mardi 30 juin 2009

"Faux soleil" - Jim Harrison

Ne pas se fier à sa première impression, par Ingannmic.

Je referme à l’instant « Faux soleil » de Jim Harrison. Je suis perplexe. Je me dis qu’au final, il ne s’y passe pas grand-chose, et je me demande ce qui m’a tenue jusqu’au bout de ce roman. Un roman presque décousu… presque parce qu’il suit une progression chronologique, et qu’à aucun moment on ne s’y perd, mais un peu décousu tout de même, parce que la narration n’y est pas vraiment linéaire. Je m’explique : le narrateur, écrivain-journaliste dans une période de creux, décide d’écrire sur Robert Corve Strang, un spécialiste des grands barrages dans le monde, dont il a brièvement fait connaissance avec l’ex beau-père. C’est d’ailleurs ce dernier, en lui apprenant que son ex-gendre était un homme extraordinaire, qui a piqué sa curiosité. Robert, devenu infirme à la suite d’un accident, vit retiré dans un chalet au Nord du Michigan, en compagnie de la jeune et belle Eulia, une costaricaine qu’il présente comme étant sa belle-fille.
Bref, pour en revenir à nos moutons, la « non-linéarité » du récit tient au fait qu’il alterne entre les souvenirs de Robert, rapportés par le narrateur, les bandes enregistrées et retranscrites par ce dernier, sur lesquelles il livre les impressions nées de ses rencontres avec son sujet, et de l’impact qu’elles ont sur sa perception de lui-même, et enfin de passages narratifs plus traditionnels, qui dépeignent les séances d’interview, et divers autres événements.
Où réside l’intérêt de « Faux soleil » ? Et bien, dans l’écriture de Jim Harrison tout d’abord, une écriture très riche, sans être alambiquée, et qui possède un charme indéniable. Il tient ensuite dans la personnalité des deux protagonistes que sont Robert et le narrateur, et dans la nature de la relation qui se noue au cours de leurs entretiens. En effet, Strang est un homme très clairvoyant et intuitif, qui a vite fait de déceler les faiblesses et les états d’âme de ses interlocuteurs, et qui renverse souvent la situation en amenant l’écrivain à s’interroger sur lui-même. Cependant, il ne le fait pas avec l’intention d’humilier l’autre ou de prendre un quelconque ascendant sur lui, car il est aussi quelqu’un de généreux et de tout à fait pacifique, désintéressé de toute sorte de pouvoir et des biens matériels. C’est plus sa profondeur, ses choix de vie, sa simplicité, qui renvoie l’autre à ses manques et ses regrets, et lui provoque aussi une certaine terreur, ainsi qu’il l’avoue lui-même. Terreur face aux « crises » de Robert, dues à une épilepsie mal soignée, mais aussi face à la façon dont celui-ci assume totalement son éventuelle folie, face aussi à son optimisme déraisonnée quant à ses possibilités de retravailler un jour à ses fameux barrages. Une terreur née sans doute de la propre incertitude que nous nourrissons tous concernant l’assurance de maintenir l’équilibre entre raison et démence…
Le récit de Robert, de son enfance rude mais comblée d’affection, de ses rencontres avec les femmes qu’il a aimées, de ses missions sur des chantiers « loin du vacarme du monde, dans des lieux inaccessibles et inhospitaliers, loin de la réalité frelatée proposée par la télévision, le cinéma, ou les romans" -!-, aura finalement permis à celui qui l’a entendu de se réconcilier un peu avec lui-même.
C’est drôle, maintenant que j’ai rédigé ma critique, je me dis qu’il s’est passé plein de choses, dans « Faux soleil » !

lundi 29 juin 2009

"Le vendeur de sang" - Yu Hua

Le sang comme lien, par Ingannmic.

Chine, années 50. Xu Sanguan est ouvrier dans une filature de cocons de soie. Un jour qu’il revient de la campagne, où il est allé rendre visite à son oncle, il croise deux de ses amis qui vont vendre leur sang. Ils le persuadent de faire de même, d’autant plus facilement qu’il s’agit d’une solution rapide pour gagner beaucoup d’argent. Les fonds obtenus vont permettre à Xu Sanguan d’épouser Xu Yulan, « la belle aux beignets frits », qui lui donnera trois garçons prénommés Premier Plaisir, Deuxième Plaisir et Troisième Plaisir. La vente de sang constitue le fil rouge de ce récit : à chaque grande difficulté rencontrée dans sa vie et pouvant être solutionnée financièrement, le héros y aura recours.

Voici un roman qui se lit très facilement, comme un conte, grâce à un style extrêmement simple, et des personnages haut en couleurs, voire par moments caricaturaux. Il s’agit sans aucun doute d’une démarche volontaire de l’auteur, lui permettant non seulement de rendre son histoire plaisante et accessible, mais surtout d’y introduire un humour réjouissant, qui contrebalance la dureté des événements dont pâtissent les personnages.
Ceci dit, il serait injuste de ne voir dans ce « Vendeur de sang » qu’une fable à lire au premier degré. En effet ce récit est aussi l’occasion pour Yu Hua de survoler l’histoire de la Chine des années 50 à 80, en s’attardant sur les conséquences des grands bouleversements que connut le pays et qui furent subis par le peuple, du « Grand Bond en avant », responsable de la Grande Famine qui fit selon certains historiens jusqu’à 30 millions de morts, à la Révolution culturelle.
Et c’est comme un hommage qui est rendu à ces "petites gens" du peuple plus ou moins écrasés par la grande Histoire, qui tentent malgré tout de survivre avec honneur, de maintenir l’amour, l'entraide et la cohésion qui soudent les familles et, plus largement, les communautés.
Un très bon moment de lecture.

samedi 27 juin 2009

"Mémoires de Porc-épic" - Alain Mabanckou

My brother the hedgedog, par Thom.

Alors ça, c'est amusant.

Il y a quelques temps j'ai relu « Dingo », d'Octave Mirbeau. Je dis il y a quelques temps parce que je l'ai relu il y a déjà un moment, en fait pour vous lecteurs c'était juste hier. Et donc : « Dingo », au cas où vous auriez eu l'impudence de zapper le billet le concernant, met en scène un chien commettant quelques méfaits au service d'un maître dont on dira poliment qu'il est à côté de la plaque. Postulat particulièrement original qu'on ne rencontre pas tous les jours.

Eh bien figurez qu'à peu de choses près « Mémoires de Porc-épic » utilise le même postulat. En l'occurrence il ne s'agit pas d'un chien mais (vous l'aurez deviné) d'un porc-épic. Le double nuisible d'un brave garçon nommé Kibandi. Avoir un double nuisible ça, c'est un peu fâcheux. Mais en Afrique ce sont des choses qui arrivent (enfin à ce qu'on raconte). Un animal vous sert toujours de double, déjà. Et des fois, il est nuisible. Ce qui signifie qu'il va pourrir la vie des gens autour de vous - dans le meilleur des cas parce que bien souvent c'est votre vie à vous et rien qu'à vous qu'il pourrit.

Bref : « Mémoires d'un Porc-épic » narre donc les crimes tragicomiques de ce brave animal, qu'on nommera par souci de lisibilité : Porc-épic.

Il paraît que dans ce livre, Alain Mabanckou la joue à la façon des contes africains. L'honnêteté m'oblige à dire qu'on aurait aussi bien pu me dire que c'était inspiré d'une recette de cuisine de sa grand-mère... c'eut sans doute été plus vérifiable pour moi. Ce qui est certain c'est que si c'est vrai... il faut absolument que je... que je fasse quoi au fait ? Evidemment, les contes africains sont oraux. Je ne peux donc ni me jeter sur un livre ni sur un cd. C'est bien dommage, car « Mémoire de Porc-épic », pour sa part, est un excellent roman. Voilà bien longtemps que je n'avais pas autant ri en lisant un livre. Quel plaisir de lecture ! Quel plaisir des mots, surtout - c'est ce qu'on en garde à la fin : le sentiment que l'auteur aime la langue, qu'il s'éclate avec et qu'il s'éclate à nous éclater. Un vrai bonheur de lecture, pas si original que je m'y attendais finalement (le coup de la suppression de la ponctuation ça remonte quand même aux beatniks !... quant à la thématique... elle est universelle tout en se jouant des lieux communs), mais que je vous recommande tout de même ABSOLUMENT.

vendredi 26 juin 2009

"Plage de Manacorra, 16h30" - Philippe Jaenada

« Les gens sont mystérieux et fascinants » (Ph. Jaenada)
par Ingannmic.

C’est à Peschici, petit village italien, que Voltaire, sa femme Oum et leur fils Géo sont venus passer leurs vacances en cet été 2007. Au matin du 3ème jour de leur arrivée, un gigantesque incendie de forêt se déclare à proximité de leur villégiature, les obligeant à prendre la fuite, en compagnie de dizaines d’autres touristes menacés par les flammes.

Je me réjouissais de découvrir le nouveau roman de ce chouchou des chats. Et je n’ai pas été déçue. Je dirais même que c’est pour moi l’un des meilleurs Jaenada que j’ai lus à ce jour. En effet, autant dans certains de ses romans quelques passages m’ont paru un peu longs, autant j’ai dévoré celui-là. Certes, il est court, mais précisons qu’il parvient à nous tenir en haleine avec un récit se déroulant sur une huitaine d’heures pendant lesquelles les protagonistes fuient un feu de forêt… Ceci dit, –et ses lecteurs le savent bien-, c’est là que réside tout le talent de Jaenada : ce ne sont pas les événements qui ont de l’importance dans ses romans, mais le regard qu’il porte sur les situations, sur les comportements des individus qui doivent y faire face, et toutes les pensées, pêle-mêle, que cela lui inspire. Et comme d’habitude, c’est d’une inimitable drôlerie ! On pourrait se dire qu’il paraît difficile, au premier abord, de faire rire avec un tel thème, d’autant que l’auteur porte sur la nature humaine un regard lucide qui ne l’épargne pas. Et pourtant, il ne donne à aucun moment l’impression de vouloir dénoncer les bassesses ou les lâchetés que peuvent révéler le genre de situation dans laquelle se retrouvent les protagonistes. Il se contente de décrire les gens tels qu’ils sont, sans complaisance mais sans mépris ni amertume non plus. Et finalement, son regard nous amène même à considérer nos semblables –et donc nous-mêmes- avec un certain attendrissement, parce que Jaenada sait que l’homme n’est pas parfait, mais malgré tout, il le fascine et l’émeut. Et s’il sait ne pas se voiler la face concernant cette imperfectibilité, c’est sans doute parce qu’il s’inclut lui-même dans ce grand ensemble qu’est l’humanité, qu’il sait s’accepter et accepter ses proches avec leur défauts, et surtout en rire, toujours…
En effet, le héros a beau se prénommer cette fois Voltaire, j’ai eu le sentiment de retrouver le Halvard du « Chameau sauvage » ou le Hector du « Cosmonaute ». D’un récit à l’autre, ces personnages ont de nombreux points communs (ne serait-ce que le mythique chat Spouque), et surtout, ils font preuve de ce ton drôle et unique, de cette façon d’accorder de l’importance à des détails, pour se moquer comme de l’an 40 de ce qui, pour d’autres, serait capital.
Et je devine que derrière ces héros à la fois ordinaires et pourtant si remarquables, c'est Philippe Jaenada qui "se cache", ce qui me le rend irrémédiablement et définitivement sympathique !

jeudi 25 juin 2009

"La Virevolte" - Nancy Huston

Le Chant profond, par Thom


C’est une histoire simple, lente, presque statique. Celle de Lin, femme ordinaire ou presque, mère de famille, amie fidèle, et danseuse de renom. Une femme comme les autres dont la vie semble aller pour le mieux : l’amour, le bonheur familial, l’aisance matérielle. Un mari qui l’aime et la désire – et inversement. Bref le verni parfait de la famille idéale, qui pourtant craque lentement au fil des pages. Tout semble aller à la perfection et pourtant rien ne va, ou alors de travers. Pourquoi ? Celui qui cherche des réponses risque de détester ce livre qui fait vaciller les certitudes ; tout le moins de s’y perdre, de se noyer dans cette prose ravagée et sinueuse. Bien sûr il y a du post-partum là-dessous, de la dépression sans doute. L’expression chaotique d’une solitude indicible, la création progressive d’une vie parallèle (famille d’un côté, métier-passion de l’autre). Mais il y a d’autre choses, d’autres émotions pour lesquelles il n’existe aucun mot.

Alors, Nancy Huston décrit des gestes. Glisse du sens là où il ne devrait pas y en avoir. Crée le décalage :

« Tu as l’air tellement épanouie, dit Rachel au bout d’un moment.
- Oui, je sais, dit Lin. Ca m’inquiète.
- Ah. Ca m’aurait inquiétée que ça ne t’inquiète pas.
- Oh, Rachel ! Je me sens tellement bien, c’est terrifiant.
- Ecoute, tu as toute ma sympathie […] Allez, on peut toujours être amies, tu sais. Même si tu es heureuse. »

Dans sa construction, « La Virevolte » est un roman beaucoup plus « normal », romanesque au sens traditionnel du terme, que d’autres de la même auteure. Mais il n’en est pas moins complexe, sulfureux et hanté ; tout en atmosphères, sensations, suggestions. Et ainsi Nancy Huston touche t’elle à ce qu’il ne faut pas dire, ce que tout le monde sait mais que personne ne formule : être parent, c’est d’une manière ou d’une autre amputer une partie de sa vie. Le sens des responsabilités qui se dégage de cette fonction induit une part, plus ou moins importante selon les gens, d’oubli de soi – soit donc de renoncement. Part que Lin finit par rejeter dans une seconde partie qui gagne en émotion ce qu’elle perd en acuité. Non pas tant parce que l’attitude de la jeune femme est réprouvée tant par la société que par la morale… que parce que ce faisant, cette dernière devient une héroïne romantique de base ; à savoir une fascinante égomaniaque qui, en quête d’un Absolu absolument inaccessible, finit par faire ce qu’aucun de nous n’oserait faire dans la vie courante – pour comme de juste s’y brûler les ailes.

Dans son dernier quart, donc, le roman se fait moins fort car plus prévisible, moins singulier. Et pour autant il demeure touchant. Parce que sublimement écrit. Et aussi parce que, dans le fond, les héroïnes romantiques sont toujours un peu nous.

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mercredi 24 juin 2009

"Sauver Noël" - Romain Sardou

Et si les lutins étaient réels? par Sandrounette

Londres, 1854. Gloria Pickwick est une gouvernante atypique: charismatique rousse au caractère bien trempé, elle fait régner l'ordre dans la maison de ses maîtres à elle toute seule. Elle n'hésite pas à affirmer ses principes haut et fort et tout le quartier la tient en grand respect.

La maison mitoyenne à la sienne reste inoccupée pendant de nombreuses années à cause d'une sombre histoire d'héritage. Quelle ne fut la surprise des habitants du quartier lorsqu'ils voient débarquer un beau jour (ou plutôt une belle nuit), un mystérieux baron et son cortège dans cette demeure glauque. Rien d'extraordinaire à priori malgré la curiosité qu'ils dégagent. Un nouvel habitant est souvent sujet à commentaires.

Les choses se corsent lorsque, le soir de Noël, aucun enfant ne reçoit le moindre cadeau. Une vague de tristesse traverse Londres le matin du 25 décembre. Seule une maison fait la fête, celle du mystérieux baron Ahriman. C'en est trop pour Gloria qui décide de prendre les choses en main. Le récit s'affole et laisse place à de nombreux personnages dont des lutins, et même le Père Noël himself!

Il faut lire ce roman pour ce qu'il est: une histoire divertissante et amusante. Parce qu'au-delà, il n'y a pas grand chose à voir... Certes la plume de Romain Sardou est sympathique mais elle n'est pas révolutionnaire. Son envie de transmettre de la magie, de la tendresse est un peu surfaite par moment. Je me suis sentie un peu blasée par des sentiments de déjà-vu sans arriver à surpasser les originaux. Quelquefois je me revoyais dans un remake mal formulé de The nightmare before Christmas (un de mes films fétiches!).

Sauver Noël se veut un conte sans prétention et réussit à atteindre cet objectif. Un peu plus d'ambition aurait été appréciable!

mardi 23 juin 2009

"Le sanctuaire des fous" - Jennifer Johnston

N'est pas Du Maurier qui veut..., par Ingannmic.

Ma deuxième incursion dans l’œuvre de J.Johnston n’est pas vraiment concluante… (la première, plus positive, est ICI). Dès le départ, j’ai bien senti que ce « Sanctuaire des fous » n’allait pas me plaire : j’avais l’impression de lire une succession de platitudes, tantôt insérées dans la narration, tantôt pensées, voire proférées, par les divers protagonistes. Et le reste du récit s’est avéré être à l’avenant, teinté d’un romantisme très conventionnel et plutôt ennuyeux.

Miranda est l’héroïne de ce roman. A l’article de la mort, elle se joue une dernière fois ce qu’elle appelle « sa pièce », se remémorant les événements qui, bien des années auparavant, ont mis en scène les personnages principaux de son existence, et qui ont bouleversé le cours de sa vie. A cette époque (1920), elle vit avec son père, M.Martin, dans leur grand manoir de Termon, en Irlande. Le temps d’un week-end, son frère Andrew, militaire britannique, y vient en permission avec Harry, l’un de ses compagnons d’arme anglais, après de longues années d’absence. Il retrouve ainsi Charlie Dillon, copain d’enfance et voisin de la famille, que M.Martin a pris sous son aile, allant jusqu’à lui financer des études de psychologie. Charlie, catholique, est engagé dans la lutte pour l’indépendance irlandaise, avec l’approbation de son protecteur. Il est aussi, accessoirement, amoureux de Miranda, qui le lui rend bien… Très vite, les divergences d’opinion, la jalousie, l’amertume provoquent des tensions.

Une action se déroulant sur peu d’espace et sur un laps de temps réduit, des dialogues ayant pour but de planter à la fois le contexte historique et le vécu des personnages, donnent effectivement le sentiment, par moments, de lire une pièce de théâtre. Mais tout cela, à mon humble avis, manque cruellement de subtilité…
A l’issue de cette lecture, j’avoue hésiter à persévérer dans la découverte de J.Johnston…

lundi 22 juin 2009

"La Tête contre les murs" - Hervé Bazin

Lunactic Asylum, par Thom

Hervé Bazin m'a toujours posé un problème. J'ai eu l'occasion de rencontrer ce grand écrivain à plusieurs reprises lorsque j'étais enfant, et ces rencontres font partie des choses qui firent naître chez moi une "vocation littéraire". Le problème c'est qu'en lisant ses livres à présent que je suis adulte, je me rends compte que c'est une littérature affreusement traditionnelle que je ne lirais probablement pas s'il ne s'agissait pas de lui. Tout simplement parce que le style de Bazin, je ne le trouve pas fulgurant. Je le trouve... banal ? Disons : classique. Archi-classique même.

Et pourtant, par une étrange magie qu'on pourrait peut-être appeler talent, chaque fois que j'en lis un je retombe dans le panneau et je le dévore d'une traite.

"La Tête contre les murs", c'est l'histoire d'un jeune homme totalement paumé qui fait à peu près toutes les conneries possibles et imaginables, et passera sa vie entre internements et incarcérations.

Le début du livre, avec cet internement, ce passage dans ce qu'on appelle déjà en 49 hôpital psychiatrique qui m'a évoqué bien plus les asiles du siècle précédent, est remarquable. Bien que publié il y a soixante ans le texte n'a pas pris une ride, dans la forme comme dans le fond : tout ça existe toujours. Cette propension de la société à considérer toute personne marginale comme aliénée, c'est encore d'actualité, en France, en 2009. Les cliniques psychiatriques n'ont guère changées depuis l'époque, et l'entrée en matière de l'ouvrage rappelle furieusement le début de "Bye-Bye Blondie" de Virginie Despentes (le hardcore en moins). Le style et l'époque diffèrent bien sûr ; pas les faits en eux-même. Et des extraits comme celui-ci font d'autant plus froid dans le dos qu'on pourrait très bien les entendre prononcer aujourd'hui :

"Arthur Gérane est un de ces garçons abonnés aux fugues, aux coups de têtes et même aux sales coups, un de ces inadaptés qui prennent soit le chemin de l'asile, soit celui de la prison, et n'en sortent que pour y rentrer six mois plus tard [...] ... ses frasques reviennent à intervalles réguliers : fâcheux indice !"

C'est le psychiatre qui parle. Effrayant non ? Effrayante, cette assimilation de l'inadaptation à l'aliénation... Bien sûr, aucun psy ne parlerait de la sorte de nos jours... ce qui ne signifie pas qu'on ne pourrait plus entendre ce genre phrase, comique tant elle est absurde. Ni croiser en clinique des spécimens comme cet antihéros absolu. Oui, la psychiatrie guérit ; mais il y a aussi des gens qu'elle peut détruire et Arthur Gérane est de ceux-là. Interné pour avoir commis l'horrible crime d'être marginal, il en ressort brisé, exactement comme ces prisonniers qui quittent la prison encore plus corrompus que lorsqu'ils y sont entrés (et d'ailleurs à l'époque qu'est-ce qu'un hôpital psychiatrique sinon une prison vaguement médicalisée ?). Personnage d'autant plus étonnant que parfaitement ambivalent : impossible de décider, au terme du roman, s'il est un authentique malade ou juste un petit salopard ordinaire...

Quelque chose cependant manque au livre. Un point de vue. A moins qu'il ne s'agisse d'une multiplication des points de vue ?... bon, ça revient au même finalement : trop de points de vue tuent le point de vue, et ce qui rend Arthur si ambigu rend (par ricochet) le roman un peu dérangeant parfois. Où se situe exactement Bazin ? Au côté d'Arthur ? Ou bien auprès de ses contempteurs ? Au terme du texte on n'est pas vraiment avancé tant l'auteur y a oscillé entre identification troublante et moralisation bien de son temps. De ce point de vue, c'est sans le moindre doute possible le roman le plus abouti et fascinant de Hervé Bazin, moins schématique que sa "Vipère au poing" ou "Le Matrimoine" et moins sentencieux que "Madame Ex". On pourrait même regarder cette indétermination des points de vue comme une rareté : un narrateur non pas omniscient, mais empathe. Après tout pourquoi pas ?

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dimanche 21 juin 2009

"Le Dieu des Petits Riens" - Arundhati Roy

Entre mythe et réalité, par Ingannmic.


Inde, pays des castes, des divinités aux noms imprononçables, pays des contrastes entre tradition et modernité, entre héritage religieux et aspiration au progrès social…
C’est dans ce pays aux multiples facettes que naissent Estha et Rahel, faux jumeaux qui, suite au divorce de leur mère Ammu, sont revenus vivre avec elle dans la maison grand-parentale, située à Ayemenem. Ils y cohabitent avec leur grand-mère, Mammachi, sa sœur Baby Kochamma, restée célibataire parce que le seul homme qu’elle a aimé dans sa vie était un prêtre, et Chacko, le frère d’Ammu. A l’occasion des fêtes de Noël, l’ex-femme de Chacko, Margaret, et leur fille Sophie, arrivent d’Angleterre. Au cours de leur séjour à Ayemenem, de terribles événements vont se produire, qui bouleverseront à jamais la vie des jumeaux ainsi que celle de leurs proches.

J’ai eu au départ un peu de mal à entrer dans ce roman : on y passe d’un événement et d’une époque à l’autre, faisant connaissance d’un seul coup avec tout un tas de personnages dont j’appréhendais difficilement l’importance au sein du récit. Et puis, petit à petit, l’histoire se met en place, chacun intégrant le rôle qu’il va jouer dans le drame à venir. Oui, car dès les premières pages, le lecteur est averti que quelque chose de terrible va arriver (ou est arrivé, puisqu’en fonction des chapitres, l’action se situe juste avant ou des années après l’événement fatidique). Il en résulte que le récit prend des allures de mythe, en raison du caractère inéluctable de la tragédie, et de la nature des ingrédients qui la composent : amours clandestines, mort, transgression de l’ultime tabou imposé par cette société de castes…
Et en même temps, cela reste une tragédie terriblement humaine, inévitable dans une Inde qui recèle tant d’inégalités, entre hommes et femmes, riches et pauvres, anglais et autochtones. D’autant que ces inégalités servent les intérêts d’autorités corrompues, et que, comme bien souvent, le pouvoir de l’argent et les alliances politico-économiques priment sur les idéaux ou les sentiments.
Que les séries télévisées remplacent les contes, que les derniers danseurs traditionnels ne deviennent plus que des attractions pour touristes, sont sans doute pour certains le signe de l’accession au sacro-saint progrès… les mentalités, elles, semblent avoir vraiment du mal à évoluer.
Vous l'aurez compris, "Le Dieu des Petits Riens" est un livre qui laisse, à décrire tant d'injustices et de cruauté, un goût amer... mais le charme que recèle l'écriture d'Arundhati Roy parvient à le rendre néanmoins digeste!

Lire aussi l'avis de Mbu. qui m'a donné envie de lire ce roman.

samedi 20 juin 2009

« Le Maître a de plus en plus d’humour » - Mo Yan

L’histoire d’un petit vieux presque honorable, par Mbu.

L’usine de Maître Ding – maître étant le terme que l’on utilise en Chine pour s’adresser à un honorable travailleur qui a travaillé longtemps – très longtemps dans le cas de Maître Ding, a fait faillite. Les cadres, dans leurs belles voitures, montre toute l’humilité possible pour s’excuser de l’inconvénient : tout le monde est viré. Même Maître Ding, qui a fidèlement servi l’usine pendant trente ans et qui devait toucher la retraite un mois plus tard. Autant dire qu’elle lui passe sous le nez. Pourtant, on le couvre d’éloge, le met sur un piédestal, comme exemple, pour tous les autres travailleurs qui s’énervent déraisonnablement. En effet, Maître Ding (qui n’a pas saisi la situation), reste calme, hébété : il est donc l’exemple même de l’employé modèle qui après 30 ans de services fidèles se résigne dignement.

Mais l’éloge est facile et l’honneur ne nourrit pas son homme – ni la femme qu’il a épousé : Maître Ding en perdra même sa dignité quand toutes les portes se fermeront à son nez au moment de réclamer l’aide promise au départ. Sans travail, sans retraite, sans un yuan (kuai pour les intimes), il lui faut se montrer créatif, et balancer par la fenêtre certains de ses honorables principes et sa pudeur vieillotte : en effet, l’heure es à la créativité et la carcasse d’un bus dans un bois où passent les amoureux pourrait offrir une source de revenu intéressante, si seulement Maître Ding se montrait un peu moins… disons… vieux jeu ? Aidé (et un peu poussé) d’un ancien collègue, il retape le bus et se lance dans un petit commerce audacieux…dont il ne se serait pas cru capable.

Ce petit roman plein d’humour se croque en une soirée. Une soirée pour découvrir quelques valeurs culturelles chinoises bien ancrées mes vieillissantes, le clash des générations que ces valeurs représentent, les problèmes sociaux bien réels, entre développement économique et manque de structures sociales dans un monde où domine le « chacun pour soi », l’hypocrisie d’un socialisme sans socialisme, l’érotisme coquin d’un vieil homme d’une autre époque… bref, un roman tout en finesse et en subtilité pour aborder des thèmes bien moins subtils. Avec humour.

vendredi 19 juin 2009

"Les Misérables" - Victor Hugo

"Voyager, c'est naître et mourir à chaque instant" par Sandrounette

Lire le roman de tout un siècle produit un effet étrange. Plusieurs sentiments se bousculent en moi en refermant cette épopée.

Victor Hugo est mon auteur fétiche depuis que j'ai lu "Les Châtiments". Sa poésie, son engagement, sa volonté, sa beauté ont fait écho au plus profond de moi. J'ai depuis approfondi ma connaissance de son œuvre poétique, qui est celle que je préfère. Certains poèmes me procurent des frissons, d'autres me font pleurer à chaque fois. J'en lis régulièrement à mon gros bidon pour que Hugo connaisse les vers de son illustre aïeul à qui il doit son prénom.

Je ne m'étais pas encore intéressée à son œuvre romanesque si ce n'est avec Le dernier jour d'un condamné ou encore Claude Gueux. J'ai donc décidé de mettre mon congé maternité à profit en m'attaquant à sa plus grande œuvre, "Les Misérables". Et j'ai bien fait de prendre mon temps pour en savourer chaque chapitre, chaque portrait, chaque mot. On ne peut pas lire "Les Misérables" comme n'importe quel autre roman. Il contient tout ce que j'aime : la musique des mots, les explications historiques d'un siècle en plein changement avec les détails réalistes de la société parisienne. Un portrait sans concession de la misère humaine.

A l'époque de sa parution, en 1862, il ne fut pas très bien accueilli par la critique. Certains le trouvait trop mielleux, d'autres trop moralisateurs ou, au contraire, trop trivial. Pourtant, le succès populaire fut fulgurant. Ce qui m'étonne beaucoup d'ailleurs. Sans vouloir vexer la population du XIXème siècle, il s'agit tout de même d'un roman "savant" où de nombreuses inférences littéraires, mythologiques, politiques côtoient l'histoire à proprement parler. Parlons-en de l'histoire! Je ne vous ferai pas de résumé tellement c'est dense.

Le roman est découpé en 5 tomes d'égale importance. Chaque tome est attaché à un personnage spécifique: Fantine - Cosette - Marius - L'idylle de la rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis (où nous est narré les combats des barricades) - Jean Valjean. A travers ces 5 tomes, Victor Hugo garde pour fil rouge le personnage de Jean Valjean que l'on suit de sa première évasion du bagne à sa mort. Ce personnage est vraiment très réussi: toutes ses aspérités et ses facettes sont présentées sans tomber dans le pathos. C'est lui le phare qui illumine les déchets du genre de Thénardier sans prendre conscience de son aura. Son humilité contraste avec les pires ignominies présentes dans les rues de Paris.

Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Que dire du personnage de Javert, personnification de la fouine par excellence qui ne se laisse aucun répit, de Cosette si touchante, de Marius si affligeant et attachant dans sa naiveté, de Thénardier, rapace perfide qui arrive toujours à ses fins...

Le roman "Les Misérables" est connu dans le monde entier. On connaît tous son histoire grâce à diverses adaptations. Cependant, rien n'est comparable à la lecture du roman lui-même. C'est un vrai petit bijou de la littérature française, un monument à lui tout seul.

jeudi 18 juin 2009

"Cochon d'allemand" - Knud Romer

Non, je ne suis pas obsessionnel (juste un peu), par Thom.


Après deux cents critiques quasiment toutes dithyrambiques (mais dont aucune, bien sûr, ne surclasse l'excellent texte de notre ami Franswa) que reste t'il à dire de « Cochon d'allemand » - archétype du livre qu'on n'a même plus envie de lire à force de l'avoir vu encensé à tout va ? Rien, en fait. Magnifique performance des commentateurs que d'avoir fini, à peine un an après sa parution, par totalement désosser un ouvrage aussi complexe, aussi palpitant et aussi vertigineux, qui multiplie points de vue et époques et points de vue sur les époques avec une virtuosité digne d'un Faulkner venu du froid (non, la comparaison n'a rien d'excessif).

Pour ceux qui auraient vécu dans un igloo depuis 2007, rappelons brièvement de quoi il s'agit avant de nous agenouiller respectueusement devant la maestria de l'auteur : « Cochon d'allemand » raconte, dans un chaos structurel des plus excitants, l'enfance d'un certain Knud, allemand dans une petite ville danoise une poignée d'années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Une guerre qui, bien sûr, reste encore très (trop) présente dans les esprits, qui a laissé des traces et des cicatrices probablement indélébiles...

Pause anecdote : je connais bien le Danemark, pour y avoir été à plusieurs reprises dans les années 1995 - 96. Autant dire que je n'ai pas été surpris de ce que j'ai lu dans ce livre, dans la mesure où les relations amour / haine vis à vis de l'Allemagne demeurent aujourd'hui encore l'un des traits les plus étonnants de ce pays par ailleurs terriblement attachant. On est loin des français se moquant des anglais et inversement ; une partie non négligeable des danois déteste viscéralement les allemands, les déteste d'autant plus à vrai dire qu'elle a conscience que peu de choses les séparent. Cela m'avait marqué, tout ado que je fus alors, de voir que dans les établissements scolaires danois l'allemand était presque toujours la première langue et que les élèves détestaient presque toujours la pratiquer... tout en parlant l'allemand aussi bien (sinon mieux) que des allemands, ce avec un naturel tout à fait désarmant. Bref : quand on a noté ces étranges relations dans les années quatre-vingt dix, on peut difficilement être étonné par ce que raconte Romer de ces relations passionnelles dans les années soixante. Fin de la pause.

Nous disions que ce récit évoquait Faulkner. C'est l'évidence même, et ce n'est pas le moindre des compliments : le côté petite ville de province un peu arriérée y est pour beaucoup (c'est sans doute le seul point faible du livre, du reste, qui par moment verse un peu dans l'excès sur cette question - excès somme toute pardonnable dès lors qu'il s'agit d'un roman autobiographique suintant la souffrance et même la rancœur à chaque phrase), mais au-delà de ça on y retrouve un aspect de l'œuvre de Faulkner moins couru (parce que moins évident)... cette manière de faire se télescoper les déchirements les plus intimes et les blessures de l'Histoire, cette manière de confondre les destins individuels avec le Grand Destin Collectif qui, si elle manque un peu trop de distance pour accoucher d'un chef d'œuvre, n'en permet pas moins une mise en perspective assez passionnante. Le manque de distance qui, à l'inverse, crée une tension régulièrement bouleversante... et tout à fait faulknerienne aussi, puisque Knud n'est pas sans rappeler Joe Christmas (antihéros de « Light in August »), symbole non pas tant de l'arrachement à ses racines que de la perte de celles-ci, métisse considéré comme un blanc par les noirs et comme un noir par les blancs. C'est cette même problématique qui frappe (écrase) Knud et transparaît au terme d'un roman danois qui présente bien peu de similitudes avec la littérature scandinave contemporaine... en guise d'ultime pied de nez ?

mercredi 17 juin 2009

"In vivo" - Serge Joncour

La musique des mots, par Ingannmic.


Ce qui m’a premièrement frappée, dans ce roman, c’est son écriture. Une écriture qui vous happe, si juste et évocatrice qu’elle donne l’impression que S.Joncour utilise le langage comme un musicien génial joue d’un instrument. En virtuose. Je pourrais presque arrêter ici ma critique : cette seule qualité aurait suffit à me donner envie d’aller jusqu’au bout d’ « In vivo ». Seulement, je n’ai pas atteint les 15 lignes réglementaires, et vous avez peut-être besoin d’en savoir un peu plus pour vous mettre l’eau à la bouche, non ?

D’une part, nous avons deux frères dont le plus jeune a 8 ans, qui ont surnommé leur père le « monoparental » parce qu’il élève seul ses enfants (la maman est morte), et surtout parce que « papa » n’est pas un terme vraiment adapté aux relations qu’entretiennent les garçons avec leur géniteur. Celui-ci leur témoigne une totale indifférence, ce qui leur laisse une liberté non moins totale. Les éventuelles angoisses sont calmées à coups d'anxiolytiques ou de verres de bière... Ce qui n’empêche pas les deux enfants d’aspirer à une vie « normale », calquée sur les modèles que leur proposent les spots publicitaires, qui représentent la famille idéale petit déjeunant sous l’ombre d’un arbre gigantesque, avec soleil garanti et sourires éternels, sans oublier l’indispensable succédané de café, conditionné dans sa célèbre boîte jaune… Et bien sûr, le personnage central de ce beau petit monde serait LA maman, « celle qui t’aime de toutes façons, quand bien même tu ferais le mal, le pire qui soit, quand bien même tu te montrerais impossible ou passable », qui cuisine de vrais aliments (et non des surgelés), blonde de préférence. C’est en partie pour tenter de trouver cette mère idéale que nos deux héros décident de fuguer…
Des rêves d’enfants, en somme, légitimes et naïfs, mais en même temps, l’aîné –qui est aussi le narrateur- n’est pas si dupe. Il montre même une clairvoyance aigue quant à la véritable nature des bonnes intentions, porte un regard acéré sur ce monde cruel, qui n’épargne même pas les plus jeunes. Un monde dont il tente au maximum de protéger son petit frère…

D’autre part, un homme, qui passera la majorité du récit devant sa piscine, qu’il a laissée à l’abandon, lui qui en était auparavant si fier, qui l’entretenait avec un soin si maniaque. Par bribes, nous apprenons qu’il s’agit d’un gynécologue ayant perdu son emploi, et qui n’a jamais pu avoir d’enfant avec son épouse. Echec qui le perturbe, lui qui a aidé tant de femmes à enfanter, et qui le plonge dans une sorte de dépression qui l’amène à observer avec fascination la prolifération, dans sa piscine, d’algues et autres micro-organismes. Une vie qui s’épanouit spontanément, qui s’oppose à celle, aseptisée et programmée, qu’il aidait à prendre forme dans son cabinet.

En manque de mère ou d’enfant, les protagonistes d’ « In vivo » ont comme point commun une carence affective qui les empêche de s’épanouir, de ressentir un quelconque bien-être. Il émane de ce roman une immense tristesse, à telle point qu’il m’est arrivé, au cours de ma lecture, de ressentir une certaine angoisse. Et c’est bien là tout le talent de S.Joncour, qui par la magie des mots, et sans jamais verser dans le larmoyant, parvient à provoquer chez le lecteur toute une palette d'émotions, de l'attendrissement au rire, en passant par la colère, l'amertume...

mardi 16 juin 2009

"L'Ignorance" - Milan Kundera

Le Retour au Désert, par Thom


« Disons que la vie humaine est longue de quatre-vingts ans. C’est à peu près pour cette durée que chacun imagine sa vie. […] …on se rend rarement compte que le nombre d’années qui nous est imparti n’est pas qu’une simple donnée quantitative […] Celui qui pourrait vivre, dans toute sa force, deux fois plus longtemps, n’appartiendrait pas à la même espèce que nous. Rien ne serait plus pareil dans sa vie, ni l’amour, ni les sentiments, ni la nostalgie, rien. Si un émigré, après vingt ans vécus à l’étranger, revenait au pays natal avec encore cent ans de vie devant lui, il n’éprouverait guère l’émotion d’un Grand Retour, probablement que pour lui ça ne serait pas du tout un retour, seulement l’un des nombreux détours sur le long parcours de son existence. »

L’ignorance du titre, c’est celle du pays, des origines. Lorsqu’après des décennies de vie en France le mari d’Irena lui annonce joyeusement que leurs bureaux vont ouvrir à Prague, la ville où elle est née, un malaise se crée, latent. Parce qu’Irena n’a aucune envie de rentrer en République Tchèque. Parce que ce n’est pas (ou n’est plus) son pays. Pour elle, la prise de conscience est aussi brutale que douloureuse : personne n’a jamais considéré que la France pourrait être son pays. Pire encore : en tant qu’exilée politique, la normalité pour elle semble être d’être malheureuse de cet éloignement – ce qu’elle n’est assurément pas. C’est donc de mauvaise grâce qu’elle retrouve la ville de sa jeunesse, une ville qui semble l’avoir toute autant oubliée que ses amis d’alors. Son constat et sa détresse rejoignent ceux de Josef, tchèque exilé au Danemark depuis des lustres : non seulement le pays dont ils viennent ne leur appartient plus, ne les comprend plus ni ne les reconnaît, mais encore ce Grand Retour bouleverse t’il chaque micro parcelle de leur vie…

Il y a dans ce roman, le dernier en date de Kundera, un souffle incroyable, un suspens digne des plus grands thrillers. Quelques pages suffisent pour s’attacher aux destins aussi tragiques que banals d’Irena et de Josef, perdus au milieu d’un nulle part qu’ils connurent autrefois et qui aujourd’hui leur échappe totalement. Rarement la plume de Kundera aura été aussi sensible, fine, presque humble. L’auteur épouse les destinées de ses personnages sans autre but que de les rendre crédibles, les remettant en perspective juste ce qu’il faut…et le lecteur le suit. Immanquablement. Car « L’Ignorance » est sans doute à ce jour le roman le plus achevé de Kundera, en cela que pour la première fois ses digressions historico-philosophiques sont totalement digérées. Contrairement à d’autres livres où elles passent presque pour des ajouts (« L’Immortalité », par exemple), elles sont ici totalement intégrées à un tout romanesque passionné et passionnant qui ne laissera aucun lecteur indifférent. Avec des personnages criants de vérités, échos à l’auteur, échos à chacun d’entre nous, et des interrogations simples et pertinentes moins sur l’exil que sur un sujet qui nous touche tous au plus profond de nos êtres : l’identité. Comme si la littérature de Kundera, parfois si dense, si complexe et si effrayante, s’était humanisée au fil des décennies. De ce point de vue littéraire et stylistique, « L’Ignorance » est sans aucun doute le plus grand roman de son auteur : on le lit avidement, et on se laisse porter avec bonheur par un récit sans le moindre temps mort et néanmoins terriblement riche.

En somme pour une fois je suis d’accord avec un quatrième de couverture qui vante :

"Un style magnifique, un roman inoubliable."

Tout au plus me permettrai-je d’ajouter : un chef d’œuvre.

lundi 15 juin 2009

"Ceci n'est pas un roman" - Jennifer Johnston

De l'importance -ou pas- des apparences, par Ingannmic.

Le titre de ce roman fait référence au tableau de Magritte intitulé « Ceci n’est pas une pomme », et qui représente… une pomme. Ce qu’a voulu signifier le peintre, c’est qu’il s’agit du DESSIN d’une pomme, et non de la pomme elle-même. Toujours est-il que je ne vois pas vraiment le rapport avec le récit de J.Johnston : l’importance de distinguer l’essence d’un objet de ce qu’il représente ne me paraît pas en être le but principal ! Ceci dit, ce n’est pas vraiment important. Non, ce que j’ai trouvé ici d’intéressant, c’est que la romancière s’essaie à une sorte de mise en abyme, faisant passer son héroïne pour l’auteure de ce « non-roman », dont elle aurait d’ailleurs elle-même choisi le titre. Il s’agit donc bien d’un roman, écrit par Jennifer, mais qui fait comme s’il avait été écrit par Imogen, la narratrice.
Cette dernière a décidé de publier ce récit à l’attention de son frère Johnny, disparu en mer trente ans auparavant, lors d’une baignade. Johnny étant un nageur émérite, elle n’a jamais cru à sa mort. Elle est persuadée qu’il est simplement parti vivre ailleurs, et espère que son « non roman » l’incitera à réapparaître. Au moment de ce drame, Imogen était internée dans une maison de repos, car elle avait perdu l’usage de la parole, pour une raison que le lecteur ignore. Elle revient, par bribes, sur les événements qui l’ont rendue muette, les entrecoupant d’extraits du journal intime de son père, et de celui de son arrière grand-mère paternelle, une mélomane brisée par la mort de l’un de ses fils parti sur le front. Ces témoignages familiaux, Imogen les a trouvés dans une vieille malle qu’elle a héritée de son père.
Ces différentes voix permettent au lecteur de s’introduire dans le milieu de la petite bourgeoisie irlandaise du début du XXème aux années 1960-1970. Une bourgeoisie prude et obsédée par la normalité, où tout ce qui sort des critères établis (qu’ils soient sexuels, sociaux,…) doit absolument être dissimulé.
C’est ainsi qu’en même temps qu’elle découvre les secrets de ses aïeux, Imogen nous révèle les siens, des secrets somme toute plutôt banals, mais qui dans certain contexte s’avèrent très lourds à porter. D’autant plus lourds qu’Imogen a évolué entre deux parents très distants, qui pratiquaient une éducation où le pragmatisme primait sur les liens affectifs, et d’où la communication était quasiment absente.
« Ceci n’est pas un roman » est bien un roman… un roman mélancolique, dont les personnages, meurtris, orientent leurs vies en fonction des blessures qu’ils ont subies. Mais c’est aussi, grâce à la fluidité de l’écriture de Jennifer Johnston, un roman agréable à lire.

dimanche 14 juin 2009

"Utu" - Caryl Férey

Ames sensibles s'abstenir, par Ingannmic.


« Utu » fait suite à « Haka », mais ces deux romans peuvent aussi se lire indépendamment. Les personnages n’y sont pas les mêmes, et les intrigues, bien que basées au départ sur des éléments communs, prennent des directions différentes. Dans « Utu », la problématique liée à la condition du peuple maori est au cœur du récit, quand elle n’était qu’une composante parmi d’autres de l’histoire de « Haka ».
En commun, ils ont chacun pour personnage principal un flic aux méthodes plus que douteuses, dépourvu d’idéal, d’ambition et d’amour-propre. Paul Osborne remplace ici Jack Fitzgerald, dont il fut l’un des collaborateurs, avant de quitter brusquement la police et la Nouvelle-Zélande pour l’Australie. C’est d’ailleurs sur une plage de Sidney que nous le rencontrons au début du récit, où, en raison de son allure et de son odeur (après une nuit plus qu’arrosée, il s’est fait dessus), il est pris pour un clochard. Rentré chez lui, il a la surprise d’y trouver un ex-collègue, qui l’informe que la police d’Auckland requiert son aide et ses compétences relatives à « la question maorie » pour faire la lumière sur les zones d’ombre de la dernière enquête de Fitzgerald, qui fut un véritable fiasco.
Drogué, alcoolique, insoumis, c’est avec des procédés parfois très particuliers qu’il va s’occuper de cette affaire.
A l’image de cet antihéros désabusé et autodestructeur, le récit est plombé d’un désespoir sans issue, d’une vision amère et pessimiste de cette société néo-zélandaise, qui, comme toutes les sociétés basées sur la conquête colonisatrice, est mère d’injustice et d’inégalité. Les divers protagonistes que rencontre Osborne au cours de son enquête représentent comme un échantillon de la population, avec ses différences et ses visions antagonistes. A celle du riche colon britannique qui méprise ces autochtones "assistés, alcooliques, voleurs", s’oppose celle des maoris qui reprochent aux occidentaux d’avoir pillé leur art et leurs ressources économiques, d’avoir vidé leur terre de sa substance, de les avoir réduit à l’esclavage. Pour les plus déterminés (ou les plus désespérés), seul le « Utu », la vengeance, pourra les laver de cette avanie. Entre ces deux extrêmes, il y a ceux qui cohabitent tant bien que mal, ceux qui « s’assimilent », ceux qui, loin des considérations sociologiques ou politiques, ne pensent qu’à faire de l’argent, ceux qui en pâtissent… la vie quoi, telle que l’homme l’a rendue, et dans ce qu’elle peut avoir de pire.
« Utu » est un roman très fort, très marquant, que j’ai trouvé libéré de certains défauts remarqués dans « Haka », avec lequel il a en commun une noirceur telle que j’en ai rarement vue.

samedi 13 juin 2009

"Jerry Engels" - Thomas Rodgers

Amoureux de l'Amour, par Thom

Tragiquement méconnu en France (et pas beaucoup plus dans son propre pays), le brillant Thomas Rogers décédait l'an passé dans une indifférence quasi générale, ne laissant derrière lui que quatre romans en trente-cinq ans de carrière... mais quels romans ! A ne surtout pas manquer si vous le croisez sur votre route, « The Pursuit of Happiness » (« A la poursuite du bonheur », 1968) est sans aucun doute le plus formidable livre jamais écrit dans l'Amérique contestataire de l'époque - à égalité parfaite avec le « Portnoy's Complaint » de Philip Voussavéki.

(ouais ! Carrément !)

Suite indirecte et illogique à son précédent (et meilleur) roman, « Jerry Engels » en capte le héros très précisément vingt ans après le début d' « At the Shores » - idée lumineuse permettant du coup de lire les deux volumes du diptyque de manière parfaitement indépendante : devenu un étudiant séduisant aux faux airs de James Dean, Jerry drague, Jerry s'amuse, Jerry s'ennuie... Jerry est fou amoureux des femmes en général et de l'amour en particulier. Au loin la Guerre de Corée fait rage, ses études lui donnent du fil à retordre - peu lui chaut. Seul compte l'amour et le désir pour notre héros, hédoniste malheureux navigant d'échecs en déroutes sentimentales, séducteur invétéré et mythomane hilarant charmant tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à une femme mais absolument incapable d'en garder aucune auprès de lui. Pas grave : des femmes il y en a d'autres, des femmes il y en a trop... et tant d'expériences à vivre avec elles !

Qu'il soit étudiant irresponsable ou improbable modèle nu, ce personnage lunaire ne rate pas une occasion de se mettre dans des situations invraisemblables et de semer larmes et baisers derrière lui. Et qu'on aille surtout pas attendre du délicieusement amoral Thomas Rogers un roman initiatique ni même une minuscule leçon de vie : le Chevalier Engels, au terme de ses aventures, n'aura rien appris de plus qu'au début - mis à part que les profs de littérature ne sont pas mal non plus... quoiqu'un peu allumées pour certaines. Pas de quoi changer la face de l'Amérique, et c'est bien pour ça que ce livre est un régal : en deux cents cinquante pages Rogers remet les années cinquante en perspective par le seul prisme d'un héros irrésistible et fantaisiste, symbole tapageur d'une révolution en marche. Evoquant souvent les délires bon enfant et néanmoins subversifs du « Lauréat », « Jerry Engels » a légèreté d'une chanson des Byrds et la classe de ces romans qui parviennent à démontrer sans jamais asséner. Les meilleurs ?

vendredi 12 juin 2009

« La meilleure part des hommes » – Tristan Garcia

Ceci est un roman par Sandrine


J’ai toujours été intéressée par l’évolution de « l’acception » homosexuelle, que ce soit en Europe ou ailleurs, également par la montée du Sida (ça va ensemble bien sûr) et ce refus de la société de s’occuper de cette maladie qui la forçait à ouvrir les yeux sur un autre monde. Ces années qui commencent officiellement au milieu des années 80, et qui ont bouleversé un soi-disant équilibre. Je ne pouvais que lire ce livre, estampillé de manière un peu pute « Les années Sida », qui revient sur cette évolution de pensée homo en France particulièrement.

Tristan Garcia a écrit un livre avec des personnages inspirés de ceux qui ont comptés durant ses années là, mais il vaut mieux tenter d’ignorer ces personnalités célèbres pour mieux se plonger dans l’histoire proprement dite.

Il y a Doumé, fondateur de Stand Up, association défendant les droits des homosexuels, qui s’inquiète de la montée de cette maladie dévastatrice qui fait tomber tant de potes autour de lui, il y a William, romancier, compagnon durant un temps de Doumé, qui pour provoquer celui-ci se fera le porte-parole du barebacking (faire l’amour sans préservatifs entre consentants, que l’on ait le sida ou pas), il y a un philosophe Leibowitz, qui suit de loin les événements (sans quelquefois les comprendre) et la narratrice qui relie ces trois hommes, Liz . Doumé est son collègue, William son ami, Leibo son amant. Elle nous raconte par petits chapitres la haine grandissante entre Doumé et William, la montée d’un extrémisme homosexuel, son aventure avec Leibo. Et William surtout, ce personnage grandiloquent, imbu de sa personne, égoïste mais tellement attachant, un enfant qui ne se rend pas vraiment compte des conséquences de ses actes…

Alors oui Doumé tient du fondateur d’Act Up, Didier Lestrade, William de l’écrivain Guillaume Dustan et Leibowitz du philosophe Finkielkraut, mais est-ce le plus important ?

Ce livre ne me parait pas indispensable, et aussi intéressant que je ne l’aurai espéré. En fait il faut le prendre pour ce qu’il est, un roman. Sur l’impossibilité d’aimer, de vivre que ce soit d’un bord ou de l’autre.

Un premier roman avec ses failles mais prenant tout de même. Je dois dire que je ne sais vraiment si je l’ai aimé. L’écriture au début, ou les longs monologues m’ont lassée mais cette dégringolade des personnages était assez passionnante pour que je ne ferme pas ce livre avant la fin.

jeudi 11 juin 2009

"Etoile distante" - Roberto Bolano

Poésie vs barbarie, ou comment dépasser la cruauté des hommes, par Ingannmic.


Chili, début des années 70. Le narrateur est étudiant, et avec son ami Bibiano, il fréquente les ateliers de poésie de Juan Stein et Diego Soto. C’est là qu’ils font la connaissance de Ruiz-Tagle, jeune homme séduisant qui se dit autodidacte, et dont le succès auprès des femmes suscite la jalousie. Accessoirement, c’est aussi un homme de droite, ce qui dans le Chili de cette époque revêt une signification particulière.
Avec l’arrivée au pouvoir de Pinochet, le cercle d’étudiants dont faisaient partie le narrateur et Bibiano se disperse : certains disparaissent, d’autres partent en exil… C’est sous le patronyme de Carlos Wieder que Ruiz-Tagle refait alors surface, devenu un célèbre poète « d’avant-garde », ainsi que le qualifie une presse qui a perdu toute indépendance. Il faut dire que le jeune homme fait surtout dans le sensationnel, écrivant les vers de ses poèmes dans le ciel, avec en guise d’encre les gaz d’un avion qu’il pilote.

Voici un curieux petit roman, qui oscille en permanence entre réel et imaginaire, entre faits et hypothèses. D’ailleurs, dès le préambule, l’auteur introduit en quelque sorte cette ambigüité, en présentant le personnage dont il va être question dans le récit comme ayant vraiment existé (ce qui n’est pas le cas). De même, au cours de la relation, il mêle fréquemment les noms de poètes célèbres à ceux de protagonistes imaginaires, entretenant ainsi la confusion entre ce qui fut et ce qui aurait pu être… et ajoute, ironique, que « Les hallucinations, en 1974, n’étaient pas si rares » ! Et c’est sans doute effectivement un bon moyen de retranscrire le climat du Chili de Pinochet, où l’information est censurée, la liberté d’expression muselée : R.Bolano donne l’impression que ses héros vivent dans un monde de rumeurs incertaines, créant un sentiment flou de peur et de danger. Le personnage de Carlos l’incarne d’ailleurs parfaitement, en « héros » fantasmagorique que l’on voit partout, que l’on croit deviner sous diverses identités, dont on spécule sans cesse sur les faits et gestes. Mais il n’incarne pas que cela : poète médiocre, il est aussi un assassin, qui puise son inspiration dans la barbarie, dans une cruauté qui ne sert aucune cause si ce n’est celle d’un esthétisme macabre. Face à cette double barbarie, l’une institutionnelle et l’autre individuelle, l’auteur oppose la poésie, non pas celle d’un imposteur comme Carlos, mais celle de ceux qui s’engagent au service des faibles et pour qui l’art est indissociable de l’humanisme, celle d’hommes comme Stein ou Soto.
Et tout cela conté avec une sorte de distance à la fois ironique et mélancolique, où pointe un sentiment d’absurde : « ainsi passe la gloire du monde, sans monde, sans gloire, sans un misérable sandwich à la mortadelle ». Distance exprimée aussi par de petites allusions qui sous-entendent que l’époque dont nous parle R.Bolano est très ancienne (il évoque notamment « l’an de grâce 1974 », parle d’un argot, voire de certains vocables, propres à cette période), donnant ainsi l'impression que son narrateur s'en est détaché. Détachement, sans doute, indispensable pour continuer à vivre dans un monde qui se révèle parfois si cruel... ?

Voici un curieux petit roman… que j’ai trouvé très grand !

mercredi 10 juin 2009

"Pig island" - Mo Hayder

Un thriller efficace…ah bon ? par Sandrine


Un « thriller efficace » - vous connaissez tous ce terme que les éditeurs utilisent pour nous appâter sur la quatrième de couv’- est censé, par définition, nous tenir en haleine, nous faire tourner les pages ébahis, jusqu’à la dernière : celle qui, par un retournement de situation impressionnant, nous arrache un cri (« hooooo » ou « Non ce n’est PAS possible !!!!!!!!! »).

Hic de moi -> à un tiers du livre je savais. Tout. Arf ! J’ai continué, espérant autre chose, me disant que l’auteur s’attendait à ce qu’on s’attende à cette fin et nous mijote autre chose, d’insoupçonnable… Ce qui m’a fait tourner les pages avec avidité, même si je voyais bien que mes espoirs seraient vains ! Mais en lieu et place d’un cri de stupeur, il y eu…rien.

Donc l’histoire : un journaliste, Joe, spécialisé en histoires étranges (maisons hantées, ovnis et tout le tralala) est invité à se rendre sur Pig Island, afin d’écrire un article réhabilitant les habitants de cette île. Habitants qui restent entre eux, qui refusent toutes interventions médicales et qui sont profondément ancrés dans leur religion. Oui mais, cette île a été achetée par Malachi Dove (magnifique nom improbable), gourou s’étant rempli les poches par le passé aux Etats-Unis, ayant entrainé indirectement la mort de la tante de Joe, et depuis proie poursuivie par notre « héros ».
Le problème ce sont ces carcasses déchiquetées de porc repêchées au large de l’île, les odeurs malsaines et la réputation diabolique du lieu.
Le journaliste enquête vaguement puis sera pris dans une vague d’horreur ( ?) sans fin avec un massacre évidemment et des meurtres pas frais.

Imaginons que je n’ai pas découvert la fin au tiers, ma critique serait quand même peu élogieuse, car Joe est un peu con (disons les choses), prétentieux et habités de drôles de fantasmes, sa femme (Lexie mais c’est quoi ces noms ??) qu’il a entraîné avec lui est complètement folle (complexe de supériorité intense d’après moi) et idiote…
Seul point positif, je ne pouvais m’empecher de penser à Dove Attia en lisant Malachi Dove , et donc de l’associer physiquement au gourou… (léger fou rire tout du long, c’est déjà ça !)


Voir aussi la critique d'Ingannmic ici!

mardi 9 juin 2009

"La Femme qui court" – Jennifer Johnston

Déterrer le passé, par Livrovore


Laura vit en Irlande avec son mari, Maurice, qui est souvent en déplacement pour son travail. Elle ne l’aime pas vraiment d’amour, mais elle est habituée à vivre avec lui. Il fait une grande carrière : il a repris l’affaire du père de Laura. Ils vivent tous deux dans la maison familiale, qui s’est toujours transmise de mère en fille. C’est une femme qui aime rester seule chez elle, qui ne se mêle pas trop aux autres.

Après la mort de son père, Laura fait le point sur son passé. Les traumatismes enfouis refont surface par bribes. Elle se rappelle qu'il y avait un petit pavillon au fond de son jardin, aujourd'hui totalement envahi par la végétation. Elle décide de le rendre à nouveau visible et de le rénover, en compagnie de Dominic, ancien prêtre lui-même un peu fragile. En redécouvrant cette "gloriette", elle déterre aussi les souvenirs difficiles de son enfance.

Dans une écriture pudique et retenue, parfois à la première personne et d’autres fois se détachant en parlant « d’elle », Johnston nous fait pénétrer dans l’esprit de Laura qui traîne de lourds secrets et ne sait s'en détacher, ni même se les avouer. Tout ceci sur fond d’Irlande et de conflits religieux sous-jacents. Ce roman m’a beaucoup émue, même à la deuxième lecture (presque deux ans après la première). L’auteure sait choisir les mots - sans tomber dans le «pathos » ou le voyeurisme - pour parler des blessures de la vie, du parcours qu’il faut effectuer pour réussir enfin, un jour, à vivre avec.

lundi 8 juin 2009

"Journal d'un vieux dégueulasse" - Charles Bukowski

Le meilleur du dégueulasse ? par Zaph

"je me suis dirigé vers le piano et j'en ai joué. jamais je n'ai su en jouer. je me contente de tapoter les touches. sur le canapé, un couple dansait. c'est en regardant sous le piano que j'ai découvert une fille les quatre fers en l'air, sa robe retroussée jusqu'au nombril. je me suis mis à jouer d'une main tandis que de l'autre je m'en suis allé caresser la fille qui s'est réveillée. ou elle détestait mon style ou elle n'appréciait pas les grattouilles, car elle s'est tirée."

Mais tout de même, je me demande ce qui fait que ces histoires sont aussi prenantes, qu'elles éveillent autant d'échos.
Peut-être bien que c'est parce qu'elles sont à la fois terriblement réalistes et très fantaisistes. Ce n'est pas autobiographique (on en est avertis à la deuxième chronique qui parle d'un ange aux ailes en carton qui sauve miraculeusement de la descente une équipe de baseball minable), pourtant, ça sent le vécu à plein nez.
Ce qui vient vraiment de Bukowski dans ce livre, ce ne sont pas les faits relatés, mais c'est plutôt une certaine manière d'appréhender le monde, un état désabusé mais lucide, désespéré mais gaiment détaché, révolté mais résigné.
Bref, il nous fournit un angle d'attaque qui nous fait voir les choses différemment, un miroir qui nous renvoie à nous-mêmes et à notre manière d'être, peu importe de quelle connerie il nous parle.

C'est peut-être bien (je dis "peut-être" parce que je ne les ai pas tous lus) le Bukowski le plus jouissif, libre, vindicatif, vrai, profond (dans tous les sens du terme), désabusé, destructeur, torché, dégueulasse (forcément).

Bien sûr, toutes les chroniques ne sont pas du même niveau. Certaines sont seulement excellentes, alors que d'autres touchent au génie.

dimanche 7 juin 2009

"Haka" - Caryl Férey

Du vrai noir... par Ingannmic.


Jack Fitzgerald, métis maori aux allures de colosse, est capitaine de la police d’Auckland.
Il s’y est engagé suite à la disparition de sa femme Elizabeth et de leur petite fille, 25 ans auparavant, et son obsession à les retrouver n’a pas faibli avec les années.
Afin de résoudre une sordide affaire de meurtre avec mutilation, le procureur lui adjoint la jeune Ann Waitura, experte en criminologie, qui ne se laisse pas impressionner par cet homme qu’elle considère comme un malade, un fou. Il faut dire que Jack a une fâcheuse tendance à voir en chaque criminel le potentiel responsable de la perte de sa famille, et le lui fait payer par un passage à tabac pas vraiment règlementaire… qu’il est alcoolique, cocaïnomane, et j’en passe !
Mystérieux rites maoris, cannibalisme… de fausses pistes en véritables traquenards, les deux acolytes nous mènent dans les méandres d’une enquête très angoissante.

Certains aspects de ce roman m’ont vraiment plu, mais ce plaisir a été gâché par plusieurs défauts qui m’ont agacée. L’histoire est certes passionnante, l’action est menée tambour battant tout au long du récit, les rebondissements sont multiples et les personnages haut en couleur. Le personnage de Jack, notamment, est intéressant car sa part d’ombre est développée de façon assez inhabituelle. De plus, le tandem qu’il forme avec la jeune criminologue, s’il est au départ peu original, passe plutôt bien, l’auteur évitant (même si c’est parfois de justesse) de tomber dans la caricature.
A contrario, c’est bien dans la caricature qu’il verse, à mon avis, concernant plusieurs points. J’ai trouvé tout d’abord les analyses de la criminologue quelque peu rapides, elle semble avoir cerné le tueur en quelques minutes, avec pour seul support le cadavre qu’il a laissé… même Benton, le profiler attitré de Patricia Cornwell, n’est pas aussi efficace ! Ensuite, cette longue confession finale du coupable, éclairant les zones d’ombre de l’enquête, ressemble trop pour moi à la conclusion d’une mauvaise série B. Et puis, surtout, tous ces morts (je vous assure, je n’ai jamais vu une telle hécatombe de personnages principaux ou secondaires !)… cela finit par manquer de crédibilité. A tel point qu’en y réfléchissant, quelques jours après avoir terminé ma lecture (comme quoi, c’est un livre qui doit néanmoins m’avoir marquée), je me suis demandée s’il ne s’agissait pas justement de la volonté de l’auteur, que d'enfreindre l'une des règles tacitement établies dans la plupart des polars, qui consiste à... bon, j'ai un problème : si je continue, je dévoile la fin de l'histoire, et j'ai beau tourner mes méninges dans tous les sens, je ne vois pas d'autres moyens de m'expliquer. Disons que ce qui m'a semblé dans un premier temps être un jeu de massacre inutile et exagéré est peut-être à la réflexion un moyen d'incarner le roman noir dans toute sa splendeur, et par la même occasion de déstabiliser le lecteur. Et si c'est le cas, c’est réussi !
Un dernier point, encore, m’a gênée : Caryl Ferey fait preuve, par moments, d’un lyrisme qui paraît incongru par rapport au style, simple, qu’il utilise par ailleurs. Pour exemple, cela donne de curieuses métaphores, comme : « (…) le sourire qu’il lui envoya avait des larmes de dégoût au bord des lèvres » ou « Le soleil tombait dans la baie d’Auckland. A la dextérité du plongeon, le gars savait nager » (le « gars », c’est le soleil).

Je me rends compte qu’avec tout ce que je viens d’écrire, vous allez sûrement vous dire que je n’ai pas aimé ce livre, finalement. Et bien, je dois vous avouer qu’en dépit de ce que j’y ai trouvé de négatif, ce roman m’a tout de même donné envie d’en lire d’autres de l’auteur.
Je crois que c’est lié à son talent pour inventer et raconter son histoire, et son manque total de compassion envers ses personnages… qui fait effectivement de "Haka" un polar vraiment noir.

Conclusion : je m'en vais de ce pas me procurer la suite d'"Haka" ("Utu")!

samedi 6 juin 2009

« Portnoy et son complexe » - Philip Roth

Humour, sexe et Roth par Sandrine


Longue complainte d’un homme juif sur ses rejets et amours divers. Sur sa construction d’homme mise à mal par une éducation juive stricte, une mère plus qu’envahissante et un père culpabilisateur. Beaucoup de sa mère donc, pas de son père, un bon paquet d’angoisses sexuelles et de l’humour font un de ces livres qui ne laisse pas indifférent !

Le narrateur crache allègrement ses rancœurs et angoisses, tout y passe : les religions, la sacro-sainte relation avec môman qui est un jour un vampire, un autre une super machine à rendre impuissant, le père avec ses problèmes intestinaux et sa peur de mourir seul (aux toilettes ?), l’impossibilité de l’amour par peur de s’encroûter dans un plan : femme-gosses-maison.

Le lecteur, en l’occurrence moi-même, peut avoir des moments d’ennuis, avoir des moments de trop plein (Portnoy est légèrement obsédé), mais aussi beaucoup de fous rires !
Il ne laisse donc pas indifférent ce livre, les réactions autour de moi (que des femmes étonnant !) sont unanimes : soit on aime et on rit (mon cas), soit on abhorre (si si carrément !). Et ce qu’elles abhorrent en premier lieu est cette apologie du sexe, que l’on retrouve presque à chaque page il faut dire mais qui n’est pas totalement injustifiée, n’oublions pas que Portnoy est là pour parler de sa vie sentimentale désastreuse, et qui prend racine dans son enfance avec cette énergie sexuelle dévorante opprimée par sa mère (peut-être n’est ce que de la psychologie de bazar mais c’est comme ça que je l’ai ressenti.) !

Je l’ai trouvée drôle donc cette litanie mais triste également, ce qui m’a donné envie de partager ce cri primal de fin avec Alexandre Porte-Noire…

Voir aussi les critiques de Livrovore, Zaph et Thom ici!

vendredi 5 juin 2009

"Possession" - A.S. Byatt

Les pilleurs de tombes ont la vie dure, par Thom

Voici un livre pour le moins paradoxal, dont même le titre peut prêter à controverse. Ainsi au cours d’une brève recherche suis-je tombé sur une étude très sérieuse visant à démontrer que « Possession » désignerait une histoire, je cite : « d’envoûtement par le texte. ». Joli. Le hic, c’est que cette théorie somme toute intéressante relève d’une interprétation du terme Possession… en français. En anglais, le mot désigne la notion de possession au sens propre – avoir quelque chose. L’idée d’envoûtement étant réservée à un terme comme (par exemple) enchantment.

Pourquoi cette digression d’entrée ? Parce qu’il me semble que cette mauvaise interprétation du titre a conditionné la mauvaise interprétation du roman qui en a suivi. Et aussi parce que j’ai trouvé cet article à côté de la plaque fort amusant, et pour cause : il symbolise à merveille les errements, compromissions et mauvaises interprétations auxquelles se livrent en permanence les héros de « Possession » ! Qui, eux aussi, passent beaucoup de temps à analyser la poésie – au lieu d’essayer de la ressentir.

Au cas où vous n’en auriez pas entendu parler (ce qui peut paraître difficile si l’on tient compte et de l’encensement du livre sur le Net et du film de Neil La Bute qui en a été tiré), « Possession » raconte en gros (et en long) la quête frénétique d’une poignée d’universitaires tentant d’exploiter une faille biographique chez un certain Randolph Henry Ash, poète victorien très connu – nous dit-on. J’ai effectivement souvenir d’un Henry Ash qui écrivit de la poésie à cette époque, en l’occurrence un vulgaire second couteau très intéressant à étudier si vous voulez découvrir une œuvre compilant tous les clichés de la littérature victorienne. Cependant il s’agit plus le cas échéant d’une homonymie que d’un hommage (à moins qu’il ne s’agisse d’un clin d’œil dans un livre qui en compte une bonne cinquantaine par chapitre ?).

La quête est lancée, donc, et je n’en dirais pas beaucoup plus afin de ne pas trop déflorer une intrigue à tiroirs rondement menée. Tout au plus me permettrai-je de noter que le côté satirique du roman fait mouche quasiment du début à la fin : je n’ai ressenti qu’une antipathie violente pour des personnages n’étant pas censés inspirer autre chose, cristallisant tout ce que je hais chez les universitaires. C’est que la trame de départ est volontairement minable : Roland (!), antihéros absolu, est un champion de la branlette intellectuelle qui connaît manifestement plus la biographie d’Ash que son art. Amusant effet miroir qu’A.S. Byatt parvient à créer dans la première moitié du roman : en forçant le lecteur à accepter un héros pas forcément sympathique, elle le revoit à ses propres contradictions, à son propre désir de savoir – à son propre voyeurisme même.

Ici est la possession du titre – la vraie : le désir ardent de possession littéraire. Coûte que coûte vouloir posséder un inédit d’un artiste qu’on adore. Qui oserait prétendre qu’il n’a jamais ressenti cela ? Je pense à Brel, à ce coffret polémique sorti il y a quelques années qui exhumait des chansons inédites que l’auteur ne voulait pas voir publiées… colossal succès de ventes si l’on considère le prix de l’objet. Et Kafka ? Aurait-il réellement souhaité voir publié son journal, texte plus intime encore que ne le laisse supposer la désignation, dans lequel l’immense auteur oscille sans cesse entre désespoir et auto flagellation ? Et pourtant voilà : je possède ces deux objets. Nous sommes nombreux dans ce cas. Je sais que c’est moralement immonde, et pourtant ça ne m’a pas empêché de les acheter et de les savourer – quand bien même ce fût pour les critiquer au final.

Telle est précisément la problématique de Roland dans « Possession » (à ceci près toutefois que lui ne semble pas penser une seule seconde que sa quête repose sur une idée fondamentalement répréhensible). Jusqu’où l’amour de la poésie peut-il emmener, et jusqu’où peut-on violer l’intimité des gens sous couvert de vérité historique ? Posant subtilement la question de la démarcation entre la vie de l’artiste et son œuvre, A.S. Byatt renvoie dos à dos les biographes de tout crin : oui, semble t’elle dire, dans toute quête biographique il y a une dimension charognarde.

On comprend donc bien l’argument (et donc le titre – coucou le monsieur avec son analyse foireuse !)… sauf qu’hélas, je ne suis généralement pas passionné par la biographie des artistes. En fait je la connais généralement assez peu (sauf à l'avoir étudiée quand j’étais à la fac). Autant je comprends fort bien l’attrait pour l’aspect texte inédit, autant celui pour l’aspect éléments biographiques ne me parle pas du tout… du coup, mon appréciation du questionnement était forcément incomplète.

Je ne puis cependant pas reprocher à un roman le fait de ne pas correspondre en tout point à mes problématiques – vous en conviendrez. Si « Possession » m’a posé des problèmes, ce n’est pas à cause de cela. Ce n’est même pas vraiment à cause de son sujet (malin et assez passionnant). Non, le vrai hic avec « Possession » vient de la forme. De la longueur, déjà : sept cents pages ou pas loin, c’est beaucoup, surtout quand il ne se passe pas grand chose et qu’on a parfois dix pages consécutives de pseudo-poésie victorienne très bien imitée mais à la qualité souvent relative (et quand bien même : c'est beaucoup trop !!!). Je ne vous cache pas que si certains passages m'ont captivé, j'ai baillé plus d'une fois aussi. De l’aspect très (trop) cérébral du livre, ensuite : autant le concept de thriller littéraire est séduisant, autant il ne me paraît pas nécessaire de citer un nom d’auteur toutes les deux pages (ça peut sembler peu mais multiplié par sept cents c’est dantesque) et d’asséner la réflexion de manière aussi appuyée. La quatrième de couverture évoque Umberto Eco ? En effet : ce sujet-là, il aurait pu le trouver… mais imaginer la manière dont il l’aurait traité me laisse plus que rêveur. Voilà encore un fantasme littéraire qui m’occupera l’esprit quelques temps ! Car A.S. Byatt, dont le style classique, rigoriste voire à la limite de l’académisme, n’a définitivement pas l’élégance de son homologue italien, sa souplesse dans l’écriture, sa fantaisie dans l’idée… et bien sûr son humour. Non pas que le terme pastiche soit inapproprié – il est au contraire parfaitement choisi à condition d’y chercher le sens initial du mot. A savoir que dans sa définition première, un pastiche n’était pas nécessairement drôle.

Dont acte : « Possession » est un livre terriblement cérébral et sérieux, trop sérieux, dépourvu du ludisme inhérent à une entreprise telle que le thriller littéraire. Dans sa manière d’aborder les thèmes ou de construire le récit, A.S. Byatt semble avoir totalement oublié en route le second degré faisant d’un Eco ou d’un Somoza des auteurs non seulement intelligents mais aussi agréables… et ainsi fini par commettre le péché commis par ceux-là qu’elle stigmatise, ses personnages : trop se prendre au sérieux, oublier qu’écriture comme lecture sont indissociables du plaisir.

Du coup, j’en garde l’impression d’un livre trop lourd et trop intelligent. Ce qui est tout de même un comble.
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