Cold Case, par Thom
Tandis que certains auteurs nous accompagnent toute notre vie, il arrive que d'autres s'éloignent de nous, comme de vieux amis qu'on a perdus de vue et qu'on est toujours content de revoir même si l'on a alors l'impression qu'on n'a plus grand chose à se dire.
En des temps reculés où Le Golb et les Chats n'existaient même pas, Connelly était sans doute l'un des mes auteurs de polar favoris, aussi à l'aise dans le roman (très) noir (« The Black Echo ») que dans le procédural (« Angel's Flight ») ou le thriller pur et simple (« The Poet »). Sans doute à l'époque devinais-je déjà en lui toutes les caractéristiques requises pour devenir un mega-seller brossant à la chaîne des romans pop-corn à dévorer sur les plages - qu'importe : il y avait chez lui (et plus spécialement chez son personnage fétiche Harry Bosch) ce supplément d'âme faisant cruellement défaut au premier John Grisham venu (Grisham que j'aime plutôt bien, mais c'est une autre histoire). Traumatisé par le Vietnam, claustrophobe et passablement torturé, Bosch était un de ces héros black typiques qui vous prennent pas la main pour vous faire traverser les ténèbres. Chaque fois plus amoché par la vie, il revenait tous les deux ans pour affronter une nouvelle enquête encore plus sombre que la précédente, la surenchère guettait un peu parfois mais vraiment : les cinq premiers tomes de la série comptent assurément parmi ce que le polar US nous a offert de plus passionnant dans les années quatre-vingt dix.
C'est à partir des années deux mille que sont apparus les premiers signes du déclin, signes qui n'ont fait que s'accentuer avec le temps : incapable de mettre un terme à la carrière de Bosch alors même que ses romans sans lui sont pour la plupart excellents, Connelly en a fait progressivement un genre de Jack Bauer du pauvre, perdant de vue l'essentiel de ce qui faisait son charme - son extrême fragilité en tête. Redresseur de torts de plus en plus hanté par tout et n'importe quoi, Bosch a quitté la crim' en 2002 (après « City of Bones », dernière de ses « grandes » aventures), a été un peu détective privé, a réintégré la police, peut-être repartira-t-il dans quelques temps... dans le fond peu importe : voilà bien longtemps que ses enquêtes ne sont plus crédibles (un comble de la part d'une icône du polar procédural - division romanesque ultra-réaliste s'il en est). Désormais il semble espérer intégrer prochainement l'équipe de « Cold Case », c'est en tout cas l'impression qu'on a en notant avec une certaine stupéfaction que cet « Echo Park » est le cinquième volume consécutif le montrant rouvrant une affaire non classée (ou une affaire mal classée ou une affaire bien classée cachant une affaire en passe de l'être). Ce qui était assez peu probable dans le précédent épisode (« The Narrows ») devient ici carrément risible (il n'y a pas assez de criminels en activité à Los Angeles ou quoi ?), si encore il s'agissait de la part de Connelly d'une évolution majeure dans son œuvre, de la naissance d'une nouvelle obsession (celle du passé)... mais non, pas vraiment. Du moins n'est-ce pas assez bien mis en scène pour être acceptable, Bosch passant surtout beaucoup de temps à se livrer à des interrogatoires dont les lecteurs habitués de ses aventures connaissent déjà trop bien la fin : mort, trahisons, mais Bosch va quand même s'en tirer. Peu importe que le cas échéant un condamné à mort avoue un crime non classé afin de retarder (sinon d'échapper à) l'exécution... tout ce qu'on voit, dans « Echo Park », c'est que le personnage de Bosch n'a plus évolué depuis quatre épisodes, bloqué en position dépressif-mélancolique-qui-écoute-du-jazz. Histoire de coller avec l'ère du temps Connelly, qu'on pourra difficilement suspecter de sympathie pour l'administration en place, a ajouté un plaidoyer anti-Bush suffisamment peu manichéen pour toucher le lecteur. Est-ce assez ? C'est au contraire trop peu. Et « Echo Park » de s'avaler sans déplaisir... mais sans plaisir non plus. Pour le supplément d'âme, il faudra relire « The Black Echo ».
Tandis que certains auteurs nous accompagnent toute notre vie, il arrive que d'autres s'éloignent de nous, comme de vieux amis qu'on a perdus de vue et qu'on est toujours content de revoir même si l'on a alors l'impression qu'on n'a plus grand chose à se dire.
En des temps reculés où Le Golb et les Chats n'existaient même pas, Connelly était sans doute l'un des mes auteurs de polar favoris, aussi à l'aise dans le roman (très) noir (« The Black Echo ») que dans le procédural (« Angel's Flight ») ou le thriller pur et simple (« The Poet »). Sans doute à l'époque devinais-je déjà en lui toutes les caractéristiques requises pour devenir un mega-seller brossant à la chaîne des romans pop-corn à dévorer sur les plages - qu'importe : il y avait chez lui (et plus spécialement chez son personnage fétiche Harry Bosch) ce supplément d'âme faisant cruellement défaut au premier John Grisham venu (Grisham que j'aime plutôt bien, mais c'est une autre histoire). Traumatisé par le Vietnam, claustrophobe et passablement torturé, Bosch était un de ces héros black typiques qui vous prennent pas la main pour vous faire traverser les ténèbres. Chaque fois plus amoché par la vie, il revenait tous les deux ans pour affronter une nouvelle enquête encore plus sombre que la précédente, la surenchère guettait un peu parfois mais vraiment : les cinq premiers tomes de la série comptent assurément parmi ce que le polar US nous a offert de plus passionnant dans les années quatre-vingt dix.
C'est à partir des années deux mille que sont apparus les premiers signes du déclin, signes qui n'ont fait que s'accentuer avec le temps : incapable de mettre un terme à la carrière de Bosch alors même que ses romans sans lui sont pour la plupart excellents, Connelly en a fait progressivement un genre de Jack Bauer du pauvre, perdant de vue l'essentiel de ce qui faisait son charme - son extrême fragilité en tête. Redresseur de torts de plus en plus hanté par tout et n'importe quoi, Bosch a quitté la crim' en 2002 (après « City of Bones », dernière de ses « grandes » aventures), a été un peu détective privé, a réintégré la police, peut-être repartira-t-il dans quelques temps... dans le fond peu importe : voilà bien longtemps que ses enquêtes ne sont plus crédibles (un comble de la part d'une icône du polar procédural - division romanesque ultra-réaliste s'il en est). Désormais il semble espérer intégrer prochainement l'équipe de « Cold Case », c'est en tout cas l'impression qu'on a en notant avec une certaine stupéfaction que cet « Echo Park » est le cinquième volume consécutif le montrant rouvrant une affaire non classée (ou une affaire mal classée ou une affaire bien classée cachant une affaire en passe de l'être). Ce qui était assez peu probable dans le précédent épisode (« The Narrows ») devient ici carrément risible (il n'y a pas assez de criminels en activité à Los Angeles ou quoi ?), si encore il s'agissait de la part de Connelly d'une évolution majeure dans son œuvre, de la naissance d'une nouvelle obsession (celle du passé)... mais non, pas vraiment. Du moins n'est-ce pas assez bien mis en scène pour être acceptable, Bosch passant surtout beaucoup de temps à se livrer à des interrogatoires dont les lecteurs habitués de ses aventures connaissent déjà trop bien la fin : mort, trahisons, mais Bosch va quand même s'en tirer. Peu importe que le cas échéant un condamné à mort avoue un crime non classé afin de retarder (sinon d'échapper à) l'exécution... tout ce qu'on voit, dans « Echo Park », c'est que le personnage de Bosch n'a plus évolué depuis quatre épisodes, bloqué en position dépressif-mélancolique-qui-écoute-du-jazz. Histoire de coller avec l'ère du temps Connelly, qu'on pourra difficilement suspecter de sympathie pour l'administration en place, a ajouté un plaidoyer anti-Bush suffisamment peu manichéen pour toucher le lecteur. Est-ce assez ? C'est au contraire trop peu. Et « Echo Park » de s'avaler sans déplaisir... mais sans plaisir non plus. Pour le supplément d'âme, il faudra relire « The Black Echo ».
J'ai lu pas de polars de Connely dans la série "Bosh", mais j'avoue que j'ai décroché après 5 ou 6 volumes. Mon préféré a été sans aucun doute le Poète...
RépondreSupprimerje viens de le lire. Je partage un peu ta déception; il faut dire que Le Poète et les Égouts de Los Angeles sont tellement bien qu'il sera difficile pour Connelly de jamais faire mieux.
RépondreSupprimerPar contre, je te trouve d'une mauvaise foi terrible ! ;-) Pourquoi es-tu stupéfait que Harry rouvre une enquête alors qu'il est précisément affecté au service des enquêtes non résolues? :-/ (et dans The Narrows, il était déjà dans ce service. C'est désormais son job : résoudre des affaires non-classées. ;) ).
Bah parce que ça fait cinq volumes qu'il le fait, et qu'il le faisait déjà bien avant.
RépondreSupprimerDe toute façon Connelly surfe bêtement sur la mode des séries (le volume d'après est largement inspiré par... 24)...