mercredi 30 avril 2008

"L'absence" - Peter Handke

Par Claude

« Quatre personnages anonymes, une femme, un soldat, le joueur et le vieil homme, réunis par l’aventure de l’espace quotidien le découvrant au fur et à mesure qu’il s’étend devant eux : le plus proche devient un paysage lointain, un terrain vague devient l’immensité, une étendue dénudée le désert. A chaque pas naissent des paysages inconnus, c’est le regard qui les fait apparaître. Les endroits les plus banals deviennent des terres inconnues. Peut-être le voyage s’est-il déroulé à travers un grand pays vide ou aux confins immédiats d’une ville, on ne sait, mais il révèle aux voyageurs les lignes du sol, sa consistance, ses dimensions et les transforme en lieux d’être. La fin du voyage, aussi fortuite que le début, sépare ce groupe rassemblé par le visible et rend chacun des voyageurs à sa solitude initiale. Le « guide » qui les a conduits est peut-être l’absence. Ce qu’ils en commun, c’est ce qu’ils ont vu. »

Handke a fait partie de mes lectures passées au même titre que Malraux et Tolstoï, mais après deux romans (« Par une nuit obscure… » et « L’absence ») c’est comme si je retrouvais un vieil ami que je n’ai plus vu depuis longtemps et avec lequel j’ai surtout un passé commun. Vous retrouvez en lui certains des aspects qui vous attiraient jadis mais d’autres vous irritent maintenant. C’est ainsi que je ne vois pas ce qu’apporte au récit les longs monologues des différents personnages. Je trouve que le texte porte à lui seul le roman et n’a pas besoin de ces tartines indigestes et un peu pédantes (je nourris le même sentiment à propos du dialogue final des « Ailes du désir »). Je ne peux pas, non plus, dire que j’ai été emballé par le roman, je suis resté en bordure de ce récit qui m’a surtout charmé au niveau intellectuel. Il n’y avait aucune connivence dans ma lecture, juste un plaisir cérébral. Je le regrette étant surtout un lecteur sensuel. Malgré cela j’ai retrouvé dans « L’absence » la solitude des personnages qui paraissent ne jamais vraiment entrer en contact avec les autres. La même incapacité que le personnage principal de « L’heure de la sensation vraie » ou que « la femme gauchère » . Comme dans « La montagne de la St Victoire », la nature est très présente, c’est le lieu du chemin, de la réflexion, on y ressent la même sérénité qui ne donne cependant aucune réponse aux questionnements des voyageurs. L’absence se sont les espaces intermédiaires entre les gens et les choses, ces espaces qui donnent une idée du passé, c’est aussi l’absence de lien humain réel, uniquement basés sur le fantasme et l’impossibilité de prendre le réel pour ce qu’il est et d’être obligé de « l’agrémenter » afin de le rendre acceptable. « L’absence » est un roman charnière entre le réalisme poétique de « La courte lettre» et la poésie réaliste de « Part une nuit obscure… ».

8 commentaires:

  1. Une critique clair obscur qui pique ma curiosité - et au cas où je serai prévenue.

    Tiens, je viens de m'offrir les Ailes du Désir (film) mais rien à faire, j'arrive pas à m'y mettre (bon il est en allemand et moi je ne parle allemand qu'entre 10h00 et 18h00, après y'a bloquage)

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  2. Mbu,
    "Les ailes du désir" est, avec "Paris Texas", le film le plus connu de Wenders mais si tu en as l'occasion vois "Au fil du temps" ou "l'ami Américain" qui sont plus sobres

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  3. En fait, je viens enfin de le regarder et j'ai bien aimé mais il faut être dans l'humeur pour ce genre de film. Je retiens les autres titres

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  4. Claude, tu as l'air de séparer les lecteurs sensoriels aux lecteurs cérébraux. Est-ce vraiment incompatible? C'est pourtant ce qui permet de dégager les thématiques d'un livre tout en précisant si la façon dont elles sont évoquées nous touchent ou pas. Je pense au contraire que ces deux notions sont complémentaires, et donc que tu es un être complet.

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  5. Je ne crois pas que ce soit ce que dit Claude :-)

    Au contraire, je trouve son point de vue très nuancé (et très juste)

    Bien entendu, les deux comptent, intellect et sensoriel (sans quoi nous serions tous fans des trucs les plus putassiers qui soient). En revanche, et je suis totalement d'accord avec Claude, il arrive qu'un livre ne nous procure qu'un plaisir purement intellectuel. C'est mon cas par ex quand je lis Easton Ellis : voilà un auteur que je reconnais sans peine comme immense, qui objectivement, intellectuellement et formellement parlant force mon admiration...mais qui par contre ne me fait jamais vraiment vibrer...

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  6. Effectivement, en relisant l'article de Claude, ça me paraît plus clair.

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  7. Gaël,
    Je ne sépare pas l'affectif et l'esprit, mais on aime un livre d'abord avec son affect (une bd charme à l'ouverture par son dessin, ce qui est, pour un non professionnel, la vertu de l'instinct avant de charmer par son scénario). Je ne sépare pas les deux mais je leur donne une prédominance l'un par rapport à l'autre. Et puis comme pour Thom, il y a des auteurs qui chez moi ne suscitent qu'un plaisir intellectuel et non un plaisir complet. C'est le cas de Hergé par exemple.

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