mardi 8 juillet 2008

"Vie et mort de la jeune fille blonde" - Philippe Jaenada

Message personnel, par Livrovore

Monsieur Jaenada,

Je viens de vous découvrir avec « Vie et mort de la jeune fille blonde ».

Alors, c'est bien joli de raconter l'expérience d'un célibataire de quarante ans, un peu déprimé, qui entend parler lors d'un dîner d'une fille qu'il aurait connu adolescent, et qui veut absolument la retrouver.
C'est bien joli, mais vous m'avez causé des désagréments.

D'abord, en lisant le soir, j'étais tellement secouée de rire que le lit bougeait, et Monsieur Livrovore ne pouvait plus étudier tranquillement la notice de notre nouveau radio-réveil-qui-donne-la-météo. Du coup, je crois qu'il a cru que je devenais folle (Monsieur Livrovore, pas le radio-réveil).
Ensuite, dans la salle d'attente de mon kiné, j'ai attrapé un mal de gorge à vouloir retenir mes éclats de rire pour ne point paraître ridicule. Très franchement, il y a bien longtemps que je n'avais pas autant ri en lisant un livre, mais, Monsieur Jaenada, j'espère que vous en mesurez les conséquences.

D'autre part, en tergiversant, en vous éloignant dans des anecdotes hilarantes qui durent des pages, vous m'avez détourné l'attention du sujet principal, et la réflexion de la fin m'a pris aux tripes sans avoir eu le temps de m'y préparer. Je ne m'attendais plus à réfléchir, et puis voilà, d'un coup, j'ai été très attendrie par le personnage, par ses préoccupations sur le passé, le présent, sur le fait qu'il faut faire face au temps qui passe et au vieillissement qui nous guette. Que certaines expériences sont nécessaires, nous permettent de tourner la page et de « grandir ».

Alors, j'ai entendu dire par-ci par-là que ce roman n'est pas votre meilleur cru, et bien dites-moi, il ne me reste plus qu'à me jeter sur les autres !

J'ai adoré « Vie et mort de la jeune fille blonde », vous m'avez touchée, vous m'avez réjouie, je n'ai donc plus qu'une chose à dire : à bientôt, Monsieur Jaenada.


La madeleine et l'élastique, par Zaph

Ce qui serait vraiment génial, par exemple, c'est que Livrovore lise aussi ce bouquin et en fasse le résumé (Merci, Livro, t'es un ange). En échange, moi, je me charge de raconter des conneries qui n'ont rien à voir avec le bouquin.

(NDLR : raté !)


D'abord, en lisant certains commentaires sur ce livre, je me suis dit: "zut alors, pour mon deuxième Jaenada, j'ai commandé (totalement au hasard) le moins bon".

Eh bien moi, après lecture, je vous dit tout de suite que je ne l'ai pas trouvé tellement moins bon que "Le cosmonaute".
Certes, ce dernier va probablement plus au fond des choses, alors que celui-ci affiche moins d'ambition, effleure plus, garde une certaine distance. Mais c'est normal, puisque les thèmes sont différents. Ici, il s'agit de la relation complexe qu'on peut entretenir avec le passé, et ce récit est donc comme légèrement estompé par le voile de la mémoire (ça ne veut rien dire, mais je pense que j'ai trouvé un expression assez jolie, non?).

Je trouve l'auteur très bon pour décrire des moments ou des situations où s'opère un glissement de la réalité, le passage vers une autre "dimension". Dans "Le cosmonaute", le héros vivait perpétuellement en décalage; il était carrément passé de l'autre côté du miroir.
Ici, par le mécanisme du souvenir, le personnage est capable de voir ce qu'il y a de l'autre côté sans pour autant y basculer.

Ceci nous donne à penser que notre vie est en perpétuel équilibre instable, ou en perpétuel basculement, si on veut, et que si une petite chose avait été différente à un moment donné, les conséquences auraient pu être énormes.
Je suis très sensible à ce genre de conceptions, et je me mets très facilement dans la peau de ce type de personnage.
Ce roman éveillera sans doute un écho familier chez ceux qui ont déjà éprouvé la sensation d'être ramenés violemment en arrière par l'élastique du temps.
Mais si on peut être projeté en arrière, on ne peut pas ressusciter le passé. Voilà le point crucial du livre. Le passé est mort, comme la jeune fille blonde du titre. On ne peut en évoquer que des images, comme dans un miroir, aussi fortes et troublantes soient-elles.

Il se fait que le lien avec ces images de notre passé qui soudain nous rattrapent est une de mes obsessions. A tel point que j'ai même inventé une histoire récemment qui a quelques points communs avec celle de ce livre (oh, bien sûr, racontée 574.3 fois moins bien (j'ai calculé)).

Tiens! Une petite anecdote.
En lisant "la jeune fille blonde", j'ai été traîtreusement frappé d'un coup de madeleine de Proust. Oh, je n'ai pas été violemment tiré en arrière par le grand élastique de la vie, comme le narrateur, non, c'était juste un petit coup de madeleine bien molle qui m'a fait à peine reculer d'une heure.
Cela m'arrive très rarement, mais je lisais un autre livre en même temps que celui-ci. C'était "Les sirènes de Titan", de Kurt Vonnegut.
Eh bien, figurez-vous que je suis tombé, à une heure d'intervalle, donc, sur la même image dans les deux bouquins!
A la page 188 du Jaenada (éditions "livre de poche"), on trouve:
"...deux pauvres naufragés muets, appuyés sur le comptoir, qui regardaient au dessus de leurs verres les bouteilles alignées en face d'eux..."

A la page 98 du Vonnegut (présence du futur), on trouve:
"... ce n'étaient que deux pauvres types bien moyens, au bout de leur route. Bien calés sur leur tabouret, ils regardaient droit devant eux les rangées de bouteilles."

En plus, les deux auteurs me semblent avoir comme point commun d'être intrigués (pour ne pas dire 'obsédé', dans le cas de Kurt) par les coïncidences inexpliquées de la vie, ce qui donne toute sa signification à cette petite anecdote.

Enfin, je me dois de dire que certains passages m'ont vraiment bien fait rigoler, dans ce livre. Alors, je le recommande chaudement.

Lily, tu disais que Jaenada était ton écrivain français vivant préféré?
Est-ce que tu m'acceptes dans ton club?

7 commentaires:

  1. Nous n'avons vraiment pas fait la même lecture du livre ! Enfin si, bien sûr, tout ce que tu dis, Zaph, est dedans... mais moi ça m'a semblé vraiment trop effleuré...

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  2. Alors, Livrovore : on drague carrément Monsieur Jaenada, dans la critique ? Tu aurais pu avoir la pudeur d'attendre l'interview...

    ;)

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  3. Laiezza> c'est que je voulais être la 1ère sur le coup ;-)

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  4. J'aime beaucoup ta critique, Livro

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  5. Et moi la tienne, mon Zaphounet !

    (pas de jaloux)

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  6. ... et j'en ai aussi parlé - lecture délicieuse, en effet.

    http://fattorius.over-blog.com/article-20599199.html

    Heureux par ailleurs de découvrir qu'il y a des amateurs: comme j'ai cru comprendre, Jaenada, on aime ou on déteste.

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