mardi 21 octobre 2008

"De Niro's game" - Rawi Hage

Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des fils en ont été agacées par Idothée.


Ce livre, je l'ai dévoré, l'écriture est belle, incisive. Elle atteint son but nettement, sans qu’on sache pourquoi. Je veux dire sans qu’on s’aperçoive des fondations mises en place pour l’atteindre. Les personnages sont solides et tous les deux parfaitement crédibles. Aucun besoin de nous dire : Bassam est comme ci et Georges comme ça, leurs mots, leurs actes les campent parfaitement. De Niro’s Game est un témoignage au singulier sur une guerre civile, le Liban en 1990. Deux jeunes garçons qui deviennent adultes en pleine guerre. Bassam et Georges déambulent au milieu d'une tragédie en tentant d'y inscrire leur désir. D'y tracer un trajet personnel. Les jeux de gamins sont finis, il faut tenter de vivre. Des jobs sans avenir, des vols mal ficelés jusqu’à ce projet, plus que dangereux : s’emparer de la recette de la salle de jeux où travaille Georges. Mais qu’y a t-il à vivre dans Beyrouth en pleine guerre civile, d’autre ? La question qui se dégage de ce récit, c’est aussi : et sans la guerre ? Quels hommes seraient-ils devenus ? Où les aurait conduit leur désir ? Est-ce que Bassam et les femmes, Bassam et sa mère, Georges et les femmes, Georges et sa mère, ça aurait été très différent ? Et les pères ? Est-ce seulement la guerre qui les absente ainsi de l’histoire qu’ils finissent par envahir ? Sur laquelle, par leur absence même, ils pèsent lourdement. Leurs pères absents et les autres, dans tous les coins de rue, armés, ou terrés, ou trafiquants …

Et puis la tragédie se trame. On met du temps, du moins, moi, lente peut-être, j’ai mis un peu de temps à la voir se nouer. C’est brusquement qu’elle m’est apparue, quand il n’y avait plus rien à faire. Malgré le titre j’ai mis aussi du temps à me souvenir de « Casino », avec De Niro et Joe Pesci. Vous vous rappelez ? Des hors la loi, des pervers, des psychopathes . Difficile à dire pour des personnages de fiction mais je ne suis pas loin c’est certain. Ce film m’avait horrifiée, je m’en suis voulue de l’avoir regardé. Surtout Joe Pesci, bon sang, souvent si drôle dans les films. Quels points communs entre De Niro’s Game et « Casino » ? L’embarquée des personnages dans un drame sanglant certainement. Mais De Niro’s Game n’est pas un film. Et il n’y a rien à voir entre la violence en image, à mon avis complaisamment filmée et celle écrite sans effet par Hawi .Ce ne sont pas des images, qui capturent, ce sont des mots et on sent qu’il n’y a pas de la part de l’auteur de recherche d’accrocher (de racoler, je suis très sensible et très réfractaire à ces racolages ) le lecteur de ce côté là. Ces mots disent la part de peur, de souffrance, d’inéluctable mais aussi de jouissance mortifère que la violence entraîne. Les fils vont avoir à payer, quelque soit la droiture de leurs choix ils ne peuvent que se retrouver à devoir rendre compte pour eux-mêmes mais aussi devant les autres de cette violence. Très vite on se demande : est-ce qu’ils vont s’en sortir ? Et comment ?

Parce qu’ils sont attachants, on voudrait les tirer de là mais ce pas certain qu’ils se laisseraient faire.

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