dimanche 15 mars 2009

"Rebecca" - Daphné du Maurier


Brr... on s'croirait dans Rebecca
, par Thom


A quoi reconnait-on une bonne héroïne de thriller ?

Oui là-bas dans le fond ?

A sa blondeur ? Oui, bien sûr.

A sa jeunesse ? Ca oui - forcément.

A sa naïveté ? Je veux bien mais admettez que ça va un peu de pair avec la jeunesse (non non non... vous ne me ferez pas dire que ça va avec sa blondeur)

Hein ? Oui... vous dites, monsieur ?

A son manque total de bon sens ? C'est votre dernier mot ?...

Mais oui ! Evidemment : on reconnait avant tout une bonne héroïne de thriller à son manque total de bon sens (ma mie en ferait d'ailleurs une excellente). Une héroïne de thriller ça se fout toujours le sourire aux lèvres dans des situations pas possibles - soit... mais ça se fout surtout dans des situations que n'importe quelle personne susceptible de réfléchir cinq minutes saurait éviter sans problème - ou du moins sans que la moitié des personnes qui l'entourent ne soient victimes d'horribles drames pour ce faire. Tenez par exemple : épouser un veuf encore mortifié par la perte de sa première épouse. Pas la peine de se creuser les méninges pendant cent-sept ans pour sentir le mauvais plan, non ? Si une de vos amies s'embarquait dans une histoire pareil, à coup sûr vous lui diriez fais gaffe chérie - tu vas te retrouver dans Rebecca. Soit : à la décharge de notre héroïne elle ne peut pas avoir lu l'histoire de Rebecca, puisqu'elle est en train de nous la raconter.

Telle est d'ailleurs le grand coup de poker de Daphné Du Maurier dans ce qui demeure aujourd'hui encore son chef-d'œuvre : parvenir à nous happer totalement avec une histoire extrêmement simple, presque banale, et bâtir son intrigue uniquement avec des climats étouffants (car le fin mot de l'histoire, somme toute, est sans grand intérêt). Avec elle, toujours la même rengaine : un postulat des plus basiques dans lequel la réalité subitement déraille (le mythe du Prince et du Pauvre dans The Scapegoat, les oiseaux qui se dérèglent dans The Birds...), et c'est parti pour quatre-cents pages anxiogènes à souhaites, paranoïaques, toutes de silences pensants et de grisaille menaçante. La formule a beau être immuable... on a beau connaitre l'histoire de Rebecca par cœur... on a beau avoir vu le film cent fois... ça marche pourtant à tous les coup, tant Du Maurier possède un art consommé tant du suspens que du portrait. On pourrait en faire des pages et des pages, mais à la limite pas besoin d'aller jusque-là : chronologiquement parlant, Rebecca est le tout premier thriller de l'histoire de la littérature... c'est aussi, accessoirement, l'un des plus envoutants.



Les femmes de Manderley par Sandrine

Rebecca est la nouvelle Dame de Manderley. Jeune et sans assurance, elle entre dans un monde qui n’est pas le sien et qui la rejette et la terrorise, incarné en particulier par la femme de chambre de l’ancienne Dame de Manderley, promue gouvernante à la mort de sa maîtresse. Les comparaisons entre l’ancienne et la nouvelle pleuvent, Rebecca se sent inférieure à cette femme si parfaite (encore plus de par sa mort) et les regrets qu’elle croit déceler chez son mari adoré, Maxim de Winter.

Essayant de calquer sa vie sur celle de ce fantôme si vivant, elle dépérit doucement, vit dans une angoisse constante de ne pas faire bien les choses, de provoquer chez son mari une de ses sautes d’humeur qui deviennent de plus en plus fréquentes. Le bal déguisé sera l’ultime tension, tout ne peut que s’expliquer par la suite...
Il ne se passe pas grand-chose dans "Rebecca", mais tout au long du récit, il y a une tension qui montera jusqu’à l’aveu de Maxim et ses explications. Le dernier quart, après cet aveu est long, un peu trop mais la dernière "image" vaut le coup d’attendre.
Héroïne un peu mièvre dans une histoire un peu trop longue, un peu trop prévisible également.



Du conte de fées "fleur bleue" à "Barbe bleue", par Mbu.

Rebecca doit être le seul livre dont je puisse citer le début par cœur. Cette superbe ouverture sur un rêve nous plonge directement dans le mystère. Du coup, impossible de lâcher ce roman aux rebondissements multiples et extraordinaires.

Une jeune dame de compagnie s’ennuie auprès d’une exubérante et snob américaine jusqu’au jour où elle croise le riche et taciturne Maximilian de Winter, qui apprécie assez sa compagnie pour la demander en mariage. Et voilà la naïve femme de compagnie, orpheline et pauvre, projetée dans un monde à l’opposé de tout ce qu’elle a connu : elle devient Mrs de Winter, maîtresse du manoir de Manderley, superbe domaine perché sur les falaises dominant la mer. Mais le conte de fées tourne court : la jeune maîtresse est mal à l’aise dans ce monde où elle n’a pas sa place, ce que la gouvernante lui fait ressentir sans le moindre mal. Elle doit de plus lutter contre le pire des ennemis : le formidable fantôme de la superbe et parfaite Rebecca, première Mrs de Winter, qui imprègne complètement les lieux, et l’imagination de la jeune femme.

Voilà un roman tellement connu que résumer son histoire tient de la banalité. Adapté deux fois à l’écran, ceux qui ne l’ont pas lu l’ont certainement vu au moins une fois, mais c’est bien dommage de se limiter à son adaptation, en effet, elle ne reprend que l’histoire.

Or l’histoire est certes très « fleur bleue » si ce n’était le talent que possède Daphné du Maurier pour entrer dans la psychologie des personnages, et surtout, de la narratrice, puisque le roman est écrit à la première personne, raconté par Mrs de Winter. De la très jeune fille timide et naïve, complètement godiche, qui commet bourdes sur bourdes et se demande ce qu’elle fait là à la femme qui se défend et s’affirme, on explore complètement le personnage qui, je dois l’avouer, m’a parfois donner envie de le secouer un peu. On la comprend et en même temps elle peut être très agaçante, mais elle reste tellement juste.

Là dessus, on croit lire un roman d’amour qui, malgré la finesse du personnage serait tout de même bien banal, s’il ne tournait tout à coup au polar, nous entraînant dans les mystères de la fantomatique Rebecca, jusqu’au bout, jusqu’au dernier coup de théâtre. Car voilà une autre spécialité de Dame Daphné : la mise en scène. Pas d’ennui, il y a tout juste la quantité qu’il faut d’amour, de psychologie et de rebondissements pour terminer en boucle sur le rêve hameçon qui nous a bien appâté.



TP n°7: une bonne grosse histoire romantique, par Zaph

- Oui, Daphné, qu'y a-t'il?

- Je ne comprends pas pourquoi je n'ai eu que 17.

- Mais c'est un excellent résultat, 17 ! Ton travail était très bon.

- Oui, mais Emily et Charlotte ont eu 18 !
Je ne vois pas ce que j'ai fait de mal, j'ai respecté toutes les consignes.

- C'est vrai, voyons, il fallait:

  • une héroïne jeune et naïve: elle y est ;
  • un héros sombre, ténébreux, et mystérieux: il y est ;
  • une différence de classe sociale qui rende la relation difficile, si ce n'est impossible entre les deux personnages, elle y est ;
  • une critique de la société guindée de l'époque ;
  • un secret qu'on pressent terrible et qu'on se gardera bien de révéler trop rapidement au lecteur ;
  • un lieu, envoûtant, qui ne fera que renforcer l'impression de mystère ;
rien à dire, tout cela est bien présent dans votre travail.

- Mais alors, qu'est-ce qui ne va pas ?

- Vous avez fait les choses à l'envers : on doit deviner un amour brûlant, mais il ne doit pas s'exprimer dans la première moitié du livre, à cause des conventions sociales. Ce n'est qu'après bien des déboires qui mènent l'héroïne au bord du désespoir que cet amour pourra enfin se concrétiser. C'est cela qui fait rêver les jeunes lectrices, c'est cela qu'elles attendent et qu'il faut leur donner.
Et puis, pourquoi transformer votre belle histoire romantique en polar, presque en thriller à la fin ? Quelle confusion de genres !

- Mais monsieur, c'est ça qui est intéressant, non ? Pervertir un peu les genres et les mélanger. Se placer délibérément dans un carcan conventionnel puis le faire éclater.


Eh bien moi, je suis d'accord avec Daphné. J'ai d'abord cru me trouver dans une histoire romantique conventionnelle et -il faut bien le dire, un peu assoupissante, mais plus le récit avançait, plus il m'intéressait, et je l'ai terminé complètement scotché. Bravo donc à Daphné !

7 commentaires:

  1. Magnifique, une critique à 4 voix. :)

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  2. ohlala, je l'ai commencé hier, vous me donnez le goût!

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  3. Rebecca est un super roman. C'est vrai, l'héroïne est un peu naïve mais bon... c'est ce qui crée le suspens! Le film d'Hitchcock est superbe aussi, très fidèle!

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  4. Oui, moi elle m'avait même tapé sur les neerfs, mais il faut se mettre à sa place et dasn le contexte social. A ce niveau, Rebecca se tient, mais a bien sûr beaucoup vieilli

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  5. > Mbu : C'est sûr que les jeunes femmes naïves, à notre époque, ça n'existe plus.
    Enfin, beaucoup moins ;-)

    > Thom : Zut, j'ai aussi mis un prof dans ma critique. C'est un pur hasard, mais on va encore nous reprocher de nous la péter ;-)

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  6. Maintenant c'est clair : je suis ta seconde tête :-))

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  7. Sandrine n'a rien compris. Rebecca est l'anciennce famme de Maxim, et non la narratrice qui raconte son arrivée à Manderley.

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