mercredi 30 septembre 2009

"L'après-midi bleu" - William Boyd

Quand le ciel est bleu tout est possible, par Livrovore


Kay est architecte à Los Angeles, en 1936. Elle vit sa vie comme elle vient, divorcée, qui tente de perçer dans le monde de l'architecture. Un jour, soudainement, un vieil homme ce présente à elle en se prétendant être son père. Mais Kay n'y croit pas du tout... sa mère lui a toujours dit que son père était Hugh Paget, la silhouette que l'on voit à peine sur une vieille photo. Elle n'avait jamais approfondi le sujet. Ce vieil homme, qui se nomme Carriscant, sait pourtant piquer sa curiosité et l'entraîne dans son histoire. Petit à petit, au compte-goutte, il raconte l'histoire de son passé et l'on se retrouve à Manille en 1902, où il était un brillant chirurgien et qu'il a connu l'amour avec un grand A, avec celle pour qui il a besoin du soutien de Kay pour la retrouver enfin.
William Boyd sait nous emporter dans cette histoire avec talent, d'abord dans les doutes de Kay, qui n'y croit pas mais suit et écoute quand même cet homme. Puis, et c'est la partie du livre la plus intéressante à mes yeux, tout le récit de la vie du Docteur Carriscant à Manille où l'auteur arrive à nous entraîner à la fois dans une intrigue criminelle et une histoire d'amour fou, sur fond d'occupation américaine des Philippines (au moment où l'Espagne a vendu cette colonie aux Etats-Unis). On survole la politique et les progrès scientifiques en étant totalement accroché par l'intrigue et l'attachement au personnage. Et ce n'est finalement qu'à Lisbonne, des années après, que c'est Kay qui dénouera le tout... ou peut-être pas.

La couleur dans le titre, puisque c'est notre sujet ce mois-ci dans le cadre de "United Colors of Chats de Bibliothèque", est très importante car elle reflète la moiteur et le ciel des Philippines, et c'est lors d'un après-midi où la lumière est telle que tout paraît si bleu que tout bascule pour le Docteur Carriscant.

mardi 29 septembre 2009

Bleu presque transparent" - Ryû Murakami

Bleu réfrigérant, par Ingannmic.

« Bleu presque transparent » est le 2ème roman de Ryû Murakami que je lis, et je n’y ai rien retrouvé de ce que j’avais apprécié dans le 1er, « Les bébés de la consigne automatique », récit difficile mais passionnant.
Zaph l’a bien exprimé (ici) : hormis les descriptions d’une bande de jeunes qui se droguent, partouzent, écoutent de la musique et vont parfois aux concerts, rien ne s’y passe vraiment. Et puis cette platitude, au niveau du style ! Au bout d’une trentaine de pages, je crois que j’avais déjà compris que j’allais bien m’ennuyer (pour rester polie). Ennui certes parfois légèrement interrompu par le dégoût, lors de certaines scènes assez « trash ». Non que je sois quelqu’un qui se choque facilement, mais quand la description de violences semble être un but en soi, je n’en vois franchement pas l’intérêt.
Que dire de plus ? J’ai tenté, moi aussi, de lire entre les lignes, d’y voir un témoignage symptomatique d’une certaine jeunesse japonaise des années 70, entre influence du courant hippie occidental et désœuvrement lié à l’absence de tout projet, de toute idéologie… je cherche encore !
D’un autre côté, je ne voudrais pas dégoûter de cet auteur ceux qui ne l’ont jamais lu. Disons que « Bleu presque transparent », qui est son premier roman, est plus que dispensable. Maintenant, il aurait fallu que je lise d’autres œuvres de Ryû Murakami pour juger de son talent, mais cette mauvaise expérience m’a un peu refroidie.

lundi 28 septembre 2009

Valérie Valère

Tu me manques… par Salysand

Née à Paris le 1er novembre 1961, dans le 15ème arrondissement, Valérie était le second enfant d'une famille classique. Elle fut internée à l'âge de 13 ans dans un hôpital psychiatrique pour anorexie mentale, pendant 4 mois. A sa sortie, elle s'inscrit à l'école du cirque d'Annie Fratellini pour suivre des cours de funambules, tout en suivant ses cours au collège. Elle était animée de cette passion qu'est l'écriture et s'y adonnait tous les soirs après ses devoirs. Elle a obtenu son bac et alla à la Sorbonne pour entreprendre des études de lettres, mais elle abandonna après la première année. En 1981 Valérie VALERE part vivre à la campagne où son frère la rejoint de temps à autre. Le 18 décembre 1982 Valérie VALERE quitte ce monde. Incinérée, ses cendres furent dispersées dans la mer, telle qu'elle le souhaita dans son dernier testament.

J’ai lu plusieurs de ses livres et je tiens à dire que rares sont les ouvrages qui m’ont autant touchés.
Elle était anorexique, ok, mais là n’est pas mon débat !!! Je suis profondément horrifiée par le côté réducteur de la mise en première ligne de cette maladie ! Un coup de griffe, un !
De plus aucune photo couleur la représentant ! Que du noir et blanc ! Cherchez l’erreur ! On cultive le morbide !!! Re griffe !!!

Valérie VALERE est un auteur de talent !
La clairvoyance de ses romans, l’analyse de sa vision du monde et des rapports humains sont des bijoux à découvrir.
Tourmentée ? Sûr elle l’était, mais qui de nos jours y échappe ?

Elle me manque ! J’ai lu au moins 3 fois « MALIKA OU UN JOUR COMME TOUS LES AUTRES ». Où sont le bien et le mal lorsque l’on aime ? Sans barrière elle nous fait dériver le long de ses émotions…

J’aimerais de temps en temps entendre parler d’elle dans les médias… Mais elle n’est pas « la fille de » ! Alors…

Ses romans, nouvelles et écrits divers:
  • Le pavillon des enfants fous
  • Malika ou un jour comme tous les autres
  • Obsession Blanche
  • Laisse pleurer la pluie sur tes yeux
  • Véra, Magnifica Love et pages diverses
  • Eléonore
  • La station des désespérés ou les couleurs de la mort
  • A la porte de moi -même

dimanche 27 septembre 2009

"Le treizième conte" - Diane Sutterfield

Incendie et vieilles dentelles, par Lhisbei

Margaret Lea n’est pas une jeune femme moderne. Elle ne possède pas de téléphone portable, n’envoie pas d’e-mail (elle écrit plutôt des lettres et des cartes postales) et préfère la compagnie d’un livre (si possible anglais et du 19eme siècle) à celle de ses semblables. Elle vit toujours avec ses parents et baigne dans les livres au quotidien. Son père tient une librairie spécialisée dans les livres anciens qu’il restaure parfois et sa boutique est un terrain de jeu idéal pour Margaret. Elle est aussi biographe (d’auteurs morts et, si possible, anglais et du 19eme siècle) ce qui amène Vida Winter, le plus célèbre écrivain britannique à la contacter. Miss Winter, à l’article de la mort, vit recluse dans son manoir d’Angelfield (très 19eme siècle) perdu dans le Yorkshire. Elle ne laisse personne l’approcher et encore moins la connaître. D’abord hésitante, Magaret finit par se laisser convaincre (le manoir dispose d’une immense bibliothèque à laquelle il est difficile de résister) et écoute jour après jour l’histoire (ou les histoires) de Wida Winter. Cette dernière lui impose une règle : pas de questions et, à la fin du récit, elle connaîtra toute la vérité.

Les histoires de Vida et de Margaret vont se croiser tout au long du roman. Blessures secrètes, secrets de famille, fantômes surgis du passé qui ravivent d’anciennes douleurs, petits mensonges et faux semblant vont s’entremêler selon un canevas complexe tissé autour d’un incendie tragique pour Vida et d’une sœur siamoise décédée à la naissance pour Margaret. Le livre (le livre objet, le livre tel qu’on l’écrit, les romans dans le roman, les livres d’auteurs anglais morts du 19eme siècle et finalement la littérature) est le fil conducteur, le trait d’union, qui relie les deux personnages. Impossible à la lecture de passer à côté des références à (en vrac) Jane Eyre, Jane Austen, les sœur Brontë, Dickens … et à Daphné du Maurier bien sûr. L’ambiance est aux mystères et l’isolement des protagonistes (la lande anglaise en plein hiver est fidèle à sa réputation) pèse de tout son poids pour renforcer cette impression. Et le problème est là : dans le poids, le dosage. Les trop nombreuses références finissent par écraser des personnage pourtant bien construits et une narration maîtrisée. Le roman est « à la manière de » : à la manière des auteurs anglais morts du 19eme siècle. Sauf que l’auteur ancre son récit à notre époque et que le charme désuet que le décalage apporte s’évapore assez vite.

Je ne suis probablement pas assez anglaise et du 19eme siècle pour apprécier à sa juste valeur ce livre qui contente les lecteurs mordus de littérature angl… je vous laisse finir

samedi 26 septembre 2009

"La rage d'être libre" - Kerstin Thorvall ("La trilogie de Signe", Tome III)

Suite et fin, par Ingannmic.

J'ai, pendant de longs mois, maudit ma bibliothèque, qui avait la curieuse idée de proposer à la lecture les deux premiers tomes d'une trilogie... et pas le troisième. Sans doute lassés de me voir déposer chaque semaine le même formulaire de souhait, ils ont fini par céder, et par acquérir "La rage d'être libre", dernier opus de "La trilogie de Signe" de la suédoise Kerstin Thorvall. Le problème, c'est qu'ayant lu le début de cette trilogie il y a 8 mois, j'ai eu au départ un peu de mal à me replonger dans l'ambiance et l'histoire...

Pour rappel, à la fin des "Années d"ombre", nous avions laissé Hilma, mère de Signe et personnage principal des deux premiers volumes, en plein émoi. En effet, la fille chérie dont elle souhaitait à tout prix préserver la pureté et l'innocence s'était non seulement lancée dans de frivoles études de dessinatrice de mode, mais en plus, -ô sacrilège-, s'était trouvée un petit ami! Afin d'éloigner les deux tourtereaux, elle avait offert à Signe un stage de dessin à Paris.

Alors qu'auparavant la narration était menée à la troisième personne, c'est cette fois Signe qui s'exprime, relatant ses neuf années de mariage avec Lars-Ivar (le fameux petit ami), marquées par ses succès professionnels mais par un profond mal-être psychologique. En effet, élevée par une mère hyper-protectrice et puritaine, Signe est une jeune femme timide, complexée, complètement ignorante en matière de sexualité. C'est pourquoi lorsque Lars-Ivar, camarade d'école populaire et séduisant, lui fait la cour, à elle, le vilain petit canard, elle exulte!
Lui est touché par la pureté de Signe, et apprécie surtout l'image qu'elle lui renvoie. Elle le vénère presque, et son admiration pour lui l'amène à l'imiter, dans ses prises de position politiques (sociales-démocrates) et religieuses (il est athée). C'est à la fois une émancipation, puisqu'elle renie les préceptes rigides et aliénants que lui a inculqués sa mère, mais c'est aussi l'enfermement dans une autre prison : la dépendance change de support, mais reste une dépendance. Et Signe étouffe, malgré une situation privilégiée pour l'époque (elle a fait des études et représente la principale source de revenus du foyer...) : elle sent qu'elle n'est pas encore elle-même, ni en tant que mère ni en tant qu'épouse. Elle n'a pas encore surmonté son complexe d'infériorité et cette peur de la folie, d'avoir hérité de"l'Atavisme" paternel, qui la hante. Cela se traduit par des insomnies, des dyspnées, des crises d'angoisse... Foutaises, caprices, pour son entourage : un mari séduisant, des enfants en bonne santé (qui plus est des garçons!), une succession de réussites professionnelles... que désirer de plus?

Comme dans les volumes précédents, l'auteure insiste tout le long du récit sur la condition féminine et son évolution dans cette société des années 40-50. Une condition qui laisse encore à désirer, en dépit de l'apparition de certains progrès, notamment en matière de connaissances médicales, qui permettent d'aborder les problèmes "féminins" sous un angle plus rationnel, et d'abandonner par exemple le mythe de l'hystérie féminine en découvrant l'importance du rôle des hormones. La vie de Signe illustre à merveille à la fois ces évolutions, et la difficulté pour une femme de se réaliser par et pour elle-même.
"La rage d'être libre" donne à cette trilogie un éclairage différent : Hilma, qui dans les précédents romans, passait plutôt pour une victime, est présentée ici comme la cause principale des angoisses de sa fille et comme une mauvaise mère. Bien qu'elle apparaisse physiquement très peu dans ce tome, on ressent de façon quasi permanente le poids de son éducation et de sa personnalité sur les agissements et les pensées de Signe.
Personnellement, c'est le 1er volume que j'ai préféré. L'auteure m'a parue plus à l'aise dans la relation de la vie de sa mère que de la sienne (rappelons qu'il s'agit d'un récit autobiographique), mais sans doute est-ce logique : la part de fiction inhérente à la reconstitution de l'existence d'Hilma, et l'imagination mise en oeuvre pour décrire ses sentiments, permettent plus de recul que lorsqu'il s'agit de décrire ses propres émotions.
En même temps, je trouve très touchant cette démarche qui consiste à tenter d'expliquer et de comprendre le comportement maternel, en remontant dans son passé, comme si l'auteure s'efforçait de dépasser la haine qu'elle semble éprouver pour sa génitrice, pour la considérer en tant que femme, elle aussi victime d'une société machiste et puritaine.

Les deux premiers tomes, c'est ici.

jeudi 24 septembre 2009

"Plaisirs coupables" - Laurell K.Hamilton

Coup de dent, par Salysand

Je viens de lire le premier volume de la série des « Aventures d’ Anita Blake, tueuse de vampires ». Auparavant j’ai regardé les critiques sur plusieurs sites et c’est unanime, cette série est un régal d’action, fantaisie et humour noir pour tous les amateurs de vampires.

C’est donc confiante que je me suis lancée dans cette lecture après m’être documentée sur l’auteur dont voici la biographie :

« Née en 1963 dans une petite ville de l’Arkansas, Laurell Kave Hmilton a été élevée par sa grand – mère dans un petit village de l’Indiana. En 1993, elle crée le personnage d’Anita Blake et ignore alors qu’elle est l’instigatrice d’un nouveau mouvement littéraire, dérivé de la Fantasy urbaine : la bit – lit. Depuis, elle consacre chaque année un roman à son personnage fétiche, parallèlement à des ouvrages de la série Merry Gentry ou des novélisations pour des licences (Star Trej : The Next Generation, Ravenloft). Elle vit aujourd’hui avec son mari, leur fille et leurs trois chiens dans la ville de Saint Louis, comme Anita. »

Je lis énormément et suis « bon public » pour la bonne et simple raison qu’écrire est déjà en soi un art et que ce talent n’est pas donné à tout le monde. Mais là !!! Là… les bras m’en sont tombés et le livre aussi de ce fait ! J’ai longuement cherché l’humour noir, sans résultat. Le style d’écriture est plat et sans aucune richesse ni surprise. Les personnages sont prévisibles et les actions fortement décousues. Vous pouvez me répondre que c’est le premier volume et que sans doute les autres sont bien meilleurs et vous aurez peut être raison mais je ne renouvellerai pas cette expérience. Sans aucun snobisme, je pense avoir mis le doigt sur la « série HARLEQUIN » des vampires. C’est décevant, insipide et si Anita Blake, personnage principal de cette série est une tueuse de vampires sachez qu’elle est également un très bon somnifère pour nous autres pauvres humains.

Votre jugement sera sans doute sauvage à mon égard car c’est le premier avis que je vous envoie et peut être me trouverez – vous trop incisive (humour) aussi je vous présente tous mes respect pour votre blog que je visite régulièrement.

mercredi 23 septembre 2009

"A la croisée des mondes" - Philip Pullman

Ce n'est pas (que) pour les enfants, par Ingannmic.

Dans un monde où...
...les ours parlent et portent des armures,
...les sorcières se déplacent en volant sur des branches de sapin,
...chaque humain est lié à son "daemon", créature qui, sous l'aspect d'un quelconque animal, fait partie intégrante de l'individu auquel il est rattaché par un fil invisible...
Dans ce monde vit Lyra, pré-adolescente au caractère de peste, dont l'extraordinaire destinée va entraîner le lecteur dans une suite d'aventures fantastiques et passionnantes.

Philip Pullman possède à la perfection l'art délicat de dépeindre l'imaginaire. L'équilibre est habilement maîtrisé, entre répondre aux attentes de l'enfant qui sommeille dans le cœur de chaque lecteur, qui réclame son comptant d'émerveillement convenu mais réjouissant (des animaux qui parlent, une héroïne intrépide et insoumise, des objets aux fonctions magiques) et satisfaire les besoins plus obscurs des adultes que nous sommes, d'histoires sordides, de noirceur, d'intrigue construite de façon à rendre l'irrationnel presque crédible, ou en tous cas imaginable...

Scènes de torture, héros à la personnalité trouble, enfants tour à tour victimes et meurtriers... l'auteur nous livre une véritable épopée où la violence et la cruauté ne sont pas en reste ! Et il maintient notre intérêt sur 3 tomes*, une demi-douzaines de mondes parallèles et une galerie de personnages qui n'a rien à envier aux récits mythologiques.

Mais Philip Pullman va encore plus loin. C'est presqu'une morale qu'il réinvente dans cette "Croisée des mondes", stigmatisant les dogmes religieux de façon quasi blasphématoire, y opposant un troublant hommage à la nature, puissante mais victime de la mégalomanie des hommes, une nature dont la variété et l'harmonie sont en elles-mêmes suffisamment extraordinaires pour ne pas avoir besoin d'être justifiées par l'intervention d'un quelconque créateur. C'est aussi une ode à la liberté d'esprit, à la science et au savoir qui éveillent les âmes, qui rendent les individus plus forts et plus avisés, à l'inverse des dogmes liberticides et de l'obscurantisme.

A la fois quête initiatique, roman d'aventures, récit ésotérique, philosophique... le tout porté par une écriture fluide et efficace : cette lecture fut un vrai moment de plaisir !


*"Les royaumes du Nord", "La tour des anges" et "Le miroir d'ambre".

mardi 22 septembre 2009

"Le passeur de lumière" - Bernard Tirtiaux

Des ciseleurs de pierre et musiciens des couleurs par Mbu

Il n’y a pas de couleur dans ce titre. Autant pour l’activité du moment. Mais de la couleur, dans ce livre, il n’y a que ça. Et la lumière passe au travers.

Bernard de Tirtiaux est un artisan rare, il fait des vitraux. Et c’est donc avec beaucoup d’amour qu’il nous invite à l’accompagner dans ce voyage artistique qu’est « Le passeur de Lumière », où le lecteur va explorer une époque d’une incroyable richesse artistique aux côtés de personnages étonnants qui de leur courte vie… bâtissent l’éternité : les bâtisseurs de cathédrales. Ces projets titanesques dont les auteurs acharnés sont conscients qu’ils ne verront jamais l’aboutissement. Ces générations qui s’enchaînent sur ces mêmes œuvres, que l’on se passe de père en fils, d’artisans de génie en artisans de génie.

Notre guide ? Nivard de Chassepierre, un orfèvre talentueux, fils d’un croisé doué de grands talents artistiques, dont il a hérité. Très jeune, il façonne une œuvre qui pourrait le laisser là, au bout de son art à peine sa carrière commencée, si le magicien de la pierre et bâtisseur de cathédrale Rosal de Sainte-Croix, dont l’art reflétant le nom est de tailler dans de lourds blocs des rosaces aussi fines et légères que de la dentelle, n’avait perçu chez cet artiste un très grand potentiel pour faire avancer un art totalement inconnu du jeune homme : celui du vitrail. Son idée, allier l’art de l’orfèvrerie à celui du verre. Le jeune homme va donc être confié à plusieurs grands maîtres du vitrail, à travers l’Europe et au Moyen-Orient. Le lecteur, à sa suite, est entraîné dans les plus fameux ateliers du monde du vitrail, d’Allemagne, de France, d’Italie et de Perse. Une formation de plusieurs années, de longues séparations pour des retrouvailles tardives et la réalisation de projets dont l’ambition est à l’échelle de la foi.

Ce qui étonne le plus, dans ce roman, c’est la notion du temps. Elle est à la mesure des bâtisseurs de cathédrale. Autrement, à une époque où l’on ne vit pas forcément vieux, où tout peut arriver, on lance sur les routes d’Europe et d’Orient les plus talentueux des artistes, à la poursuite de perfectionnement, afin de participer à des projets dont l’idée même est colossale, et dont la préparation demande plusieurs décennies. Avec, bien sûr, tous les aléas de la vie. Et dans la vie du turbulent et révolté Nivard, des aléas, il n’en manque pas. Jusqu’à en perdre la foi, si ce n’est l’art.

L’écriture n’a rien de spécial, mais l’univers esthétique dans lequel nous plonge l’auteur est fabuleux, et les personnages qui nous y guident sont terriblement attachants. Un beau roman historique sur la plus belle part de l’histoire : celle de l’art et de la recherche de la beauté.

lundi 21 septembre 2009

"Rue Sans-Souci" - Jo Nesbo

Ma déclaration, par Ingannmic.


Vous l'aurez sans doute deviné, la rédaction des critiques des romans de Jo Nesbo est pour moi un exercice de plus en plus délicat... Voici le 5ème roman que je lis ayant pour thème les aventures du célèbre inspecteur Harry (non, pas celui-là... je vous parle, moi, d'Harry Hole, ce géant norvégien qui passe une bonne partie de son temps à résister à la tentation d'un verre de Jim Beam), et il devient difficile d'éviter la redondance tant l'auteur est régulier dans la qualité. Que puis-je vous dire, si ce n'est qu'une fois de plus, l'intrigue est impeccablement ficelée, les personnages sont attachants, tous traités avec le même soin, l'environnement (Oslo) utilisé de façon intelligente, l'ironie maniée subtilement... Mr Nesbo, voulez-vous m'épouser ?

Bon, je vous livre tout de même un rapide résumé (sinon, je n'aurai jamais mes 15 lignes), sachant que si vous souhaitez lire "Rue Sans-souci", je vous conseille auparavant de commencer par "Rouge-gorge", dont il est la suite.
Le braquage d'une banque, au cours duquel une guichetière a trouvé la mort, est le point de départ de cette enquête qui va mener Harry de fausses pistes en rencontres marquantes. Une enquête qui s'avère d'autant plus compliquée qu'en parallèle, l'une de ses ex est retrouvée morte au lendemain d'une nuit qu'il a passée avec elle, et dont il ne garde aucun souvenir.

Comme précédemment, je vous donne rendez-vous très bientôt, à l'issue de la lecture de "L'étoile du Diable", suite de cet opus...


Pour en savoir plus sur les autres romans de Jo Nesbo chroniqués chez les Chats :

samedi 19 septembre 2009

"L'oeuvre au noir" - Marguerite Yourcenar

Une invitation à la méditation, par Mbu.


Le problème avec Yourcenar, c'est que je ne sais pas quoi en dire sans craindre de dire des banalités. Je pourrais dire que j'ai aimé, bien sûr, mais ça ne suffit pas. Ce genre de roman, ça ne s'aime pas, à mon avis, ça se médite et c'est là où ça devient un peu critique à commenter.
Yourcenar nous plonge dans une contexte médiéval très réaliste et aussi très noir, juste à l'époque où apparaît le protestantisme, donc la contestation d'une forme de l'église, pour mieux nous montrer comment ces protestants ne sont pas si différents de ceux contre qui ils se révoltent. Elle choisit un médecin philosophe athée pour nous guider, un homme qui doit se cacher, changer de nom, fuir l'inquisition pour faire avancer la science et qui médite beaucoup sur son époque, sur les hommes, la science. un penseur, donc. Qui ne sous fera penser, méditer, avec lui.
Là où l'on pourrait s'attendre à un roman plein d'actions et de voyages, si l'on ne connaît pas encore l'auteur, on se retrouve non pas à voyager sur terre, mais à l'intérieur de soi. Introspection encore, comme pour Hadrien, et réflexions sur l'espèce humaine. Mais le personnage d'Hadrien n'a vraiment rien à voir avec Zénon. Faiblesse de la chair, dureté du regard face à la violente réalité du monde, philosophie: ces deux héros ont peut-être quelques points communs, mais leur caractère est diamétralement opposé. L’un est empereur face au monde, l’autre est secret et se cache tant par obligation que par personnalité. Face au grand Hadrien, homme d'état, le sombre Zénon, génial scientifique apparaît comme particulièrement cynique, détaché, et nous fait explorer sa réalité sous un tout autre angle. Celui des nouvelles idées, de l’idéalisme et de ses faiblesses et incohérences. Et toujours on le suit, dans ce Moyen-Âge qui présente un beau miroir pour notre siècle. Zénon ne voyage pas, il erre. Comme ses pensée, et comme les notre.
Mais ce n’est pas non plus uniquement un roman de méditation. Il nous arrive parfois de laisser un peu Zénon et de suivre ses compagnons, son entourage, dans leurs tribulations si différentes du philosophe, qui nous montre d’autres facettes de ce kaléidoscope moyenâgeux et donne au roman un rythme nouveau, plein d’aventures, dans à travers les évènements historiques marquants de l’époque. Un roman à deux rythmes donc, à plusieurs visages, qui nous propose de débattre des idées nouvelles, et surtout, de l’homme.
Un livre, donc, à lire en le reposant pour réfléchir, en dégustant les réflexions, en méditant... Du genre que je prends dans un parc pour marcher un peu avant de continuer à lire un peu. C'est ce que j'aime finalement. Yourcenar me permets de me perdre dans les pensées de ses personnages, puis dans les miennes et de dériver...

vendredi 18 septembre 2009

"Sac au dos" suivi de "A vau l'eau" - Joris-Karl Huysmans

L'important n'est pas la quantité, par Ingannmic.

Folio a réuni, pour sa collection "poches à 2 euros", deux nouvelles de Joris-Karl Huysmans : "Sac au dos" et "A vau l'eau". La première a été originellement publiée en 1878, avant d'être remaniée par l'auteur afin d'être intégrée dans un recueil collectif de nouvelles naturalistes ("Les soirées de Médan"). La deuxième, qui est plus longue, a été publiée, seule, en 1882.

Dans "Sac au dos", le narrateur relate son enrôlement dans la garde mobile de la Seine lors du conflit contre la Prusse en 1870. Suite à de sérieux problèmes intestinaux, c'est une pérégrination d'hôpital en hôpital qui lui tient lieu de baptême du feu. Ce qui ne l'empêche pas de connaître les aléas de l'existence de tout soldat que sont la crasse, la promiscuité, la faim... C'est toute l'absurdité de la guerre et du fonctionnement bancal des institutions qui transparaît dans ce récit. D' interminables voyages en train qui ne mènent nulle part à la désorganisation des instances militaires ou sanitaires, on ne peut s'empêcher de sourire de situations que l'auteur parvient à rendre presque cocasses, grâce à la truculence de ses personnages frustes et bons vivants.

"A vau l'eau" est l'histoire de la triste et morne existence de Mr Folantin,vieux garçon et employé de ministère. De ressources modestes, seul, sa principale préoccupation, à longueur d'année, est de dénicher un restaurant correct pour dîner... Joris-Karl Huysmans exprime avec talent la monotonie, l'ennui qui régissent le quotidien de cet insignifiant personnage, qui n'inspire même pas la compassion.

Ces nouvelles sont deux petits bijoux de style et de justesse.
Visiblement, l'auteur a puisé son inspiration de sa propre expérience puisque qu'il fut garde mobile et fit toute sa carrière professionnelle au ministère de l'intérieur.

jeudi 17 septembre 2009

"Assez parlé d'amour" - Hervé Le Tellier


Déformation professionnelle… par 32 Octobre

"Assez parlé d'amour" est paru chez Lattès fin août 2009. Dans ce roman d'amour et néanmoins très oulipien, Hervé Le Tellier décrit les trajectoires parallèles d'Anna et Louise, deux femmes mariées confrontées, à quarante ans, au coup de foudre.

« La planète connut cette année-là son automne le plus chaud depuis cinq siècles. Mais de la clémence providentielle du climat, qui joua peut-être son rôle, il ne sera plus question. Ce récit couvre l’espace de trois mois et même un peu plus. Que celle – ou celui – qui ne veut pas – ou plus – entendre parler d’amour repose ce livre. »

En lisant ce livre… un vrai coup de cœur … mais un peu gâché par l’obligation qui m’est faite, insidieusement, de trouver à quelle consigne d’écriture l’auteur répond dans chacun des chapitres. Pour rappel, j’anime des ateliers d’écriture et chacun des chapitres de son livre est une invite à l’écriture, à la consigne, à la trituration de mes méninges.

Il est membre émérite de l’Oulipo (OUvroir de Littérature POtentielle), mouvement fondé par Raymond Queneau, il est aussi l’un des « Papous » de l’émission de France Culture et cela se sent, cela se respire et cela m’a malheureusement pris la tête par instant. Je n’ai pas réussi à déguster complètement son livre. Je l’ai dévoré car je voulais en connaître la chute mais ensuite tout s’est brouillé dans ma tête. Je n’avais pas découvert tous ses mécanismes d’écriture. J’en suis sortie frustrée. Pas sympa Monsieur Le Tellier.

Il va falloir y adjoindre un volume ou une chronique : comment j’ai écrit « Assez parlé d’amour ». Relever le défi, je veux savoir et utiliser vos consignes. Il y a bien sûr le principe de construction sur la base de la partie de dominos abkhazes mais il y a d’autres secrets à nous dévoiler.


Le vrai régal pour moi a été le chapitre Stan et Yves, pages 137 à 148 (d’ailleurs un des plus longs).


A vous de vous identifier à l’un des personnages… vous aurez une vie, une nouvelle vie, peut-être celle que vous aimeriez vivre. Peut être serez-vous aussi courageux ou aussi lâche qu’un des personnages… peut-être … en tout cas vous serez vivant et vous aurez envie, en posant le livre, de criez « Je t’aime ! ».

Chut, il ne faut pas le dire… Je lui ai dit tout doucement, il s’était endormi près de moi, sa journée avait été longue mais j’avais dû continuer à lire, jusqu’à plus soif ce livre qui va hanter mes jours et mes nuits jusqu’à un prochain coup de cœur.

Merci Hervé Le Tellier de l’avoir commis…






mercredi 16 septembre 2009

"Le pavillon des brumes orange" - Paul West

Sauvagerie japonaise, par Ingannmic.


Le massacre des habitants de Nankin lors de l'invasion de la ville par l'armée japonaise en 1937 est, du moins me semble-t-il, un événement historique relativement méconnu (1). En ce qui me concerne, je n'en n'ai eu connaissance qu'à la lecture du roman de Mo Hayder, "Tokyo", dont une partie de l'action a pour contexte cet événement. C'est aussi le contexte du "Pavillon des brumes orange".

Entrés dans une cité dépeuplée de tout chinois en âge de combattre -puisqu'enrôlés dans l'armée de Tchang Kaï-chek-, les soldats japonais ont non seulement assassiné la majeure partie de la population restante, mais en ont aussi profité pour violer de façon quasi systématique les femmes et filles qui avaient le malheur de croiser leur chemin. Flamme d'Ibis est l'une de ces victimes. Elle subit des viols à répétition, puisqu'Hayashi, colonel japonais, a élu domicile dans la villa de la jeune fille, qu'il va peu à peu élever au rang de bordel organisé, lupanar où amiraux et généraux vont pouvoir assouvir leurs besoins les plus primitifs, et parfois leurs fantasmes les plus sordides. Dans ce "pavillon des brumes orange", nous assistons ainsi à une tragédie à huis-clos, presque parallèle à celle qui se déroule dehors. Pendant que Flamme d'Ibis et Hayashi y évoluent (et y restent cloîtrés), ils semblent ignorer les avions qui explosent dans le ciel, les chinois noyés, décapités, démembrés, dans une Nankin complètement dévastée... Et progressivement, Flamme d'Ibis, qu'Hayashi remarque grâce à sa beauté et son raffinement, va passer du statut de vulgaire putain à celui de "femme d'aisance", (dont le rôle s'approche de celui d'une geisha). Le lecteur assiste donc à cette évolution, mais c'est surtout la transfomation psychologique et émotionnelle de la jeune fille qui est marquante : adolescente de 16 ans entièrement préoccupée de ses études artistiques et de sa soif de savoir, complètement ignorante de tout ce qui a trait à la sexualité, elle devient en l'espace de quelques semaines un jouet pour les hommes, faisant brutalement l'apprentissagede leur sauvagerie, et de "l'impératif vénérien que la planète exige de ses habitants". A force de concessions vis-à-vis de ses anciennes aspirations, de son "ancienne identité" (puisqu'elle ne se définit plus que par le regard des autres), elle s'adapte à cette situation, et c'est ce qui lui permet finalement de survivre. Malgré tout, elle garde des traces de celle qu'elle fut avant ce désastre, puisque les envies de vengeance qui lui viennent parfois la choquent, en inadéquation avec l'éducation qu'elle a reçue et ses principes pacifistes. Plutôt que la violence, elle utilise la duplicité, la ruse, pour devenir indispensable et surtout intouchable aux yeux de Hayashi. Ainsi se noue entre ces deux êtres une relation trouble, entre séduction et domination, et dans laquelle se cristallise le fossé séparant les cultures de leurs pays respectifs, du moins ainsi que le conçoit Flamme d'Ibis, qui méprise ces japonais dont "les petits cérémonials posés qu'ils affectionnent sont l'antichambre de la sauvagerie", quand, à l'opposé, l'image de la tradition chinoise qui lui est inspirée par l'image de son père professeur est imprégnée de subtilité, d'intelligente ironie, d'amour de l'art. Plus difficile à supporter est alors le sentiment de culpabilité qui parfois s'empare d'elle : à force de composer avec l'ennemi pour survivre, ne viendra-t-il pas un jour où on lui reprochera sa "collaboration", ses compromissions ? Jusqu'à quel point doit-on composer avec ses principes dans le but de rester sauf ? Et qui, après tout, peut en juger ?

Paul West a une écriture remarquable. Les images qu'il utilise sont éloquentes, appropriées à une compréhension profonde des émotions, des doutes de ses personnages. Son vocabulaire est foisonnant, riche. La lecture en est parfois rendue un peu ardue, mais la récompense est à la hauteur des efforts fournis ! Par moments, il se pose en spectateur extérieur à son récit, invitant le lecteur à le suivre dans cette prise de distance, ce qui lui permet d'appéhender les émotions des protagonistes à la lumière d'une vision globale de l'Histoire, comme s'il relativisait leurs tourments en évoquant les malheurs qui de toutes façons semblent se succéder à l'infini dans l'histoire des hommes.

(1) Pour plus d'information sur cet événement, considéré comme un crime contre l'humanité : http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19371213

mardi 15 septembre 2009

"As I lay dying" - William Faulkner

De l'inconvénient d'être mort, par Zaph

Ça impressionne toujours un peu de se lancer dans un Faulkner, mais avec celui-ci, j'ai été agréablement surpris : après à peine une douzaine de pages, je suis complètement entré dans l'univers du livre, et je me suis familiarisé avec les petites particularités de narration habituelles.

Durant les 45 premières pages du roman, on assiste à l'agonie de Addie Bundren.
Enfin pas vraiment. On suit plutôt tous les personnages qui bourdonnent comme un essaim autour de la maison, de la chambre, du lit de la mourante, centre qui se dessine petit à petit sans qu'on s'en approche vraiment, ou alors, seulement quand la mort survient.
Faulkner a compris (il était malin) que si le centre est peut-être le point le plus important d'un cercle, il n'existe que pour et par la circonférence.

On ressent une certaine gêne, presque du mépris, à voir cette famille continuer son train-train habituel, à se préoccuper d'un gain de trois dollars, d'une récolte, d'une réparation, à montrer si peu de sentiments pour ce qui est en train de se dérouler dans la chambre. Peut-être est-ce tout simplement par peur, par ignorance, pour se raccrocher à la vie ? Ou alors par indifférence, égoïsme, méchanceté ?

C'est vrai qu'on pourrait penser que le style de Faulkner est "expérimental".
C'est vrai que si on lit "the sound and the fury", on peut se dire qu'il prend plaisir à embobiner et à embrouiller le lecteur.
Allons, c'est possible qu'il soit un peu sadique sur les bords et que ça le fasse un peu rire, mais je ne crois pas que ce soit son premier but. En fait, je crois que si on raconte un histoire de manière totalement linéaire, en respectant scrupuleusement la chronologie, et en adoptant un unique point de vue, il est impossible de rendre compte de toute la richesse des évènements.
Il y a toujours plusieurs points de vue, il y a toujours une évolution des perceptions en fonction du temps, bref, il y a toujours plusieurs réalités qui recouvrent un même évènement.
Ce que Faulkner cherche à faire, c'est à capturer un peu de toutes ces réalités, à nous donner une vision aussi riche et aussi vraie que possible de son histoire. Alors ah, bien sûr, c'est moins confortable, ça demande plus d'efforts au lecteur, ça laisse plus de zones d'ombres, ou plutôt, ça révèle des zones d'ombres qu'on n'aurait même pas soupçonnées autrement, mais c'est tellement plus passionnant.

Dans "as I lay dying", la "technique spéciale" utilisée est la multiplicité des points de vue. Et voilà que du choc de ces esprits apparemment simples, émane une complexité de relations dont on sent bien qu'on ne pourra jamais qu'en soupçonner l'ampleur. Ca donne un peu le vertige, mais c'est ça, un grand bouquin : ça nous fait pénétrer plus près de la vérité, et donc plus près de notre ignorance.

Je suis quand-même très impressionné par le sens de l'ellipse de Faulkner.
Ce livre ressemble à une série de photos, ou plutôt, de petites séquences vidéo filmées par chaque personnage. Et derrière chaque image, on perçoit l'abîme qui se dissimule.

Et puis ce sujet ! Quelle allégorie, tout de même.
C'est sa propre mort que chacun traîne avec lui sur les chemins cahoteux de la vie.

"My father said that the reason for living is getting ready to stay dead." dit Addie (car oui, la défunte a aussi son mot à dire dans l'histoire).

En parlant de mots, les personnages en prononcent finalement assez peu. Le discours reste à un niveau factuel. L'important n'est pas dit, pourtant il est perçu par chacun. C'est comme si les limites du langage ne permettaient pas aux personnages de percer leur bulle d'isolement et d'incompréhension, pour réellement rencontrer les autres.
C'est finalement une grande impression de solitude qui traverse ce livre. Bien que la famille soit soudée autour du deuil, chacun est seul face à la mort.

"He had a word, too. Love, he called it. But I had been used to words for a long time. I knew that that word was like the others : just a shape to fill a lack."

lundi 14 septembre 2009

"L'enfant bleu" - Henri Bauchau

Un bout de chemin avec Orion... par 32 Octobre.

En préambule à ma chronique, je vous livre cette phrase d’André Beem (extrait de "Portez cela plus loin" – 1996) :
« Chaque livre ouvre sur le monde une porte qui se referme derrière nous et que nous ne repasserons pas. »

Chacune et chacun nous avons rencontré notre « enfant bleu ».
Ce livre est un hymne à la tolérance et à l’acceptation de la différence. Sous le signe de l’espoir, la présence fugitive de « l’enfant bleu » éclaire Orion et Véronique sur un chemin de compassion.

318 pages pour raconter l'histoire d'Orion ("mon bien cher Orion"), dont Henry Bauchau dira "Pour finir l'enfant bleu, j'ai cassé, je le sais bien, un des ressorts de ma santé. Je ne suis plus le même depuis lors, je ne puis plus travailler comme je le faisais, mais peut-être ai-je contribué, de façon invisible, à la bonté et à l'émerveillement du monde, en écrivant ce livre."[1]

Orion[2], un jeune psychotique, entraîne Véronique, une thérapeute, « sa psycho-prof un peu docteur » dans un monde où se côtoient délire, espoir, courage, patience, art et toutes les difficultés liées au désespoir du « peuple du désastre » et à sa difficulté à communiquer avec le monde réel, tant il est rejeté.

318 pages pour raconter environ douze ans, la durée du traitement « d’Orion, un garçon de treize ans, en qui alternent l’application, de fortes inhibitions et des crises de violence ». Orion aura « vingt-cinq ans » à la fin du roman.

318 pages pour raconter un lieu réel, Paris. Nous suivrons Orion à… Je vous laisse découvrir… Nous irons avec lui jusqu’à Charenton, le terme du voyage, l’endroit du JE.

« Madame… Madame… on doit te parler, ça presse… ça presse ! Je n’ai pas pu jusqu’ici, les parents étaient là… ils sont partis pour les courses. Je prends le bus… toi, prends le métro, je te rejoins à Charenton. »

Nous l’accompagnerons aussi dans des lieux sortis de l’imagination.
Nous visiterons le labyrinthe, l’île Paradis numéro 2, suivrons Orion dans ses dix-sept dictées d’angoisse et regarderons « avec le regard émerveillé d’Orion, …l’instant de transport que les autres appellent délire… »

318 pages pour….Il faut que je m’arrête, je vais faire perdre la tête aux chats… mais ne manquez pas les rencontres avec Véronique, avec son mari « Vasco parle peu, mais quand il le fait tout le monde l’écoute », avec Gamma, l’amie chanteuse et partenaire musicale de Vasco, avec Myla, l’amie anorexique d’Orion, sa première « plus que demi-copine, mais pas plus que presque copine. Dans la tête elle est une copine, pas dans le vrai », avec Roland, avec Jean, avec Ysé et surtout avec l’enfant bleu….
Bizarre, Orion n’a jamais rencontré de chat…. Il a rencontré l’enfant bleu. L’enfant bleu vit par les paroles désordonnées d’Orion et par ses dictées d’angoisse.

Et surtout, dernier conseil, ne lisez pas la 4ème de couverture des éditions « J’ai lu » : « L'enfant bleu, c'est Orion, un garçon psychotique âgé de 13 ans dont les médicaments peinent à apaiser les crises. » Quand on écrit une 4ème de couverture, on lit le livre, on prend cette peine et on écrit : « L'enfant bleu », c'est L'HISTOIRE D'Orion...

Bon voyage au pays d’Orion, au pays du peuple du désastre, vous en reviendrez différent…


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[1] Le Présent d'incertitude - Henri Bauchau - ed. Actes Sud - http://volovent.over-blog.com/article-10386601.html

[2] Personnage fortement inspiré par Lionel, devenu l'ami de l'écrivain et qui vient lui rendre visite dans les pages du dernier journal, Le Présent d'incertitude, d’Henry Bauchau. Si vous aimez les livres - oeuvre d'art, faites-vous plaisir et offrez-vous Henry Bauchau En noir et blanc Vu par Lionel D.
http://www.chemindefer.org/catalogue/hbld_presentation/hbld_artiste/hbld_artiste.html

dimanche 13 septembre 2009

"Homère, Iliade" - Alessandro Baricco

Ceci n'est pas un roman d'Homère...
ni de Baricco, d'ailleurs ! par Ingannmic.

Ainsi qu’Alessandro Baricco nous l’explique en préambule à ce récit, il s’agit d’une adaptation de l’Iliade qu’il a écrite dans le but d’en faire une lecture publique. S’inspirant de la traduction récente d’une de ses compatriotes, il a lui-même effectué quelques coupes, et a fait certaines adjonctions personnelles.
Il en résulte un roman relativement court, composé de chapitres dans lesquels un protagoniste à chaque fois différent prend la parole pour raconter ce qui rappelons-le, est le récit de la fin de la guerre de Troie.

Je n’ai personnellement pas lu «L’Iliade» d’Homère. Mais je me suis demandée où se situe l’intérêt de ce roman. Que l’on remanie ce texte afin d’en rendre possible une lecture publique, soit… mais était-il nécessaire de publier le résultat de cette adaptation, d’en faire un livre ?
D’une part, à force de remaniements et de traductions, on peut imaginer que le texte original a perdu son essence. Quitte à lire « L’Iliade », autant lire la vraie…
D’autre part, pour les lecteurs d’Alessandro Baricco, on ne retrouve ici rien de ce qui fait le charme de ses autres romans : son humour, sa poésie…

Bref, un ouvrage dispensable…

samedi 12 septembre 2009

Jean-Marc Parisis - "Les aimants"

Quelle Ava ! Inoubliable… par 32 Octobre

Ils étaient les deux pôles d’un aimant.
Ils se sont attirés.
Elle l’a obligé à grandir.
Elle l’a quitté, plus exactement elle l’a forcé à s’éloigner.
Il n’a pas pu l’oublier, elle non plus ne l’a jamais oublié.

Il nous en parle aujourd’hui.
Il nous en parlera encore demain car il ne nous a pas tout dit.
Il a encore plein de souvenirs d’elle à nous faire partager.
D’amants ils sont devenus aimants.

« Ava était-elle si exceptionnelle ? »… « Ava était vraiment incomparable »… Ava sa « plus ancienne », sa « plus fidèle amie »… Ava qui « tenait absolument à récupérer des Ray-Ban »… Ava, « en robe bleue »… Ava « soldat, geisha, hippie »…
Cent pages pour l’inoubliable Ava.
« Ava n’est plus »… « où est-elle ? » Elle est à chaque coin de rue…
Merci à Jean-Marc Parisis de me l’avoir fait connaître. J’aurais aimée devenir son amie…

Ce livre, je l’ai lu, dévoré et chose très rare, je l’ai déjà relu…
Ava me manque, j’aurai voulu en savoir plus, encore plus, lire son livre...

Jean-Marc Parisis est né en 1962. Les aimants est son sixième roman. Il a notamment publié Depuis toute la vie (Grasset, 2000), Physique (Stock, 2005) et Avant, pendant, après (Stock, 2007). Il est également l’auteur d’une biographie de Jean-Marc Reiser.



vendredi 11 septembre 2009

"Plage de Manaccora, 16h30" - Philippe Jaenada

La mort aux trousses, par Laiezza


Tiens, mais que devient Philippe Jaenada, ex Aristochat (mais membre des Chats, à titre honorifique) de son état ?

Eh bien. Il lui en arrive, décidément, des vertes et des pas mûres. Figurez-vous que Philippe, alors qu'il essayait d'avoir une vie ordinaire, en partant en vacances en Italie, a totalement raté son coup, puisqu'il a failli mourir. Entre nous, une telle constance dans la catastrophe, cela force le respect. Philippe a beau se réclamer de Bukowski, il évoque quand même, de plus en plus, Gaston Lagaffe. Si l'on met bout à bout tous ses livres, il lui est quand même arrivé un nombre d'aventures effrayant (le nombre, mais les aventures sont assez effrayantes, également).

On pourrait ne pas rire, après tout le narrateur et sa famille sont en train de risquer leur vie, mais c'est mal connaître Philippe J., qui ne manque jamais de délivrer au passage une petite vanne, une remarque acide, ou une considération existentielle ne manquant pas de rappeler les célèbres : "Lois fondamentalement fondamentales régissant l'univers" (marque déposée). Néanmoins, l'ensemble reste assez tendu, et le texte, particulièrement dense. C'est sûrement le livre le plus complet que Jaenada ait signé à ce jour, à la fois un bonheur de lecture, et en même temps un texte fort, mélancolique et haletant (oui, tout cela à la fois).

En temps que lectrice fidèle, c'est un véritable plaisir, car si j'avais jusqu'alors toujours l'impression, dans ses romans, qu'il manquait un petit quelque chose, ce n'est pas du tout le cas dans "Place de Manaccora, 16h30". Celui-ci me donne l'impression exactement contraire : que rien ne manque, et que rien n'est en trop (je pense aux nombreuses digressions, typiques de l'auteur). A ne surtout pas manquer !



Lire l'avis (aussi enthousiaste) d'Ingannmic.

jeudi 10 septembre 2009

« Uglies – Pretties – Specials » - Westerfield

Alors pour moi un petit mélange Angelina, Julianne et Vivien, merciiii !!!, par Sandrine.

Imaginons un monde où nous serions entourés de Brad Pitt et de Monica Bellucci (j’ai pris deux canons de beauté avérés, 1 américain, l’autre européen, comme ça pas de jaloux) ? Imaginons qu’en plein dans l’âge ingrat, on vous sorte des kilos superflus, de l'acné, des dents de travers et que l’on vous transforme en beau mec/belle femme. On serait tous sorti du même moule, un beau moule bien symétrique…

Au premier regard cela peut faire rêver les éternels complexés/ insatisfaits de l’image renvoyée par le miroir mais quel serait ce monde où l’on n’aimerait plus pour les petits défauts charmant (ou malgré eux) ?
Et puis dans ce monde de Pretties décrit par Westerfield, il semble qu’il y ait un problème du côté du moule : s’il vous rajoute de la beauté, il n’insiste pas sur l’intelligence bien au contraire. Partant de ce principe « Sois beau et surtout ne pense pas », ce monde fait carrément peur. Mais comme dans tout endroit « idyllique », il y a des détracteurs, chassés impitoyablement mais là, prêt à revenir aux anciennes valeurs : « Soyons nous et pensons ! ».

Tally va avoir 16 ans dans quelques semaines et enfin passer par l’opération qui lui permettra d’être belle, elle pourra alors faire la fête toutes les nuits entourés de belles personnes (les moches sont relégués de l’autre côté de la rivière). Problème, elle devient amie avec une rebelle qui veut retrouver un esprit libre (et surtout le meneur des esprits libres…) et qui s’enfuit la veille de leurs opération. A ce moment, Tally se retrouve bien malgré elle à devoir la suivre et à devoir faire des choix. Elle découvrira une autre façon de vivre et de penser, elle grandira et mûrira bien sûr grâce à cela. Voyage initiatique donc où même si Tally n’a pas toujours le choix, elle arrive à s’adapter à la ligne de conduite qu’elle a décidé de suivre à la fin du premier tome.

Trilogie intéressante, qui n’a pas fait autant de ramdam que Meyer (sorti au même moment à peu près je pense) mais qui vaut le coup pour sa fin qui n’est pas parfaite, ses personnages, peut-être un peu trop lisses pour certains mais pas tant que ça en fait. Pour ados (et adultes aussi hein).

mercredi 9 septembre 2009

"L'homme aux cercles bleus" - Fred Vargas

Suivons les ronds de couleur, par Livrovore

Adamsberg vient d'être nommé commissaire dans le 5e arrondissement de Paris. Sa réputation l'a précédé, tout le monde sait qu'il est très doué pour résoudre les affaires. Mais on le trouve quand même bizarre, ce type sans allure qui griffonne sans arrêt, qui n'a jamais l'air de s'intéresser. Adamsberg a l'habitude qu'on le trouve spécial, et ne sait pas expliquer son instinct naturel.

Il lit dans les journaux, comme tout le monde, que régulièrement la nuit apparaissent dans différents lieux de Paris des cercles de craie bleue entourant de petites choses habituellement insignifiantes (déchets, objets perdus...). Personne ne sait qui les trace et le phénomène amuse les journalistes. Mais Adamsberg, lui, est intrigué et sent le danger lié à ces cercles. Il décide de s'y intéresser de plus près malgré l'étonnement et la désapprobation de ses collègues. Et puis il a toujours en tête Camille, son amour perdu.

J'ai trouvé l'intrigue intéressante et surprenante et suivi l'histoire avec intérêt, sans m'ennuyer. Pourtant je crois que ce pour quoi j'ai le plus accroché est Adamsberg lui-même. Vargas a su créer un personnage singulier, mystérieux et attachant. On a envie de le connaître mieux, de rester avec lui. L'affaire se déroule mais on suit en toile de fond ses états d'âme, et c'est cela que j'ai aimé. Malgré ce que peuvent en penser les autres, il continue à suivre ses idées, il est sûr de lui dans son travail. Mais derrière cela il y a l'homme, qui lui ne sait pas très bien comment s'exprimer, se comporter ou s'habiller, ni comment s'arracher Camille de l'esprit.

La couleur bleue n'a pas d'intérêt spécial dans cette histoire à mon avis, mis à part peut-être que les cercles apparaissent toujours la nuit et cette couleur évoque effectivement l'obscurité et le mystère.

Lire aussi l'avis de Gaël

mardi 8 septembre 2009

"Rouge-Gorge" - Jo Nesbo

Retour au pays, par Ingannmic.

Après l’Australie et la Thaïlande (cf. « L’homme chauve-souris » et « Les cafards »), c’est dans sa ville natale d’Oslo que l’on retrouve l’inspecteur Harry Hole, pour le 3ème volet de ses aventures. Suite à une erreur de jugement commise par celui-ci lors d’une mission de protection du président américain en visite en Norvège, ses supérieurs préfèrent lui offrir une « promotion » plutôt que de reconnaître qu’erreur il y a eu, ce qui nuirait à l’image de la police norvégienne. Harry se retrouve ainsi muté au SSP (services spéciaux), où l’on espère le cantonner à des opérations de routine, notamment celle de faire le point sur les agissements des milieux néo-nazis.
Seulement, lorsqu’il découvre la présence, sur le territoire norvégien, d’une arme rarissime et prisée par les terroristes, il ne peut s’empêcher de se lancer sur la piste d’un mystérieux tueur à l’esprit revanchard, ancien soldat norvégien engagé volontaire dans l’armée allemande en 39-45.

Ce roman m’a semblé plus « étoffé » que les deux précédents de l’auteur (qui pourtant étaient déjà denses…), sans doute parce que Nesbo s’y attarde encore davantage sur le contexte historique et sociopolitique de son récit. Entre passé et présent, il prend appui sur la position ambiguë de la Norvège pendant la 2nde guerre mondiale et sur la résurgence actuelle de certains mouvements néo-nazis pour nous livrer toute une série de portraits extrêmement intéressants, construisant ainsi un vaste puzzle dont les pièces s’emboitent petit à petit. Il faut être assez patient ! La première partie du roman peut paraître un peu longue, d’autant que comme à son habitude, l’auteur accorde à chacun de ses personnages une large place, explorant leurs parts d’ombre et dépeignant avec précision l’environnement dans lequel ils évoluent.
C’est habilement construit, et une fois passées les 100 à 150 premières pages qui posent les différents pans de l’intrigue, on ne lâche plus ce « Rouge-Gorge ».
Et puis, bien sûr, son inspecteur Harry se révèle toujours aussi attachant…

Comme Jo Nesbo est un petit malin, toutes les énigmes posées dans « Rouge-gorge » ne sont pas éclaircies, je vous donne donc rendez-vous très prochainement, après ma lecture de « Rue Sans-souci », suite de cet opus !

lundi 7 septembre 2009

"Fin de l'histoire" - François Bégaudeau

Que venait faire le chat? par 32 Octobre

Encore un drôle de chemin emprunté dans le choix de ce livre et encore plus difficile de tenter de vous le faire aimer.

Souvent, j’achète un livre pour son titre, sa couverture ou son auteur et ne lis la 4ème de couverture que le livre fini. Une règle presque générale pour la 4ème de couverture qui me fait parfois découvrir au fil des pages ce que tout le monde sait déjà parce que ce livre là, on en a parlé à la radio, à la télévision, dans la presse mais que je n’y ai pas prêté attention et qu’il n’a pas rejoint ma liste de livre à lire absolument, un jour.

Là, je l’ai acheté parce qu’il était édité chez Verticales, parce que j’avais participé à un atelier d’écriture animé par une amie de plume et d’éditeur de François Bégaudeau.

Et au fur et à mesure de ma lecture, me venaient de nombreuses images, celles de Florence Aubenas dont j’avais suivi la conférence de presse en direct au moment de sa libération. Cela m’interpellait, je ne voyais pas où l’auteur voulait m’entraîner. Mais je n’arrivais pas à quitter le livre, je voulais voir comment il allait s’en sortir et qu’est-ce que venaient faire le chat (page 42), les gamins et les bottes de paille (page 54) et enfin, Florence Aubenas était citée (mais il a fallu attendre la page 83. Le livre en compte 136).

Ouf, je respirais, je n’avais pas rêvé.

C’était bien un livre sur, pardon, plutôt autour de Florence Aubenas.

Contrairement à beaucoup de critiques lues après ici et là, j’ai aimé « le délire » de François Bégaudeau. Ses mots sans, parfois, ni queue ni tête et rapport avec les phrases de la journaliste dites lors de ces 45 minutes de fin de cauchemar, font perdre complètement le fil des phrases de celle qui, comme elle l’a dit dans le Nouvel Observateur du 23 août 2007, « a assez accaparé le monde ».

Non, Madame vous n’avez pas accaparé le monde ; j’ai été soulagée quand vous avez été libérée et merci à François Bégaudeau de cet exercice de style qui m’a ravie et agacée en même temps.

PS : un autre livre de François Bégaudeau à picorer « Antimanuel de littérature », publié aux éditions Bréal en octobre 2008.

dimanche 6 septembre 2009

"Mangez-le si vous voulez" - Jean Teulé

Mouvement de foule, par Livrovore


"Nul n'est à l'abri de l'abominable, nous sommes tous capables du pire" annonce la quatrième de couverture. Encore une fois, Teulé s'est lancé dans un récit historique en partant d'une histoire vraie. A la fin du 19ème siècle, cet événement a traumatisé la Dordogne.

Un jeune périgourdin sympathique et connu du voisinage pour sa gentillesse se rend à la grande foire de Hautefaye, village voisin du sien. Tout va bien dans le meilleur des mondes... jusqu'au dérapage. Une seule petite phrase mal comprise des autres, et voilà qu'Alain se retrouve lynché par une foule hystérique de plus en plus cruelle, ceux-là même qui le saluaient quelques instants plus tôt sont soudain capables de lui infliger les pires sévices. Chacun renchérit et s'entraîne, chacun met ses malheurs (sécheresse, pauvreté, guerre...) sur le dos du pauvre Alain et tous deviennent son bourreau.
L'auteur excèle toujours, bien sûr, dans le récit historique. Pour moi qui ne suis pas spécialement lectrice de ce genre de romans, il sait à chaque fois m'intéresser. L'autre point fort de Jean Teulé, c'est aussi de savoir faire ressortir le mauvais côté des Hommes... Il sait aller creuser là où ça fait mal, nous montrer les faiblesses et les cruautés qui pourraient très bien nous toucher, nous aussi. En se servant d'histoires vraies il nous touche encore plus, il est en effet difficile de croire que cela est vraiment arrivé ! Comment ces gens ont-ils pu devenir aussi horribles en quelques instants, se laisser entraîner dans un mouvement de foule aussi barbare ?

samedi 5 septembre 2009

"Mots roses au clair de lune" - Maliki

Un peu de fraîcheur par Sandrounette

Voici le tome 3 des aventures de Maliki! Il ne s'agit pas d'une bande dessinée scénarisée mais la compilation de quelques unes de ses meilleures notes parues sur son excellent blog.

Maliki est cette jeune femme aux cheveux roses entourée de ses deux chats Fleya et Fëanor, de son amie Fang mais aussi de drôles de personnages comme Electrocute qui me fait mourir de rire! Je n'aurais pas acheté cette BD de moi-même puisque je suis une fervente lectrice du blog. Mais cadeau d'anniversaire oblige, je me suis replongée dans les délires de cette illustratrice du nord, et je me suis régalée. Difficile de ne pas succomber à ses strips "cro-mignons".

A celles et ceux qui ne la connaissent pas encore, voici le lien vers son blog. Parce qu'il n'y a pas de mal à se faire du bien, surtout à la fin de l'été...

vendredi 4 septembre 2009

"Plume" - Henri Michaux

Etonnant voyageur, par Zaph

Pour moi, Henri Michaux est un des plus grands écrivains.
Il a un style vraiment personnel, avec des phrases qui prennent soudain un détour inattendu, ou qui s'interrompent brutalement, ou qui continuent alors qu'elles ne devraient pas.
Il a surtout un regard extrêmement personnel. Il voit les choses comme personne ne les voit. Un évènement ou une idée observés, analysés, et décrits par Michaux ne ressembleront à rien de ce que vous auriez pu imaginer.
Son regard est acéré, plonge en profondeur, et trouve des angles d'interprétation insoupçonnés.
Il allie pour moi à la perfection ces facultés d'observation et d'imagination dont je parlais à propos de Siri Hustvedt.
Et puis, ah, j'adore son humour, noir, absurde, surréaliste, acide. C'est rare, un grand écrivain qui manie l'humour avec une telle férocité.
S'il manque quelque chose à Michaux, c'est peut-être l'émotion. C'est important, me direz-vous. Oui, mais bon, il faut quand-même bien en laisser un peu aux autres, non ? Et puis, il est trop profond, trop acéré, trop clairvoyant, trop ironique ; l'émotion est un peu comme Plume : elle ne parvient pas à se faire une place.
Et encore, entendons-nous : quand je dis "émotion", je fais référence à celle qu'on peut ressentir par empathie pour les personnages d'un roman. Par contre, ce qui se passe dans l'esprit du lecteur, c'est bien une explosion de sentiments les plus divers qui passent par l'amusement, la curiosité, la perplexité, l'inquiétude, voire le dégoût. Plume n'est jamais émouvant, mais c'est un catalyseur d'émotion pour le lecteur.

"Plume ne peut pas dire qu'on ait excessivement d'égards pour lui en voyage. Les uns lui passent dessus sans crier gare, les autres s'essuient tranquillement les mains à son veston. Il a fini par s'habituer. Il aime mieux voyager avec modestie."

Plume est un personnage central dans l'oeuvre de Michaux, même s'il n'apparaît que brièvement. C'est en effet un des rares cas où l'auteur cristallise sur un personnage externe, alors que souvent, il est lui-même observateur en plus d'être son propre sujet d'observation ("Lointain intérieur" est un titre révélateur à ce sujet).
Plume est forcément paradoxal : il voyage, il ne fait même que ça, alors que tout dans son caractère timoré le prédispose à une sédentarité tranquille. Il va prendre mille précautions compliquées pour rester discret, ne causer aucune perturbation, aucun tracas à personne, et de ce fait, il se place immanquablement en position suspecte, attire des regards méchants, et provoque des réactions hostiles. Et plus il essaie d'y remédier, de s'excuser, plus la situation s'aggrave.
La logique de Plume, qui en soi est valide, s'oppose à la logique du monde extérieur, tout aussi valide, mais bien sûr, les deux ne sont pas conciliables. C'est ce qui en fait un personnage dérangeant.
Et pourtant, envers et contre tout, Plume continue à voyager, imperturbablement.

Autre obsession récurrente chez Michaux : les animaux.
Je ne comprends pas exactement toute la symbolique qu'ils recouvrent, mais je sais qu'ils le hantent.
Et ils sont plutôt diaboliques, empreints de mauvaises intentions. Ils guettent, dans l'ombre, prêts à surgir à la moindre faiblesse, à se transformer, s'il le faut, pour mieux prendre la forme de vos angoisses. Ils s'imposent à vous.

Les délires de Michaux, qu'ils soient causés par la maladie, ou par quelque substance hallucinogène, sont donc peuplés d'animaux.

Il y a les animaux simplement fantastiques. Ils existent dans la réalité, plus ou moins, mais se révèlent soudain tels qu'ils sont vraiment, dans toute leur abjection.

"Dans le monde des animaux, tout est transformation. Pour dire la chose d'un mot, ils ne songent qu'à cela. Dites-moi, qu'y a-t-il de plus protéiforme que le cheval ? Tantôt phoque, il vient prendre l'air entre deux cassures de la banquise, tantôt farouche et malheureux, il écrase tout comme l'éléphant en rut. Vous jetez par terre une bille, c'est un cheval. Deux billes, deux chevaux, dix billes, sept à huit chevaux au moins... quand c'est l'époque."

Et puis il y a les animaux complètement imaginaires, comme la darelette, la parpue, les catafalques, l'énanglom, décrits avec force détail dans des "notes de zoologie" ("Mes propriétés", c'est un autre bouquin, en fait). Ici, on nage dans le pur délire, et j'adore ça.

Un autre thème capital chez Michaux, c'est bien sûr le voyage.
Voyage réel, de préférence dans des contrées imaginaires, ou voyage intérieur.
Michaux ne s'étonne jamais des spectacles, comportements, animaux, peuplades, plus étonnants les uns que les autres, qu'il découvre au cours de ses voyages.
Il rapporte des faits, des observations, fait ses propres interprétations. Parfois, il essaie de comprendre, mais la découverte est plus importante pour lui que la compréhension (d'ailleurs, est-elle jamais possible ?).
Michaux est allé très loin (jusqu'en Grande Garabagne), mais le loin fait partie de l'intérieur. Dedans et dehors se confondent, et l'imaginaire a plus de portée que n'importe quel vaisseau.
Pourtant, toujours la compréhension fait défaut, le but se déplace, la quête est infinie.
Alors, Michaux fait comme Plume : il voyage, il voyage imperturbablement.

"Nous n'avons ici, dit-elle, qu'un soleil par mois, et pour peu de temps. On se frotte les yeux des jours à l'avance. Mais en vain. Temps inexorable. Soleil n'arrive qu'à son heure. Ensuite, on a un monde de choses à faire, tant qu'il y a de la clarté, si bien qu'on a à peine le temps de se regarder un peu. La contrariété pour nous dans la nuit, c'est quand il faut travailler, et il le faut : il naît des nains continuellement."

jeudi 3 septembre 2009

"La Reine des lectrices"- Alan Bennett

La naissance d’une LAL royale par Anne

Un jour, par hasard, la Reine d’Angleterre découvre un bibliobus derrière le palais. Quand elle est montée dans le bus, elle se sent obligée d’empunter un livre. Elle le lit, n’aime pas, le rend, en prend un autre pour ne pas offenser le chauffeur et c'est par ce deuxième livre que commence sa passion pour la lecture. Ce qui pose un problème, car une reine n’a pas de passions. Avoir une passion veut dire avoir des préférences et il était important d’éviter ça. Mais une fois infectée pas le virus la Reine découvre que chaque fin d’un livre est le début de plusieurs autres et que les jours sont trop courts pour les lire tous. Surtout quand on a tant d’obligations. Obligations qu’elle commence à négliger un peu. Elle découvre par exemple qu’elle peut très bien saluer le public de la main en lisant. Son entourage n’en est pas très content et ils vont utiliser des ruses pour la rappeler à ses devoirs.

"La Reine des lectrices" un petit livre charmant, distrayant et loufoque qui se dévore en quelques heures. Dommage pour le titre français. Je préfère son titre originel : "The uncommon reader".