Critique ovni d'un livre ovni sur un poète ovni, par Ananke
Voilà trois semaines que je tourne autour de cette chronique. Je tournais déjà autour avant de lire le livre dont je voudrais vous parler. Ce n’est pas une figure de style. J’avais déjà lu « Rimbaud le fils », il m’est retombé dessus à l’occasion du rangement de ma bibliothèque ; je l’ai alors mis de côté avec l’idée de le relire puis de rédiger à votre intention une petite chronique. Je n’y arrive pas du tout. Ça résiste comme jamais et je sais très bien pourquoi. Ça résiste dès l’entrée, au moment de présenter de quel genre de livre il s’agit. Le plus simple serait peut-être de dire : « Pierre Michon parle de Rimbaud ». Voilà. C’est parfaitement plat mais tout à fait exact. On est à peine au-dessus du « C’est un livre peu épais constitué de mots imprimés sur du papier les uns à la suite des autres. », qui est vrai aussi. On est donc plutôt dans la biographie, mais aussi dans l’essai, à ceci près qu’on chercherait en vain dans le livre une chronique minutieuse de la vie de Rimbaud, pas plus qu’on y trouvera l’argumentation d’une thèse. Curieusement, la porte d’entrée choisie par l’auteur n’est pas celle des textes de cet autre auteur mais le recueil des photos associées à Rimbaud. On ne les verra pas non plus. C’est donc bien en position d’observateur que se situe Pierre Michon, comme le dit adroitement J. Michel Maulpoix, parlant de ce même livre sur son blog. C’est le terme le plus proche de celui que je ne trouverai pas. Observateur dit bien le face à face qu’entretient l’auteur avec la galerie de portrait, parents, proches et celui de ce diable de gamin, mais observateur laisse entendre je ne sais quoi d’objectif, de distancié, quand la position qu’adopte Pierre Michon est exactement à l’opposée. C’est peu dire qu’il est engagé dans ce qu’il observe. Par ailleurs, mais on devrait commencer à le comprendre, son discours n’est en rien guidé par une méthodologie scientifique et universitaire. Il use de ses armes d’auteur, de sa sensibilité, de sa langue, de son écriture et de son imagination, qui serait à comprendre là non pas comme la faculté d’inventer, mais celle de voir ce qui n’est que suggéré, de lire ce qui est écrit sur les traits des visages. De Pierre Michon, vous ne savez probablement rien, perso je n’ai lu que ce « Rimbaud le fils ». Il porte un nom dont la banalité parait presque étudiée et sa photo montre le visage de Monsieur Toutlemonde. C’est peu dire qu’il est tout entier dans son écriture. Parce qu’alors là : accrochez vos ceintures ! Le volume du livre peut faire illusion, mais nous sommes décidément dans le paradoxe, alors allons y gaiement ; il ne comporte que 109 pages numérotées dans mon édition poche chez Folio. Ça m’étonnerait pourtant que vous puissiez le lire en une fois. C’est trop fort. Perso, ça ne m’était arrivé qu’avec « La nuit du renard » de Mary Higgins Clark. Le suspens m’avait mis dans une telle tension qu’elle s’était traduite par un besoin irrépressible d’aller courir un peu (et de piller le frigo au passage) avant d’y revenir. Là, surtout au début (au fil du texte on s’accoutume un peu), j’ai été obligé de m’arracher avant que quelque chose pète. Parce que le mot juste, celui qui rend le mieux compte du ton employé par l’auteur pour dire Rimbaud, ce mot n’est pas difficile à trouver. Celui là au moins, je l’ai. C’est la rage. Ce n’est pas la plume qu’il prend, le Pierre Michon, c’est le coup de boule, la nitro. Pas pour détruire, juste pour essayer de sauver sa vie. La tentative est absolument sans espoir, et l’auteur le sait : Rimbaud en a bouffé d’autres (à commencer par lui). Mais la tentative et le combat sont beaux, d’autant que la langue, l’écriture et la vision de l’auteur sont impressionnantes ; d’une force peu commune. Vous lirez donc comme moi « Rimbaud le fils » de Pierre Michon, et vous en sortirez peut-être comme moi désespérés, mais au moins, vous aurez été prévenus.
Moi, j'adore cette critique ovni :)
RépondreSupprimerRien que pour avoir réussi à citer Michon et Higgins Clark dans le même article, je crois que tu mérites le titre de Chat du Mois ;)
RépondreSupprimer(Merci Zaph)
RépondreSupprimerTiens ? j'ignorais qu'il y eut une compêt en cours pour réussir à rapprocher des auteurs que tout sépare, mais je suis très content de l'avoir momentanément gagnée "à l'insu de mon plein gré".
Momentanément, oui... parce qu'à mon avis mon étude : "Marc Levy, héritier caché d'Emile Zola" va complètement changer la donne (sinon carrément la face de la littérature) :D
RépondreSupprimerJ'en accepte l'augure. Ovni soit qui mal y pense ! (Où s'inscrit-on pour le concours du commentaire le plus chelou ? lol !)
RépondreSupprimer(en fait on est automatiquement inscrit quand on adhère aux Chats)
RépondreSupprimer(tu ne pensais quand même pas que Zaph était comme ça quand on l'a rencontré ? ;-)
pas juste, moi je suis capable d'écrire des articles chelous de 4 lignes mais paraît qu'il en faut 15, snif.
RépondreSupprimerbien tenté de lire ce livre en tous cas Ananke à la lecture de ton avis argumenté : )
En effet, je pense qu'il peut te plaire. Il y a un portrait de "mère" particulièrement gratiné.
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