Court mais dense, par Zaph
Avant, j'aimais pas les nouvelles. J'avais ce qu'il est convenu d'appeler un "a-priori négatif". Je me disais que si un auteur a choisi d'écrire une nouvelle plutôt qu'un roman, c'est que le sujet, sans être franchement mauvais, ne méritait pas les honneurs de la forme longue.
Mais plus je lis des nouvelles, moins j'en suis convaincu. Du moins, je pense que ça existe ce genre de relégation en division inférieure, mais c'est loin d'être une généralité. Parfois même, une forme plus courte permet de conférer une densité extraordinaire à un récit.
Il se pourrait d'ailleurs que la première nouvelle de ce livre, "Printemps" soit en fait du tout meilleur Le Clézio. L'auteur ne se perd pas ici dans des péripéties inutiles. On a déjà dit que Le Clézio a un style très poétique, et la force de la poésie est justement d'évoquer en peu de mots des sentiments complexes et subtils, sans s'embarrasser du superflu. C'est bien de cela qu'il s'agit dans "Printemps" : un portrait de jeune femme, qui nous révèle l'essentiel sans nous perdre dans des péripéties anecdotiques. On en sait peu, de cette femme, juste ce qu'il faut, mais tout est dit : la quête de l'identité, l'inaccessibilité du sens, le déracinement, ...
Ce sont d'ailleurs cinq portraits de femmes que nous propose ce livre, certains très courts, tous fragmentaires. Cela donne l'impression que ces femmes (toutes les femmes ?) sont insaisissables, mystérieuses, et qu'elle nous échapperont éternellement.
L'auteur, en exposant une succession de moments clés, en sautant les époques, et en éludant des pans entiers de la vie, réussit à donner une certaine vision des personnages, toute en mélancolie, et à créer un étrange sentiment de vide chez le lecteur.
Tout ça servi par une écriture épurée et -faut-il encore le répéter?- poétique.
Tiens, c'est curieux que ce soit une reproduction de Gauguin qui ait été choisie pour illustrer la couverture, quand on sait ce qu'en a dit JMG Le Clézio :
RépondreSupprimer"J’ai été invité, il y a quelques années, aux Marquises et à Tahiti, pour une célébration de Gauguin. A l’endroit où se tenaient les conférences, j’ai parlé avec un groupe d’étudiants qui protestaient contre ce qu’ils considéraient comme une célébration du colonialisme. Ce qui les gênait, c’était cette présentation très tendancieuse faite par Gauguin de l’homme et de la femme polynésiens, c’est-à-dire des gens paresseux, indolents, dociles, de bons sauvages. Il ne s’agit pas bien entendu de mettre en cause l’art de Gauguin, mais on ne peut nier que sa peinture est dépositaire aussi de cette « face sombre » dont je parlais à propos de l’anthropologie. Le Journal de Gauguin, et notamment la présentation très convenue de la femme tropicale, sensuelle et soumise, qu’on y trouve, est pour moi une lecture insupportable. Surtout lorsqu’on sait à quel point ont été féroces et violents les combats entre les Tahitiens et les troupes coloniales. Car il n’y a pas un endroit au monde où la colonisation s’est passée de manière tranquille et gentille."
Ingannmic
Si tu n'as plus d'à priori sur les nouvelles, alors régales-toi de la littérature italienne qui abonde de nouvelles superbement maîtrisées. Pour moi, c'est la culture qui maîtrise le mieux l'art de la nouvelle. Calvino, Buzzati, Benni...
RépondreSupprimermbutsetsefly a raison !!!!!
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