jeudi 8 mai 2008

"L'aveugle au pistolet" - Chester Himes


Par Claude


« Les policiers noirs, John Fossoyeur et Ed Cercueil Johnson, effectuaient leur dernière ronde dans Harlem avec le vieux coupé Plymouth à la plaque minéralogique courante qu'ils utilisaient comme leur voiture officielle. Pour le moment, ils allaient à faible allure en direction de l'Ouest sur la123° Rue avec les phares éteints, comme c'était leur habitude dans les rues sombres... »


« L'aveugle au pistolet » est le roman d'un quartier, comme le sont les autres titres de la série. Roman de la nuit à une époque où Harlem n'est plus qu'un conglomérat de gens perdus au bord de la rupture, un quartier au coeur de l'identité noire qui se construit enfin autrement que dans la soumission au blanc malgré les murs décrépis et les immeubles borgnes ou condamnés. Les deux policiers sont arrivés à un point de non-retour, ils n'ont plus foi en leur hiérarchie et ne supportent plus la violence qu'elle soit le fait de leurs congénères ou des blancs en col cravates. Harlem est le personnage principal de ce roman, un personnage fatigué comme ces femmes battues tous les soirs par leur amant. Ce n'est pas un portrait reluisant. Il y a un mépris pour tous ces frères qui ne valent pas mieux que les blancs qu'ils abhorrent. Un portrait sans concession de la médiocrité et de la stupidité. Les aspirations des différents personnages sont sapées par des traits de caractère pitoyables qui annihilent le mince espoir qu'ils pourraient avoir. Le constat est d'autant plus sombre que la misère sacrificielle et consentie ne débouche que sur des chacals qui proposent des solutions malfaisantes pour sortir du cercle vicieux. Les habitants d'Harlem n'ont guère l'espoir de voir leur condition s'améliorer. Mais les blancs sont mis en contre-jour, placés au pilori et accusés d'être les responsables en bout de course de cette infamie. Charge facile mais qui a ses raisons d'être dans un pays où Lincoln n'a libéré les esclaves que pour les plonger dans la ségrégation. Fracture raciale. « L'aveugle au pistolet » est un roman éclaté, aux histoires parallèles qui ne se rencontrent pas. L'intrigue n'est que le fil conducteur d'un portrait mélancolique et du testament de Fossoyeur et Ed Cercueil.

2 commentaires:

  1. Le testament de Fossoyeur et Cercueil, ça doit être quelque chose à lire, en effet! :-D

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  2. Je te le conseille même s'il est beaucoup moins comique que les autres. C'est un vrai roman noir.

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