mardi 3 juin 2008

"La véritable histoire de mon père" - Nicolas Cauchy

Enthousiasme collectif face au talent pervers de Nicolas Cauchy...


L'avis de Thom

Il y a des histoires à glacer le sang.

Il y a des écritures à glacer le sang.

Lorsque dès les premières phrases vous trouvez les deux, il y a de fortes chances que vous soyez en présence d’un excellent livre.

Simon fuit. Dans une Porsche qui n’est pas la sienne. Sur la banquette arrière, le corps de son enfant. On ne sait pas où il va, ni pourquoi il y va. En fait on ne sait pas grand chose, mais on l’accompagne tout de même, fasciné par cet étrange engrenage qui se reconstitue au fil des pages. Le ton est blanc, clair, neutre. Les chapitres sont courts, les phrases aussi…quelques lignes suffisent à donner au lecteur la sensation que le temps s’effrite en même temps que tout l'être de Simon…
Ainsi le récit s’enfuie t’il vers le passé, revient au présent, retrouve le passé…la majeure partie étant conjuguée au présent sur un mode de vouvoiement haranguant tout autant le personnage que le lecteur / spectateur, on finit par se laisser envahir par la confusion (et donc par l’angoisse) : on ne perd jamais le fil, mais on n’a jamais pied. Sous son apparente simplicité ce roman est complexe, touffu, sinueux…et par le fait profondément troublant. Parce qu’au final plus le lecteur sait, moins il comprend. Plus le narrateur lui raconte, plus le brouillard s’intensifie. C’est une sensation pour le moins étrange, que je ne me souviens pas avoir jamais ressentie à la lecture d’un roman : celle d’être livré à moi-même. De devoir seul me dépatouiller du sens de tout ça. Trouver les explications et les clés, les circonstances atténuantes s'il y en a. Alors que tout est là – du moins me semble t’il. Oui, ce livre m’a mis mal à l’aise, comment pourrait-il en être autrement ? Et pas uniquement parce que ce n’était pas la période idéale pour le lire, non non : il m’aurait dérangé de toute façon. Parce que Nicolas Cauchy a une écriture sèche, brutale et sans concession. Un autre auteur aurait sans doute inconsciemment usé d’effets de style pour arrondir une histoire profondément sordide…rien de cela ici : chaque phrase vous enfonce un clou supplémentaire dans le cœur. Implacable – ce mot placé sur le quatrième de couverture est en effet celui qui convient. « La véritable histoire de mon père », derrière son titre presque jovial, s’avère une implacable (imparable !) machine à angoisser. Un récit court et millimétré dégageant une impression de maîtrise absolue. Dont vous ne ressortirez définitivement pas indemnes, même si vous le détestez…ce qui n’est bien sûr pas mon cas : ce doit être mon côté sale gosse, mais un roman qui parvient à me déranger ne peut que me plaire. Une véritable... Expérience.



L'avis de Livrovore

Le personnage principal est froid, et semble quasiment dénué de sensibilité, du moins comme on l'entend habituellement. On a envie de le détester. Mais l'auteur utilise le "vous", qui nous oblige à être impliqué. Et on le suit ce Simon, on l'accompagne. On voudrait l'arrêter, le raisonner. On voudrait crier que ce n'est pas possible. Et pourtant, l'histoire continue et nous tient à la gorge.

La construction du roman paraît très calculée, travaillée, minutieuse. Chaque partie est placée pile là où elle doit être, pour nous mener par le bout du nez. J'ai été juste un peu déçue de ne pas avoir de réelle "surprise", j'ai eu l'impression de m'attendre à la fin du livre, j'aurais peut-être voulu un événement qui me surprenne plus.

C'est un bon roman, à lire. L'histoire sort vraiment de l'ordinaire, les personnages sont bien étudiés et on ne peut que se laisser embarquer dans l'histoire à fond, jusqu'à la dernière page.



L'avis de Lhisbei

En pleine nuit Simon fuit au volant de la Porsche qu’il a volé à ses amis. Sur la banquette arrière gît le corps de la plus jeune de ses filles. Pourquoi cette course effrénée ? Où va-t-il ? Comment en est-il arrivé à « commettre l’irréparable » ? La véritable histoire de mon père répondra à toutes ces questions. Mais l’important ce n’est pas le pourquoi ni le comment.

L’important dans ce livre c’est sa construction : précise, maîtrisée de bout en bout, implacable. La fin rejoint le début bouclant le récit et emprisonnant définitivement le lecteur dans le malaise et la folie (passagère ?) de Simon.

L’important dans ce livre c’est le personnage principal, froid, antipathique à souhait, détestable. Pourtant le lecteur n’a pas d’autre choix que de le suivre au fil des pages. Là réside le talent pervers de Nicolas Cauchy : une fois commencé le livre se laisse pas refermer et le lecteur de passer de la nausée à la haine en passant par la révolte en quelques lignes.

L’important dans ce livre c’est le style de l’auteur, son écriture ciselée au scalpel, minutieuse mais toujours fluide.

La véritable histoire de mon père est un livre glacial et glaçant.

Il est rare que j’arrive au bout d’un roman dont je hais « héros ». Ici, pourtant, impossible d’abandonner en cours de route. Il me fallait aller jusqu’au bout pour savoir pourquoi, comment et jusqu’où ...et pourtant ce n’est pas le plus important.



L'avis de Laiezza

Nicolas Cauchy est-il un auteur schizophrène ? A la lecture de ce premier roman, lorsqu'on connait déjà le second, on peut se poser la question. Cela pourrait être le livre d'un autre écrivain que cela ne choquerait personne.
Ceci dit, si quelque chose reste certain à propos de Cauchy, c'est que c'est un auteur singulier. Ecrit à la seconde personne du pluriel, "La véritable histoire de mon père" est un ouvrage troublant, bizarre, pas courant. L'histoire est celle d'un père, justement, qui a commis "l'irréparable" : le meurtre de son enfant. Le pourquoi du comment n'est pas dit de suite ; on avance d'abord dans le brouillard, on suit la route de Simon sans trop savoir l'endroit où elle va nous conduire, ni, même, si elle nous conduira quelque part. L'atmosphère est pesante, l'écriture froide, presque mécanique. Très perturbante, car on ne ressent en fait rien de la panique, de l'angoisse, de la peur du personnage. On en est complètement détaché, le narrateur (...) en est détaché, la vision est détaillée, et effrayante.
"La véritable histoire de mon père" m'a fait peur. Ce récit a quelque chose d'inhumain, presque, de violent et de repoussant. Mais c'est aussi un texte très, très bien écrit. Très bien narré. Je n'ai pas été passionnée, en le lisant : j'ai été admirative du style, de la construction. Un très bon livre, froid, dérangeant, mais très bon.

...

5 commentaires:

  1. Quel talent, ce Nicolas! ;-)

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  2. Oui ! En plus cette synthèse lui rend vraiment hommage. Lhisbei qui le traite de pervers, Lise qui le taxe de schizo...une belle journée pour Cauchy :-)

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  3. Un pervers schizo?
    Mais attends, ce ne serait pas un Chat de Biblio, des fois?
    :-D

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  4. Jamais lu ! On sent la fille qui lit pas les blogs. J'essaierai bien pour voir, d'ailleurs.

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  5. Oui, moi aussi. Je crois que j'ai un faible pour les écrivains pervers..

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