Par Thom
Que dire qui n’ait pas été déjà dit dans
le remarquable article de Gaëlle qui m’a amené à cette lecture ? Son analyse du personnage de Patrick Kenzie est si poussée, si complète, que ça n’aurait même plus vraiment de sens d’essayer d’y apporter quelque chose.En ce qui concerne ce premier volet précisément, en revanche, je peux dire quelques trucs pas trop inintéressants (du moins je l’espère) : c’est excellent, exceptionnellement bien écrit et remarquablement mis en scène. Pas très constructif tout ça, seulement voilà : il faut savoir parfois s’incliner devant la maestria de certains auteurs. Et celle de Dennis Lehane confine à la virtuosité. Un auteur capable d’écrire « Shutter Island » peut en soi prétendre au statut de grand écrivain. Un auteur capable d’écrire « Mystic River » aussi…mais un auteur qui en moins d’une décennie est capable d’aligner dans sa bibliographie ces deux livres et « A drink before the War »…ça frôle le génie. Car en dépit de quelques imperfections, ce premier roman de Lehane (ciel ! un premier roman, vous vous rendez compte ?) n’a nullement à rougir de la comparaison avec les deux chefs d’œuvres susmentionnés. On y trouve d’ailleurs en germe la plupart des éléments qui aboutiront à « Mystic River » : des gens qui ont grandi ensemble tout en choisissant des routes différents, des secrets enfouis, une violence cimentant un univers étouffant…et bien sûr la ville – en l’occurrence Boston, personnage à part entière du roman. La ville qui inspire autant qu’elle détruit, qui étouffe autant qu’elle guérit.
Mais de quoi ça parle me direz-vous ? Ici les choses se compliquent : le résumé d’ « A drink before the War » est tout ce qu’il y a de plus banal. Sur le papier, du moins. Patrick Kenzie, archétype du héros de roman noir (détective mélancolique, torturé, grande gueule voir un peu bourrin sur les bords), se voit confier une mission secrète dont on devine le contenu cinquante pages avant lui (récupérer des documents relatifs à la Chambre des Députés dérobés par une femme de ménage en rogne), bien sûr il y a un secret là-dessous, une affaire qui ne sent pas très bon…etc. Rien de bien original, si ce n’est que l’écriture de Lehane, sa manière de croquer chaque personnage en trois phrases, est simplement sensationnelle. Sur le papier (bis), Kenzie est l’enquêteur le plus terne du monde, on l’a déjà vu mille fois…mais lorsqu’il prend corps, magnifié par le Style…ouille ! Il impressionne, il fascine et il nous embarque avec lui dans une enquête où se déchaînent passions, haines, violences…car autour de Kenzie (et c’est ici que réside la principale originalité de l’intrigue), la guerre gronde. Une guerre des gangs, bien sûr, la plus sanglante de toute l’histoire de la littérature, menée par deux « méchants » peu orthodoxes : un père et son fils, tout aussi monstrueux dans leur genre. Tout aussi humain, aussi. C’est finalement de cela que Lehane veut nous parler : de l’humanité, qui se dissout dans la violence au fil des pages. A commencer par celle de Kenzie qui se délite à chaque rebondissement, chaque fois qu’un seuil est franchi. Kenzie qui se met en danger et met en danger ses proches pour une raison atrocement simple : il a grandi dans la violence, il vit avec elle – depuis toujours. Et s’avère incapable de la reconnaître et de l’affronter – encore moins d’y renoncer. A sa manière il se révèle être le gentil le plus méchant qu’on ait vu depuis longtemps. Si en apparence il ressemble au prototype du héros (l’auteur ne manque d’ailleurs jamais de jouer avec cette image), dès qu’on gratte le vernis on découvre un mec profondément malade. Manque de bol, c’est lui qui doit sauver la baraque. Amateurs de noble-héroïsme-romanesque s’abstenir.
L'avis de Claude
On m'avait dit tant de bien sur cet auteur. J'avais eu le plaisir de voir le très bon film de Clint Eastwood. Il s'est passé, en réalité, l'inverse d'avec "Créance de sang"... Là où je fus déçus par le film et emballé par les romans de Connolly, j'ai été emballé par le film mais moins par l'écrivain.
Certes Lehane a un fameux don pour l'humour et sait mener une histoire mais je dois dire que je n'ai été qu'à moitié convaincu par le roman. Déjà trop vu. J'en garderai surtout un style qui me rappelle le meilleur de Goodis, c'est déjà çà me diriez vous, mais c'est trop peu à mon goût.
Au final un roman que je trouve moyen et peu intéressant. Les éditeurs ventaient les deux inspecteurs, je m'attendait à une double vue de l'enquête mas hélas rien de tout cela. Un personnage centrale (Patrick Kenzie) et un faire valoir (Angela Gennaro) qui conduise une enquête assez banale et réchauffée...
Une déception que ce premier roman de Lehane...
Voilà une bonne première livraison sur notre nouvel Aristochat...
RépondreSupprimermais on n'est pas plus avancés! Va falloir se faire sa propre idée :-)
Il m'inspire bien, moi, ce nouvel aristo... j'espère que je ne vais pas être déçue :)
RépondreSupprimeron ne peut pas faire d'avis si différents ... en tout cas ça donne envie d'essayer par soi-même :-)
RépondreSupprimerAttends, tu vas pas me croire : au début y avait juste ma critique, et là, pendant que j'avais le dos tourné hier, Claude a rajouté fourbement un message me contredisant. Crois-tu qu'il aurait le courage de me le dire en face, comme un homme, comme le "lion de la meute" qu'il prétend être...? Que nenni ! Môssieur est arrivé par derrière, par en-dessous, et hop, ni vu ni connu je t'embrouille. Mais sa critique c'est n'importe quoi. Je t'assure. Peut-on avoir confiance en quelqu'un qui au bout de quatre ans qu'on lui répète n'arrive pas toujours à comprendre que c'est Michael ConnElly et Joe ConnOlly plutôt que l'inverse...?
RépondreSupprimer(je plaisante, bien entendu :D)