Diego Rivera et Frida Kahlo voient le jour, à 20 ans d’intervalle (1886 et 1907), à l’aube des grandes révolutions populaires du début du XXème : la révolution russe de 1917, et celle, bien sûr, de leur pays natal, le Mexique, où après des années d’oppression par les propriétaires terriens et les richissimes industriels, les paysans se révoltent. L’histoire de ce couple de peintres célèbres sera associée aux mutations de ce monde en évolution, et notamment aux mutations culturelles et artistiques dont ils seront des acteurs.
C’est la jeune Frida, alors étudiante, qui vient à la rencontre de ce peintre qui la fascine. Celui que l’on surnomme « l’ogre » est une véritable force de la nature, au caractère emporté, « terriblement séduisant malgré sa laideur (…), avec son visage de guerrier olmèque et sa corpulence de lutteur japonais ». Diego, lui, est aussitôt touché par la volonté farouche qui émane de cette frêle jeune femme, artiste elle aussi, et affligée d’une obsession de la souffrance liée aux malheurs qu’elle a subi (elle est frappée, enfant, d’une poliomyélite qui la laisse boiteuse, et subit quelques années plus tard un très grave accident d’autobus, à la suite duquel son corps restera définitivement meurtri). Leurs noces seront, aux dires du propre père de Frida, celles « d’un éléphant et d’une colombe ».
Aucun couple n’a jamais autant été uni dans la création, qu’ils vivent pourtant de manière différente, tout comme ils n’entretiennent pas le même rapport avec les événements qui bouleversent la société d’alors.
Diego se laisse facilement emporter par la passion et les intrigues politiques, et mêle de façon ambivalente son goût pour le pouvoir et sa foi révolutionnaire, son admiration à Staline comme à Henry Ford… A contrario, la vie de Frida est d’une lumineuse simplicité, mais c’est cela aussi que son époux admire chez elle : son refus des compromissions et des honneurs. Sa peinture ne reflète pas –à l’inverse de Diego- son engagement politique. Son combat à elle est surtout intérieur, dirigé contre sa solitude, ses souffrances, et la difficulté d’être une femme dans une société mexicaine dominée par les hommes.
En effet, le fossé qui sépare les personnalités des deux artistes n’est-il pas le reflet de celui qui sépare tout simplement les hommes des femmes, les premiers « tirant une certaine jouissance du mal et des larmes, conquérant par la violence, pendant que les secondes sont condamnées à la dépendance et la solitude, mais aussi à la clairvoyance par leur perception instinctive des dangers et des douleurs ? »
Ils ont cependant au moins deux points communs : leur façon de vivre leur art, tout d’abord, qui leur est viscéral, nécessaire. Leurs pensées sont au bout de leurs doigts, dans leur regard ; Diego et Frida ne sont pas des intellectuels, ce sont des artistes, pour qui peindre est une pulsion naturelle, un besoin vital. Et c’est peut-être encore plus vrai pour elle, dont l’art lui permet d’exorciser ses démons, d’équilibrer son existence. C’est pourquoi son implication dans le communisme ne pourra jamais être totale : elle ne peut tolérer de limite à cet art, le soumettre à la ligne du parti… à vrai dire, Diego lui-même sera déçu, lors de son voyage en URSS, de constater que la révolution artistique n’y a pas de place. Pour lui, elle est aussi importante que la révolution sociale, et doit se faire elle aussi par et pour le peuple. Et c’est sur ce point également que le couple se rejoint : le sentiment de son appartenance à ce peuple, mexicain mais surtout indien. Ils considèrent que l’art est le seul moyen d’expression d’une masse vouée au silence par la force oppressante de la culture bourgeoise, et qu’il est aussi vecteur d’un langage universel, permettant ainsi de s’adresser à tous les opprimés du monde. L’art de Diego Rivera incarne d’ailleurs complètement cette vision : il sera l’un des premiers grands peintres muralistes, écrivant sur les murs l’histoire tragique et merveilleuse du continent amérindien. A sa façon plus discrète mais néanmoins très forte aussi, ce sont les symboles du monde indien que Frida insère dans ces toiles, exprimant son besoin d’harmonie avec ce peuple dont elle se sent issue et la sensuelle nature mexicaine.
C’est la jeune Frida, alors étudiante, qui vient à la rencontre de ce peintre qui la fascine. Celui que l’on surnomme « l’ogre » est une véritable force de la nature, au caractère emporté, « terriblement séduisant malgré sa laideur (…), avec son visage de guerrier olmèque et sa corpulence de lutteur japonais ». Diego, lui, est aussitôt touché par la volonté farouche qui émane de cette frêle jeune femme, artiste elle aussi, et affligée d’une obsession de la souffrance liée aux malheurs qu’elle a subi (elle est frappée, enfant, d’une poliomyélite qui la laisse boiteuse, et subit quelques années plus tard un très grave accident d’autobus, à la suite duquel son corps restera définitivement meurtri). Leurs noces seront, aux dires du propre père de Frida, celles « d’un éléphant et d’une colombe ».
Aucun couple n’a jamais autant été uni dans la création, qu’ils vivent pourtant de manière différente, tout comme ils n’entretiennent pas le même rapport avec les événements qui bouleversent la société d’alors.
Diego se laisse facilement emporter par la passion et les intrigues politiques, et mêle de façon ambivalente son goût pour le pouvoir et sa foi révolutionnaire, son admiration à Staline comme à Henry Ford… A contrario, la vie de Frida est d’une lumineuse simplicité, mais c’est cela aussi que son époux admire chez elle : son refus des compromissions et des honneurs. Sa peinture ne reflète pas –à l’inverse de Diego- son engagement politique. Son combat à elle est surtout intérieur, dirigé contre sa solitude, ses souffrances, et la difficulté d’être une femme dans une société mexicaine dominée par les hommes.
En effet, le fossé qui sépare les personnalités des deux artistes n’est-il pas le reflet de celui qui sépare tout simplement les hommes des femmes, les premiers « tirant une certaine jouissance du mal et des larmes, conquérant par la violence, pendant que les secondes sont condamnées à la dépendance et la solitude, mais aussi à la clairvoyance par leur perception instinctive des dangers et des douleurs ? »
Ils ont cependant au moins deux points communs : leur façon de vivre leur art, tout d’abord, qui leur est viscéral, nécessaire. Leurs pensées sont au bout de leurs doigts, dans leur regard ; Diego et Frida ne sont pas des intellectuels, ce sont des artistes, pour qui peindre est une pulsion naturelle, un besoin vital. Et c’est peut-être encore plus vrai pour elle, dont l’art lui permet d’exorciser ses démons, d’équilibrer son existence. C’est pourquoi son implication dans le communisme ne pourra jamais être totale : elle ne peut tolérer de limite à cet art, le soumettre à la ligne du parti… à vrai dire, Diego lui-même sera déçu, lors de son voyage en URSS, de constater que la révolution artistique n’y a pas de place. Pour lui, elle est aussi importante que la révolution sociale, et doit se faire elle aussi par et pour le peuple. Et c’est sur ce point également que le couple se rejoint : le sentiment de son appartenance à ce peuple, mexicain mais surtout indien. Ils considèrent que l’art est le seul moyen d’expression d’une masse vouée au silence par la force oppressante de la culture bourgeoise, et qu’il est aussi vecteur d’un langage universel, permettant ainsi de s’adresser à tous les opprimés du monde. L’art de Diego Rivera incarne d’ailleurs complètement cette vision : il sera l’un des premiers grands peintres muralistes, écrivant sur les murs l’histoire tragique et merveilleuse du continent amérindien. A sa façon plus discrète mais néanmoins très forte aussi, ce sont les symboles du monde indien que Frida insère dans ces toiles, exprimant son besoin d’harmonie avec ce peuple dont elle se sent issue et la sensuelle nature mexicaine.
Un essai qui se lit comme un roman, dans lequel Le Clézio, à la fois précis et sensible, historien et critique d’art, parvient à nous attacher à ces deux personnages hors du commun mais aussi à leurs œuvres, en même temps qu’il se fait le conteur d’une très belle histoire d’amour.
Une grande réussite!
Ici : Autoportrait aux singes, Frida Kahlo.
Plus haut : Le défilé du 1er mai, Diego Rivera
Je ne suis pas une fervente lectrice d'essais, mais celui-là, je le lirai volontiers. Frida Kahlo me fascine depuis que je l'ai découverte lors d'une exposition à la Fondation Gianada.
RépondreSupprimerMoi non plus je ne suis pas fan des essais, mais celui-là se lit comme un roman, et c'est vrai que le personnage de Frida est fascinant, tout comme celui de Diego Rivera, d'ailleurs. La seule chose qui m'a manqué, pendant cette lecture, ce sont des reproductions de leurs oeuvres (mais du coup, je suis allée en chercher à la biblio...)
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