dans le fond, n'a jamais été si éloigné des existentialistes qu'on a bien voulu le dire. Les puristes de l'un et de l'autre bondiront sans doute en lisant cela, mais « Voyage au bout de la Nuit » contient en germe beaucoup des thèmes et des interrogations qui se trouveront condensées dans l'autre grand chef d'œuvre de la première moitié du vingtième, paru pile dix ans après... : « L'Etranger ».

Bien sûr tout texte évoquant de près ou de loin le « Voyage au bout de la Nuit » serait nul et non avenu s'il omettait de s'arrêter sur sa langue. Venons-y, en prenant soin d'éviter au passage ce vieux cliché voulant que Céline ait introduit le langage parlé dans la littérature. Ce n'est pas complètement faux et ce n'est pas choquant de le penser... mais c'est loin d'être vrai : le langage parlé existe en littérature depuis le Moyen-Âge. Croire que Céline est dépositaire de cela, c'est oublier que Zola en son temps était le summum du familier - sinon de la crudité pure et simple. Par le fait Céline n'a jamais bâti (car il l'a bâti, travaillé, affiné) sa langue si particulière contre une pseudo-langue académique, il ne l'a d'ailleurs jamais prétendu et toute personne affirmant le contraire révèlera une culture des plus lacunaires. Bien au contraire Céline est un romancier classique dans la plus noble acceptation de l'expression, et sa véritable innovation n'a pas tant été d'utiliser de l'argot que de l'utiliser hors de sa circonscription habituelle - le dialogue. Faire parler le narrateur comme ses personnages, telle a été sa révolution dont on a eu de cesse depuis de constater l'impact. Impact parfois maladroit, car mal compris et mal assimilé : tout l'art de Céline, toute son esthétique tient dans la création permanente de décalages linguistiques, de débordements de langue et basculements d'un registre de langage à l'autre.

Ainsi bien souvent les jeunes auteurs (ou les anciens jeunes auteurs devenus au fil du temps des vieux) croient que se revendiquer de l'héritage de Céline c'est se contenter d'écrire comme on parle, assimilation compréhensible (Céline a libéré huit générations d'écrivains du carcan de la langue) mais incomplète : Bardamu s'exprime certes en argot, mais il ne s'exprime pas n'importe comment. Si ses mots sont souvent crus, simples, directs... ses formulations sont extrêmement écrites, parfois même précieuses. C'est tout ce qui fait sa particularité : il utilise le langage du peuple, mais la grammaire des lettrés. Devenant en cela à lui seul le pendant allégorique de l'intrigue qu'il narre : mélange de crudité et d'élégance, de violence et de raffinement. L'incarnation de la civilisation occidentale, à vrai dire. C'est cette équation difficile à tenir sur le papier mais magistralement réussie au final qui fit de lui infiniment plus qu'un personnage - un mythe. Qui finira bien un jour ou l'autre par connaître ses propres variations, à l'instar d'un Tristan ou d'une Emma Bovary. Alors « Voyage au bout de la Nuit » peut-être. Mais surtout : voyage au bout de la Langue - sinon voyage au bout de la Littérature.

A tel point que l'héritage considérable (et parfois pesant) de ce livre continue de se faire sentir aujourd'hui en permanence, non seulement chez les auteurs français mais partout dans le monde. Une adéquation si parfaite de fond et de forme ne pouvait que créer des émules ; elle ne manqua pas de le faire. Je parlais de la 9ème de Beethoven. En terme d'impact, nous n'en sommes pas loin. Même s'il faudrait sans doute, pour trouver un juste équivalent, chercher plutôt du côté des musiques populaires (car en dépit de son aura sulfureuse et de son statut de classique Céline est avant tout un immense auteur populaire). Céline est un peu à la littérature ce que les Beatles sont à la musique. Tous les écrivains d'aujourd'hui lui doivent quelque chose, que ça leur plaise ou non. Sinon directement à lui du moins à des auteurs qui lui doivent beaucoup. C'est ce qui confère à son roman quelque chose le rendant encore plus classique qu'un classique. « Voyage au bout de la Nuit », comme une poignée d'autres livres dans l'histoire de la littérature (une vingtaine tout au plus) est un surclassique. Ce qui ne le rend nullement intouchable, mais le rend en revanche quasiment indépassable (des surclassiques on en croise pas plus de trois ou quatre par siècle, c'est vous dire...), y compris par son propre auteur. Pensez donc que « Voyage au bout de la Nuit » n'est qu'un premier roman. Dans lequel Céline, même pas encore quadragénaire, a déjà quasiment tout fait et tout dit. On raconte souvent qu'un artiste se vide de toute une vie dans sa première œuvre. C'est d'autant plus vrai dans le cas de celui-ci. Qui écrira d'autres très grands livres (« Mort à crédit » bien sûr, « Guignol's Band » évidemment, le mésestimé « Nord » itou...) mais ne surpassera jamais vraiment ce premier coup de maître (ce qui explique peut-être qu'il ait finalement laissé une œuvre romanesque assez courte).

Et ce qui vaut pour le jeune lecteur que j'ai été de valoir pour le jeune auteur qu'il était en 1932 - de valoir même pour la littérature dans son ensemble : et après, on fait quoi ?

mercredi 24 décembre 2008

"Le pays sans adultes" - Ondine Khayat


Vidange annuelle
, par Ingannmic


Parce qu’elle avait des envies de voyage, sa mère l’a prénommé Slimane. Lui aussi, il aimerait voyager…alors, avec son frère Maxence, ils font du « travelator » sur les escaliers roulants du supermarché, et imaginent qu’ils partent, en Grèce, en Afrique, en Chine, peu importe, le tout étant de fuir le plus loin possible d’un quotidien fait de terreur, d’humiliation et de coups. En effet, le père des deux garçons, qu’ils surnomment « le Démon », est chômeur, alcoolique et particulièrement violent. Heureusement, Maxence est là, qui aide Slimane à supporter et à tenter de comprendre ce monde « qui n’est pas pour les enfants ».

Choisir, pour son roman, un enfant comme narrateur, n’est pas un pari facile : comment trouver la juste mesure pour que le récit soit crédible tout en restant intéressant ? C’est d’ailleurs le reproche que je ferai au « Pays sans adultes » : Slimane est certes très attachant, mais ses propos m’ont souvent paru en inadéquation avec la maturité d’un enfant de 11 ans. Ceci dit, j’ai apprécié cette lecture, que j’ai trouvée particulièrement émouvante, (et grâce à laquelle j’ai pu faire la vidange annuelle de mes canaux lacrymaux). En dépit de l’aspect sordide et douloureux de cette histoire, l’auteur y instille une poésie et une candeur très touchantes, et un humour attendrissant, même si, effectivement, il ne paraît pas toujours enfantin.

mardi 23 décembre 2008

"La lune dans le caniveau" - David Goodis

Désespérance par Lhisbei

William Kerrigan est obsédé par la mort de sa sœur qui s’est tranchée la gorge après avoir été violée dans une ruelle malfamée. Il faut dire que Vernon Street n’est pas le coin le plus sympa de Philadelphie. Les habitants de cette rue sordide et du quartier autour n’ont le droit de traverser la vie qu’avec « un billet de 4eme classe ». Traîne-savates, alcooliques, prostituées qui s’entassent dans des taudis pouilleux dont ils n’arrivent même pas à payer le loyer.

Kerrigan se sent coupable de ne pas avoir su protéger sa sœur et part sur les traces de son assassin en ruminant des projets de vengeance. Sa route va croiser celle de Loretta, une jeune fille venue des « beaux quartiers » …vous n’en saurez pas plus.

« La lune dans le caniveau » est un pur roman noir. La recherche du meurtrier en vue d’une vengeance cède rapidement la place à une histoire « psychologique » et « sociale ». Le héros ne vit plus que pour sa vengeance, incapable de supporter la culpabilité qui l’assaille en permanence. Vernon Street est quartier sordide qui ne laisse pas partir ses habitants. Englués dans leurs vies de traîne-misère ils sont impuissants à changer leur destin.

Avec Goodis pas d’espoir possible, pas de lumière au bout du chemin, pas de rédemption, ni de bonheur même si un ange apparaît.

lundi 22 décembre 2008

"5150 rue des Ormes" - Patrick Sénécal


Douce famille par Sandrine

Patrick Sénécal est un écrivain d’horreur canadien comparé par la presse (un peu) et par ses lecteurs (surtout) à Stephen King.

Suite à un accident de vélo, Yannick se retrouve séquestré au 5150 rue des Ormes. Sa faute : avoir pénétré dans une maison de dingues …

Dans la famille on trouve :
Le père : Jacques Beaulieu, obsédé par la justice, grand joueur d'échec et ayant une mission à accomplir.
La mère : Maude, soumise au plus haut point, silencieuse, effrayée, qui rend compte de sa vie à Dieu dans son journal.
L'ainée : Michelle, fille alors que Jacques rêvait d'un garçon, cruelle et qui rêve de plaire à son père.
La cadette : Anne, autiste, la seule à troubler son père qui la fuit le plus possible

Que du bonheur donc, que Yannick va essayer de fuir, de combattre et cela pour préserver sa vie et sa raison...

Bonne lecture malgré des moments plus lents (extraits du journal de Maude, un peu casse-pied). Quand même pas comparable à Mr King...!

dimanche 21 décembre 2008

"Les petits dieux" - Terry Pratchett

L'aigle et la tortue, par Zaph

Nous voici de retour sur le disque-monde, et plus particulièrement à Omnia, pour un treizième volume de annales.

Nous y rencontrons Vorbis, un personnage déjà inquiétant de nature, mais rendu encore plus inquiétant par sa fonction de chef de la Quisition, et qui règne en maître dans l'ombre de la Citadelle, bastion de la religion du dieu Om, seul vrai et unique dieu parmi un bataillon d'autres dieux à priori tout aussi vrais.
Mais si la religion d'Om prospère, la foi véritable, elle, à pratiquement disparu. Et chacun sait que c'est le nombre de vrais croyants qui donne sa puissance à un dieu. Le dieu Om est donc considérablement affaibli et se retrouve incarné sous la forme d'une petite tortue inoffensive (mais peu avare de malédictions en tous genres). La tortue est recueillie par Frangin, un moine novice d'Omnia un peu simplet, mais doté d'une mémoire prodigieuse. Frangin est en plus le dernier humain à conserver une foi sincère en Om, et donc, le seul à entendre sa voix.
Vorbis prépare une expédition punitive contre Ephèbe, le pays voisin, qui abrite une population de philosophes ; ce sont d'immondes personnages coupables des odieux crimes de penser par eux-mêmes, et de mettre en question la réalité des dieux (au péril de leur vie, car les-dits dieux ont pour habitude d'anéantir d'un coup d'éclair bien senti les humains qui leurs manquent de respect).
Vorbis compte bien utiliser les talents et la naïveté de Frangin pour mener ses plans à bien, mais bien sûr, tout ne va pas se passer comme prévu...


Celui-ci, je me le gardais pour la bonne bouche. Je me disais, "Pratchett qui s'attaque à la religion, ça ne peut que me plaire".
Mais le problème, c'est qu'après avoir lu quelques volumes des annales du disque-monde, l'effet de surprise ne joue plus du tout.
Le thème est finalement traité de manière très classique pour Pratchett, avec les habituelles inversions de valeurs et de points de vue, et l'humour "au pied de la lettre".
C'est à peine si on ne prévoit pas les blagues qu'il va faire deux pages à l'avance.
Alors, quand on n'est plus surpris ni par le point de vue en oblique, ni par l'humour, il reste une histoire somme toute guère passionnante.

Mais il faut avouer que ce qui sauve ce livre, encore une fois, et ce qui donne envie d'en relire un autre, c'est ce qui fait vraiment le talent de Pratchett, c'est à dire les personnages.
Om, le dieu caractériel, Frangin, le disciple débile pas si débile que ça, les philosophes hilarants qui utilisent des arguments "massue" des plus convaincants, et même les inquisiteurs et "exquisiteurs" qui sont d'un ridicule à glacer le sang, tous ces personnages hauts en couleurs constituent le vrai fondement du livre et en font une réussite.


Aucune tortue n'avait encore jamais fait ça à un aigle. Aucune tortue dans tout l'univers. Mais aucune tortue n'avait jamais été un dieu ni ne connaissait la devise tacite de la Quisition : Cujus testiculos habes, habeas cardia et cerebellum. Quand on retiend solidement l'attention des gens, les coeurs et les esprits suivent.

Terry Pratchett

Un jour, Terry Pratchett s'est dit que les héros de Fantasy avaient quand-même l'air un tantinet ridicule avec leur corps d'athlètes, leurs épées de vingt-quatre kilos, leur courage proche de la débilité, leur résistance peu commune à l'hydromel, leurs proverbes en elfique ancien, et leur vie sentimentale de midinette.

"C'est pas possible ça! Moi, je veux écrire des histoires avec des héros vraisemblables, qui ont parfois peur, ou froid, qui supportent mal l'hydromel, qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive, qui prennent souvent les mauvaises décisions, qui se prennent des râteaux avec les filles, bref, des héros humains."
Ce fut l'origine de la célèbre série dite du "disque-monde" (discworld). Enfin, en tout cas, c'est comme ça que je l'imagine.

Le seul problème, c'est que le résultat était limite plus ridicule que la fantasy traditionnelle. Mais d'un ridicule différent. Du triste ridicule humain auquel nous nous prêtons tous les jours sans même plus nous en apercevoir, parce que nous agissons comme tout le monde, parce que c'est l'habitude, ou la convention, ou la politesse, et qu'on nous l'a appris, et qu'on n'aime pas se poser de questions.
Terry, lui, s'en pose, des questions, il n'arrête pas. Chaque aspect de la société humaine, chaque comportement est disséqué, éclairé d'une lumière neuve qui en éclaire le ridicule.
Et cela va jusqu'aux fait scientifiques les plus éprouvés et les mieux acceptés.
On vous a dit que la terre est ronde. Mais il n'y a pas si longtemps, tous les hommes la croyaient plate, et c'eût été hérésie que d'affirmer le contraire. Certaines cultures avaient d'ailleurs une représentation très imagée et très poétique du cosmos.
Sur Discworld, la terre est plate, et Terry en fournit une représentation scientifique très rigoureuse.

Eh oui, si les héros sont vraisemblables, absolument rien d'autre ne l'est, sur Discworld. Mais tout parait tellement naturel aux personnages que le lecteur finit lui aussi par entrer dans la convention.

A force d'aborder l'un après l'autre tous les aspects de la société, la série Discworld s'agrandit peu à peu et commence maintenant à atteindre des proportions encyclopédiques.
S'y retrouver n'est pas aisé. Et conseiller l'est encore moins. Je me risque quand-même à proposer quelques titres qui semblent faire l'unanimité parmi les lecteurs :

"Wyrd sisters" ou "Lords and Ladies" (ou l'on retrouve les sorcières, personnages hauts en couleurs)
"Guards, Guards" ou "Night watch" (qui mettent en scène la fameuse "garde")
"Mort" ou "Reaper man" (où l'on voit que la vie de La Mort n'est pas facile tous les jours)
"Small gods" (où Pratchett s'attaque aux cultes religieux)

samedi 20 décembre 2008

"Contravention" - Stéfan Coïc


Interdiction de se lamenter par Sandrounette

Adermatt, la quarantaine immature, descend d'une lignée excentrique : on s'y suicide de père en fils avant de finir en statue d'or. A la suite d'une cascade de morts violentes , Adermatt doit faire face à ses responsabilités. Il est désigné tuteur légal du petit Bristol qui hérite du domaine familial : un château remonté au sommet d'une montagne, selon le souhait du grand-père. Tandis que lui-même hérite des dettes de son frère aîné et se retrouve poursuivi par des huissiers. Mais ces récentes péripéties l'accablent moins que le départ de Gladys, la femme de sa vie, qui ne cesse de l'obséder.

Un premier roman plus que prometteur! L'histoire est décalée, surréaliste par moment mais toujours racontée dans la loufoquerie. On prend plaisir à partager la vie on ne peut plus mouvementée d'Adermatt et de sa petite tribu. Un petit regret me turlupine cependant : l’idée que Bristol junior donne des contraventions à son grand frère-devenu tuteur- est, je trouve, excellente (contravention parce que tu n’as pas acheté de poulet (15€), contravention de 30€ pour Adermatt parce qu’il n’est pas venu me raconter une histoire…) Pourtant, il est dommage qu’elle ne soit pas poursuivie tout au long du roman. Le narrateur se « désintéresse » de son petit frère pour repartir à la conquête de sa Gladys. Erreur !!! On aurait bien aimé en apprendre plus sur cette relation fraternelle plutôt que sur la relation charnelle, mainte fois vue et revue dans différents romans.

Contravention à Stefan Coïc pour avoir oublié Bristol à la fin mais un grand bravo pour son premier roman !

vendredi 19 décembre 2008

"Histoires extraordinaires" - Edgar Poe


Pas vraiment extraordinaires
, par Sandrine


Je ne sais jamais comment faire la critique d’un recueil de nouvelles, faut-il parler de chacune séparément ou critiquer le tout ? En parlant d’un tout je dirai que je n’ai pas vraiment apprécié ce livre, mais il y a tout de même des histoires qui m’ont plu.

« Double assassinat dans la rue Morgue » et « La lettre volée » sont narrées et vécues par les mêmes personnages, histoires un peu ampoulées mais divertissantes. Comme dit précédemment les personnages sont vraiment les précurseurs de Holmes ou Rouletabille.
Un mystère, un personnage au caractère fantasque, une longue réflexion et un dénouement quelque peu tiré par les cheveux.

« Le scarabée d’or » reprend l’idée d’un personnage un peu fou au premier abord mais d’une grande intelligence. Il y a aussi un trésor… Celle m’a plu, elle m’a fait penser à du Jules Verne (le décodage + le trésor).

« Le canard au ballon » et « Aventures sans pareilles d’un certain Hans Pfaall » …pffff d’un ennui abyssal…même pas eu le courage de les finir, j’avoue…

« Manuscrit trouvé dans une bouteille » et « Une descente dans le Maelstrom » sont étranges, parlent en quelques sortes d’une quatrième dimension. J’ai aimé ce monde bizarre malgré les longs détails dans la nouvelle du Maelstrom.

Dans « Les souvenirs de M. Auguste Bedloe », « Morella », « Ligeia » et « Metzengerstein » l’auteur a voulu utiliser le genre horrifique, genre qui lui va bien je trouve, et leurs fins font frissonner.

Restent « La vérité sur le cas de M. Valdemar » et « Révélation magnétique ». La seconde parle de Dieu et s’emmêle et m’ennuie, la première m’a plu, de nouveau cette entrée dans une dimension non-habituelle. Donc mon bilan pour ce livre est mitigé, beaucoup d’ennui (les ballons…), quelques surprises aussi.
Auteur à continuer pour ma part mais sans beaucoup d’enthousiasme, je l‘admets.



Le regard froid de la science contre la folie des sentiments, par Mbu

Je redécouvre un monde que j’avais quitté à l’adolescence et dont je n’avais pas tout compris. Une redécouverte, donc.

De tous les commentaires que j’ai lu chez les chats, dernièrement, au sujet des « Histoires extraordinaires », il en ressortait que les nouvelles scientifiques étaient plutôt barbantes. Or, on ne peut pas nier que les aventures qui sont contenues sont toutefois très attractives : un ballon traversant l’Atlantique, un autre allant jusqu’à la lune ou l’incroyable aventure de ce marin pris dans le Maelström.

Mais pour les présenter, Poe a choisi une façon très tendance à l’époque, c’est à dire le point de vue scientifique. La fascination pour la science et l’imagination qui y est connectée est d’ailleurs très révélatrice à mon avis d’une époque où le désir d’explorer tous les possibles, et surtout, tous les impossibles était exacerbé (en est-il autrement aujourd’hui ?) mais ce qui rend Jules Vernes fascinant manque chez Poe.

Ce qui m’a particulièrement frappée, c’est la froideur scientifique du regard du narrateur. Comment il expérimente sur des chats (après avoir commis un meurtre de sang froid sans s’émouvoir le moins du monde) qui font le voyage avec lui ses théories et comment la perte de sa « petite famille » ne le touche absolument pas.
De même, le marin qui perd son frère dans le maelström, après lui avoir communiqué sans trop d’insistance son idée et regarde s’enfoncer son bateau dans le néant tandis qu’il observe que ses théories scientifiques se vérifient (ceci suivant le fait que, comme le soulève Poe, étrangement, son pouvoir d’observation éclate au moment le plus incongru, semblant justement annihiler tout autre sentiment en lui. Et cette même froideur se retrouve chez Dupin, alors que le personnage du Scarabée, plus sympathique, en est nettement moins affecté.

C’est tout naturellement que, après avoir exploré la physique, Poe se retourne vers la métaphysique, fort prisée aussi (ah le magnétisme, je ne peux m’empêcher de penser à Tournesol !). Et si le narrateur de l’étrange cas de Valdemar reste un froid scientifique qui ne trouve pas de scrupule à demander à un ami de faire une expérience pendant son agonie, la scène change et tire vers l’horreur, où Poe semble se sentir nettement plus à l’aise. Etrangement, à mon avis, les personnages prennent de la couleur, et des sentiments, même si ceux-ci les plonges dans la folie.

C’est avec délice que j’ai donc redécouvert l’inquiétante Morella et son pendant Ligeia, si semblables que je n’arrête pas de les confondre (je trouve que l’histoire de Ligeia correspond plus au caractère de Morella, rien que le nom m’inspire beaucoup). Elles restent pour moi parmi les meilleures nouvelles de Poe, tant elles sont impressionnantes et c’est avec délice que j’entre dans ce genre où Poe a pris ses lettres de noblesses, et pour lequel on l’aime tant. Vivement le Chat noir, la Chute de la Maison Usher, the Tell-tale Heart ou le puit et le pendule !



Style et densité, par Ingannmic

Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu d’oeuvre issue de la littérature du XIXème siècle, et plus longtemps encore que je n’avais pas lu Edgar Allan Poe, dont les nouvelles, à l’adolescence, comblèrent mon attirance pour les ambiances morbides et baroques. Curieusement, je ne me souvenais guère de ces lectures, seule la résolution du crime de la rue Morgue m’étant restée en mémoire. C’est donc avec plaisir que je me suis -re-plongée dans les « Histoires extraordinaires », remarquables déjà par leur style, admirablement maîtrisé : chaque mot paraît choisi avec soin, Poe n’hésite pas à enrichir son texte en empruntant des vocables à la langue française, voire au latin. Sans doute faut-il aussi rendre hommage aux talents de traducteur de Charles Baudelaire, dont on comprend par ailleurs aisément l’intérêt qu’il portait à l’écrivain américain, chez lequel il a pu retrouver son goût des sombres atmosphères et des étranges phénomènes.

C’est Baudelaire lui-même qui a compilé les récits des « Histoires extraordinaires », et qui leur a attribué ce titre. Il a également pris le parti de les regrouper par thèmes :

- avec « Double assassinat dans la rue Morgue », « La lettre volée » et « Le scarabée d’or », le lecteur se voit expliquer, par la résolution d’énigmes a priori insolubles, la nature de ce que serait le véritable esprit d’analyse, mélange d’intuition et d’extrême logique.

- dans les 4 suivantes (« Le canard au ballon », « Aventure sans pareille d’un certain Hans Pfaall », « Manuscrit trouvé dans une bouteille » et « Une descente dans le Maelström »), il est question de voyages et d’aventure, de l’affrontement entre l’homme et les éléments naturels, qui prennent parfois une dimension SURnaturelle, née d’une fantasmagorie liée à la méconnaissance des contrées inexplorées (tels la Lune, où le Pôle Nord, décrit ici comme un immense trou noir). On sent chez Poe à la fois son intérêt pour les disciplines scientifiques que sont notamment l’astrologie, la physique, par de nombreuses références à des spécialistes en ce domaine, et l’étendue de ses propres connaissances, et une certaine ironie aussi. En effet, ces nouvelles –surtout les deux premières- sont traitées sur le ton de la farce, et versent parfois dans l’invraisemblance la plus totale.

- les histoires qui suivent (« La vérité sur le cas de M.Valdemar », « Révélation magnétique », « Auguste Bedloe », « Morella », « Ligeia » et « Metzengerstein ») évoquent des phénomènes paranormaux : magnétisme, métempsychose, apparitions de revenants. Ces récits, émaillés de descriptions de corps en décomposition, de malades atteints de catalepsie,…, sont baignés d’une ambiance morbide.

Des histoires, comme vous l’aurez compris, assez variées, et que je n’ai d’ailleurs pas toutes appréciées de la même façon. J’avoue même en avoir abandonné une en cours de lecture (« Révélation magnétique »), trop absconse à mon goût ! J’ai du me faire violence pour aller au bout des « Aventures de Hans Pfaall », agacée par les lourdes descriptions techniques et les détails fastidieux de son voyage en ballon…
En revanche, j’ai aimé la densité de la plupart de ses textes, sa façon de les raconter comme s’il les avait personnellement vécu, tout en restant un observateur anonyme (en utilisant le « je » sans jamais se nommer). Et ses histoires d’énigmes et de fantômes évoquent pour moi celles, à dormir debout, que l’on se racontait, enfant, pour se faire peur…



Le mot de Zaph

Je suis assez d'accord sur les nouvelles scientifiques. Le scientisme ambiant parait ennuyeux et très daté vu depuis le XXIe siècle. A la limite, l'intérêt est presque plus historique que littéraire, mais c'est quand-même curieux de se replonger dans une époque où la moindre réalisation technologique passait pour une prouesse. Notez que moi, je trouve que Jules Verne souffre un peu du même défaut. La poésie et le merveilleux de la technique nous échappe un peu, à nous qui sommes baignés dedans. Ingannmic a quand-même relevé le côté ironique de ces nouvelles, ce qui je crois, les remet en perspective.

Bien vu aussi en ce qui concerne les émotions. Si certaines sont exacerbées, d'autres semblent définitivement hors de portée des personnages de Poe.

Et moi aussi, ce sont ces étranges histoires d'amour macabres (Morella, Ligeia, ...) qui m'ont toujours impressionné le plus (j'y reviendrai dans un prochain article).

jeudi 18 décembre 2008

"Sauvez Hamlet" - Jasper Fforde


Un monde qui décoiffe par Sandrine

Thursday Next est de retour. Elle a quitté son poste à la Jurifiction (sise dans le monde des livres) pour retourner dans le "vrai" monde. En tout cas celui que Jasper Fforde a créé et qui décoiffe : bienvenue dans une Angleterre bientôt en guerre avec le Danemark, avec contrebande de fromage, compétitions de croquet violentes, clones de Shakespeare et Neandertals et où l'on croise également dodos et mammouths!

Thursday donc, y revient pour tenter de ramener à la vie son mari Landen éradiqué 2 ans plus tôt. Elle doit également éviter une guerre mondiale, une tueuse impitoyable, quelques chimères et un temps enclin aux changements violents!

Il y a de trèèès bon moments dans ce volume, mon préféré de la série avec le premier.
Hamlet prenant un coach pour apprendre à prendre des décisions; le saint ressuscité et complètement pervers; les Néandertals qui apprennent aux politiciens à mentir, L'empereur Jark sortant d'un univers à la Douglas Adams et qui menace son créateur pour pouvoir survivre; et bien d'autres encore!

Extravaguant mais très bien construit, il est fameusement difficile de revenir dans notre monde (le réel !?) après la dernière page tournée.

Un petit extrait :

" Swindon, Essex, Angleterre, c'est là que je suis née et que j'ai vécu jusqu'à mon départ chez les détectives littéraires à Londres. J'y suis retournée 10 ans après et j'ai épousé mon ex-petit ami, Landen Parke-Laine. Lequel par la suite à été assassiné à l'âge de 2 ans par le groupe Goliath, décidé à me faire chanter. Ils ont réussi : j'ai accepté de les aider...sans que mon mari me soit rendu pour autant. Bizarrement, j'ai gardé son fils, mon fils, Friday - en vertu d'un de ces étranges paradoxes temporels que mon père saurait expliquer, mais pas moi. Deux ans plus tard, Landen était toujours mort, et si je ne réagissais pas, il risquait de le rester définitivement. »

La série, dans l’ordre :
  • L’affaire Jane Eyre / The Eyre affair (2001)
  • Délivrez-moi / Lost in a good book (2002)
  • Le puits des histoires perdues / The well of lost plots (2003)
  • Sauvez Hamlet / Something Rotten (2004)
  • Le début de la fin / First among sequels (2007)

mercredi 17 décembre 2008

"Le maître et Marguerite" - Mikhaïl Boulgakov

Le diable en visite à Moscou : ça va chauffer ! par Mbu

Vous aimez le jus d'abricot? Alors n'ouvrez pas ce livre.
Boulgakov a passé sa vie à écrire. Mais son vrai chef-d'oeuvre, c'est ce dernier roman, qu'il a mis 12 ans à écrire, le modifiant sans arrêt, et qui est un condensé de ses idées, de ses écrits précédents et de sa colère face à la censure dont il a sans arrêt été victime. Son ambition: prouver sous un régime athéiste que Dieu existe. La preuve? Le Diable existe. Et il est à Moscou (pour les vacances).

Tout commence donc par un jus d'abricot. Mais pas n'importe quel jus d'abricot. Un jus d'abricot par un printemps si chaud que l'on a envie de tout, sauf de jus d'abricot. C'est donc un jus d'abricot non désiré. Et en lisant, on ressent cette sensation pénible, les babines qui se retroussent, l'estomac qui se rebelle, contre ce foutu jus d'abricot qu'on a pas envie de boire et qui se venge de ne pas avoir été désiré. Toutes les conditions sont ainsi réunies pour que le diable vienne s'asseoir à côté de vous, et vous raconte l'histoire...de Ponce Pilate (un détail) et de votre mort prochaine (ça c'est pas un détail et on a tort de ne pas l'écouter).

S'ensuit une course poursuite mémorable après des acolytes du diable plus qu'étranges: l'un est un gros chat et l'autre une longue perche porteur d'un monocle cassé. Tous deux, bien évidemment, s'en donnent à coeur joie pour secouer un peu le train-train des Moscovites. Rejoints par toute une faune de vampires et démons. Et bien sûr, il y a Satan lui-même. Et allez savoir pourquoi, il finissent tous par être attachants.

On se retrouve alors pris dans le délire d'un roman fantastique à deux temps parallèles qui finissent par fusionner ensemble: les derniers jours de Jésus vus par Ponce Pilate qui ne rêve que d’une chose : pouvoir se tailler une bonne bavette avec cet étrange jeune homme et, de l'autre côté, le Diable à Moscou, au 20ème siècle, semant une zizanie de tous les diables. C'est le cas de le dire. Scènes de folie collective, sorcellerie, irrationalité et humour (ponctué de commentaires pleins d’humour de l'auteur), scènes inspirées des films de vampires ou des films en noir et blanc où l'on voit des courses poursuites à la Chaplin, et, finalement, une très belle histoire d'amour.

Le Maître et Marguerite reste aujourd’hui mon roman favori.

mardi 16 décembre 2008

"La chambre des officiers" - Marc Dugain

Roman casse-gueule, par Ingannmic

Eugène Fournier était ce que l’on appelle une « gueule cassée » : il fut défiguré par un obus lors de la 1ère guerre mondiale.
Eugène Fournier était le grand-père maternel de l’écrivain Marc Dugain. C’est de son histoire que s’est inspiré l’auteur pour écrire son premier roman : « La chambre des officiers ».

Le héros se nomme Adrien Fournier, il est ingénieur en génie civil. Mobilisé en 1914, il est accidenté dès son arrivée sur le front lors d’un repérage sur les bords de Meuse. Il est transféré au Val de Grâce, dans une salle réservée aux militaires de son grade, dépourvue de miroirs, et pour cause : ceux qui y échouent sont des mutilés de la face qui, malgré les divers « rafistolages » opérés par des chirurgiens de bonne volonté mais manquant de moyens, ne retrouveront jamais figure humaine.
Les amitiés qui se nouent dans cette chambre sont indéfectibles, fortes d’un soutien mutuel qui aide à ne pas succomber à l’omniprésente tentation du suicide. Le rire est présent aussi, qui aide à oublier l’apparente impossibilité de tout avenir.

Marc Dugain évoque l’histoire de ces « gueules cassées » avec une extrême sobriété. Le narrateur –Adrien- ne s’apitoie à aucun moment sur lui-même, se contentant de décrire faits et émotions de façon presque détachée. Et malgré tout, l’humilité et la sincérité dont il témoigne rendent avec justesse ses souffrances –physiques aussi bien que psychiques-, la difficulté de continuer d’espérer des lendemains meilleurs, et de vivre, tout simplement. Le combat est d’autant plus difficile que ce n’est pas ici contre l’ennemi qu’il s’agit de lutter, mais contre soi-même, et en dépit du regard d’autrui. Il faut se refaire une place dans un monde où l’apparence reste la première porte qui ouvre aux autres, et concilier l’image que l’on renvoie dorénavant (qui suscite effroi, horreur, voire déni) avec une personnalité et des sentiments qui sont, eux, sensiblement restés comme avant.

Une « drôle de guerre » donc, pour cet Adrien Fournier, mais c’est aussi une formidable leçon d’espoir et d’optimisme que nous livre l’auteur, de la part de ces hommes qui rendent grâce à la vie malgré le mauvais tour qu’elle leur a joué.

lundi 15 décembre 2008

"Monnaie de Singe" - William Faulkner

War Me Kitten, par Thom


Le premier roman de Faulkner est généralement considéré comme un "roman anti-guerre", une pure absurdité terminologique : Le terme le plus approprié serait "anti-roman de guerre" - sacrée nuance.

Car si dans "Soldier's Pay" la guerre est présente à chaque page, ce n'est que par évocations, flashbacks, sous-entendus... et pour cause : elle est terminée depuis plusieurs années. Au lendemain de la Grande Guerre, les "héros" américains reviennent au bercail. Mais comment recommencer à vivre normalement après des années sur le front européen ? Comment se reconstruire, pour tous ces personnages, et notamment Mahon, l'adolescent rêvant d'héroïsme devenu un homme blasé et indifférent au monde qui l'entoure. Et ce haut gradé, habitué à ce que tout le monde lui obéisse, qui se voit de retour chez ses parents ! Et Gilligan, bien sûr, qui après avoir tremblé dans l'intensité des batailles peine à s'enthousiasmer (à bander, littéralement) pour le petit univers bourgeois qui constituait sa "vie d'avant".

Pour ce premier roman, Faulkner fait, cas unique dans son oeuvre, dans la simplicité: il décrit un monde bipolaire - les ex-combattants et les civils, ceux qui savent et ceux qui imaginent, éternellement séparés, sans doute, par un mur d'incompréhension. Le style est accrocheur et nerveux (loin des phrases à rallonge qui deviendront plus tard la marque de fabrique de William F.), les personnages profonds... tout n'y est peut-être pas parfait (l'œuvre de Faulkner mériterait véritablement le titre d'œuvre "progressive"), tout n'y est sans doute pas encore... mais ce qui y est, est passionnant !

dimanche 14 décembre 2008

"Au cœur de ce pays" - J.M. Coetzee

En plein brouillard, par Livrovore


Je ne sais pas trop si mon commentaire va être convaincant ou dissuadant. A vrai dire, je suis tout à fait perplexe face à cette lecture. Je ne sais même pas si j’ai vraiment aimé ou non, c’est dire !
Il s’agit donc de Magda, qui vit en Afrique du Sud en plein désert, avec son père et leurs serviteurs noirs (cela se déroule en plein apartheid). Il n’y a quasiment qu’eux comme personnages, seuls à vivre au milieu de rien. C’est une sorte de long monologue où la narratrice délire, ou raconte son histoire, on ne sait pas bien suivant les moments. Elle est profondément malheureuse et ne s’est jamais vraiment extériorisée. Parfois terrorisée par son père, parfois l’aimant d’un amour incestueux, elle pense à le tuer.
Je me suis demandée pendant la lecture si son père était réellement le bourreau qu’elle disait, ou si ce n’est pas elle qui aurait une sorte de psychose qui la ferait voir cela et agir aussi contre lui. Mais le récit étant narré par Magda, on a forcément tendance à pencher de son côté et à la plaindre.

Tout le livre a les paragraphes numérotés, comme si Magda nous livrait son journal intime étape par étape de sa vie. Le récit alterne la narration des faits avec des sortes de fantasmes hallucinatoires, souvent violents. Elle pense au meurtre et à ses terreurs, elle pense au sexe, à ses migraines, à son isolement physique et psychique, elle nous livre son quotidien et ses rêves.
On ne sait pas bien quand on est dans la réalité ou non, même quand on arrive à la fin du roman on ne sait pas ce qui était réel ou non. Son état dépressif touche forcément le lecteur, et l’écriture de Coetzee est remarquable. Mais il m’a semblé être justement un peu trop embrouillée pour vraiment apprécier le livre… ou bien c’est précisément cela qui fera que ce récit restera gravé en moi. Je ne sais pas encore.
...

samedi 13 décembre 2008

"Le maître de go" - Yasunari Kawabata

Ils sont fous, ces Japonais, par Zaph

Un jour, y en a un qui va nous écrire un roman de 500 pages sur la chute d’un flocon de neige.

Ou est-ce déjà fait ?

Ou alors, c’est nous qui sommes aveugles de ne pas saisir toute l’importance de la chute d’un flocon. Peut-être que cet évènement d’apparence insignifiante contient en lui tout le sens du monde. Ce flocon devait tomber exactement comme il est tombé, au moment et à l’endroit précis où il est tombé …

A l’exact moment ou dans une auberge d’Ito, le vieux maître Shusai, réputé invincible au jeu de Go, dépose une pierre d’une blancheur neigeuse sur le plateau de jeu (goban) où se déroule l’ultime partie. Partie où le maître remet en jeu une dernière fois son titre de « Honimbo » face à Otaké, un jeune prétendant ambitieux. Partie que le maître perdra, suite à ce coup légèrement imprécis, qui introduit un infime déséquilibre dans le cours des choses. Suite à cette défaite, le maître perdra aussi goût à la vie et mourra quelques mois plus tard. (Ce n’est pas dévoiler le récit car on apprend sa mort à la première phrase du livre).

Pour le sage qui voit tomber ce flocon ou cette pierre blanche, le sens est apparent. Tout est lié.

Pour nous qui n’avons qu’une connaissance superficielle du Tao ou de l’art du Go, nous ne pouvons que subodorer l’épaisseur de sens qui bout sous la calme surface des choses, et sous les courtes phrases finement ciselée de Kawabata, rythmées par le délicat choc des pierres posées sur le goban.

Pierre noire, pierre blanche ; yin et yang ; modernité et tradition ; jeune élève ambitieux et vieux maître hautain, fils et père, Japon d’hier et d’aujourd’hui.

(Wah, en relisant ce préambule, je me dis que quand je me mets à délirer, je peux aller assez loin !)

Cette confrontation, nous allons en être témoins par les yeux d’un journaliste, envoyé d’un grand quotidien qui patronne ce match. Il nous relate sans parti-pris les simples faits et détails qu’il observe durant les longues semaines que durera la partie. Et pour nous, ces faits se mettent à vibrer ensemble et à prendre la forme un dessein plus large, tout en subtilité et nuances.

Kawabata comme le vieux maître, fut conscient qu’il vivait à la charnière de deux époques. Et certains disent que c’est parce qu’il ne trouvait plus sa place dans le Japon moderne qu’il mit fin à ses jours.

Mais pour moi, le point central du livre est le jeu de go. Ce jeu, créé il y a des milliers d’années à partir d’éléments très simples : le bois et la pierre, la ligne et l’intersection, le blanc et le noir, ne possède que quelques règles d’une simplicité extrême. Pourtant, sur ces éléments de base peuvent se développer des stratégies d’une complexité infinie. On dit qu’il y a plus de parties de go différentes qu’il n’y a de particules dans tout l’univers.

Sur le goban qui est vide au début de la partie se construit une représentation de l’univers. Une fois la partie terminée, elle s’efface aussitôt, comme un jardinier efface les sillons dans le gravier d’un jardin japonais. Puis tout peut repartir dans un éternel recommencement.

Quel est le sens de tout cela ? Est-ce qu’il y a un sens à consacrer toute sa vie à devenir le meilleur joueur de go, et à renoncer à vivre lorsque vient la défaite ? Etrangement, aucun personnage ne semble se poser la question. C’est comme çà. Chacun assume son destin avec un curieux mélange d’humilité et de prétention.

Faut-il connaître les règles du go pour lire ce livre ? Non. Bien que cela puisse donner un niveau supplémentaire de lecture ; même sans cela, il faut de toute manière accepter de ne pas tout voir et ne pas tout comprendre. Mais peut-être que cette lecture vous donnera, comme à moi, le désir d’apprendre le go et insinuera subrepticement en vous la passion de ce jeu.

vendredi 12 décembre 2008

"Prenez soin du chien" - J.M Erre

Paradoxal pour un chat… par Sandrounette

Mais que se passe-t-il rue de la Doulce Belette, un quartier parisien réputé tranquille ? Rien ne va plus depuis que Max Corneloup, auteur de roman feuilleton et Eugène Fluche, peintre sur œuf ont emménagé ! Ils habitent en vis-à-vis et chacun suspecte l’autre de l’épier… La méfiance règne surtout quand le voisinage n’est pas très sain d’esprit… Mais voilà qu’un cadavre apparaît…


La couverture m’avait tout de suite attirée : un pauvre petit toutou avec une bouillotte sur la tête… Et ce titre plus que mystérieux… J’avais également lu d’excellentes critiques sur les différents blogs que je parcours régulièrement. Et je n’ai pas été déçue !

Nous sommes confrontés à l’intimité des deux principaux protagonistes puisque nous lisons leurs journaux intimes ! Paranoïa et mauvaise foi sont de mises entre les deux voisins ! On rit de leur bêtise mais petit à petit, le rire devient jaune, l’ambiance inquiétante… Le livre n’est pas découpé en chapitre mais selon un compte à rebours lancinant qui tient le lecteur en haleine jusqu’à l’explosion.


Le propos léger du départ (une chamaillerie de voisinage) laisse place à une inquiétante atmosphère, comme si les personnages étaient des marionnettes prises au piège dès l’incipit.. Le pire dans cette histoire, c’est qu’on ne peut deviner la fin et que l’on reste sous le choc un bon moment…


Pour un premier roman, J.M Erre, Montpelliérain et prof de français a visé juste avec un ton décalé qui pourtant enserre de plus en plus ce Cluedo burlesque… A découvrir de toute urgence, même pour un Chat !



jeudi 11 décembre 2008

"La joie de vivre" - Emile Zola


Effrayant de noirceur par Sandrine

Ou le bonheur de se pendre comme avait titré un caricaturiste au moment de la sortie de ce livre !

Effectivement, Zola est un ironique (qui a dit cynique ?). Déjà « Une page d’amour » nous induisait en erreur en parlant de plusieurs sortes de passions maladives mais aucunement d’amour ( le vrai , le pur à la Tristan et Iseult ou même de l’amour tout simple), ici la joie de vivre n’est qu’une façade que se donne « l’héroïne » de l’histoire, aussi déprimante que « Une vie » de Maupassant et certainement bien d’autres de l’époque (les commentaires de mon livre citent « Les souffrances du jeune Werther » et « René », j’avoue n’avoir lu aucun des deux, Zola cite également beaucoup Schopenhauer qui semble très joyeux lui aussi).

Pauline est orpheline et est recueillie par une branche de la famille, elle dispose d’un bel héritage qui la fera bien vivre à partir de sa majorité, elle dispose aussi d’une humeur joyeuse et constante qui sera fort mise à mal par cette nouvelle famille. En détail, la mère est intrigante et la ruinera petit à petit (tout en accusant Pauline d’avarice), le père à d’effroyables crises de gouttes que seul calme l’enfant, le cousin, de neuf ans son aîné à une névrose (c’est-à-dire un caractère assez faible et une grande peur de la mort qui le paralyse complètement). N’oublions pas la servante qui gueule tout le temps, le chien bonne pâte et la chatte de la maison, séductrice.

Tout ce petit monde râle, dépense, et la Pauline reste debout telle une nounou souriante incarnant cette fameuse joie de vivre, elle se sacrifiera avec le sourire (jaune quand même), elle semble être heureuse de le faire même au bout de quelques temps.

Les critiques reçues à la parution de ce livre furent virulentes contre justement ce titre ironique, les gens souffrent, meurent à la pelle, Pauline mérite des claques, il y a un récit d’accouchement à faire peur à toutes femmes n’ayant pas encore vécu cela. Que du bonheur donc et un Zola effrayant de noirceur. Mais un bon Zola tout de même !