jeudi 24 avril 2008

"Elle s'appelait Sarah" - Tatiana de Rosnay

Par Laiezza

Je ne suis pas une midinette. Je n'ai même pas de cœur. Cela rassurera mes amis, qui se moquent tout le temps de mon côté "fleur bleue". Hélas, la seule chose que j'ai ressenti en lisant ce livre, c'est de l'affliction.
Tatiana de Rosnay raconte, en alternance, l'histoire de Julia, journaliste américaine enquêtant sur la rafle du Vel' d'Hiv', et celle de Sarah, petite fille qui en a été la victime. Le roman saute donc sans arrêt de 1942 à nos jours, et inversement, étalant des thématiques très larges, et à mon avis, un peu trop. C'est en fait le même parti-pris que dans "Windows on the world", de Beigbeder (je m'étonne de n'avoir lu aucun commentaire, parmi les deux cents sur le Net, le soulignant). Ce qui était agaçant, lourd chez l'un, ne l'est pas moins chez l'autre.
Julia l'américaine se bat pour le Devoir de Mémoire, c'est très joli, mais ce n'est pas suffisant, je crois, pour écrire un roman ! Sans s'attarder sur le fait que se battre, de nos jours, pour la reconnaissance de faits figurant depuis trente ans dans tous les manuels d'histoire, connus et reconnus de tous depuis le procès Papon (1997, et 1995 pour le discours de Jacques Chirac), relève plus de la bonne conscience contemporaine que du noble combat des Klarsfeld (on se demande même un peu contre quoi elle se bat, la fille, sinon contre son propre nombrilisme)...Sans s'attarder là-dessus, côté Sarah, tout n'est qu'une succession de clichés, sur l'occupation, sur la guerre, sur le nazisme, même sur les juifs...Rien que des choses racontées mieux ailleurs. Qu'on lise Levi (Primo, pas Marc), Appelfeld, ou même Vittori. On aura là des livres intelligents sur ces questions, ni plus ni moins "populaires" que cette soupe, faisant dans la simplification permanente. J'ai failli arrêter plus d'une fois, tant cela m'était insupportable. L'histoire de Sarah n'est pas bouleversante, elle est surtout gnangnan et manichéenne. L'auteur s'attaquerait à la collaboration ? Pas du tout : elle raconte l'histoire des gentils en danger à cause des méchants. Je vous renvoie au superbe livre de Gilles Perrault, "L'orchestre rouge", pour en apprendre un peu sur l'occupation, la collaboration, la Résistance, ou la déportation des juifs. Dans "Elle s'appelait Sarah", on n'apprend rien de plus que dans un manuel de troisième, aucune documentation, le comble, quand l'autre héroïne du roman est une journaliste ! Et je ne parlerai même pas de l'écriture, insipide, mettons cela sur le compte de la traduction, histoire de ne fâcher personne.
Je pense que je n'ai pas besoin de faire plus pour que vous compreniez mon avis. Il n'y a rien d'émouvant, encore moins de "noble", dans cette mélasse compassionnelle, surfant sur le Devoir de Mémoire, comme on surfe sur une mode quelconque ("pour ne pas l'oublier", inscrit sur la couverture, l'accroche promotionnelle ne se cache même pas). "Elle s'appelait Sarah", en choisissant de suivre une petite fille toute mimi, et en prenant le parti de ne raconter l'histoire que sur le mode purement émotionnel, est dans la droite ligne des idées récentes de notre Président, et en conséquence, il provoque autant mon indignation. En tant que lectrice, en tant qu'enseignante (enseignant justement cette mémoire), et en tant que juive. Bien sûr, ce noble combat n'appartient pas qu'à moi. Que l'auteur ait voulu publier ce livre hors les frontières, pour qu'on s'en rappelle au-delà de la France, pourquoi pas ? Ici, désolée, je crois qu'il y a assez de livres, de romans, de films, de documentaires, sur cette question, pour qu'on se passe de l'aide intéressée de Tatiana de Rosnay.

19 commentaires:

  1. Tu es décidément trop fleur bleue ;-p

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  2. J'adore quand tu n'aimes pas! Dis-moi, tu as encore des coups de griffe sous le coude? :-)

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  3. Laiezza, je te (re)félicite pour cette critique juste, intelligente et solidement argumentée.

    J'ose croire que chez les Chats contrairement à ailleurs ton avis acéré ne déclenchera aucune réaction épidermique (et à vrai dire : les chadministrateurs y veilleront personnellement ;-)

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  4. Oui, critique très bien argumentée, Laiezza :)
    Il y a trop d’auteurs qui utilisent comme personnage principal un enfant rien que pour faire pleurer les lecteurs.
    Il y a trop d’auteurs qui prennent certaines thèmes qui font pleurer rien que pour attirer des lecteurs
    Il y a beaucoup de lecteurs qui aiment pleurer en lisant un livre.
    Il y a beaucoup de lecteurs qui préfèrent la soupe au potage.

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  5. @ Zaph : je reste une fille, avant tout :)

    @ Gaël : si, j'en ai plein (vas voir sur mon blog, dans la catégorie "A oublier"). Mais je ne vais pas tous les mettre sur les Chats, je sais que les blogs sont parfois lisses, mais je n'aimerais pas tomber dans l'excès inverse.

    @ Thom : merci pour ces mots de gros costaud. Il est vrai qu'après certains débordements, j'étais peu chaude pour copier ma critique ici. Je ne l'ai pas fait, d'ailleurs, puisque c'est toi qui a été la rechercher (mon inconscient avait occulté la date du jour, dis :)

    @ Jeanne : je suis évidemment très d'accord avec toi. A plus forte raison parce que, dans ce livre comme tant d'autres, on donne une vision complètement gaga de l'enfant, petit être angélique symbole de pureté, d'innocence...Dans le fond, Sarah n'a, ici, aucune personnalité. Elle juste une image d'Epinal de l'Enfant Martyr.

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  6. les chats n'ont peur de rien c'est bien connu ... même pas des hordes de fans déchaînés qui ne tarderont pas à envahir la meute avec des envies de bouffer de la Laiezza tout cru... (n'est avis qu'ils vont devoir s'accrocher parce qu'elle a l'air coriace la demoiselle)
    ;-)

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  7. @ Lhisbei : c'était une de mes réserves, vu que l'exposition, ici, est très supérieure à celle de mon propre blog. J'ai hésité, mais mes camarades m'ont dit de ne pas céder à la politique de la terreur. Dont acte :)

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  8. Enfin une critique grâce à laquelle ma pal ne va pas encore s'étoffer (Applefeld y est déjà..).
    Ceci dit, très bonne critique!

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  9. Te voilà démasquée, Laiezza !

    Sous tes airs bravaches tu as besoin de tes deux gorilles viriles pour te protéger ;-)

    (oui Zaph : c'est toi le deuxième gorille :-))

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  10. Mais comment osez-vous écrire ce genre d'horreurs ? Qui croyez-vous être pour nous dire ce que nous devons aimer ? Encore une qui joue les critiques frustrées, et qui salit un grand succès populaire pour se faire mousser. C'est ridicule ! Elle s'appelait Sarah est un livre magnifique, poignant, j'ai pleuré de la première à la dernière page. Et je ne suis pas la seule ! Nous sommes très nombreux dans ce cas, sur internet et ailleurs. Que vaut votre torchon face à notre amour ? Rien ! La preuve je vous fais un commentaire fleuve pour vous le dire. D'abord ! Restez avec vos ouvrages élitistes et laissez Sarah en paix, vous ne la méritez pas.

    (désolée c'était plus fort que moi :)

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  11. Rassurez-moi... Lily aime le second degré, je ne me trompe pas?

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  12. (morte de rire)

    Lily, tu es comme toujours au top. Thom est naïf de croire que Zaph, et lui, sont mes gorilles ! Le seul vrai gorille que j'aie jamais croisé sur le net, c'est toi :)

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  13. Oui, moi je serais plutôt du genre bonobo. :-D
    D'aileurs, j'ai créé un groupe de parole pour les lecteurs et lectrices qui ont pleuré en lisant TDR.
    Lily, si ça te tente, c'est sur http://www.mes-larmes-mempechent-de-lire-TDR.com

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  14. (morte de rire, encore)

    C'est de la pure provocation ! On ne viendra pas me dire, après : Lise, quelle chieuse, avec ta critique, tu nous a amené des polémiques :(

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  15. Roooooooh...mais c'est que t'as vraiment peur, en fait :-)

    Eh bien tu as raison, parce qu'après ce que tu viens de dire à Lily tu pourras toujours rêver pour que Zaph et moi on bande les muscles (qu'on fort imposants) pour venir à ton secours à l'avenir. Ingrate.

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  16. Non ! J'ai même pas peur ! J'appréhende, c'est tout.

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  17. Voilà qui est bien parlé, j'ai moi aussi été déçu par ce roman, trop "gnan gnan" comme tu dis. Et cette narratrice est agaçante à souhait, avec ses états d'âme...

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  18. comment pouvez vous dire que ce livre est trop gnangan?? Peut-être que toutes ces critques ne sont que le reflet du mal-être qui vous guette du fait que ce soit pour une fois les Français et non les Allemands qui jouent le rôle des méchants..
    Pour ma part j'ai lu le livre en une traite et plusieures fois j'ai eu la larme à l'oeil en voyant la population française fermer les yeux sur une des plus grandes tragédies de leur histoire.
    Vous pouvez me traiter de "gnan gnan" comme vous dites mais j'estime que je suis tout à fait en droit de dire que c'est un des plus beaux livres que j'ai lu..

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  19. bon, ce livre ne mérite ni d'être encensé ni d'être honni, il y a du bon dans cette histoire, elle n'est quand même pas si mal construite que ça et le va et vient tressé entre le passé et le présent est plutôt bien vu... en revanche, oui, les clichés anglo-saxons sur les Français vont bon train, ainsi que sur "les Français tous collabos" sauf une ou deux exceptions qui confirment la règle ! et puis la façon de traiter le tabou de l'occupation dans la société française est plus que légère, elle est même cavalière ! comme si le même genre de phénomène ne se produisait pas ailleurs par rapport aux événements honteux du passé... pour résumer, ça se laisse lire, ce n'est pas déplaisant mais notre sens critique est souvent mis à contribution et pas en faveur de ce roman hélas ! et on sent comme une "oeuvre de commande" assez artificielle dans ce bouquin... pour terminer, je trouve que le film n'a pas eu les défauts du livre, comme quoi...

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