jeudi 30 octobre 2008

"... et l'Ane vit l'Ange" - Nick Cave

La glauquitude vissée au corps, par Guic'


J’ai longtemps tergiversé avec moi-même avant de faire cette critique. Et encore, critique c’est pas le terme juste. Je ne suis pas foutu d’émettre un avis, et encore moins un avis cohérent, sur ce livre. Je ne sais même pas vraiment ce que j’en ai pensé.

Le point sur lequel j’ai pas réussi à me décider tout de suite, c’est : « Ce roman, je le critique chez moi ou chez les Chats ? »

Alors finalement, presque idiotement, je me suis dit que… c’était surement mieux de le faire chez moi, ne serait-ce que parce qu’il y a quand même de grandes chances de croiser des amateurs de Nick Cave ici. Malgré le fait que Les Chats sortent d’un cycle Philippe Jaenada, et au risque de les traumatiser avec un bouquin aussi glauque que celui-ci. Quoique avec Mc Ewan on nage pas non plus dans la joie et le bonheur… Et puis surtout… parce que je vais peut-être parler d’un livre écrit par un musicien, ok, mais ce que je vais tenter devrait s’apparenter quand même à une critique littéraire. Du tout.

J’aime bien Nick Cave, le chanteur. Cela dit j’aime bien Bob Dylan le chanteur et je n’ai jamais lu son roman "Tarantula", et n’ai aucune envie de le faire. Alors au final, qu’est-ce qui m’a poussé à le faire… On va dire que j‘avais un a priori positif, en avait entendu de bons échos, et pensait que, bon, ben oui, Cave peut me tenir en haleine presque 500 pages. Et puis bon, un rockeur qui préfère écrire directement un bouquin plutôt que d’en faire un concept album imbittable, c’est forcément quelqu’un de bien intentionné.
Mais quand même, qu’est ce que ça raconte ? Euchrid Eucrow est l’honnête fils muet, à moitié autiste et légèrement psychopathe d’une alcoolique et d’un braconnier. Il vit dans Ukulore Valley, dont les productions principales sont la canne à sucre et les prédicateurs de la parole de Joseph Ukulore, fondateur de la secte des Ukulites qui règne en maître dans la vallée. Ajoutez à cela un prédicateur fou, un jumeau décédé, une prostituée martyr… Et vous aurez une petit idée de ce que peuvent être les 100 premières pages de ce roman.

Bon, vous voyez bien que je suis mal barré pour la critique littéraire, vu la difficulté du seul résumé.

Alors, d’un, ce livre est glauque. De deux, il est blindé de délires mystiques, pourtant pas toujours si délirants que ça. De symboles aussi. De malaise, de bêtise humaine, de cruauté, de… tout ce qui peut ne pas aller chez l’homme. Pour vous dire, même la météo est pourrie jusqu’à la moelle dans ce bouquin.
Et en fait je suis même pas capable de vous dire si j’ai aimé ce bouquin. Je l’ai fini, c’est bon signe. Mais j’ai hésité à le lâcher à une ou deux reprises (surtout au début du livre troisième, en fait…) . Mais le style, mes aïeux, le style !! Cette écriture, cette façon de prendre aux tripes, de tirer dessus et de retourner le lecteur comme une chaussette… Ce livre est saisissant…. On frémit d’horreur, on s’inquiète parfois pour la santé mentale de l’auteur, parce que pour les personnageas, on ne se pose plus de questions de puis longtemps…

Et puis on se rappelle que le bouquin est sorti à peu près au même moment que l’album « Tender Prey »… Et qu’il faut le voir très certainement comme un morceau de l’œuvre Cavienne. On va pas non plus dire que les albums d’après le roman sont plus apaisés, mais ils sont moins… bruitistes, ou même foutraques. (Si, les premiers le sont un peu quand même pour une oreille non habituée, permettez-moi de le dire…)
A croire qu’il a lâché toute une part de son malaise dans le bouquin, ce qui explique son côté brut, « vidage de tripes », Cave y relache certainement une bonne part de ses démons intérieurs. Remarquez que vu ceux qu’il a conservé, et à supposer qu’il ait relaché les pires… cela nous explique beaucoup. Mais quel livre cela donne ! Dans lequel on recherche sans même forcément le vouloir, des références aux albums. Un livre encore plus agréable, dans lequel on s’immerge plus encore, à l’écoute des premiers albums des Bad Seeds , sauf « Tender Prey ». A croire que dans « From Her to Eternity », « The Firstborn is Dead », et « Your Funeral my trial », ce livre est en germe (et en toute logique il l’est surement), tandis que dans « Henry’s Dream », « Let Love In », et « Murder Ballads », il y résonne encore comme un écho.

Bref. Je ne saurais dire si ce livre est bon ou non. Je ne saurais y trouver les références littéraires que tout le monde y attribue, ignorant tout ou presque de Faulkner, de Steinbeck, et de tant d’autres. Je sais que j’y ai trouvé une écriture franchement intrigante, mais qui porte l’histoire. Un gout pour la symbolique que je partage assez. Une folie que j’aime trouver dans ce que je lis. Des références, et quand il y a des références, mon égo est toujours flatté de les relever. Et surtout, j’y ai trouvé une ambiance cavienne comme je les aime. Même si , avec son goût du non-dit et de l’ellipse, je suis même pas sur d’avoir tout compris. Mais bon… c’est presque dans mes habitudes avec lui en tant que chanteur.
...

16 commentaires:

  1. A défaut d'avoir enregistré un concept-album, il semble avoir écrit un concept-book ;-)

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  2. En fait il a quand même fini par faire le concept-album, Zaph, puisqu'il a enregistré la B.O. de ce livre en 1997 ("... And the Ass Saw the Angel"). J'en parle dans la seconde partie de l'article en lien... et j'ajoute que ça devrait plaire à l'amateur de Lutoslaswki que tu es...

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  3. Eh mais c'est quoi ce sous-titre?? Me rappelait même pas en avoir écrit un...
    J'espere que vous appréciez le remodelage de critique effectué ;-)...

    a noter... Il parait que son second roman risque de sortir dans pas bien longtemps. Un tous les 20 ans... Il est moins prolifique comme écrivain que comme musicien, hein...
    (comptons encore 6 ans avant la traduction, je crains...)

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  4. Merde, ce big... il faut bien entendu lire

    "c’était surement mieux de le faire ICI que chez moi, ... "

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  5. Merci pour l'info, Thom. Je n'ai jamais entendu celui-là, et même dans ta remarquable somme, il m'avait un peu échappé. Mais je crois que je vais réparer cette lacune. Et lire le livre en même temps, ça me plairait bien aussi !

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  6. Zaph >>> De rien.
    Sinon rectificatif : l'album est sorti non en 1997, mais en 1999.

    Guic' >>> plus qu'à apprendre l'anglais pour le lire en VO... et attendant la sortie tu pourras toujours t'entraîner avec les trois recueils de textes qu'il a publié ces dix dernières années en plus des deux "King Ink", recueils non-traduits à ce jour...

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  7. L'anglais c'est pas le problème... C'est l'anglais de uisine avec accent incorporé sous forme de lettres qui ont rien à faire dans ce mot là qui pose problème... C'est d'ailleurs pourquoi j'ai pas lu celui-ci en V.O... (Et pourtant, je suis habitué à ce genre de trucs avec Pratchett... )
    King Ink, c'est les paroles des chansons c'est ça? Je savais pas qu'il y avait d'autres recueils...

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  8. Et bien! Pour quelqu'un qui ne savait pas quoi penser de ce livre tu nous offres quand même une critique conséquente! A mettre dans les mains des mélomanes donc...

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  9. Eh, non, surtout pas!!! A mettre dans toutes les mains!! Les amateurs de Cave aimeront peut etre un peu plus (les références...) mais en tant que roman, meme en faisant abstraction de sa carrière musicale, on peut y trouver son bonheur!!

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  10. Les amateurs de Cave, ce sont les cavistes ?
    ;)

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  11. C'est toujours difficile, quand on aime et apprécie un artiste pour sa musique, et qu'il se lance dans l'écriture, de savoir comment le recevrait quelqu'un qui ne connaît pas cette musique.

    Bel article, quoiqu'il en soit.

    BBB.

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  12. Comme vous y allez, BBB., "bel article"... non, quand meme pas.
    Mais merci.

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  13. Je ne savais même pas que nick avait sorti un livre !
    J'aime bien le chanteur et il est vrai que le seul livre de chanteur que j 'aie lu c'est celui de Gainsbourg et tiens j'y pense celui des doors.
    Je suis contente d'avoir lu ta critique du coup je donnerai l'impression d'y connaitre quelque chose avec nick cave l'écrivain.

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  14. Céline... une fois que tu as coché la case "nom / URL"... faut écrire ton nom dedans, sinon ça marche pas :-)

    Pour le livre de Cave... il est très nettement meilleur que celui de Gainsbourg, ça au moins c'est sûr :-) Par contre c'est quoi que tu appelles le livre des Doors...?

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  15. J'aurai du dire le livre de Morrison "prière américaine et autres écrits"
    là tu sens que le gars il a bien abusé des champignons !
    Quant à Gainsbourg il en me reste pas grand chose de cette lecture, juste de l'ennui il me semble

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  16. J'ai un gros vide littéraire en ce moment, et donc je cherchais un truc. Et puis en lisant les paroles e Mercy Seat, je me suis souvenu que Nick Cave avait en effet écrit des bouquins. Merci pour cet avis sur l'oeuvre, je pense que j'ai justement besoin de ce genre de bouquin sans queue ni tête dont le rôle principal est de nous transmettre les obsessions et émotions de son auteur. Reste à le trouver en français maintenant (parce que oui l'anglais c'est bien, mais dans ce genre d'oeuvre, je pense être paumé dès le second paragraphe).
    Il y a longtemps, j'ai entendu que Nick Cave édorait utiliser des mots anglais obsolètes parce qu'il trouvait que ça sonnait rigolo. Qu'en est-il de la traduction ?

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