Honni Chat qui mal y pense, par Zaph
Fintan a douze ans lorsqu'il embarque avec sa mère Maou pour l'Afrique. Ils vont retrouver le père de Fintan, Geoffroy, un illuminé passionné de mythologie africaine, parti depuis plusieurs années déjà. Fintan et Maou vont avoir beaucoup de difficulté à se situer entre le mileu colonial britannique ultra-conformiste et les africains si incompréhensibles, pendant que Geoffroy se partage entre ses recherches et son travail pour une compagnie commerciale.
Ça, pour sûr, c'est poétique. D'abord, le Clézio écrit remarquablement bien. Ensuite, il réussit à créer une atmosphère africaine prenante, qu'elle soit réelle ou imaginaire. La chaleur écrasante, aveuglante, la langueur (un brin monotone, comme toutes les langueurs), la folie, le délire causé par la fièvre paludique, tout cela dessine une ambiance qui vous capture. Il semble que les trois personnages principaux du roman délirent un peu. Ou alors, disons qu'ils rêvent éveillés, ils vivent dans une autre réalité, chacun dans la sienne. On ressent une grande solitude chez ces personnages, accrochés à leur rêve comme à le seule source d'espoir.
Le problème, c'est cet isolement n'est pas vraiment franchissable pour le lecteur non plus. On a du mal à entrer dans leur rêve, fait de légendes et de mythologies à demi exprimées. On se demande à quoi rime toute cette histoire, ces personnages partis (chercher quoi au juste ?) puis revenus en ayant perdu plus que trouvé. Il semble que quand on doit abandonner son rêve, on a tout perdu. Mais le rêve lui-même n'était que substance intangible ; alors, il n'y aurait que le néant ?
J'ai eu une drôle d'impression en lisant ce livre où tout se dérobe au regard. J'ai été pris par l'ambiance et par le style tout en restant étrangement détaché.
Ce n'est pas facile de rêver le rêve de quelqu'un d'autre.
...
Je n'ai encore jamais lu de Le Clézio mais d'après le portrait que j'ai lu de lui dans le dernier numéro de Lire, les ambiances de ses livres sont beaucoup plus importantes que le propos en lui-même! Et apparemment, c'est plutôt bien réussi pour celui-ci.
RépondreSupprimerExactement ! :-)
RépondreSupprimerCa c'est un propos qui me touche vraiment et je vais retenir ce titre. Souvent, quand l'on fait quelque chose, il doit y avoir une raison.Rationelle. Je vais en Afrique pour faire de l'archéologie, étudier la faune, travailler dans une ONG ... Ceux qui veulent d'ailleurs travailler dans une ONG se retrouvent souvent face à la question: pourquoi là-bas alors qu'il y a de quoi faire chez soi? Et bien peut-être, parce que c'est là-bas. Parce que, avec la meilleure volonté du monde, l'ONG est parfois (souvent) un prétexte. Et expliquer pourquoi est impossible. Suivre un rêve.
RépondreSupprimerMais alors suivre un rêve veut aussi dire, le confronter à la réalité, et c'est souvent décevant, voir blessant. Ou enrichissant, ce n'est pas toujours négatif bien sûr.
Je comprends de ton commentaire (car je n'ai pas lu le livre) cette confrontation: attirance, répulsion, rêve-réalité. Je le vis personnellement, puisque partir, c'est ce que je fais de mieux, mais que je ne saiss toujours pas pourquoi je le fais :-)
D'un coup je comprends mieux pourquoi "JMG" le Clézio et non pas son nom complet...
RépondreSupprimerC'est très touchant ce que tu dis Mbu... et tellement vrai...
RépondreSupprimerOui, Mbu, c'est vrai, et je respecte totalement cela.
RépondreSupprimerMais ce qui n'est pas facile, justement, c'est de faire partager son rêve, ou d'entrer dans le rêve d'un autre, et c'est la barrière à laquelle se heurte ce livre ; du moins, à mon humble avis !
Oui, c'est juste. Il faudrait vraiment que je le lise. C'est rigolo, il y avait une conférence sur Le Clézio samedi, sur le campus mais c'était en chinois :-(
RépondreSupprimerN'empêche, ça veut certainement dire que je peux trouver le bouquin facilement :-)
Vivre le rêve, c'est ce que tout le monde fait en tout instant. Ne pas le vivre, c'est ce que personne n'a su faire.
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