mardi 10 novembre 2009

"The one minute manager" - Ken Blanchard

The one minute book, par Zaph

C'est tout de même bizarre : l'économie américaine est réputée sans pitié, tu marches ou tu crèves, tu bouffes ou tu te fais bouffer. Les travailleurs et employés ne sont qu'une autre ressource, à côté du capital et des machines. Quand ils ont assez servi, qu'ils deviennent moins performants ou trop coûteux, on s'en sépare sans autre forme de sentimentalisme.

On imagine que le management américain est fait du même moule : dur, inhumain, préoccupé uniquement de compétitivité et de rentabilité. C'est d'ailleurs quelque chose qui fait peur, par exemple, lors d'une fusion ou d'un rachat d'entreprises : que le management à la française soit remplacé par un management à l'américaine.

Et pourtant, c'est également des USA que nous vient toute une littérature sur le management qui replace l'humain en position centrale. On se souvient finalement que les fameuses "ressources humaines" sont composées d'êtres humains avec des désirs, de l'amour propre, des problèmes, et des motivations intrinsèques qui en fin de compte n'ont rien à voir avec les mécanismes économiques qui président au fonctionnement de l'entreprise.

Une personne motivée, qui aime son travail et qui s'y sent reconnue et valorisée sera forcément bien plus productive qu'une personne traitée comme un simple outil.
Ah, la productivité ! Nous y revoilà, fallait pas rêver, quand même ! Les entreprises ne travaillent pas au bonheur des gens.
Mais alors, faut-il s'en féliciter, ou résister, ne pas se laisser abuser par ces manipulations, ces belles paroles ?

Autre paradoxe à mon avis typiquement américain (mais que nous nous empressons d'importer en Europe) : la simplification à outrance.
La psychologie humaine est certainement un des domaines les plus complexes et les plus subtils qui soient (et on peut considérer le management comme une sous-branche de la psychologie). Pourtant, nulle part ailleurs on ne trouve telle quantité de bouquins qui vous promettent le succès à condition d'appliquer une poignée de recettes toutes simples et préformatées.
Il semble que pour qu'un livre de psychologie appliquée ou de management puisse remporter un certain succès, il doive impérativement se limiter à un nombre maximum de sept règles de base à appliquer au quotidien.

Le "one minute manager", lui, est champion de sa catégorie, puisqu'il réussit à condenser toute une théorie du management en trois pratiques très simples (présentées évidemment comme des "secrets", c'est plus vendeur). Comme il se doit, il faut moins d'une minute pour expliquer les bases de chacun de ces secrets.
En trois minutes, vous voici donc devenu un manager expert et chevronné.

On peut se demander pourquoi la même formule n'a jamais été appliquée à d'autres domaines tout aussi complexes.
J'imagine déjà le succès de titres comme "Devenez médecin en étudiant une minute par jour", ou encore "Trois idées simples pour éliminer la guerre dans le monde".
Mais non, curieusement, le management semble être le seul domaine où les gens sont disposés à accueillir favorablement ce genre d'affirmation. Mon exemplaire du "One minute manager" arbore d'ailleurs fièrement sur sa couverture la mention "The million copy bestseller". Au total, ça fait beaucoup de minutes de lecture... et je suppose, beaucoup d'excellents managers.

Alors bon, est-ce que ce bouquin m'a réellement appris quelque-chose ?

Sur le marketing oui, parce que réussir à vendre un million d'exemplaires de ce truc, non mais, faut être vachement fortiche en marketing !

Sur le management, euh, pas vraiment. Il n'y a rien de nouveau dans ce livre. Il faut donner des objectifs clairs, et puis du feedback sur leur réalisation. Si ça se sont les secrets du management, autant dire que le secret de la vie éternelle est de ne pas mourir.

Ce livre pourrait même être néfaste si on le prend à la lettre, et si on croit qu'appliquer trois techniques basiques suffit à faire un bon manager. Mais je ne dirais pas non plus qu'il est complètement nul. D'abord, il est vite lu, et assez plaisant à lire ; ensuite, il n'est jamais mauvais de rappeler quelques principes de base. On croit toujours les maîtriser, les principes de base ; pourtant, on serait étonné du nombre de fois où on oublie de les appliquer.

5 commentaires:

  1. Ton commentaire m'inspire plusieurs réflexions.

    Premièrement, je ne trouve pas si paradoxale que cela que ce soit là où il y a un problème que certains proposent des solutions. Surtout qu'il semble qu'aux USA il soit plus simple d'entreprendre, de manière générale, et donc de produire ce genre de littérature. Dans le domaine de la pédagogie aussi, toute la théorie nouvelle nous vient des USA et pourtant ce n'est pas non plus le pays de l'éducation idéale. Mais il semble que la recherche et l'expérimentation, les nouvelles idées de manière générale soient facilitées (et là je pense très fort à mon pays où il faut 100 ans pour changer un truc!)

    Ensuite, la deuxième réflexion que cela m'inspire a trait à la culture: en effet, aux USA, elle me semble assez paternaliste, même si on peut perdre son boulot aussi sec sans trop de remords de la part du papa-tron. En effet, j'ai travaillé un temporairement pour une entreprise américaine et j'ai été très surprise de voir ma photo sur le tableau "veuillez souhaiter la bienvenue à... " dès le premier jour. En effet, ça ne me semblait pas la chose la plus urgente et je me suis dite qu'ils devaient pas avoir grand chose d'autre à faire en ce moment... Et je ne parle pas des petits déj gratis pour t'accueillir le matin...

    Ma dernière réflexion concerne cette simplification à outrance de tout, comme si ces manuels s'adressaient à des intellects sous-développés. C'est carrément insultant. Je déteste d'ailleurs (mais elle n'est peut-être pas américaine) la série XXX pour les nuls - rien que pour son titre. Mais je suis très susceptible...

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  2. Au fait, pourquoi lis-tu un truc pareil?

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  3. > Mbu, ta première remarque est très judicieuse :)

    Même un truc hyper-simplifié, ça peut faire réfléchir utilement. Le problème est quand on reste au niveau de la caricature. Utliser des clés de lecture, c'est bien, mais croire aux formules magiques, ça l'est moins.

    Mais je l'ai trouvé marrant, ce petit bouquin.

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  4. Pour ma part, je crois que le management est quelque chose d'assez inné, soit tu es naturellement leader et porté sur la pédagogie et la relation autrui soit tu ne l'es pas. Mais si tu l'es alors tu refuseras qu'on t'impose de traiter ton équipe de façon inhumaine... c'est pour cela qu'il est plus aisé de mettre à des postes de management des misanthropes chroniques... ou des tocards notoires: plus faciles à manipuler ! mais bon, je généralise en ... une minute! :-D

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  5. Je crois en effet qu'il y a des gens plus prédisposés à rechercher une position de leader, cela dépend du caractère. Mais ça n'en fait pas pour autant de bons managers, cela s'apprend, comme toute technique ou tout art.

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