lundi 30 juin 2008

"Ma vie est tout à fait fascinante" - Pénélope Bagieu

Quand la blogosphère s’invite en librairie, Par Sandrounette

Un nouveau phénomène déferle dans toutes les librairies : les blogs mis en BD. A l’instar de Fabrice Tarrin et de son youki, de Martin Vidberg et de ses patates, voici celui de Pénélope Bagieu alias Pénélope Jolicoeur.

Grâce à ses dessins, Pénélope nous raconte son quotidien de jeune illustratrice : elle a 26 ans, un brin râleuse, bavarde, elle habite à Paris dans un minuscule appartement sous les toits.

Heureusement pour elle, il reste les copines langues de vipère, les soldes, les séries télé et le chéri… Comment ne pas se laisser embarquer par cette fraîcheur de ton et cette touche humoristique décalée ? Etant une mise en page de billets quotidiens sur un blog, les dessins ne sont pas parfaits et donnent ce côté impulsif qui détonne.

Il est extrêmement difficile de faire une critique BD, encore plus que toutes les autres. La subjectivité est alors indéniable. Est-ce parce qu’elle a des préoccupations assez proches des miennes (un an d’écart…) que j’ai tant apprécié ce petit livre ? Ou parce que je suis une fille tout simplement… Il faudrait des avis masculins pour étayer mon propos ou le démolir.

En tout cas, une chose est sûre : on en redemande ! La seule petite touche négative serait le prix de ce minuscule album (15€ tout de même pour une demi-heure de lecture, ça fait cher à la minute !).

Alors, faites comme moi, demandez à votre bibliothécaire de le commander, et si, vraiment vous hésitez encore, allez faire un petit tour sur son blog, qui constitue son meilleur argument !

Prix humour du festival BD de Lyon 2008

dimanche 29 juin 2008

"La grande à bouche molle" - Philippe Jaenada

Dissection d'un héros, par Inganmic

Détective privé dans une modeste agence d’investigations parisienne, Philippe Jaenada se voit confier une mission de routine : recueillir les preuves de l’infidélité d’un époux volage. Suite à un malheureux concours de circonstances, il se retrouve à sillonner les autoroutes du sud de la France en compagnie d’une jeune femme qu’il a prise en stop dans une station-service, et mêlé à une sombre affaire de meurtre et d’enlèvement.

Dans ce 2ème roman que j’ai découvert de l’auteur, j’ai retrouvé avec grand plaisir LE style Jaenada. Mais qu’est-ce donc, me direz-vous (si vous n’avez pas encore eu la chance d’ouvrir un ouvrage du maître) ?! Eh bien tout d’abord, ledit Jaenada est Le Roi de la digression : chaque situation, chaque rencontre est le prétexte à d’interminables analyses et associations d’idées. Plus que le récit d’événements, qui finalement en deviennent presque secondaires, ses romans sont des incursions dans l’esprit parfois tortueux et fantasque du héros. Une véritable dissection cérébrale !

Autre caractéristique du style propre à l’auteur, son sens de l’humour inaltérable : même les situations les plus dramatiques deviennent burlesques, car il fait preuve d’un sens de l’autodérision et d’une naïveté quasi enfantine dont il parvient de surcroît à donner l’impression qu’ils sont involontaires. Comme s’il ne le faisait pas pour nous faire rire, mais parce qu’il est vraiment comme ça (peut-être est-ce d’ailleurs le cas..).

Le résultat, c’est bien sûr que l’on s’amuse, et qu’il se crée entre le narrateur et nous une intimité qui le rend proche et sympathique. Et puis, dans ses délires imaginatifs, ses complexes et ses interrogations, ses lâchetés, je crois que l’on retrouve un peu de nous-mêmes. Non ?

Pour résumer, un moment de lecture à la fois hilarant et touchant.

samedi 28 juin 2008

"Je l'aimais" - Anna Gavalda

Je ne l'aimais pas, par Gaël

Quatrième de couverture :

"... Car vois-tu Chloé, ma vie, toute ma vie est comme ce poing serré. Je suis là, devant toi, dans cette cuisine. J'ai soixante-cinq ans. Je ne ressemble à rien. Je suis ce vieux con que tu secouais tout à l'heure. Je n'ai rien compris, je ne suis jamais monté au sixième étage. J'ai eu peur de mon ombre et me voilà maintenant, me voilà devant l'idée de ma mort et... Non, je t'en prie, ne m'interromps pas... Pas maintenant. [...]
Je vais commencer par le plus injuste, le plus cruel... C'est-à-dire, toi..."



Mon avis :
Anna Gavalda est l'archétype même de l'espoir décevant. Sa carte de visite dans le milieu littéraire fut "Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part", recueil de nouvelles qui mettait en scène des tranches de vie, des saynètes qui croquaient en quelques pages des personnages ayant du mal à jongler avec leur vie, mais jamais son humour et justesse. Depuis, rien. Enfin si, quelques romans, mais de cette acrroche alléchante, on attend encore le retour. Anna Gavalda a décidé de rester dans le gentillet, le sympa, le syndrome post-Amélie Poulain. Si "Ensemble, c'est tout" m'avait paru sympa, même si ça cassait pas trois briques à un canard, "Je l'aimais" m'a horripilé, irrité, gonflé.

Imaginez que vous vous retrouvez seule avec vos gosses parce que votre mari s'est barré avec une autre. Imaginez que la seule oreille compatissante que vous trouvez soit votre futur-actuel-ex beau-père, mais qu'au lieu de vous écouter, il vous raconte sa propre vie. Et imaginez qu'il insinue que finalement, si son fils s'est cassé avec une femme qui ne peut être qu'une grognasse à vos yeux, c'est parce que son rejeton a eu le courage que lui n'a pas eu quelques années plus tôt. Vous vous sentiriez bien, vous? M'est avis que pas vraiment. Pourtant, Anna Gavalda, elle, estime que vous devriez vous sentir soulagée après ça.

Dans un huis-clos mené par deux personnages (oui, les enfants ici sont un accessoire. Il faut avouer qu'ils sont rarement concernés en cas de séparation des parents) qui vous transportera du canapé à la cuisine, puis au canapé, et encore à la cuisine d'une maison de campagne, une femme et son fichu beau-père jouent à qui a la plus grosse... histoire d'amour à son actif. On découvre, après un suspense hitchcockien, que dis-je?, shyamalanien, que le vieux con de beau-père n'est finalement pas si bourru qu'il n'en a l'air (ooooooh!), et que la toute fraîche cocue, même si elle semble incapable de se remettre en cause et admettre qu'elle a pu avoir une part de responsabilité dans la mort de son couple, sera capable de survivre à ce drame insurmontable et de refaire sa vie (aaaaaah!). Autant dire que ce livre ressemble à une énorme coupe de crème glacée dans laquelle vous plongez en cas de blues et qui vous fait du bien sur le coup, même si en général, on sait bien que ça règlera pas le problème. Sauf qu'ici, "Je l'aimais" vous offre un superbe mal de crâne comme quand on engloutit la coupe glacée en une seule fois. Si Anna Gavalda voulait que quelqu'un l'attende quelque part, moi j'attends toujours qu'elle nous offre un roman valable.


vendredi 27 juin 2008

"Ténèbres, prenez-moi la main" de Dennis Lehane

Quand un Aristochat rencontre un autre Aristochat, par Laiezza

Un roman dans lequel, Patrick Kenzie et Angie Genaro enquêtent sur un tueur en série des plus sadiques, passent du rôle de chasseurs à celui de proies, et finissent par laisser parler leurs sentiments réciproques (car quand on manque de mourir à deux, cela rapproche !). Dire que tout cela semble "déjà-vu", ce serait en-dessous de la vérité : "Ténèbres, prenez moi la main" est un roman téléphoné de la première à la dernière page. Chaque rebondissement est prévisible avec un chapitre d'avance, l'intrigue est bien menée, mais elle est dépourvue d'éclat.

Et pourtant ! "Ténèbres, prenez-moi la main" est un excellent livre. Paradoxe ? Pas tellement : comme beaucoup de livres de première main, celui-ci tient sur pieds car il transcende son sujet, et dépasse le cadre de "simple roman sur un serial-killer". D'abord, l'écriture de Dennis Lehane est superbe. Très crue, mais très vivante, imagée, suggestive. Elle crée la tension, parvient à faire trembler comme une feuille, même lorsque l'on arrive à deviner le pourquoi du comment. Ensuite, l'auteur écrit autre chose qu'un polar, en fait : il pose une réflexion sur la part de ténèbres présente en chacun d'entre nous. A travers la descente aux enfers du héros, il sous-entend que la civilisation ne tient qu'à un fil, que l'humanité n'est qu'une notion relative qui doit être soutenue, toujours, par l'éthique, si elle veut résister aux épreuves. Et que, parfois, il est difficile de ne pas glisser de "l'autre côté".

Un constat qui n'est pas nouveau, il est vrai. Mais dans une société sursécuritaire, prônant continuellement le "risque zéro", où l'inconscient collectif cherche à éradiquer la violence, comme s'il s'agissait d'une simple maladie... Ce constat semblera plus dérangeant que jamais.


Lire aussi l'avis d'Inganmic

jeudi 26 juin 2008

"Le livre de jours" - Michael Cunningham

Tout ça ne vaut pas Whitman, par Inganmic

Ce sont trois histoires que nous raconte M.Cunningham dans son « Livre des jours ». Trois histoires avec pour points communs un lieu –Manhattan-, des protagonistes portant le même prénom, des objets que l'on retrouve d'un récit à l'autre et surtout, l'apparition ponctuelle de vers de Whitman, cités, de façon compulsive et souvent à leur insu, par certains des personnages.

Fin XIXème siècle : Simon vient de mourir, broyé par la machine sur laquelle il travaillait dans une usine de tannerie. Lucas, son jeune frère de 13 ans, ayant désormais la charge de leurs parents, va le remplacer à son poste.
Aujourd'hui : une psychologue de la police New Yorkaise reçoit les appels d'enfants kamikazes qui menacent de se faire sauter avec une bombe.
2120 : dans un monde ravagé par les dégâts écologiques, une immigrée extraterrestre et un humanoïde en fuite traversent les Etats-Unis.

Mon plaisir, à la lecture de ce roman, est allé décroissant. La première partie m'a beaucoup plue. L'auteur nous plonge dans une atmosphère ténébreuse et nauséabonde, « à la Dickens », pour décrire un Manhattan peuplé de taudis où (sur)vivent les laissés pour compte de l'industrialisation de cette fin de siècle : ouvriers exposés à de dangereuses conditions de travail, miséreux peinant à se procurer de quoi se nourrir jusqu'à la fin du mois… Evoluant dans ce quartier insalubre, le personnage principal est un être fantasque et difforme, mais très attachant.
En peu de pages, M.Cunningham nous livre ici une chronique sociale savoureuse, sur le thème de la déshumanisation liée aux progrès de la révolution industrielle. A contrario, la brièveté de la 2ème histoire m'a laissée sur ma faim. Le thème en est intéressant : l'auteur part de l'angoisse liée aux attentats du 11 septembre pour bâtir une sorte de « thriller terroriste », mais j'aurais aimé qu'il approfondisse davantage certains passages, ceux notamment liés à l'existence de ces enfants kamikazes avant qu'ils en viennent à commettre l'irréparable. Enfin, je dois avouer que j'ai vraiment eu du mal à entrer dans la dernière partie, récit de science fiction dont le contexte, au départ, promettait une histoire originale (les Etats-Unis en général, et Manhattan en particulier, sont devenus une espèce de gigantesque parc d'attractions, où les touristes paient pour vivre de fausses agressions, et où même les mendiants sont des acteurs censés donner une allure pittoresque à la ville) mais qui s'enlise rapidement dans une intrigue banale.

Je ressors donc de cette lecture avec un avis mitigé, et c'est dommage : le fait de construire le roman sous forme de triptyque pour mettre en exergue trois des maux de nos sociétés modernes (les limites du progrès, la peur de la menace terroriste et le risque d'une catastrophe écologique) était au départ une excellente idée.

En revanche, elle m'a incitée à me procurer « Feuilles d'herbe », l'unique recueil de poèmes qu'a écrit Walt Whitman, auteur que je découvre avec plaisir…

mercredi 25 juin 2008

"Les enfants du plastique" - Thomas Clément

Et maintenant, une critique rock, par Laiezza

Juste avant de partir en vacances, je regardais le documentaire que Jimmy consacrait à Thierry Ardisson, animateur que j'aime bien, comme beaucoup de gens, surtout parmi les amateurs de rock. Justement, Ardisson disait à un moment avoir voulu produire "des émissions rock", plutôt que "des émissions sur le rock". L'idée se tient, et elle est louable. Problème : je peux me tromper, mais à mon avis, si la musique rock sans l'état d'esprit n'est rien, l'état d'esprit sans la musique rock n'est pas grand chose, non plus. Or, il suffit de regarder une émission d'Ardisson cinq minutes, pour voir que sa culture en la matière est plutôt limitée, finalement très consensuelle, mercantile, et démago. Parce que c'est compliqué, son idée : il ne suffit pas de connaitre les Stooges pour être rock. Ce serait trop facile. Il faut encore les comprendre.

Aussi me suis-je demandée ce que Thom, avait fumé le jour où il a qualifié "Les enfants du plastique" de "livre rock" (appellation que, de toute façon, j'ai toujours trouvée idiote). J'ai trouvé qu'on était, ici, dans la droite ligne de la "culture rock à la Ardisson". Une bonne base, très loin de la mienne, qui est sans doute plus populaire, pour ne pas dire : prolétaire. Ce n'est de toute façon pas le même rapport. "Manque de Clash", concluait Lhisbei. Je suis d'accord, au moins là-dessus : le rock de ce livre, au titre pourtant guerrier, c'est du rock bon teint qui n'effraierait même pas ma grand mère. Dans cette histoire, l'auteur confronte un patron de multinationale du disque au fantôme de son passé grunge, de sa rock'n'roll attitude enfouie. L'idée est séduisante, mais elle est très mal exploitée, car elle repose sur une définition de la rock'n'roll attitude que le livre n'illustre jamais : adolescence éternelle, ode à la liberté, rage against le système. C'est respectable, mais quand on construit son livre comme une succession de slogans publicitaires, et qu'on a un style plus proche de Beigbeder, que de Lester Bangs...Cela fait un peu décalé. S'il suffisait d'avoir les bonnes références musicales pour être rock, Ardisson le serait, mais Dominique de Villepin aussi ; et Lemmy, de Mötörhead, qui avoue ne quasiment jamais écouter de rock, ne le serait pas. Mais Lenny Kratvitz, oui. Etc.

C'est pourquoi, quand par moment il y a un côté "name-dropping rock'n'rollement correct" (surtout au début), j'ai juste eu l'impression que l'auteur essayait de draguer la critique littéraire de Rock&Folk. Je ne sais pas si cela a marché. J'en doute, car il manque beaucoup de choses à ce livre, pour qu'il soit rock : la poésie, le romantisme, le côté "écorché vif ", de cet esprit. Le rock y donne le sentiment d'une caution que le livre, s'il racontait les déboires d'un ex joueur de mambo, n'aurait pas. Parce que j'ai trouvé que, si on enlevait le rock, il ne restait rien du livre. L'écriture est fade, le livre est mal rythmé, il n'y a pas vraiment de construction, il n'y a qu'un seul personnage pourvu d'un caractère (complètement cliché, hélas)...Juste de la formule facile, beaucoup d'esbroufe...Un très joli titre, il faut le dire, qui m'a fait envie pendant longtemps ! Un super slogan, une belle couverture pour emballer, qui donnent envie d'acheter le produit. Le teaser, c'est un peu l'inverse du rock. Le plus drôle (ou triste) c'est que la morale de l'histoire, c'est que le rock ne meurt jamais, mais que ce livre prouve le contraire.

mardi 24 juin 2008

"Le cosmonaute" - Philippe Jaenada

Le chameau dans l'espace

L'avis d'Inganmic

Hector et Pimprenelle s'aiment, ils vont avoir un bébé…L'histoire pourrait être joliment banale si, peu à peu, la superbe jeune femme passionnée et indépendante qu'avait rencontrée Hector ne se transformait en mégère jalouse et maniaque.

Bien sûr, le « style Jaenada » est toujours là : le lecteur a littéralement l'impression d'être dans l'esprit d'Hector, le narrateur, à qui l'auteur prête ce sens de l'humour qui lui est propre, émaillé d'analogies farfelues et de réflexions inattendues. En l'occurrence, c'est ici la vie conjugale (installation en couple, grossesse et apprentissage du rôle de parents) qui fait les frais de cet humour. Cependant, plus on avance dans le récit, et plus on rit « jaune », car les protagonistes en arrivent à vivre un véritable cauchemar ; le comportement de Pimprenelle devient complètement insensé : jalousie virant à la paranoïa, accomplissement obsessionnelle des tâches ménagères. En réaction, Hector passe d'une passivité résignée à des accès de violence incontrôlés.

Dans un sens, on peut voir dans cette histoire une caricature des aléas de la vie maritale : repli du couple sur lui-même, routine rythmée par les obligations du quotidien, renoncement à tout ce qui nous liait à notre existence de célibataire, et par là, se reconnaître parfois dans certaines attitudes et réactions. Seulement, il ne s'agit pas ici de la dégradation progressive de relations conjugales imputable aux deux parties (comme c'est souvent le cas en réalité) : on a davantage l'impression, en effet, que Pimprenelle en est l'unique responsable, Hector opposant souvent une patience d'ange à l'hystérie grandissante de sa compagne. Au final, j'ai donc plutôt eu le sentiment de me trouver face à la narration d'une plongée dans la folie, l'arrivée de son enfant déclenchant chez la jeune femme des troubles comportementaux héréditaires (elle reproduit l'attitude maternelle qu'elle honnissait tant…).

Cette impression est d'ailleurs confortée par la construction du roman : Jaenada raconte l'accouchement dans un premier temps, puis « l'avant » et « l'après », comme pour mettre l'accent sur l'impact de cet événement sur la vie de nos deux héros.



L'avis de Zaph

Le cosmonaute vit dans son petit vaisseau spatial, avec deux autres membres d'équipage. Les journées du cosmonaute sont une suite toujours répétée de tâches ingrates et de gestes précis et incompréhensibles. Le commandant de bord ne rigole pas avec la discipline. Dans l'espace, la moindre imprécision peut avoir des conséquences dramatiques. Le seul temps libre du cosmonaute, c'est la nuit, où il peut travailler à écrire ses histoires dans le silence et la solitude, ou bien juste regarder par le hublot. Parfois, le cosmonaute revêt son scaphandre et s'autorise une petite sortie dans l'espace, mais c'est de plus en plus rare.
Le cosmonaute a l'existence dont il rêvait, et qu'il a choisie. Bon, d'accord, il ne la rêvait pas exactement comme ça, c'est le moins qu'on puisse dire, mais que voulez-vous, c'est la vie.

Ceci n'est pas l'histoire que raconte Philippe Jaenada dans son roman "Le cosmonaute". Et pourtant, peut-être que si...

Mais avant d'approfondir le sujet, sacrifions à une tradition. Quand on critique pour la première fois un roman de Jaenada, on se doit de faire un sort aux parenthèses, avant de parler de quoi que ce soit d'autre. Et je suis pour le respect des traditions (non, je blague, mais l'exercice (bien qu'un peu vain) m'amuse).
Donc, moi, j'aime les parenthèses. J'ai une formation scientifique (oh, l'horreur), et j'ai appris que la parenthèse était un élément indispensable à la sémantique d'un langage.
Car pour faire du sens, il faut d'abord pourvoir lister, par exemple, tous les éléments qui appartiennent à un ensemble, afin de les différencier de ceux qui n'en sont pas. Et pour cela, nous avons besoin de la parenthèse et de la virgule: on met entre parenthèses tous les éléments d'une liste, et on les sépare par des virgules.
La deuxième chose nécessaire pour créer du sens est la possibilité de hiérarchiser. Qui voudrait d'un monde plat où tous les éléments ont la même valeur? D'où la notion de parenthèses imbriquées. Quand il apparait qu'un élément d'une liste mérite d'être détaillé, on remplace simplement cet élément par son extension sous forme de liste.

Ça me rappelle qu'il existe un langage informatique (oui, je sais, vous vous en foutez, mais c'est MA critique, et j'y raconte ce que je veux) répondant au doux nom de "LISP", et basé principalement sur l'emploi de la parenthèse et de la virgule. Les informaticiens (qui sont de fieffés coquins) ont transformé l'acronyme original en "Lots of Irritating Superfluous Parentheses", mais je vous assure que ça ne s'applique pas au style de Jaenada.

En plus, la parenthèse modélise parfaitement le fonctionnement du cerveau humain, qui procède par associations, et est capable de partir dans une digression, et même dans des sous-digressions avant de revenir à son cheminement initial (avec un peu de chance).

Alors, c'est vrai, les écrivains n'aiment pas la parenthèse en général. Certains trouvent cela de mauvais goût (il y en a même qui ne supportent pas le point-virgule). Mais ceux-là recourent à d'autres artifices de langage pour faire comprendre que la longue subordonnée est en fait un élément annexe du discours principal. Jaenada, lui, a décidé d'appeler un chat un chat, et d'utiliser une parenthèse pour une parenthèse. C'est honnête, et ce n'est pas moi qui le poignarderai pour la cause à coups de points d'exclamation dans le dos!

Maintenant que je me suis bien amusé, que dire du roman?
D'abord, il frappe juste et fort. Parce que parfois, hommes et femmes ont vraiment l'air de venir de planètes différentes, et on peut facilement avoir l'impression d'être un cosmonaute face à ce monde étranger et incompréhensible qu'est l'autre sexe. Parce que la grossesse a un côté merveilleux, mais aussi horrible, et personne n'en parle. Parce que la vie de famille peut aussi être un piège mortel.

Ensuite, il nous propose une situation hors du commun, mais bien réelle, et surtout un type de regard masculin auquel on n'est pas habitué.
Dans le discours ambiant, en général, une femme qui quitte un homme est jugée courageuse. Un homme qui quitte un femme est un lâche. Après avoir vu cette histoire par les yeux d'Hector (le "héros"), il m'est bien difficile de décider s'il est courageux ou lâche. D'ailleurs, la réponse n'existe peut-être pas. Nous laisser dans cette indécision est une grande force du livre, je trouve.

J'ai beaucoup aimé aussi le regard naïf et décalé du héros.
Pour qu'un héros naïf soit réussi, il doit agir selon une logique extrêmement rigoureuse, avoir une vision du monde parfaitement cohérente. Sinon, la naïveté se transforme tout simplement en connerie. Et cet écueil est parfaitement évité ici.

Du moins, ce ton décalé est très frappant au début du livre. Mais petit à petit, sans s'en apercevoir, le lecteur entre lui-même dans le ton, commence à adopter la manière de voir fataliste du personnage, et du coup, l'auteur peut se permettre un style plus sobre dans la dernière partie du livre.

Pour toutes ces raisons, ce livre est une réussite remarquable.

Personnellement, c'est une lecture qui m'a marqué, mais à mon avis, il est très probable qu'on ressente ce livre fort différemment selon qu'on a ou non vécu le mariage, la grossesse, et la vie dans le néant du cosmos.




Lire aussi l'avis de Laiezza


lundi 23 juin 2008

"Septembre" - Nicolas Pages

Le zéro absolu, par Thom

Longtemps Nicolas Pages n'a été dans mon esprit que le personnage éponyme d'un roman de Guillaume Dustan. Je ne savais même pas qu'il existait vraiment, même si évidemment je m'en doutais.
A présent il a pour moi un visage et des mots… et très franchement, je vais essayer à l'avenir de considérer néanmoins qu'il est un personnage. D'ailleurs, ce ne serait pas tout à fait faux : jamais on en a aussi peu appris sur un auteur en lisant un ouvrage affilié à l'autofiction (ce qui en l'occurrence ne veut rien dire : les livres Dustan c'est de l'autofiction, Pages, c'est juste du journal intime, lire les deux à la suite permettra à ceux qui en doutent de constater que l'auto-F est bel et bien un genre à part entière - qu'on l'aime ou pas est une autre histoire). Mais c'est peut-être tout simplement parce qu'il n'y a rien à apprendre. Nicolas Pages n'existe tout simplement pas. C'est un être humain spectral à l'écriture transparente, qui s'amuse à mettre en scène un personnage fantomatique.

Ce livre, j'avais très envie de l'aimer. Sans doute à cause de « Nicolas Pages » – le roman – j'avais un a priori plutôt positif pour ce qui était de « Septembre ». Quand je l'ai tiré au sort (comme chaque lecture), j'étais même très content. En fait, j'ai détesté. Mais alors vraiment. Comme j'ai rarement détesté un bouquin.

Tout commençait plutôt bien : d'aspect extérieur, « Septembre » est assurément un bel objet. La couverture est charmante, l'intérieur contient des petites illustrations, des poèmes encastrés ici ou là… il y a là un univers un peu enfantin, plutôt sympathique et chaleureux, façon collage poétique. Plus doux et moins frontal que ce qu'on trouvait chez l'auteur qui rendit célèbre Pages en en faisant le non-héros d'un de ses livres.
Là où le bât blesse, c'est qu'il n'y a rien. Rien Rien Rien. « Septembre » est creux, vide, vain. Totalement inutile. Une daube absolue. Un journal intime c'est souvent chiant même lorsqu'il se passe des trucs – vous imaginez un peu un journal intime où il se passe que dalle pendant (accrochez-vous bien) 400 PAGES ???!!! Nicolas lit, Nicolas fume un pète, Nicolas saute sur le lit de ses parents, Nicolas écrit un e-mail… même un reportage de « Strip-Tease » captive plus. Nicolas écoute de la musique mais c'est de la musique de merde…Nicolas se torche au salon du livre, mais ne connaît rien à la littérature…Nicolas écrit dans un langage préado totalement maniéré et surfait alors qu'il a dix ans de plus que moi, et se couvre de ridicule toutes les deux phrases… Nicolas met des virgules partout et adopte en permanence un ton éthéré assommant… Nicolas voudrait développer son univers enfantin, mais il ne fait qu'asséner des réflexions puériles…

Bref : Nicolas m'emmerde. Et ne manquera pas d'emmerder n'importe quel lecteur.

Y a t'il ici la moindre qualité littéraire ? Non. Zéro. Absolument rien. C'est du sous-Dustan, et c'est une coquille vide (ce qui n'a rien d'étonnant de la part d'un auteur dont le premier livre s'intitulait « Je mange un œuf » – y aurait-il une logique à tout ça ?).
Tel quel, « Septembre » ressemble à un manuel de tout ce qu'il ne faut pas faire en littérature. Il y a un moment formidable, génial, où sa mère entre dans sa chambre alors qu'il écrit un e-mail, elle lui parle, et il écrit dans son e-mail ce que sa mère dit. Voyant ça elle lui demande : « …mais ça l'intéresse ? ».



Nicolas Pages aurait voulu résumer son livre en une seule phrase qu'il ne s'y serait pas mieux pris.

Que dire alors ? Rien. Nul. Zéro.

On ne peut même pas parler de littérature, ce serait terriblement insultant pour tous les autres auteurs, pour tous les autres livres, pour tous les lecteurs de la planète.

Ca, c'est juste un pseudo journal intime qui se prend au sérieux et croit que son nombril de gosse de riche intéresse quelqu'un.

La cristallisation absolue des Trois BRAN qui caractérisent l'autofiction dans son acception la plus restrictive (c'est à dire l' auto-qui-oublie-la-fiction - dirons-nous en guise de clin d'œil à notre Aristochat) : Branlant, Branchouille & Branlette.

Je n'ai pas l'habitude de dire ça, vous me connaissez, mais dans le genre journal / chronique, il m'est arrivé de faire dix mille fois mieux sur mon blog (vous aussi, peut-être).

« Septembre » aurait donc logiquement plutôt sa place ici, sur un blog.

Ou plus certainement dans le tiroir de la table de nuit, entre la boite de capotes et le paquet de kleenex.


dimanche 22 juin 2008

"Deux jours à tuer" - François d'Epenoux

Autodestruction massive, par Lhisbei

La vie d’Antoine Méliot est digne d’un conte de fées qu’on raconte aux petites filles qui se veulent princesses. Ce quadragénaire, marié à une femme merveilleuse qui lui a donné 3 magnifiques enfants, possède une bonne situation, une très belle maison décorée avec goût par sa charmante femme et compte de nombreux et charmants amis. Il est l’incarnation de la vie rêvée du français moyen : la réussite et le bonheur sur tous les plans. Une vie parfaite en somme.


Mais en ce mois d’octobre l’araignée noire que porte Antoine depuis l’enfance s’est réveillée, l’aiguillonnant de ses pattes velues. Et Marion, lors de leur déjeuner hebdomadaire, a bien été claire : le temps de tout dire est venu. Antoine n’a plus le choix, il doit agir. Le temps d’un week-end il va saccager sa vie, détruire son existence…

Pourquoi ? Pourquoi Antoine envoie-t-il sa vie aux orties ? Pourquoi agresse-t-il ses amis, humilie-t-il sa femme et brime-t-il ses enfants ? Au début du roman le lecteur ne comprend pas les motivations du personnage. Rien, pas même une maîtresse, ne justifie un tel comportement destructeur, un saccage méthodique d’une vie heureuse. Antoine aime sa femme, ses enfants et ses amis, malgré leurs défauts, et n’a aucune raison d’agir de cette façon. Pourtant sa démarche force l’admiration autant qu’elle provoque la répulsion. Volontaire et décidé, méthodique et méticuleux, Antoine, bourreau zélé, hypnotise et fascine. Le lecteur souffre autant des violences physiques et psychologiques qu’il inflige à son entourage que du supplice qu’il s’impose en allant par ses actes au bout de sa décision. Son abominable transformation en un être abject est déstabilisante. La fin, même si elle éclaire la conduite d’Antoine, m’a prise au dépourvu. La relecture de l’histoire qu’elle entraîne bouscule le jugement du lecteur : l’attitude d’Antoine confinait-elle à la lâcheté ? à l’orgueil ? à la folie ? au courage ?

L’écriture est limpide et, si la narration se permet quelques digressions sur le passé heureux d’Antoine, c’est pour mieux nous confronter à sa violence présente. Sous la plume de François d’Epenoux les mots et l’humour deviennent des scalpels froids et tranchants décidés à fouiller jusqu’à la racine du mal.

Deux jours à tuer a été adapté pour le cinéma par Jean Becker avec Albert Dupontel, Marie Josée Croze et Pierre Vaneck

« A ne se sentir ainsi jamais atteint par quoi que ce fût, ni par les insultes, ni par les débats, ni par la sollicitude d’autrui, à ne jamais se révolter ni s’offusquer de rien, il se demandait parfois ce qui, de la peur ou de la véritable indifférence, avait la plus grande part dans le splendide – et très commode – isolement qui lui servait de refuge dans l’adversité. »

« Le silence est souvent la dignité des lâches »

samedi 21 juin 2008

"Half moon street" - Anne Perry

Un quartier de lune ensanglanté, par Sandrounette

Voilà un long moment que j’avais envie de lire cette auteure. Sa bibliographie est assez impressionnante ! Half moon street est le vingtième ouvrage de la série « Charlotte et Thomas Pitt ».

Cette série a pour cadre le Londres des années 1880 et 1890. Les titres présentent la particularité d'indiquer la localisation géographique précise du (ou des) meurtre(s).

Derbert Cathcart est un photographe célèbre. Il est retrouvé mort à bord d’une barque, menottes aux poignets et portant une robe verte (à la manière de la dame de Shalott ou d’Ophélie se noyant du peintre Millais). De quoi intriguer le Londres bourgeois des années victoriennes.

Nous voici aux côtés de Thomas Pitt, inspecteur de son état, en train de mener l’enquête sur cet étrange meurtre. Sa femme Charlotte, en voyage à Paris, le laisse seul pendant la durée du roman. Le spleen de l’inspecteur, en filigrane, pèse beaucoup sur l’atmosphère du roman.

Mais très vite, nous sommes confrontés à une intrigue sous-jacente, qui deviendra complémentaire de la première. Caroline, la belle-mère de Thomas, est mariée à un comédien plus jeune qu’elle, Joshua. L’auteure en profite pour nous dépeindre les mutations engendrées par le théâtre victorien et l’envie de révolte qui sonne le glas d’une génération trop conservatrice. Nous avons d’ailleurs droit à une rencontre avec Oscar Wilde et sa verve :

« Vous n’avez pas besoin de connaître personnellement un artiste pour deviner son âme : si vous ne la trouvez pas dans son œuvre, c’est qu’il triche avec vous, ou pire, qu’il triche avec lui-même. »

Autre plongée dans la psyché, l’histoire de Mariah Ellison, la veuve du grand-père de Charlotte. Cette dernière est confrontée à un conflit intérieur entre la honte de son passé (qui nous semble dérisoire à nous, Hommes du XXIème siècle) et son besoin de confession.

Pour finir, l’enquête en elle-même n’est pas digne d’un Dennis Lehane pour ne citer que lui. Mais ce n’est pas le cœur du roman. Thomas Pitt essaie plus de résoudre la question du « pourquoi » plutôt que la question du « qui », que l’on devine rapidement. D’ailleurs, le meurtre est élucidé dans les deux dernières pages sans que ça nous gêne outre mesure. Parce que finalement, ce qu’il faut retenir du roman, c’est l’atmosphère victorienne, les différentes réflexions très contemporaines malgré la réalité historique présentée.

Anne Perry offre un roman très bien construit, pour les amoureux du genre historico-policier.

vendredi 20 juin 2008

"Calvin et Hobbes" - Bill Watterson

Réforme et matérialisme, par Ananke

Calvin et Hobbes, de Bill Watterson, fait partie de ces bandes dessinées publiées au départ dans des journaux, puis réunies ensuite en album. On est donc bien là dans la lignée des Peanuts de Charles Schulz, ou de Mafalda de Quino.

Calvin est un très très imaginatif gamin de six ans et Hobbes, son tigre, n’est en peluche que pour les autres. Calvin évolue dans un environnement pour partie réaliste, où l’on trouvera ses parents – souvent au bord de la crise de nerf – sa petite voisine, son institutrice, sa baby-sitter, mais on le verra surtout avec Hobbes dans les innombrables situations que son imagination débordante suscite et que Bill Watterson a l’immense talent de nous présenter comme réelles.

Ainsi, quand Calvin transforme un carton d’emballage en transmogriffeur, ça fonctionne pour lui vraiment, de même qu’il y a vraiment des monstres sous son lit le soir et que son vélo cherche vraiment à le tuer.
Parfois, pour tromper son ennui en classe, ou pour tenter de résoudre une situation problématique, Calvin se met dans la peau de Spiff, l’astronaute. Ses proches prenant alors pour lui les apparences d’aliens malveillants. Ou grâce à un déguisement, Calvin se transforme en Hyperman, un mini super héro très opportunément doté de pouvoirs étendus. La préhistoire offre aussi à Calvin de nombreuses évasions et d’aussi nombreuses opportunités d’être un tyrannosaure ou un ptérodactyle. Mais une bonne partie des petits épisodes – ils tiennent sur une seule page – repose sur le fait qu’Hobbes est un « vrai » tigre (à la nuance près qu’il marche debout et qu’il parle) et que Calvin affronte comme il peut, avec son tigre, le quotidien d’un enfant de son âge, fait de jeu, de questions sur le monde, d’immenses espérances et de petites frustrations.

La série est très attachante, du fait de la sympathie qu’inspire ses personnage, et tout particulièrement ses deux héros bien sûr, mais c’est de plus une série gentiment écolo, extrêmement bien dessinée sous ses dehors de simplicité (essayez de faire tenir un tyrannosaure dévastant un super marché dans une vignette de 5 sur 7 cm), tendre, et drôle. L’ensemble compose une série de 24 album, que vous préfèrerez acheter séparément plutôt qu’en intégrale chez « Hors collection ». Je trouve que leur impression ramollit terriblement le dessin.

jeudi 19 juin 2008

"Au bonheur des dames" - Emile Zola

Au bonheur des lecteurs, Par Sandrine

Octave, héros du précédent livre de Mr Zola ( Pot-Bouille) à réussi : il a fait un bon mariage, agrandi le magasin de sa femme, agrandi encore et encore. Il achète énormément de marchandises, les vends presque à perte et mange tout doucement les petits commerces du quartier.

Le comparatif petit commerce et énorme machine de vente est présenté par une jeune provinciale montée à Paris pour se faire engager chez son oncle qui ne pourra rien pour elle. Elle entrera alors au Bonheur des Dames, y connaîtra son opulence mais aussi l'avidité des vendeurs, payés au pourcentage, l'avidité des clientes, et enfin l'avidité du patron pour son innocence jamais perdue.


Le grand magasin mangeant avidement les petits alentour est assez effrayant, on imagine sans peine le désarroi de ces gens ayant trimé toute leur vie, ayant une expérience de plusieurs dizaines d'années et balayés comme des malpropres par le progrès. Mais ce progrès arrange tout le monde et c'est cela qui est assez terrifiant : assister à un acte cruel mais obligatoire et qui a permis à beaucoup de pouvoir ou travailler ou s'acheter des tissus à moindre prix.

Tout le monde en sort gagnant tout en marchant sur des pauvres hères pleurant leurs vies perdues. C'est un paradoxe assez troublant que la jeune héroïne (oui bon j'ai oublié son prénom) pointe du doigt assez intelligemment, et elle même, malgré la déchéance horrible de son oncle passera du côté "obscur" de la vente, sans trop de regard derrière elle.

Jusqu'au bout on espère qu'elle gardera une certaine intégrité mais même si l'on pourrait croire qu'elle est une des rares femmes protégées par Zola (il ne lui arrive rien d'atrocement déprimant) elle sombrera quand même dans cette avidité.

Ce n'est pas évident de suite, mais après mûres réflexions, les faits deviennent clairs: elle aime Octave mais elle l'aime quand il trône sur son escalier surplombant son magasin-empire ou devant son bureau sur lequel se trouve la recette faramineuse de la journée.

Intéressant, magnifique : vive Zola!

mercredi 18 juin 2008

"Ketala" - Fatou Diome

Parle à mes meubles, par Livrovore

Le « Kétala », au Sénégal, c'est lorsqu'une personne est décédée et que quelques jours après sa mort, toutes ses affaires sont réparties entre ses proches.
Mémoria vient de quitter la vie, et son mobilier va donc être réparti dans des endroits différents. Alors, dans ce délai des quelques jours avant d'être séparés, les meubles de Mémoria décident de se raconter chacun la partie de la vie de leur « maîtresse » qu'ils ont vécu. Ainsi, même séparés, ils connaîtront tous la vie entière de Mémoria et pourront entretenir son souvenir.

Fatou Diome a choisi de raconter la vie de Mémoria par la voix d'objets (canapé, montre, statuette, collier…), ce qui lui a permis d'apporter un regard extérieur à l'histoire de son personnage. Un point de vue non-humain, de surcroît. Cela fait donc réfléchir sur les réactions des Hommes, leur façon de penser, d'agir, de suivre le cours de leur vie… Car les meubles ne comprennent pas toujours les agissements de Mémoria et se posent donc des questions, analysent son comportement.

« Qu'ils soient dehors ou enfermés, debout ou allongés, éveillés ou endormis, tous les humains cherchent à tracer leur ligne, leur trajectoire dans la vie. Cette quête, consciente ou pas, avouée ou non, motive toutes leurs actions. »

On suit la vie de cette sénégalaise du début à la fin, entre son pays et la France, entre deux cultures, deux sociétés. Entre ses envies et ce qu'elle suit par tradition. Ce livre évoque donc forcément les dilemmes entre suivre la coutume de ses parents ou non, partir ou non, choisir sa vie ou suivre celle que l'on vous a destiné… Mais beaucoup de réflexions peuvent aussi nous concerner tous, dans nos choix de vie en général.

« C'est injuste, c'est injuste, mais dans la vie des hommes, tout est injuste ! A vouloir faire le bonheur de tous, on sacrifie le sien. Mais à vouloir faire son propre bonheur, on est parfois obligé de sacrifier celui des autres. Le tout est de savoir alterner intelligemment ces dispositions d'esprit, sans culpabiliser. Tout choix est admissible quand la conscience qui en décide est juste. »

J'ai aimé cette façon de se détacher du personnage en la suivant par le regard de ses objets. Cela permet également d'interrompre le récit par de petits dialogues entre les meubles, drôles ou qui font réfléchir, qui ponctuent l'histoire et la structurent. Et puis je suis assez attachée aux objets moi aussi, et j'aimerais bien savoir ce qu'ils penseraient, s'ils en avaient la capacité !

Un style original donc, un récit intéressant, à la fois drôle et sérieux, qui permet de se poser des questions sur nos « trajectoires de vie » et celles des autres, tout en dégustant un bon moment de lecture.

mardi 17 juin 2008

"Singes" - Elisabeth Barillé

A la chasse aux singes, par Jeanne

« On ne connaît jamais l'Inde, jamais ! On s'y perd, c'est tout, c'est même un endroit fait pour cela... »

Je me suis laissée séduire par cette première phrase de la quatrième de couverture, espérant que ce livre ouvrirait quelques fenêtres sur l'Inde, mais comme le dit ce même livre « ce n'est pas tant l'absence qui rend fou, c'est l'espoir. L'espoir c'est pire que tout. » Alors j'ai été déçue.

Est-ce que j'aurais aimé le livre si je n'avais pas lu cette phrase? Sans doute pas.

Il s'agit de Marion qui part en Inde pour y disperser dans le Gange les cendres de sa meilleure amie. Elle y rencontre Michèle qui cherche François, son mari disparu, resté en Inde pendant un autre voyage. Quand Michèle doit rentrer à Paris pour enterrer sa mère, Marion continue les recherches à l'aide du journal de François.

Dans "Singes", on trouve bien quelques jolies phrases comme celle-ci : « Elle me conseille de sortir, de m'aérer, de 'chasser mes singes'... Les Indiens comparent les pensées aux singes : bougeant beaucoup, n'allant nulle part. » mais en général Elisabeth Barillé nous peint une Inde dont je ne vois ni les couleurs ni les contours, l'image reste vide. Les mots coulent, murmurent comme une source d'eau. Un petit chuchotement dont on n'entend pas les paroles. Ce n'est pas forcément désagréable mais on lit et on oublie. Il en est de même avec les personnages. Ils sont bien là mais ils restent un peu fades, sans profondeur et les figurants - Indiens, gourous, touristes, etc. – ne sont que des fantômes sans visages. Et quand après 250 pages le livre à besoin d'une fin, l'auteure en construit une avec un chapitre final vite fait en huit pages. Vu que Elisabeth Barillé avait déjà assez de problèmes à construire ce livre, je dirais qu'en voulant décrire l'Inde et y intégrer son histoire ou vice-versa, elle a mis la barre un peu trop haut.

lundi 16 juin 2008

"Le cosmonaute" - Philippe Jaenada

Les histoires d'amour finissent mal, en général, par Laiezza

Des fois elles commencent mal, aussi. Et des fois encore, elles finissent bien, mais c'est quand même plus rare. L'histoire du "Cosmonaute" mélange à loisir ces trois propositions, avec discernement mais sans distinction, et voici un livre à la fois très réussi et très déroutant.

Il s'agit donc d'une histoire d'amour. Le narrateur, Hector, tombe amoureux de Pimprenelle, la fille dont rêve n'importe quel homme de base, c'est à dire qu'elle est drôle, insouciante, belle, pas con, et pourvue d'un appétit sexuel considérable. Où va se nicher le fantasme, chers lecteurs !! Evidemment, Hector va rapidement déchanter : la vie conjugale va passer par-là. Au quotidien, Pimprenelle va se révéler être un vrai tyran domestique, maniaque, obsessionnelle, jalouse, hystérique... En quelques pages, elle passe de la femme idéale au cauchemar ambulant, on peine à le croire, et surtout : on peine à comprendre qu'Hector puisse rester avec elle. Surtout que l'arrivée d'un bébé ne va rien arranger !

Certains y verront, c'est prévisible, un déficit de crédibilité. Mais justement, c'est exactement ici que Philippe Jaenada veut nous amener, c'est à dire : à nous demander pourquoi Hector reste. La morale de l'histoire, bien sûr, c'est que l'amour est quelque chose de fort, de puissant, et de complètement irrationnel. Que l'on ne décide pas d'aimer ou non les gens, que l'on est soumis, parfois (souvent), à des pulsions contraires, et que ce qui nous attire chez les gens n'est pas juste une liste de qualités sur un "C.V. affectif". De ce point de vue, le roman est réussi, tout en étant complètement raté. En effet, si l'idée est belle, si l'écriture est exceptionnelle, et la construction, impressionnante... Il m'a semblé que Philippe Jaenada allait trop loin, dans sa satire de la vie de couple. Qu'il tapait trop fort.
C'est à dire qu'en fait, je comprends, avec le recul, que certains aient offerts une lecture du livre si différente, et sûrement erronée (je pense). Parce que le personnage de Pimprenelle est si sombre, si dur et si insupportable, que le lecteur a quand même du mal à trouver en elle la part d'humanité justifiant qu'Hector reste. C'est un peu comme si elle avait été complètement "amputée" de tout ce qui était doux, chez elle, qu'on entrevoit au début et qui disparait très vite (trop vite, en fait, c'est peut-être le défaut du livre : on n'a pas le temps de s'y attacher). Du coup, en face, Hector ne passe pas, jamais, pour un amoureux qui dépasse les défauts (énormes) de celle qu'il aime ; mais plutôt pour un gros lâche, qui s'écrase et qui cède, et qui n'a pas le courage de se tirer. Cela, je suppose que ce n'était pas l'idée de l'auteur, au départ.

Alors, pour résumer, ce livre est une caricature très efficace, souvent très drôle même si certaines situations confinent au glauque. Le style de Jaenada est incroyable, il y a un ton très personnel, quelque chose de grandiose, dans ce livre. Mais pour être une vraie belle histoire d'amour, il manque quand même un peu de tendresse, de douceur, de ce qui fait l'amour, si vous voulez. Comme si, en voulant éviter à tout prix les effets secondaires (le pathos, la guimauve), l'auteur avait carrément zappé leurs principales causes.

dimanche 15 juin 2008

"Under Milk Wood" - Dylan Thomas

Songes d'une journée de printemps, par Zaphod

J'aime bien les accents locaux.
J'aime bien par exemple l'accent traînant des Lowlands. Il peut s'apprendre en quelques semaines. En plus, c'est toujours utile, l'accent local, parce qu'en général, tant que vous ne le maîtrisez pas, vous passerez toujours pour un gros naze d'étranger, même si vous habitez depuis vingt ans au même endroit.
Et puis, mieux vaut savoir comment s'adresser aux gens.
Par exemple, quand vous devez quitter le pub, plutôt que de dire:
"Now I must go home, or my girlfriend will kill me."
Ca passe beaucoup mieux de dire:
"I nooo maun gangawah, or me bony lass will kinda tuun me inta haggis."

Mais parfois, comprendre un accent relève véritablement du défi. L'accent Welsh, par exemple, est probablement l'accent anglais le plus terrible qui soit. Vous savez, le Pays de Galles est ce coin de la carte d'Angleterre où on trouve des noms de village contenant un double 'L' encadré de deux autres consonnes, dont l'une est de préférence un 'W'. Ça vous plante le décor. J'avais un collègue Gallois que je pouvais écouter pendant plusieurs minutes en ne captant qu'une douzaine de mots tout au plus. Il devait me prendre pour un sacré idiot, parce que neuf fois sur dix, évidemment, je répondais complètement à côté de la plaque.

Or justement (avouez que vous vous demandiez où je voulais en venir), "Under Milk Wood" est un texte écrit avec l'accent gallois.
Ça veut dire quoi, "un texte écrit avec un accent"?

Il se fait que ce texte est une forme un peu hybride que Dylan Tomas a sous-titrée "a play for voices", et qui est composée uniquement de dialogues faits pour être interprétés par des comédiens; mais ce n'est pas une pièce de théâtre, car il n'y a pas de jeu d'acteurs ni d'indications scéniques (ou didascalies - Laiezza, j'ai bien retiendu ma leçon ;-)
Bref, c'est une forme extrêmement difficile, car tout doit passer dans les dialogues.
L'application pratique évidente est celle de la "pièce radiophonique" dont nos amis anglais sont friands (du moins, la BBC en est friande; reste à savoir si ces émissions sont réellement écoutées).

Donc, les voix, les accents et les intonations sont très importantes, car elles sont quasiment l'unique élément de décor extérieur au texte.
Quand on lit ce texte, je trouve qu'il est important de se faire des voix dans sa tête, et autant que possible, un genre d'accent gallois.

Forme complètement casse-gueule, disais-je, mais (il y a un 'mais', et il est de taille), l'auteur s'appelle Dylan Thomas.

Or Môssieur Thomas est un poète qui a énormément marqué l'esprit anglais. Oh, bien sûr, ce n'est pas Byron ou Keats, mais il semble tenir une place à part.
Et dans l'oeuvre de Thomas, "Under Milk Wood" tient très certainement aussi une place à part.

D'abord, c'est une des dernières oeuvres du poète. Sa rédaction s'est étendue sur une période de dix ans, pendant qu'il réfléchissait à d'autres formes d'expression.
Il venait d'ailleurs de publier un volume de ses oeuvres poétiques complètes. Je ne sais si cela voulait dire qu'il comptait renoncer définitivement à la poésie, mais je ne crois pas.
Ce qui est sûr, c'est qu'il s'agit d'une oeuvre charnière.

C'est une des raisons pour lesquelles on a bien du mal à classer ce livre situé à la frontière entre théâtre, prose ou poésie.
Car oui, ce texte est à la fois terriblement poétique, et très vivant et populaire, parfois même presque vulgaire. Voilà un mélange de saveurs assez rare.

Le sujet est vraiment tout simple: il raconte une journée du petit village de Llareggub (lisez aussi à l'envers) et de ses habitants.
Cela commence superbement par la description des rêves de chacun avant le réveil du village.
Et c'est si poétique, si étrange, ce petit village en dehors du temps et du monde, que ça m'a fait penser à une autre pièce enchantée: "A midsummer night's dream".

Il y aurait beaucoup à dire sur la structure très travaillée du texte, sur l'utilisation de voix "off", sur la structure fuguée des différentes voix qui s'imbriquent et se répondent comme dans un morceau de musique baroque, mais après tout, c'est bien suffisant de se laisser emporter par la beauté des mots, non?


vendredi 13 juin 2008

"Bleu poussière" - Jennifer D. Richard

L'avis de Thom

La vie de personnage de roman n’est franchement pas marrante. Le narrateur antihéros de « Bleu poussière » pourrait en témoigner, qui en plus d’être affublé d’un patronyme bien difficile à porter (Ladislas) se retrouve catapulté au lendemain d’une cuite mémorable dans un monde qui n’est pas le sien, tout en lui ressemblant étrangement. Dans cette dimension semble t’il parallèle, le brave Ladislas n’existe tout simplement pas. Ou, plus précisément, il existe sous une autre identité : celle de Kaël Tallas (autant dire que s’il espérait se réincarner le corps d’un mec au nom moins ridicule c’est un foirage total). Seul et perdu au milieu de ce monde terrifiant et aseptisé (terrifiant parce qu’aseptisé !) il se lance à la recherche de l’identité de Tallas (la sienne ?) espérant ainsi pouvoir, peut-être, repartir chez lui…sans savoir qu’il vient (évidemment) de mettre le doigt dans un engrenage qui l’entraînera aux confins de lui-même…

Remarquable petit roman d’anticipation, « Bleu poussière » est tout à fait le genre de livre qu’on avale en quelques heures, de ces thrillers cauchemardesques et idéalement rythmés. C’est également (ce qui ne gâte rien) une réflexion habile (et horriblement incisive) sur notre société contemporaine de plus en plus répressive, clean et sans tache…le tout le monde il est beau n’est plus très loin, et Jennifer D. Richard le souligne avec d’autant plus de force qu’elle contourne habilement la tentation du didactisme à laquelle cèdent si souvent les auteurs SF…peut-être justement parce qu’elle n’est pas une auteure SF ! Autant le dire, puisque ça se voit : notre auteure ne s’encombre que rarement des clichés du roman d’anticipation, se montre plus inventive que les trois quarts de ses spécialistes (les cellules du rêve, tout de même, foutue trouvaille !) et puise sans complexe dans tous les genres (son roman revêtant par moments un côté thriller identitaire à la « The Bourne Indentity » voir à la « XIII » – ce qui est en fait pareil puisque « XIII » est inspiré du roman de Ludlum, enfin bref : on s’est compris). J’y ai même décelé à plusieurs reprises une veine burlesque assez charmante, puisque venant dédramatiser une intrigue au demeurant poisseuse et étouffante. Au final la thèse se rapproche plus de celles de Bruckner dans « L’Euphorie Perpétuelle » ou de l’univers flippant développé par Bowie dans 1.Outside : The Nathan Adler’s Diary que de l’inénarrable (et franchement soûlant) Orwell, ce qui n’est pas plus mal : les différents sens de lecture se complètent idéalement, laissant place aussi bien à une lecture ludique et divertissante qu’à une autre plus attentive et cérébrale…en gros, tous les types de lecteurs y trouveront leur compte. Je sais ce que vous vous dites : cette dernière assertion définit en fait tout bon roman qui se respecte. Que voulez-vous que je vous réponde ? Il semblerait qu’il n’y ait pas que des bons romans (ou bien alors qu’ils ne se respectent pas).
Du reste tout n’est bien sûr pas parfait dans « Bleu poussière », il serait idiot de prétendre le contraire. Un premier roman est un premier roman, on ne trouvera donc pas plus ou moins d’imperfections dans celui-ci que dans n’importe quel autre. Cependant, entre nous, vous savez vers quel monde on va à trop chercher la perfection à tout prix… ? …non ? Eh bien raison de plus pour lire « Bleu poussière », alors !



L'avis de Laiezza

Il y a du bon et du moins, dans ce premier roman à la très belle couverture. Et, ce qui est très étonnant, c'est que ce que j'ai aimé dedans est tout ce que je n'ai jamais aimé ailleurs.
Etant, en général, très méfiante vis à vis de la science-fiction (qui doit être, de loin, le genre littéraire que j'aime le moins - pardon, Lhisbei), j'ai été assez surprise de me retrouver captée par l'histoire, et "enchantée" (le mot n'est pas trop fort) par l'imaginaire de l'auteur. Si l'idée de plonger un jeune homme ordinaire dans la peau d'un autre, au cœur d'un monde futuriste angoissant, n'a rien de très originale...J'ai trouvé la manière dont ce monde était développé tout à fait convaincante. Il s'agit d'ailleurs, si je me fie à mes informations, plus d'anticipation que de SF (c'est peut-être pour cela que ça m'a plu !). Donc, d'un monde très proche du nôtre, comme le nôtre, même, dont les menaces auraient été outrées pour le besoin de l'intrigue. Poussant le concept de politiquement correct jusqu'à l'extrême, l'auteur invente donc un univers régit par l'obligation d'être dans "L'Euphorie perpétuelle" (pour reprendre les mots de Pascal Bruckner). Idée remarquable, qui atteint son paroxysme avec l'usage des "cellules de rêve" (autrement dit : les endroits où l'on jette les malheureux, les dépressifs... Et les gens normaux, le plus souvent, car les gens normaux ne sont pas souvent heureux). La barbarie douce, séduisante ; engloutie sous le consensuel et les bonnes intentions.
Malheureusement, cette partie presque satirique ne constitue pas l'essentiel du livre, qui se résume surtout à une quête identitaire trop superficielle pour être touchante, et une intrigue de "thriller" aux ficelles épaisses comme des blagues de Bigard (j'exagère, mais je n'ai pas trouvé de comparaison !). Le grand final, surtout, est à la limite de la paresse, ou plutôt : il est assez mal amené, trop brutal, et si peu étoffé, qu'il passe pour un retournement à deux balles. Pourtant, dans son ensemble, "Bleu poussière" n'est pas complètement raté. Par exemple, il n'est pas dénué de rythme, ni d'humour, ce qui est toujours bon à prendre. Il manque surtout beaucoup de maturité, à l'image de ce style "djeuns" qui n'est pas nul, juste complètement décalé, par rapport à l'atmosphère générale, et qui manque un peu de souffle. Dommage, pour une fois que j'aimais bien quelques trucs SF !!

jeudi 12 juin 2008

"Le Testament d'un poète juif assassiné" - Elie Wiesel

Par Ingannmic


« Le testament… » est un roman à plusieurs voix :

- Paltiel Kossover, poète juif né en Russie au début du XXème siècle, depuis la cellule d’une prison soviétique, couche sur papier le récit de sa vie, des événements et des choix qui l’ont mené en ce lieu.

- Grisha, son fils, découvre ce témoignage posthume d’un père qu’il n’a pas connu, puisqu’il n’était encore qu’un bébé lorsqu’il fût arrêté. Il a grandi en union soviétique près de sa mère, envers laquelle il semble éprouver des sentiments ambivalents, car entachés de rancune; au commencement du récit, il arrive, seul, en Israël, où il a décidé d’émigrer. Grisha est muet, pour une raison que le lecteur ne découvrira qu’en dernière partie du roman.

- Viktor Zupanev, veilleur de nuit de l’immeuble où logeaient la veuve et le fils de Paltiel Kossover à Krasnograd, est celui qui a remis à Grisha le testament de son père. Le garçon, avec qui il s’était lié d’amitié, se remémore à intervalles réguliers ce que lui racontait Viktor à propos du poète, qu’il a connu dans de mystérieuses circonstances.

Ce témoignage est un formidable voyage à travers la 1ère moitié du XXème siècle, dans une Europe en proie aux bouleversements historiques : Paltiel vit les pogroms et les prémices de la révolution bolchévique en Roumanie, la montée du nazisme en Allemagne, la guerre civile en Espagne, les dérives du stalinisme en URSS. Il relate sa participation à ces événements, et le dilemme auquel il est régulièrement confronté : continuer à exercer sa foi juive, ainsi qu’il l’a promis à ses parents, ou la renier pour s’engager totalement dans l’idéologie communiste, ainsi que l’ont fait nombre de ses amis. Faut-il prier pour hâter la venue d’un improbable messie, ou tout mettre en œuvre pour tenter d’améliorer le sort des plus pauvres ici et maintenant ? En effet, en ces temps de velléités révolutionnaires, la foi religieuse et l’idéal socialiste sont jugés incompatibles.

Et puis, peu à peu, viennent les désillusions. D’abord en Espagne, où les partisans des deux camps s’avèrent capables d’une barbarie similaire, ensuite lors de la « disparition » mystérieuse de membres du parti jugés subversifs sur des motifs dérisoires, et enfin vient le comble du désarroi, lorsque les populations russes laissent l’occupant allemand massacrer les juifs malgré –je cite- « 40 ans d’éducation communiste ». En découle une douloureuse prise de conscience : dans tous les pays, quel qu’en soit le régime, les juifs, considérés en fonction de leur appartenance religieuse et non en tant qu’individus, sont en butte au mépris et à l’intolérance. Face à ce constat, Paltiel décide d’assumer définitivement ses racines et sa culture judaïques, et de faire preuve d’empathie envers ceux issus de cette même culture, seul recours face à l’omniprésence de l’antisémitisme. Et si cela fait de lui un coupable aux yeux du régime stalinien, il est prêt à en subir les conséquences.

Pour Grisha, le fils du poète, l’enjeu est plus personnel. En dehors des considérations religieuses ou politiques, il s’agit de se construire l’image d’un père. Et, au milieu de la folie et des dérives des hommes, par ce témoignage à la fois digne et poignant, c’est un individu intelligent et sensible qu’il découvre (et nous avec), simplement avide de justice et de paix.

mercredi 11 juin 2008

"La Compagnie des Célestins" - Stefano Benni

De saison, par Thom


D'ordinaire, il est rare que je recopie ici une chronique déjà parue sur Le Golb. Seulement voilà : pour un livre comme celui-ci, je serais prêt à faire n'importe quoi. Violer tous mes principes ? Après tout : ce n'est pas grand chose !

Peut-être connaissez-vous le dessin animé Foot 2 Rue, qui rend maboules certaines de nos chères têtes blondes ?
Si tel est le cas, ce roman du méconnu Stefano Benni ne devrait pas trop vous dépayser - puisque c'est lui qui a inspiré la série (sans aucun doute le DA le plus sympa et intéressant de ces dernières années). Paru en 1992, « La Compagnie des Célestins » projette en effet le lecteur dans une société contre-utopique qui ne fait franchement pas envie : la Gladonie, nation entièrement à la solde du séduisant et dangereux Egoarde Mussolardi. Au cœur de cette société policée et consensuelle à en mourir, trois ados désoeuvrés rêvent à un monde meilleur loin de l'orphelinat des odieux Zopilotes, où ils semblent condamnés à attendre éternellement une hypothétique (et probablement décevante) adoption. Leur seule occupation : jouer au foot en espérant un jour, peut-être, échapper à leur condition. Et alors qu'ils croupissent dans ce pensionnat ressemblant beaucoup à une prison, le miracle survient : ils reçoivent un matin un message du Grand Bâtard, Saint Patron des orphelins du monde entier, qui leur annonce que leur équipe (la Compagnie des Célestins, donc) a été sélectionnée pour participer au Championnat du Monde de foot de rue. Le plus dangereux et le plus noble de tous les sports clandestins, dont les règles ont été baties contre celles du foot institutionnel et hyper médiatique défendu par Mussolardi. En gros : tous les coups sont permis, tout objet ou animal traversant le terrain est considéré comme faisant partie intégrante du jeu, et un joueur blessé ne peut sortir du terrain qu'à partir du moment où son corps est recouvert de croûte à plus de soixante pourcents !!!

(il y a beaucoup d'autres règles, toutes aussi originales et loufoques les unes que les autres... mais elles seraient trop longues à lister - la charte du foot de rue fait tout de même trois pages)

...alors nos trois héros décident, à leurs risques et périls, de s'enfuir de l'orphelinat pour réaliser leur rêve et remporter le Championnat.

Ainsi débute une histoire absolument palpitante au terme de laquelle Stefano Benni aura gagné sur tous les tableaux : fable satirique, roman d'aventures échevelées, merveille de poésie, summum du picaresque... « La Compagnie des Célestins », classique de la littérature italienne traduit dans notre langue avec quinze ans de retard, est tout cela à la fois. Et plus encore ! Car non content de se montrer visionnaire (Mussolardi est évidemment inspiré de Berlusconi... sauf qu'en 1992 Berlusconi ne s'est pas encore officiellement lancé en politique)... non content bâtir un univers singulier... Benni s'offre le culot d'étendre son délire à l'usage de la langue, inventant des mots, en fusionnant d'autres, construisant son texte sur une architecture à la fois originale et fragile - pour un résultat aussi inédit qu'enthousiasmant.
Une fois n'est pas coutume, tirons notre chapeau à la traductrice, et même : nommons-la. Car on imagine sans peine que Marguerite Pozzoli n'a pas dû s'amuser tous les jours à essayer de trouver une traduction décente à des mots n'existants pas plus en français qu'en italien ! Et pourtant, son travail rend hommage à la plume de l'auteur, c'est à peine si l'on sent que l'on à affaire à une traduction.

En somme il n'existe probablement aucune bonne raison de ne pas vous jeter d'urgence sur ce livre (sauf à vraiment vouloir contrarier l'auteur de ces lignes). On évitera de se perdre en superlatifs improductifs pour aller à l'essentiel : « La Compagnie des Célestins » est une merveille, le genre de livre tellement réussi et tellement riche qu'il aspire au consensus. Il y a là de quoi séduire le plus retorse des esthètes autant que le fan hardcore de Harry Potter, de quoi plaire à un ado autant qu'à une maman autant qu'à un son mari qui n'ouvre jamais un livre autant qu'à son cousin qui est un très sérieux professeur d'université...
...ainsi que, bien sûr, à tout amateur de foot qui se respecte ; en sus de toutes ses qualités, « La Compagnie des Célestins » est sans aucun doute l'un des plus beaux chants d'amour à ce sport (sinon à tous les sports) qui aient jamais été écrits, de ceux qui sans éprouver le besoin de se vautrer de le consensualisme parviennent à fédérer, à revenir aux sources taries d'une discipline ravagée par le pognon, le dopage, la corruption et la connerie humaine (en Italie plus que nulle part ailleurs). Sources dont on rappellera qu'elles reposent sur une équation aussi simple qu'essentielle : prendre plaisir à jouer. Ensemble.

mardi 10 juin 2008

"Pot-bouille" - Emile Zola

Dur & Cynique, par Sandriiine


Octave débarque à Paris dans le but avoué de faire fortune dans le commerce, il commencera commis, son ascension se dévelloppée dans un autre livre (Au bonheur des dames). Il loge dans une belle grande maison bourgeoise à plusieurs appartements habités pour la plupart par des familles honorables, le dernier étage étant réservé aux domestiques ou aux petits loyers.
Octave est bien décidé à profiter de Paris et des parisiennes, il jettera son dévolu sur plusieurs jeunes femmes de la maison, provoquant quelques catastrophes mais toujours pardonné car il n'est qu'un homme après tout...
Les femmes rongées de passion ou de honte feront basse figure : tout est dans l'ordre des choses...

Le Zola qui m'aura fait le plus rire (vu les titres restants, il ne risque rien et gardera ce privilège jusqu'à la fin des Rougon Macquart !!).
A sa sortie, il a énormément choqué les lecteurs habituels de Zola, ces bourgeois féru de littérature naturaliste tant que celle-ci leur présentait la misère et les travers de la fange parisienne. Mais dans Nana déjà, les bourgeois commence à être doucement moqués, bien sûr cela reste discret et si corruption il y a, c'est certainement de la faute de ces mauvaises gens qui les entourent.
Mais avec Pot - Bouille, le regard change de bord et après avoir bien disséqués les travers des ouvriers, Zola décide de prouver que personne n'est à l'abri de l'indignité.
Dans Pot-Bouille, Zola s'immisce dans la sexualité trouble des ses pairs , il les croque sans douceur, sans excuses. Chacun ses besoins : Les hommes veulent des femmes (mariée pour éviter plein d'ennuis), les femmes veulent de beaux mariages.
Et l'amour dans tout cela direz-vous? Hé bien rien, pas une trace, pas une once, uniquement des demoiselles nourries de romans mielleux, qui chavirent à un coup d'oeil appréciateur et des messieurs avide de conquêtes...Après le mariage,chacun son but: le mari cherchera une bien jolie maitresse, la femme cherchera des bons partis à ses enfants : la boucle est bouclée...

Au milieu de tout ce "beau" monde , les domestiques, les petits salaires s'en prennent plein la figure,les avortements, les femmes enceintes prêtes à accoucher mises dehors devant la désapprobation bien pensante de nos locataires choqués de si peu de dignité...
C'est un livre dur et cynique, c'est certainement pour cela qu'il m'a tant plu. Un de mes coup de coeur de l'année !

lundi 9 juin 2008

"L'Oiseau obscène de la Nuit" - José Donoso

Un oiseau pour les Chats, par Zaph


Je me souviens d'une discussion sur notre blog à propos du cliché et du conventionnel en littérature.
Nous nous disions que les grand chef d'oeuvres sont rarement issus de nulle part, et qu'ils racontent parfois des histoires très classiques, peu originales. A la limite, on pourrait dire qu'au niveau intrigue, le "Da Vinci Code" est plus original que "Roméo et Juliette".
A se demander si parfois l'originalité n'est pas néfaste. Peut-être qu'un chef d'oeuvre se doit de posséder une dimension universelle, et que par définition, un excès d'originalité ne peut tendre vers l'universalité.

Pourtant, parfois, on rencontre une oeuvre vraiment originale à tout point de vue. Une oeuvre qui vous touche, vous remue, une oeuvre d'une beauté étrange, inquiétante.
Pour moi, "L'oiseau obscène de la nuit" est un tel livre. C'est peut-être du à ma piètre connaissance de la littérature sud-américaine, mais ce livre me frappe par sa singularité autant que par son âpre beauté, et par son style flamboyant.
Le seul point de comparaison auquel je pourrais me raccrocher est le fabuleux "Pedro Paramo" de Juan Rulfo. Sauf que ce qui était un condensé de poison d'une efficacité redoutable chez Rulfo, est ici un fleuve de scories en fusion qui vous emporte dans des tourbillons où toute résistance, toute tentative de contrôle est ridiculement vaine.
Vous êtes pris dès la première page dans un courant maléfique qui va vous secouer pendant 436 pages et vous recrachera épuisé, comme vidé de toute substance, doutant de votre propre réalité.

"L'oiseau obscène de la nuit" est un long délire aux marges de la folie.
Tenter de débrouiller les nombreux fils qui composent ce livre est une mission quasiment impossible. Et vouloir trop analyser et clarifier les choses pourrait nuire à votre expérience de lecture. Il vaut mieux rester dans l'incertitude.
Disons simplement que ce qui fonde ce récit, le fleuve souterrain qui le parcourt de bout en bout, même si de nombreux affluents viennent s'y mélanger, c'est la relation de dualité/unicité établie entre Humberto et Jeronimo.
Jeronimo de Azcoitia est le dernier descendant mâle d'une grande lignée aristocratique.
La famille d'Humberto, par contre, est d'extraction populaire. Et le père d'Humberto voue une admiration sans borne aux Azcoitia. Il n'y a pour lui qu'un moyen d'exister, de devenir quelqu'un: c'est de leur ressembler, de s'en rapprocher le plus possible, de grappiller tout ce qu'on peut de leur identité, jusqu'à devenir soi-même une image (inversée?) d'Azcoitia.

Humberto va donc réussir à devenir le secrétaire particulier de Jeronimo, et, par une infinité de moyens subtils, à prendre peu à peu possession de lui.
A moins que ce ne soit lui qui soit possédé. Car évidemment, tout a un prix, et Humberto devra lui aussi, abandonner sa propre individualité avant d'en endosser une autre.

Ayant compris cela, Humberto tentera de se soustraire à ce destin en se cachant dans la Casa de Ejercicios Espirituales de la Encarnacion, ancien lieu de retraite de la famille Azcoitia, dont l'architecture est aussi tortueuse que le nom, et où peu de gens osent maintenant pénétrer.
Ce lieu absolument démentiel est la matrice de cette histoire; le chaudron dans lequel sept vieilles femmes, sept sorcières vont mélanger les ingrédients infects par lesquels va prendre naissance l'être abominable qui va incarner cette fusion des contraires.

C'est alors un terrible jeu de masques, de miroirs, de faux-semblants, d'interchangeabilité, où se fondent et se confondent les identités.
Pour devenir quelqu'un, conquérir une nouvelle identité, il faut d'abord n'être personne. Les corps ne sont plus que des enveloppes, des carcasses que l'on peut pénétrer et habiter, tels des masques de carnaval.
A certains moment, on se prend même à douter de l'identité du narrateur qu'on avait pourtant identifié avec certitude quelques pages auparavant. Mais les personnages eux-mêmes ne sont pas certains d'être ce qu'ils sont.

Donoso est un magicien du style. Il y a dans ce bouquin des choses que je n'avais jamais lues ailleurs, comme par exemple, de longues phrases dont la première moitié représente le point de vue d'un premier personnage, et la seconde moitié, le point de vue d'un autre personnage, et cela sans que le procédé paraisse lourd ou nuise au sens. Au contraire, cela apporte un éclairage particulier sur l'histoire, et cadre parfaitement avec le thème du flou identitaire et de la substitution.

Ce qu'il y a de génial, c'est que ces thèmes traversent tout le livre sur différentes strates de langages, par exemple, une même expression qui revient dans la bouche de plusieurs personnages, un mot ou un lieu qui en remplace un autre, un détail ou un évènement qui se répète dans des circonstances différentes. Grâce à une parfaite correspondance entre style et sujet, cette infinité d'éléments s'imprègne dans le lecteur, ce qui fait qu'il a plus l'impression de ressentir les thèmes que de les comprendre intellectuellement.

On termine ce livre comme on sort d'un trip, lessivé, dans un état fiévreux, et incapable de se rappeler exactement tous les endroits déments qu'on a traversés.
Et on se dit que oui, il y a bien un écho en nous; ces fantasmes, ces peurs obscures et ancestrales, cette nuit qui nous ronge, cette chose étrange et effrayante qui grandit en nous; elle est là, la terrible universalité.



Note: Cette oeuvre grandiose n'est malheureusement plus éditée en traduction française à l'heure actuelle. J'ai du la commander en version anglaise, sous le titre "The obscene bird of night".

dimanche 8 juin 2008

"Le Chameau Sauvage" - Philippe Jaenada

Succulent, par Ingannmic

Le jour où il tombe dans sa baignoire et s'électrise en tentant de réparer son radiateur marque le début d'une série de déboires pour Halvard Sanz. Ainsi, accusé de vol suite à un quiproquo, il passe une nuit en prison; puis, ayant rencontré dans d'étranges circonstances Pollux Lesiak, femme qu'il pense être celle de sa vie, cette dernière disparait presqu'aussitôt. Accessoirement, il se brouille avec sa fiancée ainsi qu'avec une partie de ses connaissances.
Il est dès lors obsédé par le souvenir de Pollux, et son existence prend un tour chaotique : il décide successivement de vivre cloîtré, puis de se rouvrir au monde tout en sombrant dans l'alcool, pour finir par prendre un nouveau départ en changeant notamment d'appartement et de métier. Mais malgré tous ses efforts, il ne parvient pas à oublier celle qu'il considère déjà comme son épouse (bien qu'il ne l'ai pas vu plus de minutes...).

Tout au long du roman, on suit dans les moindres détails les cheminements de pensée du narrateur et la descriptions de ses états d'âme. Il aurait pu en découler un récit pesant, voire égocentrique. Seulement, l'enchainement des situations burlesques (on se croirait parfois dans un film de Begnini), l'autodérision et la naïveté quasi-enfantine dont fait preuve Halvard, le rendent particulièrement attachant et émouvant. De plus, il croise sur sa route des personnages souvent invraisemblables (telle cette jeune fille timide qu'il invite à attendre le métro au chaud chez lui, et qui se métamorphose en furie hystérique..), ce qui pimente le récit, et son interprétation des événements qui lui arrivent et de ses émotions est si minutieuse et imagée qu'elle en est souvent hilarante!
Bref, mis à part quelques longueurs que, pour ma part, je lui pardonne facilement, c'est un roman succulent !