lundi 17 mars 2008

"Je, François Villon" - Jean Teulé

L'avis de Thom

Le « Je » du titre est là, majuscule, claquant. Ca donne une accroche bizarre, à la fois cocasse et fière, totalement représentative du roman. Car ce « Je » qui frappe d’entrée et se retient renvoie tout autant au concept (la vie de Villon narrée par lui-même) qu’à la farouche volonté d’indépendance qui anima le poète durant toute sa vie.


Ce projet de Jean Teulé, il enchante. Presqu’immédiatement. Parce que Villon attire, parce qu’il est un mystère, mais aussi (surtout) parce que c’est justement Jean Teulé qui s’y colle. Face à un personnage comme Villon, dont on sait finalement assez peu de choses, beaucoup se seraient laissés happer…tenter par la facilité du tout et n’importe quoi – après tout cette vie est composée de pointillés entre lesquels n’importe quel auteur aurait pu glisser n’importe quelle connerie. On aurait même pu se retrouver projeté en pleine version papier des « Visiteurs » !!! Entre les mains de l’auteur de l'adorable « Darling » on sait d’avance que ce ne sera pas le cas ; de fait à en juger par la taille de la bibliographie Jean Teulé s’est documenté comme un forcené pour restituer non seulement un personnage mais surtout une époque…et livrer plus qu’un roman : le livre ultime sur Villon. Il s’est nourri de son histoire (donc de ses poèmes) se l’est appropriée et l’a digérée admirablement, signant un de ces livres terriblement documentés et fouillés qui n’en ont jamais l’air – les meilleurs comme chacun sait.

Ainsi l’auteur embarque t’il le lecteur dans une aventure peu commune, crue, violente mais proprement hilarante (mention spéciale au passage où son pote explique à Villon qu’il a bouffé sa mère en pâté) dont on ressort en arborant un sourire béat – tant de joie que d’admiration. Car sous la plume de Jean Teulé Villon devient plus que ce poète mythique à la vie totalement déjantée qu’on connaît. Il se métamorphose en figure romanesque goguenarde et bondissante qu’il est impossible de lâcher avant la fin. Les aigris diront sans doute qu’avec pour base l’une des bios les plus tonitruantes de l’histoires littéraire française c’était prévisible. Soit. Encore fallait-il avoir le talent et la poésie nécessaires pour concrétiser une idée casse-gueule sur le papier. Le talent, la poésie…sans oublier le culot, car il en faut forcément pour oser s’attaquer sans complexe à une figure littéraire aussi vénérée…
…et donc, comme souvent dans la vie, le culot paie : « Je, François Villon » est un roman plus que réjouissant : brillant. Vif, puissant, rythmé, météoritique – comme Villon. Et, comme Villon, unique en son genre : « Je, François Villon » ne ressemble à aucun autre livre. Le seul rapprochement qui me soit venu à l’esprit, c’est Rabelais, ce qui n’a rien d’un hasard tant la filiation entre Villon et ce dernier semble évidente : la même colère sourde, la même irrévérence, la même liberté de ton et de vie…les modèles auraient-ils déteint sur Jean Teulé ? Sacrebleu, oui!

Allez stop, là je m’étends, pardonnez-moi. C’est que voyez-vous, j’adore Villon. Des Villon, il n’y en a pas (ou plus) d’autres. Projetez la même furie libertaire dans notre époque et vous verrez que ce serait totalement intenable. S’il existe des Villon de nos jours, il est probable que vous les détestiez…S’il n’en existe pas, les livres sont là pour nous faire rêver du contraire.

Celui-ci en tête.




L'avis de Céline

Ce livre est d’une audace folle, sans jamais s’égarer de son sujet il réalise un portrait attachant d’un poète moyenâgeux qui nous est commun sans que nous ne l’ayons jamais lu ! C’est là toute l’aptitude de l’auteur qui par cette formidable biographie (probablement imaginée) réhabilite une figure tutélaire de la poésie qui a un jour inspiré les romantiques.

Villon est un enfant comme tant d’autre à cette époque, né le jour ou Jeanne d’Arc fut brûlée et ou son père fut pendu, d’une mère voleuse qu bientôt n’aura d’autre choix que de le confier à un moine bienveillant avant d’être à son tour exécutée (on avait l’exécution facile en ces temps obscurs !) Il reçoit une éducation de lettré, s’y montre plutôt médiocre mais développe un goût prononcé pour le vice en tout genre qui ne lui laisse pas le loisir d’être le moine qu’il aurait du devenir. Il commence par une révolte contre la Sorbonne, amoureux de la nièce de son pire ennemi il lui compose des poèmes enflammés alors qu’il fornique avec la grosse Margot, il finit par intégrer un groupe de pillard sans foi ni loi, leur livre sa bien aimée en pâture pour leur orgie (en souffrant le martyre quand elle sera emmurée) et devient si mauvais qu’il ne se reconnaît plus. Il passe un temps à la cour du roi René en ménestrel sans inspiration, se fait arrêter pour ses nombreux forfaits après bien des tortures il est miraculeusement relâché d’une prison dont personne n’est revenu. Fatigué, vieilli et désabusé il revient à Paris à bout de force pour constater que sa légende est plus forte que sa personne avant d’être bannie à tout jamais de la capitale qui à soif du mythe mais pas de l’homme.

Le ton est malicieusement grivois, les situations belliqueuses et l’ambiance générale est bien celle d’une époque ou l’homme était plus proche de l’animal que de l’humain raffiné en devenir des siècles qui suivront. Teulé réinvente la biographie romancée et imaginaire avec un tel talent que l’on referme le livre certain que c’est ainsi que Villon aurait voulu que l’on se souvienne de lui.





L'avis de Zaph

Voici un livre intelligent, drôle, attachant et effrayant.
Un peu le genre de bouquin dont d'autres auteurs, pour peu qu'ils soient d'un tempérament jaloux, pourraient se dire "Bon sang, pourquoi n'ai-je pas eu cette idée? J'aurais voulu écrire ce livre moi-même!"

Et c'est vrai que François Villon ou son fantôme est là, partout, dans l'air qui nous entoure.
Il se trouve enfoui dans un lobe de cervelle de tous ceux qui ont été élevés dans la langue française. Il suffisait de prendre les pinces ou la vrille adéquate et de creuser au bon endroit du crâne.

Autrement dit, Villon, il est dans notre inconscient collectif, il est aux fondements de notre culture commune. J'ai ouï quelques zozos se rendre ridicules avec des discours sur l'identité nationale, ils feraient bien mieux de prendre la parole pour nous réciter une balade de Villon.

On serait un peu moins fiers toutefois, si on se rendait compte à quel point le berceau de notre culture baigne dans le sang, la merde et la violence.

"Donnez-moi votre boue et j'en ferai de l'or", clame Baudelaire, et c'est très exactement ce qu'a mis en pratique bien plus tôt François Villon.
La filiation est si évidente que j'ai envie de demander à Jean Teulé s'il ne compte pas compléter sa série poétique par un hommage à Baudelaire.

Et de la boue, il y en a dans cette époque étrange aux valeurs bizarres.
Les châtiments y sont disproportionnés, et aussi lents et savoureux que la justice est expéditive.
La mort et la cruauté sont d'une banalité effarante, au point qu'un personnage puisse se distraire et plaisanter du supplice de son propre frère.

Ce livre nous rappelle aussi, s'il en était besoin, que si la poésie peut être magnifique, le poète peut être méprisable.
Mais en même temps, quand on commence sa vie en voyant pendre son père et enterrer sa mère vivante, comment ne pas placer sa vie sous le signe de la cruauté et de la mort?

Et surtout, il faut bousculer les mythes sous peine qu'ils se transforment en icônes. Ils ont la force d'être bousculés.

On a l'impression que Jean Teulé à tissé l'histoire de Villon autour de ses poèmes, en les reliant par un fil conducteur. Ça c'est remarquable. Comme Villon parle de lui dans ses poèmes, Teulé utilise la première source d'information disponible. Du moins, c'est l'impression qu'il donne.
Cela rend la poésie de Villon extrêmement vivante.

Aussi, j'ai adoré l'humour qui vient contre-balancer la cruauté. L'humour de Villon et celui de Teulé. C'est incroyable par exemple, cette histoire du porc nourri exclusivement d'aveugles! Faut-il avoir l'esprit tordu pour imaginer ça! Et pour en rire comme je l'ai fait, alors!

Et puis, un poète qui retourne dans le néant une fois son oeuvre accomplie, comme Rimbaud ou Villon, n'est-ce pas le genre de fin mystérieuse qui convient à une légende?

Justement, "Ils ont fait de moi une légende", se plaint Villon. Eh bien maintenant, cher François, tu tiens un coupable de plus, et il s'appelle Jean Teulé!






L'avis de Livrovore

Normalement, je n'aime pas trop les romans historiques, et je ne m'intéresse pas spécialement à la vie d'un poète. Mais ayant été charmée par l'écriture de Jean Teulé, et aussi parce que c'était le seul disponible à ma bibliothèque, je me suis lancée dans la lecture de "Je, François Villon".

J'ai été agréablement surprise. Jean Teulé nous livre la vie romancée de François Villon, de sa naissance à sa disparition. Ca a dû être un travail incroyable, l'écriture de ce livre, car il est extrêmement bien documenté. J'ai toujours autant aimé l'écriture de Teulé, bien que très différente dans ce volume par rapport aux deux autres que j'avais lu.

J'ai aimé découvrir cette existence tumultueuse, et les vers de François Villon, que je ne connaissais pas du tout avant de lire ce roman, et que je n'aurais certainement jamais découvert autrement. L'auteur a su introduire les poèmes dans le récit, les "habiller" d'histoire et les rendre vivants.

Moi qui ne suis vraiment pas passionnée d'Histoire d'habitude, Jean Teulé décrit de façon très réaliste l'époque et je suis vraiment bien entrée dans la lecture.

Un livre à lire, car on en apprend beaucoup, à travers une lecture très agréable.




L'avis de MbuTséTséFly

Je viens de finir le livre que j'ai dévoré. Je n'ai beaucoup a ajouté qui n'ai été écris ici, je dirai donc que j'ai beaucoup apprécié cette exploration d'un Moyen-Âge chaotique voir apocalyptique, puisque résultat de 100 ans de guerre. Mes sentiments vacillaient entre tendresse et dégoût et, souvent, le sentiment que ce poête impulsif, "chanceux" et épris liberté n'a rien compris à cette liberté. Je pense surtout au fait d'obéir comme un imbécile à des rituels comme de faire violer son amie. Et pourtant il se dégage une sorte de naïveté du personnage qui fait qu'on le suit toujours et qu'on prend pitié de lui.

Je retiens surtout une belle peinture d'une époque que j'avais de la peine à imaginer: la fin de la guerre de cent ans et l'état dans lequel la société se trouvait au sortir de cette période. J'imagine qu'en effet, un terrible cynisme, voire un pessimisme sans borne devait règner. Et finalement, à choisir entre les ridicules fantasmes bucoliques des petites bergères dans leur champs fleuris ou l'exploration de Villon jusqu'aux tréfonds de l'humanité de son époque, je préfère Villon.




L'avis de Laiezza

L'engouement, c'est communicatif, et c'est aussi, des fois, inquiétant. Celui qui entoure "Je, François Villon" l'est encore plus : il est encore plus fort que les autres. Des centaines de commentaires, pas une seule critique négative, à ma connaissance. Un succès fou chez les "blogs amis", plus le Prix des Chatsdebiblio 2007. Si ce livre avait été écrit par un inconnu, cela m'aurait paru beaucoup trop. Mais Jean Teulé a aussi écrit "O Verlaine", et "Darling", deux romans que j'avais beaucoup aimés. J'avais donc confiance.
Figurez-vous, chers chats, que "Je, François Villon" est encore mieux que ce que je croyais !

Cette autobiographie à moitié imaginaire du grand poète médiéval, est carrément un régal !! Il y a, dans ce livre, tout le talent d'un grand romancier, ajouté aussi au talent d'un grand auteur de bande-dessinées, capable de donner à des situations déjà très drôles une force visuelle décoiffante ! Villon existe, au même titre qu'un personnage de roman ordinaire, sans les lourdeurs du genre biographique, mais avec le même savoir, la même science, et la même précision. C'est François Villon, en même temps ce n'est pas lui, c'est en fait une forme assez inédite, un roman n'ayant pas, je pense, d'équivalent ("O Verlaine" était un livre moins romancé). Cela donne l'impression que Jean Teulé a écrit une "sequel" des poèmes de Villon, a pris un personnage connu ailleurs, pour le mettre en situation. Résultat troublant, remarquable, d'une drôlerie irrésistible.

Je m'arrêterai ici, faute de temps je me contente de m'ajouter au concert de louanges. "Je, François Villon" est un livre exceptionnel, qui mérite son énorme succès, qui mérite d'être lu et relu. Courez-y !





L'avis de Sandrounette

Décidément c'est un livre énormément lu en ce moment. Contrairement à ce que disait Laiezza, il y a quelques critiques négatives sur ce livre dans la blogosphère. Nous lisions ce roman pour "Le club des bloggueuses" et un débat très intéressant s'est installé.

Pour ma part, j'ai adoré ce roman. J'avais déjà été envoûtée par "Ô Verlaine" mais je l'ai été différemment pour François Villon : le parti pris de l'auteur d'écrire du point de vue de Villon, d'insérer les poèmes originaux dans le corps du texte donne une cohérence extraordinaire à l'ensemble.

Certes il existe des passages d'une cruauté féroce, à nous donner des frissons... Mais n'est-ce pas là tout le génie d'un auteur que de donner à nous, cher lecteur, des sentiments aussi puissants ... dans un style aussi fluide!

Jean Teulé a réussi à donner vie à François Villon. Pendant les quelques heures de ma lecture, je n'étais plus moi-même. J'étais transportée dans le Paris du XV siècle aux côtés de Monsieur François.

Je sais que de nombreux chats se sont déjà délectés de cette merveille mais je ne peux que me joindre à Laiezza dans le cri : Courez-y (si ce n'est déjà fait!)


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