L'avis de Thom
La vie de personnage de roman n’est franchement pas marrante. Le narrateur antihéros de « Bleu poussière » pourrait en témoigner, qui en plus d’être affublé d’un patronyme bien difficile à porter (Ladislas) se retrouve catapulté au lendemain d’une cuite mémorable dans un monde qui n’est pas le sien, tout en lui ressemblant étrangement. Dans cette dimension semble t’il parallèle, le brave Ladislas n’existe tout simplement pas. Ou, plus précisément, il existe sous une autre identité : celle de Kaël Tallas (autant dire que s’il espérait se réincarner le corps d’un mec au nom moins ridicule c’est un foirage total). Seul et perdu au milieu de ce monde terrifiant et aseptisé (terrifiant parce qu’aseptisé !) il se lance à la recherche de l’identité de Tallas (la sienne ?) espérant ainsi pouvoir, peut-être, repartir chez lui…sans savoir qu’il vient (évidemment) de mettre le doigt dans un engrenage qui l’entraînera aux confins de lui-même…
Remarquable petit roman d’anticipation, « Bleu poussière » est tout à fait le genre de livre qu’on avale en quelques heures, de ces thrillers cauchemardesques et idéalement rythmés. C’est également (ce qui ne gâte rien) une réflexion habile (et horriblement incisive) sur notre société contemporaine de plus en plus répressive, clean et sans tache…le tout le monde il est beau n’est plus très loin, et Jennifer D. Richard le souligne avec d’autant plus de force qu’elle contourne habilement la tentation du didactisme à laquelle cèdent si souvent les auteurs SF…peut-être justement parce qu’elle n’est pas une auteure SF ! Autant le dire, puisque ça se voit : notre auteure ne s’encombre que rarement des clichés du roman d’anticipation, se montre plus inventive que les trois quarts de ses spécialistes (les cellules du rêve, tout de même, foutue trouvaille !) et puise sans complexe dans tous les genres (son roman revêtant par moments un côté thriller identitaire à la « The Bourne Indentity » voir à la « XIII » – ce qui est en fait pareil puisque « XIII » est inspiré du roman de Ludlum, enfin bref : on s’est compris). J’y ai même décelé à plusieurs reprises une veine burlesque assez charmante, puisque venant dédramatiser une intrigue au demeurant poisseuse et étouffante. Au final la thèse se rapproche plus de celles de Bruckner dans « L’Euphorie Perpétuelle » ou de l’univers flippant développé par Bowie dans 1.Outside : The Nathan Adler’s Diary que de l’inénarrable (et franchement soûlant) Orwell, ce qui n’est pas plus mal : les différents sens de lecture se complètent idéalement, laissant place aussi bien à une lecture ludique et divertissante qu’à une autre plus attentive et cérébrale…en gros, tous les types de lecteurs y trouveront leur compte. Je sais ce que vous vous dites : cette dernière assertion définit en fait tout bon roman qui se respecte. Que voulez-vous que je vous réponde ? Il semblerait qu’il n’y ait pas que des bons romans (ou bien alors qu’ils ne se respectent pas).
Du reste tout n’est bien sûr pas parfait dans « Bleu poussière », il serait idiot de prétendre le contraire. Un premier roman est un premier roman, on ne trouvera donc pas plus ou moins d’imperfections dans celui-ci que dans n’importe quel autre. Cependant, entre nous, vous savez vers quel monde on va à trop chercher la perfection à tout prix… ? …non ? Eh bien raison de plus pour lire « Bleu poussière », alors !
La vie de personnage de roman n’est franchement pas marrante. Le narrateur antihéros de « Bleu poussière » pourrait en témoigner, qui en plus d’être affublé d’un patronyme bien difficile à porter (Ladislas) se retrouve catapulté au lendemain d’une cuite mémorable dans un monde qui n’est pas le sien, tout en lui ressemblant étrangement. Dans cette dimension semble t’il parallèle, le brave Ladislas n’existe tout simplement pas. Ou, plus précisément, il existe sous une autre identité : celle de Kaël Tallas (autant dire que s’il espérait se réincarner le corps d’un mec au nom moins ridicule c’est un foirage total). Seul et perdu au milieu de ce monde terrifiant et aseptisé (terrifiant parce qu’aseptisé !) il se lance à la recherche de l’identité de Tallas (la sienne ?) espérant ainsi pouvoir, peut-être, repartir chez lui…sans savoir qu’il vient (évidemment) de mettre le doigt dans un engrenage qui l’entraînera aux confins de lui-même…
Remarquable petit roman d’anticipation, « Bleu poussière » est tout à fait le genre de livre qu’on avale en quelques heures, de ces thrillers cauchemardesques et idéalement rythmés. C’est également (ce qui ne gâte rien) une réflexion habile (et horriblement incisive) sur notre société contemporaine de plus en plus répressive, clean et sans tache…le tout le monde il est beau n’est plus très loin, et Jennifer D. Richard le souligne avec d’autant plus de force qu’elle contourne habilement la tentation du didactisme à laquelle cèdent si souvent les auteurs SF…peut-être justement parce qu’elle n’est pas une auteure SF ! Autant le dire, puisque ça se voit : notre auteure ne s’encombre que rarement des clichés du roman d’anticipation, se montre plus inventive que les trois quarts de ses spécialistes (les cellules du rêve, tout de même, foutue trouvaille !) et puise sans complexe dans tous les genres (son roman revêtant par moments un côté thriller identitaire à la « The Bourne Indentity » voir à la « XIII » – ce qui est en fait pareil puisque « XIII » est inspiré du roman de Ludlum, enfin bref : on s’est compris). J’y ai même décelé à plusieurs reprises une veine burlesque assez charmante, puisque venant dédramatiser une intrigue au demeurant poisseuse et étouffante. Au final la thèse se rapproche plus de celles de Bruckner dans « L’Euphorie Perpétuelle » ou de l’univers flippant développé par Bowie dans 1.Outside : The Nathan Adler’s Diary que de l’inénarrable (et franchement soûlant) Orwell, ce qui n’est pas plus mal : les différents sens de lecture se complètent idéalement, laissant place aussi bien à une lecture ludique et divertissante qu’à une autre plus attentive et cérébrale…en gros, tous les types de lecteurs y trouveront leur compte. Je sais ce que vous vous dites : cette dernière assertion définit en fait tout bon roman qui se respecte. Que voulez-vous que je vous réponde ? Il semblerait qu’il n’y ait pas que des bons romans (ou bien alors qu’ils ne se respectent pas).
Du reste tout n’est bien sûr pas parfait dans « Bleu poussière », il serait idiot de prétendre le contraire. Un premier roman est un premier roman, on ne trouvera donc pas plus ou moins d’imperfections dans celui-ci que dans n’importe quel autre. Cependant, entre nous, vous savez vers quel monde on va à trop chercher la perfection à tout prix… ? …non ? Eh bien raison de plus pour lire « Bleu poussière », alors !
L'avis de Laiezza
Il y a du bon et du moins, dans ce premier roman à la très belle couverture. Et, ce qui est très étonnant, c'est que ce que j'ai aimé dedans est tout ce que je n'ai jamais aimé ailleurs.
Etant, en général, très méfiante vis à vis de la science-fiction (qui doit être, de loin, le genre littéraire que j'aime le moins - pardon, Lhisbei), j'ai été assez surprise de me retrouver captée par l'histoire, et "enchantée" (le mot n'est pas trop fort) par l'imaginaire de l'auteur. Si l'idée de plonger un jeune homme ordinaire dans la peau d'un autre, au cœur d'un monde futuriste angoissant, n'a rien de très originale...J'ai trouvé la manière dont ce monde était développé tout à fait convaincante. Il s'agit d'ailleurs, si je me fie à mes informations, plus d'anticipation que de SF (c'est peut-être pour cela que ça m'a plu !). Donc, d'un monde très proche du nôtre, comme le nôtre, même, dont les menaces auraient été outrées pour le besoin de l'intrigue. Poussant le concept de politiquement correct jusqu'à l'extrême, l'auteur invente donc un univers régit par l'obligation d'être dans "L'Euphorie perpétuelle" (pour reprendre les mots de Pascal Bruckner). Idée remarquable, qui atteint son paroxysme avec l'usage des "cellules de rêve" (autrement dit : les endroits où l'on jette les malheureux, les dépressifs... Et les gens normaux, le plus souvent, car les gens normaux ne sont pas souvent heureux). La barbarie douce, séduisante ; engloutie sous le consensuel et les bonnes intentions.
Malheureusement, cette partie presque satirique ne constitue pas l'essentiel du livre, qui se résume surtout à une quête identitaire trop superficielle pour être touchante, et une intrigue de "thriller" aux ficelles épaisses comme des blagues de Bigard (j'exagère, mais je n'ai pas trouvé de comparaison !). Le grand final, surtout, est à la limite de la paresse, ou plutôt : il est assez mal amené, trop brutal, et si peu étoffé, qu'il passe pour un retournement à deux balles. Pourtant, dans son ensemble, "Bleu poussière" n'est pas complètement raté. Par exemple, il n'est pas dénué de rythme, ni d'humour, ce qui est toujours bon à prendre. Il manque surtout beaucoup de maturité, à l'image de ce style "djeuns" qui n'est pas nul, juste complètement décalé, par rapport à l'atmosphère générale, et qui manque un peu de souffle. Dommage, pour une fois que j'aimais bien quelques trucs SF !!
Ah, Laiezza, ton avis n'est pas assez euphorique.
RépondreSupprimerVa falloir faire un petit séjour en cellule de rêve!
:)
:)
RépondreSupprimerC'est quand même ennuyeux, de citer le même livre de Bruckner, que Thom, dans le même article :/
Tu crois que les gens vont soupçonner quelque chose ?? (non, je ne suis pas Madame Thom...) :D
C'est quand-même bête de divorcer à cause d'un bouquin. :-p
RépondreSupprimerArrête, les gens vont te croire...
RépondreSupprimerBen non, ça dérange pas. Ca rpouve seulement que vous avez des références communes! Et vos deux avis sont très intéressants, ainsi superposés.
RépondreSupprimerThom : Qu'est-ce que tu as contre le prénom Kaël??? ;-)
Je suis heureux de lire cette chronique sur Bleu Poussière. C'est plus qu'un bon premier roman, c'est un roman très habile, sans que cela ne se voie. Un roman qui se lit vite et ne s'oublie que lentement.
RépondreSupprimerJ'ai déjà donné mon avis dans la chronique :)
RépondreSupprimerS'il y a bien un terme qui me parait inapproprié pour ce livre, c'est "habile". Je le trouve au contraire bourré de maladresses (en terme de style, principalement... Sans parler de cette chute...). Mais je conviens qu'il y a des qualités, et je le recommande, ne serait-ce que pour cet imaginaire vraiment original.