dimanche 10 août 2008

"L'archipel du goulag" - Alexandre Soljenitsyne

Un enfer bien documenté, par Thom

Publié en 1973, « L'Archipel du Goulag » a en fait été terminé aux alentours de 1968 (à peu près en même temps que « Le premier cercle », donc), mais pour des raisons personnelles et morales l'auteur va d'abord destiner son énorme manuscrit à un vieux tiroir. Son idée était de ne publier ce livre, qui contient un nombre considérable de témoignages de prisonniers des goulags, uniquement une fois tous les protagonistes morts. Mais il semble que l'histoire en ait décidé autrement :

…à présent que la Sécurité d'Etat s'est emparée de ce livre, il ne me reste rien d'autre à faire que de le publier sans délai.

« L'Archipel du Goulag », donc, n'est pas un roman. Soljénitstyne reste Soljénitsyne, à savoir un écrivain au style surpuissant, mais en l'occurrence la structure du récit n'est pas vraiment narrative et d'ailleurs, le texte est sous-titré : essai d'investigation littéraire.

Une formule qui, pour n'en être pas moins un peu abscons de prime abord, se révèle parfaitement adéquate : les deux tomes de cette œuvre considérable sont en effet bâtis sur le mode du reportage, voir même du documentaire. Et l'auteur d'alterner ses propres souvenirs du goulag avec ceux de 227 autres détenus qui ont accepté de témoigner devant lui sous couvert d'anonymat.

Ainsi donc, durant prêt de neuf cent pages, Soljénitsyne s'applique à démanteler avec une minutie presque effrayante le fonctionnement d'un régime concentrationnaire d'une rare barbarie. Pas de complaisance, mais un souci du détail qui confine à l'horreur, avec, comme dans ses romans (mais avec autrement plus de force), une mise en parallèle permanente de la chaleur humaine entre les prisonniers face à la froideur mécanique d'un système institué et dirigé comme une administration.

Le constat est redoutable, mais le plus effrayant n'est pas là. Le plus effrayant, c'est que ces livres sont sortis en France en 1974. Durant combien d'années encore par la suite le régime soviétique a t'il continué à être cautionné par nombre de responsables politiques et nombre d'intellectuels ? On en ressort absolument sidéré.

Il s'agit bien sûr d'un exercice totalement différent de ceux auxquels l'auteur s'est livré au long de ses romans. On ne vibre pas autant à la lecture de « L'Archipel du Goulag » (ou en tout cas on ne vibre pas de la même manière), car ce n'est tout simplement pas le propos. Mais on apprend infiniment plus de choses…


2 commentaires:

  1. C'est pas le moment de faire de l'humour, sinon je dirais que l'idée de Thom était de ne publier son article qu'une fois le protagoniste mort. :-/

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  2. Oui enfin bon... il a paru sur Le Golb il y a plus de deux ans ;-)

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