Ça nous remet loin, par Zaph
J'ai tapé "Mort à crédit" dans Google.
Je me disais que je devais être le seul à éprouver un blocage face à cette oeuvre. J'étais curieux de voir les montagnes d'analyses qu'elle avait du générer.
Bah en fait, y a pas grand-chose !
J'ai même vu une critique qui éprouvait les mêmes difficultés que moi. Je me permets de la citer :
" C'est un livre terrible. En vérité, il n'y a pas de place en lui pour le critique. Il n'y a place pour rien. Je ne vois pas la possibilité de demi-mesures [...] Mort à crédit est un bloc, une énorme masse de présence, sans aucune fissure pour nos plus inconscientes finesses "intellectuelles" [...]" (Yanette Délétang-Tardif)
Voilà, c'est exactement ça que je ressens, un bloc sans aucune prise pour l'analyse. Ce que nous dit cette dame (je suppose que c'est une dame, avec un tel prénom), c'est "lis et tais-toi".
Je vais quand-même m'autoriser quelques mots.
Le livre débute par le récit de l'enfance de Ferdinand, le narrateur.
On ne peut pas dire que ce soit une enfance très drôle.
Juste comme j'écrivais la ligne précédente, m'est revenu en tête le souvenir d'Oliver Twist. Pourtant, rien de commun entre les deux enfants. Si avec Oliver on nageait dans la naïveté outrancière et ridicule face à des méchants caricaturaux, Ferdinand nous offre une vision -pessimiste certes, mais réaliste, de l'humanité. On peut s'identifier à Ferdinand. On est réellement aux prises avec tout le tragique de la destinée. Quelqu'effort qu'il fasse, il est condamné. D'abord condamné à être la perte et le désespoir de ses parents.
Tout est raconté avec l'évidence de l'enfance. Un enfant est capable de ressentir l'injustice (celle de ses parents pour commencer), mais il faut du temps avant qu'il soit capable de se rendre compte que l'injustice n'est pas nécessairement une règle inébranlable de l'univers, et donc un enfant peut subir énormément de choses avant de se révolter. Un enfant est par définition fataliste. Les parents de Ferdinand ont décidé (bien aidés en cela par leur statut social) qu'il était un bon-à-rien ingrat paresseux et méchant, et donc il n'a d'autre choix que de le devenir.
Pourtant, on sent la désillusion, puis la rage s'accumuler tout au fond et monter petit à petit jusqu'à l'explosion, jusqu'à la rupture violente et définitive (?) avec les parents.
Tout cela est extrêmement réel et présent, grâce au style incroyable de Céline, on vit réellement les choses avec Ferdinand. On les prend dans la gueule en même temps que lui.
J'ai tapé "Mort à crédit" dans Google.
Je me disais que je devais être le seul à éprouver un blocage face à cette oeuvre. J'étais curieux de voir les montagnes d'analyses qu'elle avait du générer.
Bah en fait, y a pas grand-chose !
J'ai même vu une critique qui éprouvait les mêmes difficultés que moi. Je me permets de la citer :
" C'est un livre terrible. En vérité, il n'y a pas de place en lui pour le critique. Il n'y a place pour rien. Je ne vois pas la possibilité de demi-mesures [...] Mort à crédit est un bloc, une énorme masse de présence, sans aucune fissure pour nos plus inconscientes finesses "intellectuelles" [...]" (Yanette Délétang-Tardif)
Voilà, c'est exactement ça que je ressens, un bloc sans aucune prise pour l'analyse. Ce que nous dit cette dame (je suppose que c'est une dame, avec un tel prénom), c'est "lis et tais-toi".
Je vais quand-même m'autoriser quelques mots.
Le livre débute par le récit de l'enfance de Ferdinand, le narrateur.
On ne peut pas dire que ce soit une enfance très drôle.
Juste comme j'écrivais la ligne précédente, m'est revenu en tête le souvenir d'Oliver Twist. Pourtant, rien de commun entre les deux enfants. Si avec Oliver on nageait dans la naïveté outrancière et ridicule face à des méchants caricaturaux, Ferdinand nous offre une vision -pessimiste certes, mais réaliste, de l'humanité. On peut s'identifier à Ferdinand. On est réellement aux prises avec tout le tragique de la destinée. Quelqu'effort qu'il fasse, il est condamné. D'abord condamné à être la perte et le désespoir de ses parents.
Tout est raconté avec l'évidence de l'enfance. Un enfant est capable de ressentir l'injustice (celle de ses parents pour commencer), mais il faut du temps avant qu'il soit capable de se rendre compte que l'injustice n'est pas nécessairement une règle inébranlable de l'univers, et donc un enfant peut subir énormément de choses avant de se révolter. Un enfant est par définition fataliste. Les parents de Ferdinand ont décidé (bien aidés en cela par leur statut social) qu'il était un bon-à-rien ingrat paresseux et méchant, et donc il n'a d'autre choix que de le devenir.
Pourtant, on sent la désillusion, puis la rage s'accumuler tout au fond et monter petit à petit jusqu'à l'explosion, jusqu'à la rupture violente et définitive (?) avec les parents.
Tout cela est extrêmement réel et présent, grâce au style incroyable de Céline, on vit réellement les choses avec Ferdinand. On les prend dans la gueule en même temps que lui.
Avec un thème pareil, s'il y a une chose que je ne m'attendais pas à trouver chez Céline, c'est bien de l'humour. Je veux dire, de l'humour en telle quantité, et de telle qualité. Un bon mot ou une saillie occasionnels, il y en avait déjà dans le "Voyage au bout de la nuit", mais ici, c'est carrément toute une partie du livre qui nage dans la loufoquerie la plus totale.
Je pensais que Céline, c'était le peintre du désespoir humain. En plus, j'imaginais que le délicat mélange du désespoir et de l'humour était plutôt une spécialité anglo-saxonne. Quelle erreur !
Toute cette partie du livre où Ferdinand est le disciple de l'inventeur fou Courtial des Pereires, non seulement n'est pas particulièrement sombre, mais est même complètement fantaisiste (si on fait abstraction du drame final). Dire que je me suis écroulé de rire serait mentir, mais le sourire n'a pas quitté mes lèvres pendant de nombreuses pages (et comme je lis très lentement, ça fait de nombreuses heures).
"S'il existe un truc au monde, dont on ne doit jamais s'occuper qu'avec une extrême méfiance, c'est bien du mouvement perpétuel !... On est sûr d'y laisser des plumes...
Les inventeurs, dans leur ensemble, ça peut se répartir par marotte... Y en a des espèces entières qui sont presque inoffensives... Les passionnés des "Effluves", les "telluriques" par exemple, les centripèdes"... C'est des garçons fort maniables, ils vous déjeuneraient dans la main... dans le creux... Les petits trouvailleurs ménagers c'est pas une race très dure non plus... Et puis tous les "râpe-gruyère"... les "marmites sino-finlandaises", les cuillers à "double-manche"... enfin, tout ce qui sert en cuisine... C'est des types qui aiment la tambouille... C'est des bons vivants..."
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