mardi 25 mars 2008

"Le vieux qui lisait des romans d'amour" - Luis Sepulveda

L'Avis de Livrovore

Antonio José Bolivar Proaño vit seul dans sa cabane. Il connaît très bien la forêt amazonienne, pour avoir vécu quelque temps avec les Indiens Shuars. Il a aussi une grande connaissance des animaux. Et puis il découvre qu'il aime les romans d'amour, de ceux qui font souffrir, malgré une maîtrise incertaine de la lecture.

Il m'a été difficile de résumer cette histoire, et nous vous y fiez pas trop : plongez-vous directement dans ce livre magnifique.

C'est un hymne à la nature, d'abord. La forêt amazonienne, Sepulveda nous y fait entrer sans difficultés, rien qu'en lisant on ressent la chaleur et l'humidité, on a les odeurs de la végétation abondante qui nous entourent.

"C'était, dans l'obscurité, le bruit de la vie. Comme disent les Shuars : le jour, il y a l'homme et la forêt. La nuit, l'homme est forêt."

Il y a aussi les hommes, et la société. Une critique du fonctionnement hiérarchique, ainsi que du racisme ambiant face aux indiens Jivaros et Shuars, est clairement ressentie dans ce récit.

Enfin le plaisir de la lecture, celui que ressent Antonio lorsqu'il se délecte de ses romans d'amour : il nous en parle avec une beauté qui m'a fait frissonner.

"Il lisait lentement en épelant les syllabes, les murmurant à mi-voix comme s'il les dégustait, et, quand il avait maîtrisé le mot entier, il le répétait d'un trait. Puis il faisait la même chose avec la phrase complète, et c'est ainsi qu'il s'appropriait les sentiments et les idées que contenaient les pages.

Quand un passage lui plaisait particulièrement, il le répétait autant de fois qu'il l'estimait nécessaire pour découvrir combien le langage humain pouvait aussi être beau."

Il est vrai que l'histoire se passe en Equateur, et à la seule évocation de la forêt équatorienne et de Guayaquil, j'ai une foule de souvenirs, dans les meilleurs souvenirs de ma vie, lorsque j'étais restée quelque temps là-bas, qui me reviennent en tête. Forcément, j'étais déjà prédisposée, du coup, à aimer ce livre. Mais ce n'est pas que ça, vraiment, l'écriture de Sepulveda est superbe, et même si vous ne connaissez pas cette région du monde, vous y serez, le temps de la lecture. Vous ressentirez, vous aussi, la forêt, les animaux. Et bien sûr, le plaisir d'Antonio quand il lit.



L'Avis de Sandrounette

Toute l’histoire de ce livre tourne autour d’Antonio José Bolivar, un vieil homme qui vit dans un petit village au bord de l’Amazonie et qui lit des romans d’amour. Ses souvenirs, sa vie sont le prétexte à l’auteur pour évoquer la forêt amazonienne, ses lois et ses codes, ses peuples (les Shuars par exemple) et les mutilations qu’elle subit de colons ignares et idiots.

L’histoire est à la fois simple (un personnage central solitaire et perdu dans ses souvenirs) et complexe (richesse du thème abordé, questionnement du lecteur par un auteur engagé). Le ton est ironique ou amusé, les colons sont caricaturés et ridiculisés par un vieux loup solitaire.

Un petit livre engagé qui donne matière à méditer.

« Il possédait l'antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire. »

« Quand un passage lui plaisait particulièrement, il le répétait autant de fois qu’il l’estimait nécessaire pour découvrir combien le langage humain pouvait être aussi beau »

« Il pensa au proverbe shuar qui conseillait de se cacher de la peur et il éteignit la lampe. Il s’allongea sur les sacs, dans le noir, son fusil armé sur la poitrine, et laissa toutes ses pensées s’apaiser comme les cailloux quand ils touchent le fond du fleuve. »


L'Avis de Gaël

Et si Sepulveda avait commencé sa carrière en écrivant son meilleur roman? C'est bien l'impression qui se dégage lorsqu'on lit "Le Vieux qui lisait des romans d'amour", dans lequel les thèmes chers à l'auteur, qui sont évoqués dans ses autres livres, sont ici développés et maîtrisés comme il se doit. Avec une écriture simple et parfois un peu bancale (mais peut-être est-ce simplement la faute de la traduction?) l'auteur nous fait découvrir la forêt d'Amazonie au sein de laquelle une colonie s'est installée. Sepulveda fait preuve d'une force d'évocation inégalée dans son oeuvre, nous faisant appréhender la forêt tropicale par tous les sens. Chaleur, humidité, couleurs et lumière, tout y est rendu accessible à notre imaginaire. C'est aussi le décor rêvé qu'a choisi l'auteur pour défendre ses causes, à savoir la survie de la forêt elle-même, détruite peu à peu par les humains qui rognent progressivement le poumon de la Terre, mais aussi la survie de ses habitants d'origine, des Indiens. En l'occurence, dans ce roman, ils sont représentés par le peuple des Shuars. Délocalisés, sans cesse repoussés et maltraités, les Shuars n'ont, aux yeux des Européens colonisateurs, pas beaucoup plus de valeur que les animaux. Un seul homme arrive à faire la jonction entre les deux communautés : Antonio José Bolivar Proaño. Comme souvent chez Sepulveda, ce personnage est un solitaire envahi par les souvenirs. Veuf, blanc, Antonio a vécu des années au sein des Shuars, sans en devenir un. Des années durant lesquelles il a appris leurs coutumes, leurs codes, leurs valeurs. Mais n'étant pas un Shuar, il a dû les quitter pour retourner auprès des siens, des Blancs, tout en se méfiant de leur cruauté. Il apparaît comme un vieux fou dont on a besoin car il connaît le forêt mieux que personne. Parmi les Blancs, seul semble trouver grâce à ses yeux un dentiste farfelu qui ne vient qu'une fois par mois au village, seul lien avec le reste du monde, puisque c'est lui qui lui amène ses romans d'amour. Parce qu'Antonio José Bolivar aime les romans d'amour. Même s'il ne lit pas très bien. Si cette marotte crée un contraste étonnant dans ce personnage ô combien terre-à-terre, elle n'a malheureusement que peu de cohérence avec la psychologie et la logique interne du héros. Mais puisque ça pouvait fournir un titre à l'auteur...
"Le Vieux qui lisait des romans d'amour" raconte également une histoire. À la suite de la mort d'un Blanc, la communauté d'El Idilio accuse sans vergogne les Indiens de meurtre. Mais Antonio sait que le coupable n'est autre qu'un ocelot, sorte de gros chat sauvage d'Amérique latine. Après une enquête et une traque au milieu de la forêt, accompagné d'un maire suffisant et condescendant et d'autres acolytes, Antonio va se retrouver seul face à cet adversaire menaçant. Sepulveda profite de la scène finale du roman pour rendre hommage au livre qui semble l'avoir le plus inspiré. En effet, comment ne pas penser, dans la chasse à cet animal sauvage, au capitaine Achab à la poursuite de la baleine blanche dans "Moby Dick"? On retrouve le même duel à un contre un, le respect de l'un pour l'autre, le combat équitable mais inévitable. Sepulveda déploie pendant toute la durée de cette scène une tension dans le style qui aiguise tous les sens du lecteur pour mieux le happer dans son récit. L'idée de climax est d'autant mieux rendue que le roman semble flotter dans un flou rythmique et narratif pendant ses trois premiers quarts. Loin d'être un chef d'oeuvre, "Le Vieux qui lisait des romans d'amour" est sans conteste LE livre qu'on retiendra de Sepulveda, par la qualité d'écriture et les thèmes abordés. Peut-être aurait-il fallu s'arrêter là ?...

3 commentaires:

  1. tres beau livre qui donne envie de voyager

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  2. Avis personnel : Ce livre ne contient pas assez d'action

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  3. Quels sont les thèmes utilisés dans ce roman ?

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