mardi 14 juillet 2009

"Index" - Camille Laurens

L'A part de soi, par Thom.


« Pour Claire Desprez, aucun livre n'avait jamais eu d'importance. Elle lisait peu, faute de temps, sinon les journaux et de somptueux ouvrages d'art qu'elle classait par siècle dans sa bibliothèque [...] Elle voyait parfois, en flânant sur les quais, des ces bouquins fanés qui lui semblaient n'avoir d'autre fonction que celle de compenser dans les appartements les nivellements des planchers. Elle emportait volontiers en vacances un gros volume choisi parmi les meilleures ventes, qui perdait avant la fin de l'été ses pages ensablées. Elle achetait aussi quelques fois un livre au hasard d'une gare ; elle lisait alors comme d'autres fument, ses doigts tournant les pages comme ses lèvres auraient soufflé la fumée... »

... et pourtant, un livre va changer la vie de Claire Desprez - comme l'annonce l'incipit. Mais ça, le lecteur le saura sans jamais le voir. Là n'est pas l'essentiel, et « Index » de s'attarder plus volontiers sur la découverte (forcément) médusée... d' « Index », roman policier acheté au hasard d'un voyage (justement) et dont les pages renferment ni plus ni moins que le plus intime, le plus lourd de tous les secrets de la jeune héroïne. Par quel maléfice ? Connaîtrait-elle l'auteur ? Et quand bien même : comment cet auteur pourrait-il être au courant de quoi que ce soit... ?

Quel meilleur premier roman que celui dressant une splendide ode au roman ? Si (re)lire le premier des deux « romans romanesques » (avec « Romance ») de Camille Laurens à présent qu'il est sûr et certain qu'elle n'en fera plus jamais a quelque chose d'étrange et de perturbant, difficile de résister à la séduction mystérieuse de cet « Index » disposant déjà, en filigranes, nombre des obsessions de l'auteure (à tel point qu'on s'interroge : ce titre renvoie t'il à la construction alphabétique de l'ouvrage, ou bien s'agit-il d'un index figuratif, d'une carte de visite - somme toute ce que se doit d'être tout premier roman réussi ?). Avec bien sûr, en tête de liste, la question du rapport au réel, ici posée par le prisme d'une fiction distordue jusqu'au vertige. Que peuvent bien signifier les mots réalité et vérité dans une œuvre de littérature ?

Lectrice passionnée avant même d'être une auteure passionnante, Camille Laurens se défie de ces notions complexes de cette même écriture sensuelle et troublante qui atteindra son Zénith à l'aune des années 2000. Avec, au-delà de la question du Qui parle ? soulevée par un quatrième de couverture (pour une fois) remarquable, une autre question que chacun, un jour ou l'autre, a été amené à se poser : qui est ce démiurge inconnu qui nous écrit, nous touche, nous bouleverse et - parfois - change notre vie ? La réponse, laconique et évidente aux yeux de quiconque a déjà côtoyé de près un auteur, est livrée au terme de cet étonnant puzzle, quasi austerien par instants : mieux vaut ne pas chercher à savoir.

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