mardi 18 novembre 2008

"L'archer du pont de l'Alma" - Hervé Algalarrondo

A son esprit défendant par Lhisbei


Mon corps vient de prendre le contrôle. C’est lui qui a décidé d’acheter et de lire ce livre. Ma bouche n’a pas sollicité mon consentement pour demander au libraire : Vous avez « L’archer du pont de l’Alma » s’il vous plait ? Bien sûr Madame. Mes mains n’ont pas eu besoin de réfléchir au code de la carte bleue. Et mes jambes m’ont ramené chez moi, m’ont fait asseoir confortablement pour que mes yeux fassent ce qu’ils savent faire le mieux : lire. Et ce sont à nouveau mes mains qui pianotent maintenant sur le clavier, sans me demander mon avis. Mon corps a pris le pouvoir. Il a fait sa révolution. Heureusement qu’il n’a pas coupé de tête (merci mon corps). Le coup d’état s’est fait en douceur. Pas comme pour le personnage du roman. A l’age de 35 ans son corps a décidé de n’en faire qu’à sa tête. Enfant turbulent, son pouce a d’abord choisi de faire des séjours prolongés dans sa bouche. Puis, à l’adolescence, la rébellion s’est confirmée : il a commencé à fumer, à draguer tout ce qui portait jupon (mais pas que) poussant le « héros » de cette histoire à l’adultère. Puis l’âge de la maturité est venu : le corps s’est mis à faire du sport avec une prédilection pour le tir à l’arc, à s’entretenir et la gaucherie a fait place à la souplesse. Le corps s’est accompli sous le regard médusé d’un homme dont la vie se délitait au fur et à mesure des nouvelles envies de ce corps trop entreprenant. Un homme qui n’y comprend rien et qui finit par abdiquer jusqu’à se retrouver sous le pont de l’Alma, un arc bandé, une flèche à décocher …

L’archer du pont de l’Alma » est un roman un peu décalé. Une dose de réalisme pour ancrer l’histoire dans le monde contemporain et amener le lecteur à y croire : le personnage principal pourrait être le français moyen, marié, bon père de famille, un boulot stable quoique peu courant, parfaitement intégré à la société. Une pointe de fantastique, ici un corps qui prend le pouvoir, développe sa propre identité tout en dépossédant notre héros de lui-même. Une touche de policier : un meurtre, une enquête, un jeu du chat et de la souris. Le tout agrémenté d’un soupçon de suspens : mais comment cela finira-t-il ? Le récit est à la première personne du singulier : le « héros » est, comme le lecteur, plus spectateur qu’acteur et la complicité s’installe. De ce corps rebelle qui mène la danse, les motivations resteront toujours inconnues. La fin, mâtinée d’un trait de cynisme, est à la hauteur du récit qui précède.
C’est un coup de cœur de mon corps. Ma tête approuve. J’en suis heureuse car qui peut savoir le sort qu’il m’aurait réservé dans le cas contraire…




5 commentaires:

  1. Donc c'est un livre qui ne plaira pas à ceux qui ont encore l'illusion de garder le contrôle...?

    RépondreSupprimer
  2. Tu peux féliciter ton corps pour cette chouette critique ;-)

    RépondreSupprimer
  3. Une belle critique qui donne envie de se précipiter dans une librairie... Ça m'intrigue beaucoup!

    RépondreSupprimer
  4. Mbu : c'est un livre qui plaira aussi à ceux qui ont un corps assez futé pour laisser croire au cerveau qu'il a le contrôle ;-)

    Zaph : mon corps de te remercie oh quand je pense aux possibles interprétations de cette phrase... ;-)

    Sandrounette : si ça te tente je peux te l'envoyer ... :-)

    RépondreSupprimer
  5. Une bonne lecture, en effet, fort bien fichue et intelligente. J'en avais parlé chez moi, et suis à présent heureux de découvrir que je ne suis pas le seul à l'avoir évoquée!

    http://fattorius.over-blog.com/article-21286553.html

    RépondreSupprimer