samedi 22 novembre 2008

"Samedi" - Ian McEwan

De l'art de faire de l'extraordinaire avec -presque- rien, par Yohan.


Ne connaissant d’aucune manière Ian McEwan, j’ai lu ce roman pour connaître d’un peu plus près l’Aristochat du moment. J’ai donc choisi, pour découvrir cet auteur, de lire son roman Samedi.
Samedi narre l’histoire d’un samedi presque ordinaire dans la vie de Henry Perowne. Neurochirurgien, il profite de sa journée de repos pour faire du squash avec un collègue, pour rendre à sa mère dans la maison de retraite, et surtout pour recevoir sa fille et son beau-père qui viennent passer quelque temps à Londres. Mais ce samedi banal prend une tournure assez étrange : une insomnie perturbe son sommeil, et Henry croit au crash d’un avion en feu dans le ciel londonien. Puis il y a cette manifestation contre la guerre en Irak, qui aura des conséquences inattendues pour sa voiture. Bref, un samedi presque banal, qui prend des allures inattendues…

Le premier élément qui frappe à la fin de la lecture de ce roman est l’action : il n’y en a pas, ou très peu. L’action se déroule sur une seule journée (ce fameux samedi de 2003, jour de la manifestation londonienne contre la guerre en Irak), et les 360 pages racontent cette journée. Mais s’il ne se passe rien ou pas grand-chose, ce n’est pas pour autant que ce roman est inintéressant, loin de là. Car il y a beaucoup d’événements, minimes, qui jalonnent cette histoire : le moment où Henry assiste à la répétition du groupe de son fils, la partie de squash, l’accrochage en voiture,…. Surtout, il y a cette irruption de l’extérieur dans le cocon familial, qui rompt la magie des retrouvailles familiales.
Mais le grand mérite de McEwan est surtout de faire ressentir l’extraordinaire de cette journée par des détails et par des descriptions pointues (voire pointilleuses). Cet avion qui descend avec un réacteur en feu au dessus des immeubles est le premier élément perturbateur du récit. Henry, à partir de ce détail, imagine des scénarii catastrophiques, alors que la réalité est bien plus prosaïque. Pourtant, les premières informations relayées par les média semblent lui donner raison…
Par la suite, beaucoup de détails mettent en exergue ces perturbations, et la montée de la colère voire de l’énervement et de la violence qui peut en résulter. La description en longueur de la partie de squash est très révélatrice de cette tension qu’arrive à instiller McEwan, sans utiliser d’artifices romanesques extravagants.
La description de cette journée « extraordinaire », mêlée à celle de l’histoire familiale alambiquée, notamment avec John Grammaticus, le beau-père, poète reconnu et reclus dans le sud de la France, crée une ambiance à la fois familière et insolite. Les activités sont celles d’un samedi classique, mais quelques détails en font ressortir la violence.

Si ce roman n’est pas un vrai coup de cœur, il vaut le détour pour le travail de McEwan, qui instaure une ambiance qui tient sur des détails et tient le lecteur en haleine pendant plus de 300 pages. De plus, ce roman en prise avec l’actualité permet à l’auteur d’avoir un œil très critique vis-à-vis du traitement de l’information, et fait ressentir les conséquences sur les individus du terrorisme et du 11 septembre. Il faudra que je poursuivre la lecture des œuvres de McEwan pour asseoir mon avis sur cet auteur.

Lire aussi les avis de Thom et Zaph

3 commentaires:

  1. J'ai dû abandonner la lecture de "Samedi" parce que je n'ai pas réussi à accrocher à ce non-récit justement... Le talent de l'Aristo est toujours présent cependant!

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  2. Je me suis longtemps demandé quand le récit allait se lancer, mais je me suis laissé porter par l'écriture de McEwan, et par tous ces détails qui au final racontent une histoire.

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  3. Oui, on attend qu'il se passe quelque chose... et il finit effectivement par se passer quelque chose, mais l'important du livre n'est probablement pas dans ce climax, mais dans tous ces petits évènement antérieurs qui s'imbriquent les uns dans les autres et finissent par brosser un tableau finalement assez convainquant de la vie de Perowne.

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