Par Mbu
Résumé :
Entre-deux guerre. Messieurs Ma, le père et le fils, embarquent pour l’Angleterre où ils vont reprendre le magasin d’Antiquités que leur laisse le frère du vieux Ma. Pour lui, cinquantenaire lettré et oisif, pauvre mais raffiné ayant rêvé toute sa vie d’être fonctionnaire et méprisant les commerçants, c’est une humiliation que de reprendre un commerce et l’idée de quitter la Chine ne l’enchante guère mais, fataliste malgré sa fierté, il se plie à cette obligation. Pour le jeune Ma Wei, c’est la chance unique de pouvoir faire des études, de construire son futur.
Ils trouvent un logement chez une veuve, Mme Window, qui vit seule avec sa fille Mary. Si la veuve voit d’un mauvais œil la venue de chinois chez elle, elle cède rapidement au charme raffiné du vieux Ma tandis que le jeune Ma Wei tombe amoureux de la jolie et coquette Mary, qui elle n’arrive pas à se départir de ses préjugés mais apprécie l’admiration qu’on lui accorde. Mais tant le fossé entre les générations, le vieux Ma représentant la Chine fossilisée dans la tradition et Ma Wei la jeunesse qui veut voir les choses changer, qui rêve de modernité, que les préjugés qui minent les relations entre les personnages, va faire imploser ce petit monde qui ne peut pas tenir ensemble.
Mon avis :
Curieuse de connaître le point de vue d’un chinois sur l’Occident, j’avais eu très envie de lire ce livre. Lao SHE a vécu à Londres dans les années 30, et il faut tout d’abord lui accorder qu’il a un grand talent de description. On voit le brouillard de Londres, l’effervescence de noël, le vieux Ma face au trafic, au tourbillon du rythme londonien, se sentant prit de tournis. Il maîtrise la description des personnages aussi, surtout celle de la veuve Window et du vieux Ma, alors que les autres personnages sont plus estompés, Ma Wei presque en filigrane. On voit la veuve Window évoluer de ses préjugés qui s’estompent, à son amour pour le vieux chinois, déchiré par les préjugés de la société. « Sauver les apparences », cette doctrine dont le vieux Ma est le plus fidèle gardien viendra finalement mettre fin à un amour condamné par la société.
Lao SHE oppose donc deux choses. La société chinoise et la société anglaise, dénonçant avec virulence les injustices dont sont victimes les immigrés chinois en Angleterre et le racisme ambiant, mais dénonçant également le manque de fierté et d’efficacité de ses compatriotes dont il fait une critique virulente, au travers du personnage du vieux Ma, et par la bouche de Li Zirong, employé efficace au magasin d’antiquités, qui fait le pont entre les valeurs trop traditionnelles du vieux Ma et le désir de modernité absolue de Ma Wei et entre la société anglaise et la société chinoise.
Voilà maintenant huit mois que je vis en Chine. Bien que ce roman se situe au début du siècle passé, je n’ai pas cessé de retrouver des analogies avec le présent. Par exemple, le conflit entre la Chine traditionnelle et la Chine moderne est très marqué. Ce n’est pas juste une histoire de conflit de génération. Il est aussi présent chez les jeunes. La modernité semble avoir fondu sans prévenir sur ce pays : elle est partout, gadgets, belles voitures avec ordinateur intégré sur lequel on voit le chauffeur jouer au… ma-jong ! En discutant un jour de la valeur du mot « harmonie », tant utilisé ici en parlant du développement du pays, on m’a expliqué que cela venait du confucianisme. Lorsque je demande à mes élèves ce qu’ils préfèrent lire, ils me répondent systématiquement : les classiques (du Moyen-Âge). Lorsque je leur demande quelle époque il voudrait visiter s’ils le pouvaient, ils me parlent de dynasties lointaines. L’impression qui en ressort pour moi, c’est que la Chine s’avance dans l’avenir en regardant vers son passé. Et Lao SHE met très bien en lumière cette fierté nostalgique de la vieille génération opposée à la déception et à la frustration de la jeune génération.
Curieuse de connaître le point de vue d’un chinois sur l’Occident, j’avais eu très envie de lire ce livre. Lao SHE a vécu à Londres dans les années 30, et il faut tout d’abord lui accorder qu’il a un grand talent de description. On voit le brouillard de Londres, l’effervescence de noël, le vieux Ma face au trafic, au tourbillon du rythme londonien, se sentant prit de tournis. Il maîtrise la description des personnages aussi, surtout celle de la veuve Window et du vieux Ma, alors que les autres personnages sont plus estompés, Ma Wei presque en filigrane. On voit la veuve Window évoluer de ses préjugés qui s’estompent, à son amour pour le vieux chinois, déchiré par les préjugés de la société. « Sauver les apparences », cette doctrine dont le vieux Ma est le plus fidèle gardien viendra finalement mettre fin à un amour condamné par la société.
Lao SHE oppose donc deux choses. La société chinoise et la société anglaise, dénonçant avec virulence les injustices dont sont victimes les immigrés chinois en Angleterre et le racisme ambiant, mais dénonçant également le manque de fierté et d’efficacité de ses compatriotes dont il fait une critique virulente, au travers du personnage du vieux Ma, et par la bouche de Li Zirong, employé efficace au magasin d’antiquités, qui fait le pont entre les valeurs trop traditionnelles du vieux Ma et le désir de modernité absolue de Ma Wei et entre la société anglaise et la société chinoise.
Voilà maintenant huit mois que je vis en Chine. Bien que ce roman se situe au début du siècle passé, je n’ai pas cessé de retrouver des analogies avec le présent. Par exemple, le conflit entre la Chine traditionnelle et la Chine moderne est très marqué. Ce n’est pas juste une histoire de conflit de génération. Il est aussi présent chez les jeunes. La modernité semble avoir fondu sans prévenir sur ce pays : elle est partout, gadgets, belles voitures avec ordinateur intégré sur lequel on voit le chauffeur jouer au… ma-jong ! En discutant un jour de la valeur du mot « harmonie », tant utilisé ici en parlant du développement du pays, on m’a expliqué que cela venait du confucianisme. Lorsque je demande à mes élèves ce qu’ils préfèrent lire, ils me répondent systématiquement : les classiques (du Moyen-Âge). Lorsque je leur demande quelle époque il voudrait visiter s’ils le pouvaient, ils me parlent de dynasties lointaines. L’impression qui en ressort pour moi, c’est que la Chine s’avance dans l’avenir en regardant vers son passé. Et Lao SHE met très bien en lumière cette fierté nostalgique de la vieille génération opposée à la déception et à la frustration de la jeune génération.
Très intéressant, Mbu.
RépondreSupprimerCa me fait penser que l'image que nous avons de la Chine et des Chinois est certainement très caricaturale. On devrait lire plus de livres chinois. Malheureusement, je connais très peu d'auteurs chinois. C'est sympa de nous en faire découvrir :)
Appeler la dame Window........
RépondreSupprimerune fenêtre qui donne sur l'est, sur l'ouest?
C'est marrant Jeanne, je me suis posée la même question surtout que les auteurs chinois aiment jouer avec les symboles. C'est en fait le seul personnage qui s'ouvre dans ce roman.
RépondreSupprimerEt bien Zaph je n'ai pas fini de vous en donner, j'en ai encore quelques uns à lire et je renifle un coup de coeur dans celui que je suis en train de lire. Mais si tu veux essayer je te conseille Un Monde Evanoui de Yu Hua, c'est très court et très bon et ça donne une bonne idée de la différence culturelle.
Mais promis, je ne vais pas faire que des auteurs chinois, je vous ai promis du texte médiéval, je m'y mettrai. Dés que j'aurai remis la main sur mes sources
C'est noté. Merci :)
RépondreSupprimerTrès intéressant, en effet. Ca donne vraiment envie.
RépondreSupprimerPour le symbole de la fenêtre, il suffit de penser que de l'intérieur, c'est une ouverture vers dehors, mais de l'extérieur, c'est un passage vers l'intime. Il n'y a pas de sens à une fenêtre. Elle n'existe qu'à travers un regard.