Par Gaël
Quatrième de couverture :
Philip, sans la connaître, déteste cette femme que son cousin Ambroise, avec lequel il a toujours vécu étroitement uni dans leur beau domaine de Cornouailles, a épousée soudainement pendant un séjour en Italie.
Quand Ambroise lui écrira qu'il soupçonne sa femme de vouloir l'empoisonner, Philip le croira d'emblée. Ambroise mort, il jure de le venger.
Sa cousine, cependant, n'a rien de la femme qu'imagine Philip. Il ne tarde pas à s'éprendre d'elle, à bâtir follement un plan d'avenir pour finir par buter sur une réalité de cauchemar.
Mon avis :
Il est intéressant de lire Ma cousine Rachel après avoir découvert Orgueil et préjugés. Car Daphne Du Maurier a, sans le savoir, écrit le contraire exact du chef d'oeuvre de Jane Austen. Si les défauts de l'héroïne Elizabeth, énoncés dans le titre, l'empêche de s'ouvrir dès le départ à l'amour de Darcy, c'est bien les erreurs inverses qui amènent Philip à s'éprendre de la mystérieuse Rachel. Il aurait effectivement dû rester camper sur ses premières impressions et faire confiance aux préjugés qu'il avait à l'encontre de sa cousine, et c'est également un manque de dignité qui fait de lui un amoureux transi sans une once de discernement. Ce n'est pourtant pas les indices quant à la vraie nature de la belle qui manqueront autour de lui : suspicion de son cousin, avertissement de Louise, son amie d'enfance, ou la mauvaise impression que lui fait Rainaldi, complice de Rachel à la présence dérangeante.
Ici Daphne Du Maurier oppose clairement l'amour à la clairvoyance, et démontre que s'amouracher d'une personne conduit irrémédiablement à la perte de la victime. C'est une thèse que l'auteure défendait déjà dans Rebecca, avec lequel Ma cousine Rachel partage de nombreux points communs : une immense demeure isolée qui rappelle Manderley, un fantôme qui hante sur notre couple, une idylle qui naît à l'étranger, un secret qui remettra l'histoire d'amour en cause... Du Maurier continue de rendre hommage au grand roman victorien dans sa veine gothique.
Si on ne peut s'empêcher de remarquer que le roman accuse quelques longueurs, on ne peut que compatir et même prendre en pitié ce pauvre innocent qui se fait prendre facilement dans les filets de cette veuve empoisonnée. La narration à la première personne, qui nous dévoile l'histoire du point de vue de Philip, amènera le lecteur à réagir différemment selon sa sensibilité. Il aura tendance à le condamner et à le considérer comme un idiot s'il pense que le héros s'est trompé depuis le départ. Il espèrera une issue heureuse (ou bien Ambroise s'est trompé et Rachel est une femme innocente, ou alors Philip se rendra compte assez vite de son erreur de jugement) s'il suit la logique du héros à la lettre. Comme on pensait que Darcy était un homme arrogant et immoral, pour découvrir qu'il était un homme droit et aimant, Rachel incarne l'être mystérieux qui change d'aspect au fur et à mesure de l'intrigue, passant de la femme douce et intelligente à un monstre de cupidité et de froideur. Daphne Du Maurier, ou le côté sombre de Jane Austen.
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Quatrième de couverture :
Philip, sans la connaître, déteste cette femme que son cousin Ambroise, avec lequel il a toujours vécu étroitement uni dans leur beau domaine de Cornouailles, a épousée soudainement pendant un séjour en Italie.
Quand Ambroise lui écrira qu'il soupçonne sa femme de vouloir l'empoisonner, Philip le croira d'emblée. Ambroise mort, il jure de le venger.
Sa cousine, cependant, n'a rien de la femme qu'imagine Philip. Il ne tarde pas à s'éprendre d'elle, à bâtir follement un plan d'avenir pour finir par buter sur une réalité de cauchemar.
Mon avis :
Il est intéressant de lire Ma cousine Rachel après avoir découvert Orgueil et préjugés. Car Daphne Du Maurier a, sans le savoir, écrit le contraire exact du chef d'oeuvre de Jane Austen. Si les défauts de l'héroïne Elizabeth, énoncés dans le titre, l'empêche de s'ouvrir dès le départ à l'amour de Darcy, c'est bien les erreurs inverses qui amènent Philip à s'éprendre de la mystérieuse Rachel. Il aurait effectivement dû rester camper sur ses premières impressions et faire confiance aux préjugés qu'il avait à l'encontre de sa cousine, et c'est également un manque de dignité qui fait de lui un amoureux transi sans une once de discernement. Ce n'est pourtant pas les indices quant à la vraie nature de la belle qui manqueront autour de lui : suspicion de son cousin, avertissement de Louise, son amie d'enfance, ou la mauvaise impression que lui fait Rainaldi, complice de Rachel à la présence dérangeante.
Ici Daphne Du Maurier oppose clairement l'amour à la clairvoyance, et démontre que s'amouracher d'une personne conduit irrémédiablement à la perte de la victime. C'est une thèse que l'auteure défendait déjà dans Rebecca, avec lequel Ma cousine Rachel partage de nombreux points communs : une immense demeure isolée qui rappelle Manderley, un fantôme qui hante sur notre couple, une idylle qui naît à l'étranger, un secret qui remettra l'histoire d'amour en cause... Du Maurier continue de rendre hommage au grand roman victorien dans sa veine gothique.
Si on ne peut s'empêcher de remarquer que le roman accuse quelques longueurs, on ne peut que compatir et même prendre en pitié ce pauvre innocent qui se fait prendre facilement dans les filets de cette veuve empoisonnée. La narration à la première personne, qui nous dévoile l'histoire du point de vue de Philip, amènera le lecteur à réagir différemment selon sa sensibilité. Il aura tendance à le condamner et à le considérer comme un idiot s'il pense que le héros s'est trompé depuis le départ. Il espèrera une issue heureuse (ou bien Ambroise s'est trompé et Rachel est une femme innocente, ou alors Philip se rendra compte assez vite de son erreur de jugement) s'il suit la logique du héros à la lettre. Comme on pensait que Darcy était un homme arrogant et immoral, pour découvrir qu'il était un homme droit et aimant, Rachel incarne l'être mystérieux qui change d'aspect au fur et à mesure de l'intrigue, passant de la femme douce et intelligente à un monstre de cupidité et de froideur. Daphne Du Maurier, ou le côté sombre de Jane Austen.
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Gaël, permets-moi de te dire que cette critique est EXCELLENTE :)
RépondreSupprimerLe rapprochement avec Austen est audacieux, très juste, bravo, vraiment !
Personnellement je trouve ce parallèle bancal, mais le fait est que j'ai vraiment pensé à Austen en le lisant. Simplement dû à la proximité de lecture des deux romans. Mais cette critique était un peu comme un jeu. On va pas appeler ça de la littérature comparée, non plus! (Hein, Thom? ;-))
RépondreSupprimerMais merci du compliment!
Comme Laiezza je trouve ta critique excellente!Elle donne envie de lire le livre, et c'est le plus important!
RépondreSupprimerMerci beaucoup Sandrounette!
RépondreSupprimerMais justement...la littérature comparée c'est rapprocher différents auteurs autour d'un thème commun - et pas forcément rapprocher différents auteurs similaires...donc si, on peut appeler ça de la littérature comparée :-)
RépondreSupprimerCa fait très longtemps que j'ai lu ce roman, adolescente, j'avais pendant un certain temps adopté Du Maurier comme mon auteur préféré et je dévorais tous ses romans. Celui-là m'avait en effet paru un peu lent et long mais j'avais été complètement prise par le doute et le mystère au sujet de Rachel. En revanche, je l'avais compris complètement différemment. Pour moi Rachel créait le doute par des hasards et surtout provoquait la folie destructrice de Philip. Mais bon, comme je le dis, c'est il y a très longtemps et il faudrait que je le relise.
RépondreSupprimerAs-tu lu le Général du Roi? Je l'avais trouvé très différent de ce qu'a écrit Daphnée en général. Rebecca et l'Auberge de la Jamaïque ayant incarné le style de Du Maurier à mes yeux pendant longtemps. J'avais bien aimé. En fait, avec le temps, il me marque plus que les autres mais je ne saurais dire pourquoi