Descends, Philippe ! par Laïezza
Depuis quelques temps, Philippe Djian est devenu tellement productif que certains de ses livres sont passés à l'as, à peine sortis. C'est le cas de "Frictions", qui pourtant me semble marquer un tournant important dans son travail.
Quelques mois après avoir payé son "Ardoise" aux auteurs qui l'ont formé, Djian publiait donc ce roman singulier, ouvrant un nouveau chapitre de sa carrière littéraire, même si on ne pouvait pas encore le savoir à ce moment là. Mais depuis, il a écrit je crois sept romans (dont six Doggy Bags)... qui ont pour trait commun d'être des "fictions totales" Or, "Frictions", serait son dernier roman à contenir de rares éléments autobiographiques.
La mue fut longue, et surement douloureuse ; "Frictions" en est l'aboutissement. Une oeuvre ambitieuse, complexe... Un livre qui, bien que frappé de la mention roman, hésite en permanence entre ce genre, le récit et la nouvelle. A la manière de "Descends, Moïse", de William Faulkner, difficile de décider si "Frictions" est un court roman en cinq parties, ou bien cinq nouvelles s'emboitant les unes dans les autres, et se répondant entre elles. La comparaison avec le classique de Faulkner s'arrête là, car ce n'est pas le propos : dans la mesure où Djian est un fan avéré de l'auteur américain, il me semble inconcevable qu'il n'ait pas pensé à "Descends, Moïse", au moment de se lancer dans ce projet ; néanmoins, je trouve qu'il a réussi à affiner le concept, et à s'éloigner de l'écrasant modèle, avec un tact remarquable.
De quoi parle "Frictions" ?
De beaucoup de choses. D'un homme, de sa mère, et des rapports qu'ils entretiennent. Mais plutôt que de dresser une longue étude de caractères, Djian a choisi le parti de la séquence, en décomposant son livre en cinq parties qui sont autant de flashes dans la vie de cet homme. Des moments parfois séparés de très nombreuses années, qui ne sont pas forcément des moments cruciaux, mais simplement des moments ayant pour dénominateur commun de mettre en scène la mère et de sous-entendre l'évolution de leurs relations. Le projet était risqué. D'ailleurs, je n'y croyais pas vraiment en commençant ma lecture : autant j'apprécie cet auteur, autant je n'ai jamais été convaincue par sa manière d'étudier des caractères autres que le sien. Quelle surprise de voir que non seulement il est parvenu à ce que son entreprise tienne la route, mais a peut-être même écrire son livre le plus drôle, le plus fort !
"Frictions" est un livre d'une grande subtilité, et Philippe Djian a su exploiter à fond son idée : finalement, on se rend compte que toute la force du livre est dans le "non-dit", pour les personnages, comme pour le lecteur. Ou bien, si vous préférez, dans toutes les parties qui ne sont pas racontées. Celles qui sont en suspens, dans une zone invisible séparant chaque chapitre- récit. Remarquable ! Osé, mais remarquable. Ainsi, pour la première fois depuis ses débuts, l'auteur de "37°2" est parvenu à publier un grand livre, plus uniquement en terme d'écriture, mais aussi en terme de concept. Pas étonnant qu'il se colle au très conceptuel "Doggy Bag" (que je n'ai pas lu), juste après...
Quelques mois après avoir payé son "Ardoise" aux auteurs qui l'ont formé, Djian publiait donc ce roman singulier, ouvrant un nouveau chapitre de sa carrière littéraire, même si on ne pouvait pas encore le savoir à ce moment là. Mais depuis, il a écrit je crois sept romans (dont six Doggy Bags)... qui ont pour trait commun d'être des "fictions totales" Or, "Frictions", serait son dernier roman à contenir de rares éléments autobiographiques.
La mue fut longue, et surement douloureuse ; "Frictions" en est l'aboutissement. Une oeuvre ambitieuse, complexe... Un livre qui, bien que frappé de la mention roman, hésite en permanence entre ce genre, le récit et la nouvelle. A la manière de "Descends, Moïse", de William Faulkner, difficile de décider si "Frictions" est un court roman en cinq parties, ou bien cinq nouvelles s'emboitant les unes dans les autres, et se répondant entre elles. La comparaison avec le classique de Faulkner s'arrête là, car ce n'est pas le propos : dans la mesure où Djian est un fan avéré de l'auteur américain, il me semble inconcevable qu'il n'ait pas pensé à "Descends, Moïse", au moment de se lancer dans ce projet ; néanmoins, je trouve qu'il a réussi à affiner le concept, et à s'éloigner de l'écrasant modèle, avec un tact remarquable.
De quoi parle "Frictions" ?
De beaucoup de choses. D'un homme, de sa mère, et des rapports qu'ils entretiennent. Mais plutôt que de dresser une longue étude de caractères, Djian a choisi le parti de la séquence, en décomposant son livre en cinq parties qui sont autant de flashes dans la vie de cet homme. Des moments parfois séparés de très nombreuses années, qui ne sont pas forcément des moments cruciaux, mais simplement des moments ayant pour dénominateur commun de mettre en scène la mère et de sous-entendre l'évolution de leurs relations. Le projet était risqué. D'ailleurs, je n'y croyais pas vraiment en commençant ma lecture : autant j'apprécie cet auteur, autant je n'ai jamais été convaincue par sa manière d'étudier des caractères autres que le sien. Quelle surprise de voir que non seulement il est parvenu à ce que son entreprise tienne la route, mais a peut-être même écrire son livre le plus drôle, le plus fort !
"Frictions" est un livre d'une grande subtilité, et Philippe Djian a su exploiter à fond son idée : finalement, on se rend compte que toute la force du livre est dans le "non-dit", pour les personnages, comme pour le lecteur. Ou bien, si vous préférez, dans toutes les parties qui ne sont pas racontées. Celles qui sont en suspens, dans une zone invisible séparant chaque chapitre- récit. Remarquable ! Osé, mais remarquable. Ainsi, pour la première fois depuis ses débuts, l'auteur de "37°2" est parvenu à publier un grand livre, plus uniquement en terme d'écriture, mais aussi en terme de concept. Pas étonnant qu'il se colle au très conceptuel "Doggy Bag" (que je n'ai pas lu), juste après...
oui
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