lundi 16 juin 2008

"Le cosmonaute" - Philippe Jaenada

Les histoires d'amour finissent mal, en général, par Laiezza

Des fois elles commencent mal, aussi. Et des fois encore, elles finissent bien, mais c'est quand même plus rare. L'histoire du "Cosmonaute" mélange à loisir ces trois propositions, avec discernement mais sans distinction, et voici un livre à la fois très réussi et très déroutant.

Il s'agit donc d'une histoire d'amour. Le narrateur, Hector, tombe amoureux de Pimprenelle, la fille dont rêve n'importe quel homme de base, c'est à dire qu'elle est drôle, insouciante, belle, pas con, et pourvue d'un appétit sexuel considérable. Où va se nicher le fantasme, chers lecteurs !! Evidemment, Hector va rapidement déchanter : la vie conjugale va passer par-là. Au quotidien, Pimprenelle va se révéler être un vrai tyran domestique, maniaque, obsessionnelle, jalouse, hystérique... En quelques pages, elle passe de la femme idéale au cauchemar ambulant, on peine à le croire, et surtout : on peine à comprendre qu'Hector puisse rester avec elle. Surtout que l'arrivée d'un bébé ne va rien arranger !

Certains y verront, c'est prévisible, un déficit de crédibilité. Mais justement, c'est exactement ici que Philippe Jaenada veut nous amener, c'est à dire : à nous demander pourquoi Hector reste. La morale de l'histoire, bien sûr, c'est que l'amour est quelque chose de fort, de puissant, et de complètement irrationnel. Que l'on ne décide pas d'aimer ou non les gens, que l'on est soumis, parfois (souvent), à des pulsions contraires, et que ce qui nous attire chez les gens n'est pas juste une liste de qualités sur un "C.V. affectif". De ce point de vue, le roman est réussi, tout en étant complètement raté. En effet, si l'idée est belle, si l'écriture est exceptionnelle, et la construction, impressionnante... Il m'a semblé que Philippe Jaenada allait trop loin, dans sa satire de la vie de couple. Qu'il tapait trop fort.
C'est à dire qu'en fait, je comprends, avec le recul, que certains aient offerts une lecture du livre si différente, et sûrement erronée (je pense). Parce que le personnage de Pimprenelle est si sombre, si dur et si insupportable, que le lecteur a quand même du mal à trouver en elle la part d'humanité justifiant qu'Hector reste. C'est un peu comme si elle avait été complètement "amputée" de tout ce qui était doux, chez elle, qu'on entrevoit au début et qui disparait très vite (trop vite, en fait, c'est peut-être le défaut du livre : on n'a pas le temps de s'y attacher). Du coup, en face, Hector ne passe pas, jamais, pour un amoureux qui dépasse les défauts (énormes) de celle qu'il aime ; mais plutôt pour un gros lâche, qui s'écrase et qui cède, et qui n'a pas le courage de se tirer. Cela, je suppose que ce n'était pas l'idée de l'auteur, au départ.

Alors, pour résumer, ce livre est une caricature très efficace, souvent très drôle même si certaines situations confinent au glauque. Le style de Jaenada est incroyable, il y a un ton très personnel, quelque chose de grandiose, dans ce livre. Mais pour être une vraie belle histoire d'amour, il manque quand même un peu de tendresse, de douceur, de ce qui fait l'amour, si vous voulez. Comme si, en voulant éviter à tout prix les effets secondaires (le pathos, la guimauve), l'auteur avait carrément zappé leurs principales causes.

8 commentaires:

  1. "certains aient offerts une lecture du livre si différente, et sûrement erronée"

    ...dites : est-ce que ça va me poursuivre toute ma vie, cette critique du "Cosmonaute" ? :-/ Oui, ok, j'ai été retourné comme une crêpe par un livre dont j'ai assez mal parlé, j'ai écrit une critique un peu à côté de la plaque et une fois dans mon existence mon légendaire esprit critique a été réduit en charpie par mon émotion...

    ...mais bon, ça prouve juste que je suis humain, vous n'êtes pas obligés de faire une allusion à ça à chaque fois que vous parlez du livre... :-)

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  2. Bah, c'est un peu comme la main de Maradona, ou les parenthèses de Jaenada. Faudra bien t'y faire!
    ;-)

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  3. J'ai attendu de finir ma critique pour lire la tienne. C'est drôle parce que je n'évoque même pas l'amour, dans ma critique. Tout m'a paru est tellement axé sur la folie de Pimprenelle que, bien qu'à la lecture, il est souvent question de l'amour que porte Hector à sa compagne, au moment de rédiger la critique, je n'y ai même plus pensé!
    Par contre, je me suis souvent fait la réflexion, effectivement, que cet Hector n'est qu'une chiffe molle!

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  4. Une chiffe molle...comme tu y vas !

    Je ne vais pas raconter ma vie (enfin... je l'ai déjà racontée dans ma chronique de ce livre, la fameuse "main de Dieu :)), mais j'ai vécu durant quatre ans avec une femme qui ressemblait pas mal à la Pimprenelle du livre. Je n'ai pas le sentiment, rétrospectivement, d'avoir été une chiffe molle. C'est tellement plus compliqué que ça. L'amour.

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  5. Ah, c'est intéressant!
    Je viens aussi de finir le livre et j'aurais envie de poster mon avis maintenant (mais on va attendre un peu, hein).
    En fait, c'est bien une question qu'on se pose: de la lâcheté ou du courage. Et je parie que l'auteur a voulu qu'on se la pose et la réponse n'est pas si évidente, quand on dépasse sa première réaction à chaud. Du moins, pas pour moi.
    Je crois aussi (et c'est la conclusion de ma critique, en fait), qu'on ressent ce livre très différemment si on a déjà vécu de près ce genre de comportement maladif.

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  6. Oui, c'est très ambigu. Surtout la fin. En tout cas c'est un livre vraiment intéressant, je trouve, à tout point de vue. Quoi qu'on en pense, je crois qu'il est de toute façon "marquant".

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  7. J'y suis peut-être allée un peu fort, effectivement, et je sais bien que cela n'est pas si simple.
    Ce n'est pas le fait qu'il reste, d'ailleurs, que je trouve "lâche", mais le fait qu'il en arrive à complètement s'oublier lui-même, à se refuser la moindre autonomie. Il en est malheureux, et il en vient à avoir des envies de meurtres à l'encontre de sa "belle"! Ca me donnait envie de le secouer (d'où le terme de "chiffe molle")..la preuve que c'est une lecture, en tous cas, qui ne laisse pas indifférent.

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  8. 4 lecteurs (et lectrices) et 4 sons de cloches différents, 4 façons intéressantes de recevoir le livre... ça ne m'inspire qu'un commentaire : l'auteur doit avoir du talent pour provoquer ça... :-)gglrjp

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