Dayv guyd uz, par Zaph
"Zidane may be God, but then, Will Self must be Dave, which is much more impressive."
(Citation erronément attribuée à Philip Roth)
Et voici que je me retrouve involontairement plongé dans mon étude des accents régionaux. Et cette fois encore, l'apprentissage fut difficile ; au point que j'ai failli regretter d'avoir acheté ce livre en anglais.
Voyez un peu : s'il est évident pour vous que
"Wotevah, ve pawtunt fing is djoo bleev, Eye carnt B doin wiv fliars oo aynt lé Dave inter vair arts. Eye tellya boaf vat Dryva issa nastë bituv wurk"
veut dire quelque chose comme
"De toute façon, l'important est que vous croyiez, je n'ai rien à faire avec des hérétiques qui n'ont pas laissé entrer Dave dans leur coeur. Je vous dis à tous les deux que ce prêtre est une sacrée canaille",
alors, vous pouvez vous lancer sans retenue dans "The book of Dave".
Si vous peinez un peu, toutefois, ça vaut bien un petit effort, car cette adaptation libre du cockney fait un des principaux amusements du livre.
Un livre très curieux, qui raconte deux histoires qu'on sent intimement liées, mais qui le sont d'une manière mystérieuse et subtile.
Bon, il y a la surface des choses : Dave, un chauffeur de taxi londonien à la vie affective catastrophique, au cours d'une phase de délire névrotique, rédige un livre destiné à son fils, le fait graver sur du métal, et l'enterre dans le jardin de son ex-femme. Ce livre ne sera découvert que deux mille ans plus tard, et les rancœurs misogynes ainsi que les délires de Dave sur la profession de chauffeur de taxi serviront de fondement à la religion dominante de l'époque.
Pendant une partie du livre, on ne voit pas très bien l'intérêt de relier ces deux histoires, au-delà de l'anecdote du livre perdu et retrouvé. Ce serait mal connaître Will Self, car il y a d'étranges passerelles faites de mots et de noms propres qui voyagent allègrement d'une époque à l'autre.
Alors, ceux qui ont déjà lu par exemple "Great apes", du même auteur, commencent à se demander si cette transposition futuriste n'est pas tout simplement la production du cerveau dérangé de Dave ( On retrouve d'ailleurs en guest star Zack Busner, l'inénarrable psychiatre de "Great apes"). Cette question donne une vision de l'oeuvre complètement différente - et passionnante, je trouve.
Le fait de jouer sur deux tableaux permet à l'auteur d'aborder certains thèmes, par exemple la religion, de manière originale.
Dans l'histoire actuelle, Dave le driver essaie tant bien que mal d'entrer en contact avec son fils Carl dont il est tenu à l'écart par une ordonnance de tribunal.
Dans l'histoire futuriste, le jeune Carl (tiens tiens) part à la recherche de son père qui a été condamné à Londres pour hérésie.
C'est finement joué de la part de Self, car le rapport au père (manquant) est une des grandes lignes de force psychologiques qui sous-tend toute religion. Les autres étant la culpabilité sexuelle et l'angoisse de mort. Thèmes qui sont aussi abordés par l'auteur de manière subtile et efficace.
En fait, Self est probablement bien plus critique et ironique envers la religion (toutes les religions) que ne l'a jamais été un Salman Rushdie, car il met à nu ses mécanismes, mais il le fait de manière tellement subtile qu'il ne risque probablement aucune fatwa.
J'ajouterai qu'on peut aussi voir dans ce livre un superbe hommage de Self à la ville de Londres, car qui peut mieux "sentir" une ville et la connaître plus intimement qu'un chauffeur de taxi?
Encore une belle réussite !
- Ware2, guv
- 2 Nù Lundun
Et voici que je me retrouve involontairement plongé dans mon étude des accents régionaux. Et cette fois encore, l'apprentissage fut difficile ; au point que j'ai failli regretter d'avoir acheté ce livre en anglais.
Voyez un peu : s'il est évident pour vous que
"Wotevah, ve pawtunt fing is djoo bleev, Eye carnt B doin wiv fliars oo aynt lé Dave inter vair arts. Eye tellya boaf vat Dryva issa nastë bituv wurk"
veut dire quelque chose comme
"De toute façon, l'important est que vous croyiez, je n'ai rien à faire avec des hérétiques qui n'ont pas laissé entrer Dave dans leur coeur. Je vous dis à tous les deux que ce prêtre est une sacrée canaille",
alors, vous pouvez vous lancer sans retenue dans "The book of Dave".
Si vous peinez un peu, toutefois, ça vaut bien un petit effort, car cette adaptation libre du cockney fait un des principaux amusements du livre.
Un livre très curieux, qui raconte deux histoires qu'on sent intimement liées, mais qui le sont d'une manière mystérieuse et subtile.
Bon, il y a la surface des choses : Dave, un chauffeur de taxi londonien à la vie affective catastrophique, au cours d'une phase de délire névrotique, rédige un livre destiné à son fils, le fait graver sur du métal, et l'enterre dans le jardin de son ex-femme. Ce livre ne sera découvert que deux mille ans plus tard, et les rancœurs misogynes ainsi que les délires de Dave sur la profession de chauffeur de taxi serviront de fondement à la religion dominante de l'époque.
Pendant une partie du livre, on ne voit pas très bien l'intérêt de relier ces deux histoires, au-delà de l'anecdote du livre perdu et retrouvé. Ce serait mal connaître Will Self, car il y a d'étranges passerelles faites de mots et de noms propres qui voyagent allègrement d'une époque à l'autre.
Alors, ceux qui ont déjà lu par exemple "Great apes", du même auteur, commencent à se demander si cette transposition futuriste n'est pas tout simplement la production du cerveau dérangé de Dave ( On retrouve d'ailleurs en guest star Zack Busner, l'inénarrable psychiatre de "Great apes"). Cette question donne une vision de l'oeuvre complètement différente - et passionnante, je trouve.
Le fait de jouer sur deux tableaux permet à l'auteur d'aborder certains thèmes, par exemple la religion, de manière originale.
Dans l'histoire actuelle, Dave le driver essaie tant bien que mal d'entrer en contact avec son fils Carl dont il est tenu à l'écart par une ordonnance de tribunal.
Dans l'histoire futuriste, le jeune Carl (tiens tiens) part à la recherche de son père qui a été condamné à Londres pour hérésie.
C'est finement joué de la part de Self, car le rapport au père (manquant) est une des grandes lignes de force psychologiques qui sous-tend toute religion. Les autres étant la culpabilité sexuelle et l'angoisse de mort. Thèmes qui sont aussi abordés par l'auteur de manière subtile et efficace.
En fait, Self est probablement bien plus critique et ironique envers la religion (toutes les religions) que ne l'a jamais été un Salman Rushdie, car il met à nu ses mécanismes, mais il le fait de manière tellement subtile qu'il ne risque probablement aucune fatwa.
J'ajouterai qu'on peut aussi voir dans ce livre un superbe hommage de Self à la ville de Londres, car qui peut mieux "sentir" une ville et la connaître plus intimement qu'un chauffeur de taxi?
Encore une belle réussite !
- Ware2, guv
- 2 Nù Lundun
Si le livre est traduit après par "Les aventures de Dave" on aura tous l'air très con ;)
RépondreSupprimerOui, bon, en fait, surtout moi :-D
RépondreSupprimerWill Self n’est pas un auteur facile à lire en anglais. J’avais eu un peu de mal avec le début de Dorian et puis j’ai été au final complètement enthousiasmée, c’est selon moi son meilleur livre… Celui là, j’avoue hésiter à le lire bien qu’il soit dans ma bibliothèque. Déjà c’est un pavé, à l’inverse de Dorian, et puis, n’est-il pas un peu compliqué ? Sinon pour l’accent j’imagine qu’on prend le pli au bout d’un moment…
RépondreSupprimerNon, non, il n'est pas compliqué ni difficile du tout pour autant qu'on passe la barrière de la langue (je suis d'ailleurs curieux de voir comment ils vont réussir à traduire ça en français).
RépondreSupprimerJe m'en veux si mon commentaire donne l'impression que c'est un bouquin difficile. Subtil, certainement, mais pas prise de tête ; c'est une lecture très agréable.
Non, ton commentaire ne donnait pas cette impression.C'est juste les questions que je me posais sur la VO...
RépondreSupprimerPour ce qui est de la traduction, il ne faut pas y mettre beaucoup d'espoir... Un accent c'est intraduisible, il y aura tout au plus quelques mots d'argots pour donner le change...