En route pour l'Europe, par Livrovore
Fabrizio Gatti est un reporter de l’hebdomadaire italien « L’Espresso ». Pour lui, une simple enquête ou interview ne suffit pas, il faut vivre de l’intérieur son sujet. Il a choisit de mener des investigations hors normes, en immersion totale. Il n’hésite pas à se créer de fausses identités pour se mêler à ceux qu’il veut comprendre et faire découvrir au monde. Après s’être fait ouvrier agricole « au noir » dans les Pouilles, Roumain sans papiers dans un centre de rétention, ou encore habitant d’un bidonville à la sortie de Milan… Cette fois Gatti s’est mêlé pendant quatre ans aux immigrants africains qui traversent clandestinement l’Afrique et le désert pour atteindre l’Europe. Avec eux, de Dakar à l’île italienne de Lampedusa, il a vécu les horreurs qu’ils subissent. Entre vols, violences, maladies, déshydratations et découragements, il a essayé de comprendre ce qui pousse ces personnes à partir. Pourquoi ces gens, souvent jeunes et qui pour la plupart ont une famille et la laissent derrière eux, choisissent la souffrance et le risque, la route criblée de dangers pour arriver à la mythique Europe ? Qu’est-ce qui les pousse à préférer risquer la mort que de rester dans leur pays ? Il nous livre son vécu et les témoignages de ses compagnons de voyage qui tentent l’impossible, ou parfois doivent y renoncer en route.
« Pour que mon récit soit au plus près de leurs vérités, de leurs souffrances, de leurs espoirs, j'adopte leur quotidien. Je suis journaliste, mais un homme aussi. Je ne crains pas l'émotion, et même je la revendique, à moi de la tenir à distance. »
Fabrizio Gatti a choisi de partir du Sénégal afin de croiser en chemin une bonne partie des routes qui mènent à l'Europe via le Maroc, l'Algérie, la Tunisie ou la Libye. Je n’aurais jamais imaginé que le voyage des clandestins était si terrible avant de lire ce livre. Non seulement ils doivent faire face aux maladies, au manque d’eau et de nourriture, mais ils sont aussi écrasés à dix fois plus de passagers qu’on l’imaginerait dans des camions au bord de la panne (la moindre panne au milieu du désert et c’est la mort assurée). Mais à ces souffrances-là s’ajoutent les militaires à chaque frontière qui les battent jusqu’à obtenir tout leur argent, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus rien. Il y a derrière tout cela une sorte de trafic international d’humains.
Le journaliste à été jusqu’au centre de rétention de Lampedusa, se faisant passer là-bas pour Bilal, un clandestin irakien. Le récit est à la fois passionnant et effrayant, et nous fait réaliser ce que peuvent engendrer les politiques mises en place à la fois en Europe, et dans les pays africains. On découvre ce qui est habituellement caché aux médias. J’ai beaucoup aimé cette lecture qui fait froid dans le dos, et qui m’a permis de réfléchir à une situation que je n’imaginais pas aussi grave, dont je ne connaissais pas toutes les données.
Je viens de terminer ce récit et suis encore sous le choc.Les clandestins sont un bétail rançonné par les passeurs couverts par les états dits civilisés. Ceci s'apparente à un génocide, c'est de l'assassinat. Ces humains sont des marchandises que l'on abandonne dans les sables du désert lorsqu'on ne peut plus leur soutirer de l'argent. L'humanité est lamentable. Et hélas, c'est sans espoir. F.Gatti est un type formidable.
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