jeudi 31 juillet 2008

"The Book Of Getting Even" - Benjamin Taylor

Si même Philip vous le dit..., par Lise CC


En première de couverture, nous avons un superbe coucher de soleil, un miroitement d’eaux claires dans des tons mordorés, un lointain d’ombres chinoises qui se découpent sur un ciel orange, ombres dont on ne saurait dire s’il s’agit d’arbres ou de maisons. Au premier plan, des roseaux, ou les poteaux d’une barrière. Paysage paisible et inquiétant à la fois. Et tout au fond de la couverture, ces mots, de Philip Roth : " Le roman le plus intéressant que j’ai lu depuis des années. "

Benjamin Taylor nous raconte, en 166 pages, une tranche de la vie de Gabriel Geismar, un jeune homme passionné de sciences et de mathématiques, d’où le titre. Gabriel est a l’université lorsqu’il fait la connaissance de deux jumeaux, un garçon et une fille de la haute société. Il tombe amoureux du garçon, la fille tombe amoureuse de lui, et le trio devient inséparable. Gabriel est rapidement invité dans la famille des jumeaux, et nous allons le suivre pendant une dizaine d’années dans l’Amérique des années 70, à travers un périple qui l’amène de Chicago à New Orléans, Philadelphie et New York, avec des vacances familiales dans la campagne du Wisconsin. Pendant dix ans, Gabriel entre de plus en plus profondément dans la vie de cette famille, au point d’en mesurer étroitement le poids de tragédies et de souffrances.
Benjamin Taylor nous fait découvrir les trois points fondamentaux d’une grande nouvelle à l’américaine : L’exploration de ce qui est caché ; le choc de la découverte ; le sentiment de la vie retrouvée, pure et simple. J’aime la richesse et la densité de l’écriture de Taylor, j’aime son intelligence, son érudition, et jusqu’à ses colères qui rejoignent les miennes. La structure du récit est superbe et superbement menée. Cent soixante pages qui en pèsent mille en qualité, à mon avis.



B. Taylor est l’auteur de " Tales Out of School ", qui a reçu le prix Harold Ribalow 1996. Il est l’éditeur des " Lettres de Saul Bellow ", dont la publication est prévue pour le début 2009. Ses souvenirs de voyage, " Naples Declared ", seront publiés en 2010.


Philippe Jaenada - On solde !

King For A Day - Fool For A Lifetime, par Thom

Même en effectif réduit pour cause de vacances, même en éprouvant des difficultés à dégoter certains de ses livres... les Chats ont joué le jeu de l'Aristochat Jaenada et n'ont pas été déçus. Unanimes pour la première fois depuis la création de l'activité en octobre 2006, les Chats ont ri à gorge déployée durant deux mois, ce avec la modération et le goût de la nuance qui les caractérise (Jaenada est mon auteur vivant préféré !!!). Il fallait au moins la clairvoyance de notre camarade Catherine pour relativiser (un peu) un tel concert de louanges, qui aura au moins eu le mérite de prouver que, n'en déplaise aux aigris et autres peinent-à-jouir, la littérature française se porte bien - merci pour elle.

Comme le veut la tradition, nous conclurons donc ce cycle par quelques avis synthétiques - en espérant que les Chats n'ayant pu participer à l'activité pour cause de vacances viendront se joindre à nous incessamment sous peu.



Livrovore

Une belle découverte : j'ai très envie de continuer avec Jaenada, qui a un style bien à lui et qui m'a fait rire comme ça ne m'était pas arrivée depuis un bon moment en lisant un bouquin !



Ingannmic

Ce que dit Livrovore est très juste, en ce qui me concerne également : les livres de Jaenada me font rire, parfois aux éclats. Rien que pour cela, il mérite d'être lu... Ce que j'apprécie aussi, comme je l'ai dit dans les critiques, c'est son sens de la digression : n'importe qui ne pourrait pas s'éloigner toutes les 2 lignes de l'histoire pour divaguer sur des thèmes complétement hors sujet pendant plusieurs pages sans être ennuyeux.... et lui, ne l'est pas.



Zaph

Jaenada ? Si j'étais une fille, je serais amoureuse de lui !

Non, on va plutôt dire : s'il était une fille, je serais amoureux d'elle.

Enfin, en réalité, j'ai surtout eu le coup de foudre pour ses bouquins (rassure-toi, Philippe).

Bref, je suis vraiment content, car c'est pas tous les jours que je fais d'aussi heureuses découvertes en littérature française.



Laiezza

Peut-être pas un "coup de foudre", mais si je suis partie sceptique, je suis revenue satisfaite.

J'en ai lu en tout quatre ; il n'y en a qu'un ("Néfertiti") , que je n'ai pas vraiment aimé. Je trouve que c'est une bonne moyenne. De plus, j'ai été frappée par la richesse des livres de cet auteur, la meilleur preuve est qu'après, entre Chats, on en a quand même parlé longtemps, comme si on avait été "marqués durablement". Et ça, c'est une preuve du talent de l'auteur...



Philippe Jaenada chez les Chats :
...

mercredi 30 juillet 2008

"Le Saule" - Hubert Selby JR

This Selby is a muthafucka, par Zaph


Dans l'avion.

- Ça ne va pas, monsieur ? Vous ne vous sentez pas bien ? Vous voulez un verre d'eau ?

- Mais qu'est-ce que vous racontez ? Je vais très bien! Donnez-moi plutôt une bière, s'il vous plait.

En fait, je ne m'en étais pas rendu compte, mais j'étais en train de pleurer à chaudes larmes.


Plus tard, dans le restaurant de l'hôtel.

Quand je vais seul au restaurant (lorsque je voyage pour le boulot), j'emporte toujours mon bouquin. Ça m'évite de devoir regarder bêtement les autres clients en train de manger pendant que j'attends le plat suivant.

Cette fois, pourtant, j'ai bien cru que j'allais avoir un peu de distraction: il y avait un pianiste.
Mais j'aurais du savoir qu'un pianiste de restaurant se doit de ménager (et même favoriser) la digestion de tous les clients.
C'est à dire qu'il joue de vieux standards de jazz, mais qu'il ne les joue pas "en jazz", si vous voyez ce que je veux dire.
Le grand classique du genre est bien entendu "Misty", qui doit être la bête noire de tous les gastro-entérologues soucieux de l'avenir de leur profession. Mais quelle tristesse d'entendre par exemple "My funny Valentine" ou "I can't give you anything but love" jouées platement, nappées d'un coulis d'arpèges, avec un accompagnement discret de bruits de couverts.

Et là, je me suis dit que si c'était triste pour moi, ça devait forcément être terrible pour le pianiste, qui après tout, devait lui aussi aimer la musique. Il avait peut-être fait de longues études musicales, avait sans doute rêvé d'une carrière prestigieuse... mais manquait peut-être un peu de talent ou de chance, et se retrouvait en train de massacrer de grandes chansons pour servir de bruit de fond aux mastications de voyageurs fatigués.

En regardant ce pianiste, j'ai compris que j'avais vu juste. Le pauvre s'ennuyait tellement qu'il jouait tous ses morceaux en regardant par la fenêtre. Et pourtant, le spectacle dehors n'était pas passionnant (je suis allé vérifier).

Comme la musique n'était pas plus passionnante que le spectacle de la rue ou que celui des dîneurs, j'ai bien vite repris mon livre.
Mais là, paf ! Rebelote. Moi qui ai d'ordinaire les canaux lacrymaux aussi secs qu'un mètre cube de Sahara, je me suis remis à larmoyer comme ma fille quand je la prive de dessert (expérience que je ne me lasse pas de répéter tant l'observation de ce phénomène qui m'est si étranger me fascine).
En attendant, j'avais vraiment l'air d'un con à pleurer comme ça en plein restaurant. J'avais refermé mon livre, espérant arrêter l'hémorragie, et ne sachant où poser le regard, j'ai tourné la tête vers le pianiste, qui était sensé regarder par la fenêtre.
Sauf qu'il a justement choisi ce moment pour regarder dans ma direction. Et il a rencontré mon regard, mouillé d'émotion. Et ce con de pianiste qui n'avait en commun avec Chopin que le fait d'être Polonais, a sans doute cru qu'il avait enfin réussi à émouvoir son public (en fait moi seul, mais pour lui, c'était déjà inespéré).

Et il a passé le reste de la soirée à jouer du mieux qu'il pouvait, pour moi, en me regardant. C'était son grand soir.
Et moi, comme dans le fond, je suis un bon gars, j'ai continué à manger en le regardant, allant même jusqu'à taper légèrement du pied sous la table.

Et je n'ai plus rouvert mon livre.
Ce livre qui pourtant me racontait l'histoire terriblement prenante du jeune Bobby et de sa compagne Maria, qui sont victimes d'une agression raciste répugnante.
Maria est défigurée par un jet d'acide, et Bobby, battu à coup de chaîne, à moitié mort, trouve refuge chez Moishe, un vieil original, qui va l'accueillir et l'aider à se rétablir, à reprendre pied.
Bobby va alors entamer une lente reconstruction motivée par un désir de vengeance.

La rencontre entre ces deux personnages si différents par l'âge, l'origine, le milieu social, a quelque chose de terriblement humain, et même de plus qu'humain.
Au départ, ils n'ont en commun que la souffrance.
Et cette souffrance, Selby l'analyse dans ses moindres détails, ne nous épargnant rien de ses infinies variations. Il dissèque ce sentiment encore et encore, jusqu'à la nausée.

Le style de Selby est sans transitions entre récit et dialogues, comme si l'auteur se racontait l'histoire dans sa tête. La voix du narrateur est subtilement différente, mais parfaitement intégrée à l'univers des personnages. Probablement parce que l'auteur n'est pas tellement différent d'eux.

Alors s'engage un combat homérique entre haine et amour, digne d'une tragédie.
Dans ce combat, on sait tous que l'amour est plus fort, mais on sait tous aussi que c'est la haine qui doit finir par triompher. Et pourtant, c'est dans la défaite que l'amour trouve une sorte de victoire. Comme si pour vaincre, l'amour avait besoin de la mort.

Je trouve que ce bouquin a quelque chose de profondément chrétien en ce sens qu'il propose la rédemption comme valeur ultime. Ce qui va faire triompher l'amour, c'est une sorte de foi en même temps fragile et inébranlable, une foi plus qu'humaine, à l'issue finalement certaine. C'est un point de vue que je ne peux pas adopter. Je vis plutôt dans une sorte de désillusion qui n'est pas exempte de dignité. Une sorte de volonté d'agir d'une certaine manière morale, mais sans l'illusion du triomphe final.
J'admets que la volonté est moins puissante que la foi. Et je salue la démonstration éclatante de ce livre, sans pour autant y adhérer.

Il faut beaucoup d'amour pour guérir la souffrance, pour autant que cela soit possible. Et il faut avoir le coeur solide pour lire ce livre.

A 23:00 précises, le pianiste s'est interrompu au milieu d'un "Sophisticated lady" finalement pas si mauvais que ça. Il a refermé le clavier, s'est levé et a disparu. Il avait fini sa journée. Le règlement du travail l'avait emporté sur l'émotion artistique. C'est peut-être pour cela qu'il restera toujours un minable pianiste d'hôtel.

Moi, j'avais fini mon dessert. J'ai demandé l'addition et j'ai regagné ma chambre, sans trop espérer faire de beaux rêves.

mardi 29 juillet 2008

"La grande à bouche molle" - Philippe Jaenada

Du polar version comic-strip, par Laiezza


C'est un polar qui a l'air de ne pas en être un, ou l'inverse : un livre qui a l'air d'être un polar, sauf que non. Le héros porte le même nom que l'auteur, il est détective privé, et se laisse embarquer dans une aventure qui ressemble un peu à un grand n'importe quoi. Pourtant, au début, c'est lui qui embarque : une auto-stoppeuse. Mais elle se fait rapidement enlever, et c'est en essayant de la sauver que Philippe Jaenada va se retrouver complètement dépassé par des évènements que, la plupart du temps, il ne comprendra pas.
Je dis : "Philippe Jaenada", je parle bien sûr du héros, pas de l'auteur. Quoique. Pas sûr que l'auteur sache lui-même où il veut en venir, mais ce qui serait une tare insurmontable chez n'importe quel écrivain, chez Jaenada, on ne sait pas trop pourquoi, cela passe. Cela semble même limpide : plus Jaenada est en roue-libre, plus sa prose est jubilatoire ; ici, elle est même carrément tordante, pour un peu qu'on ne soit pas trop exigeant. En effet, les personnes considérant qu'un roman est un livre racontant une histoire, avec un narrateur, des personnages, un début, un milieu et une fin, ces gens-là ne manqueront pas de tomber des nues face à "La Grande à bouche molle". Le narrateur parle à tort et à travers, dans des phrases très longues, mais il a à peine l'aura d'un député centriste. Les personnages secondaires, ce n'est même pas la peine d'en parler, ce sont des outres vides. Quant à l'histoire, inutile de trop la raconter : l'essentiel est de savoir qu'en gros, sa morale, c'est "à quoi bon" ?
En résumé dans ce livre, un peu comme dans "Le Chameau sauvage" (du même auteur), mais en pire, seul semble compter le plaisir d'écrire, et par extension celui de lire. Considérations existentielles décalées, situations aussi incompréhensibles que loufoques, rebondissements si invraisemblables qu'on en pleure de rire, "La Grande à bouche molle", c'est du polar version "comic-strip". Et cela marche ! "Le Cosmonaute" mis à part, il y a dans les livres de Jaenada une aisance, une futilité qui, si elle ne les rend pas indispensables, les rend vraiment IMPARABLES.

A lire également chez les chats, l'avis d'Ingannmic

lundi 28 juillet 2008

"Les yeux dans les arbres" - Barbara - Kingsolver

Oui, j'ai honte, par Ingannmic


1959. Nathan Price, pasteur baptiste américain, est volontaire pour s’occuper de la mission de Kilanga, village du Congo belge. Il y part accompagné de sa femme, Orleanna, et de leurs 4 filles. L’aînée, Rachel, est exclusivement préoccupée par les dernières tendances de la mode ; Adah et Leah, jumelles surdouées, n’en sont pas moins très différentes, la première étant affligée, depuis sa naissance, d’une hémiplégie qui la rend muette et boiteuse. Ruth May, la cadette âgée de 5 ans, est une enfant pétulante et casse-cou. Tour à tour, les cinq femmes et/ou filles prennent la parole pour nous raconter comment, de cette année 59 au début des années 90, elles vont survivre et évoluer au sein de ce continent africain dont tout, a priori, les sépare.

Ce livre m’a été prêté, voici quelques mois, par une amie en général de bon conseil. Mais, je ne sais trop pourquoi, j’avais un a priori vis-à-vis de cette Barbara, peut-être justement en raison de son patronyme (oui, j’ai honte) : j’imaginais un roman plutôt mièvre, destiné à un public féminin adepte de lectures faciles (cela me rappelle une certaine discussion du Club des Chats…). Heureusement, j’ai surmonté cet a priori, ce qui m’a permis de faire une belle découverte. C’est vrai, l’auteure nous emmène dans un univers plutôt féminin si l’on considère que les narratrices sont exclusivement des femmes, mais le récit est si passionnant, les émotions suscitées par la lecture tellement diverses, que c’est, à mon avis, un roman qui s’adresse à tous.
A chacune de ses héroïnes, B.Kingsolver prête une personnalité bien différente, tout en introduisant assez de nuances et de complexité dans leur caractère pour que ses personnages paraissent crédibles et surtout proches de nous. Même leurs façons de s’exprimer contiennent des tics de langage, voire des maladresses propres à chacune, qui accentuent cette impression (un petit bémol cependant : les narrations faites par la petite Ruth May m’ont parues inadaptées à une enfant de 5ans). Elles vont toutes évoluer, à des rythmes et dans des directions différentes, avec un point commun : la prise de conscience du fanatisme et de l’intolérance de leur mari et père Nathan, aussi tyrannique avec sa famille qu’avec les autochtones, car persuadé, avec l’intransigeance de sa foi, de détenir la science infuse. Se croyant au départ prisonnières de l’Afrique et de sa misère, c’est finalement surtout de cet homme et du joug de sa religion qu’elles vont s’affranchir. Car, parallèlement, leur regard sur le Congo et ses habitants évolue aussi : arrivées avec des préjugés plus ou moins grotesques, elles finissent par s’y adapter, voire par l’aimer, malgré les souffrances et les pertes qu’elles vont y subir.
En effet, le pays vit durant ces années de grands bouleversements : accession à l’indépendance, guerres civiles, prise du pouvoir par Mobutu, qui instaure une dictature avec l’appui des Etats-Unis, de la France et de la Belgique…dans le roman, la « petite histoire » subit la grande, avec un constat quelque peu décourageant : ce sont toujours les plus faibles qui font les frais des événements orchestrés à grande échelle par les détenteurs du pouvoir (politique, et surtout économique). Et, schéma commun au foyer des Price et à la communauté en général : quand les hommes, en tant que sorciers, prêcheurs, militaires,…, veulent prendre le pouvoir, les femmes, dans l’ombre, tentent de maintenir la cohésion de la famille et de protéger leurs enfants, et pour elles, peu importe ce qui se décide « en haut lieu », le quotidien les confrontent toujours aux mêmes difficultés.

Barbara Kingsolver rend là un émouvant hommage à ces femmes, mais pas seulement : à travers ses lignes, on devine aussi son respect et son amour pour cette Afrique à la fois si dure et si envoutante.

dimanche 27 juillet 2008

"Le Chameau Sauvage" - Philippe Jaenada

Et de l'humour drôle, en plus ! par Gaël


Quatrième de couverture :

Halvard Sanz est un gentil garçon. Signe particulier : doué pour les catastrophes en série. Il y a des gens qui n'ont pas de chance, mais qui, genoux à terre, toujours se relèvent. Halvard est de ceux-là. Quête initiatique, roman picaresque, amour allégorique, loufoques aventures servies par une verve intarissable... Mais le chameau sauvage dans tout ça ? Quand vous en connaîtrez le principe, comme Halvard, vous verrez la vie differemment.

Il faut bien l'avouer, la littérature française actuelle ne pêche par excès d'humour. Si elle ne tombe pas forcément dans le sinistre affligeant (et pourtant, il y en a !), elle semble se complaire dans une mélancolie confortable ou le rire serait un couac à des proses travaillées à la lettre près. C'est dans ce climat que depuis une dizaine années sévit Philippe Jaenada, dont l'univers, s'il n'est pas complètement barré, a pour lui d'être délicieusement décalé. Car Jaenada a quelque chose de très rare en ce pays à la littérature pontifiante : de l'humour. Et de l'humour drôle en plus ! Il m'a fait rire comme je n'avais pas ri depuis longtemps devant un livre (non, M. Jaenada, ceci n'est pas une déclaration d'amour !).
Jaenada est la définition même de l'auteur décalé, celui qui va nous donner une vision de la réalité qui est juste à côté du bons sens commun, à travers les yeux d'un personnage qui est juste à côté de ses pompes. En cela la première partie du Chameau sauvage est un morceau de bravoure qui monte comme oeufs en neige, laissant le lecteur se demander si Halvard Sanz n'est pas parfois plus con qu'opiniâtre, et inversement. En cela il est dur de ne pas faire le rapprochement avec le personnage de Wilt, anti-héros aussi malchanceux de Tom Sharpe, qui a pour habitude également de se retrouver toujours dans des situations hallucinantes partant d'un point de départ anodin.
Mais Le Chameau sauvage ne serait pas ce qu'il est si à un humour féroce et ravageur ne se mêlait une poésie pétillante, tant dans les mots que dans l'action. Jaenada manie la parenthèse de digression comme personne, alignant les cinquième ou sixième couches de pensée sans jamais perdre le fil ni le lecteur. Ce sont parfois des sauts périlleux cérébraux auxquels nous convie l'auteur, qui pourraient se traduire comme un 360° d'une simple idée, dans un style léger et fluide, comme si un copain érudit vous racontait cette histoire de vive voix. Poésie du texte donc, mais aussi poésie de situation. À ce titre, le récit du premier rendez-vous officiel entre Halvard et Pollux, du coup de téléphone à la nuit tombée, est un moment de grâce littéraire. J'y ai lu l'une des plus histoires d'amour de la littérature. Entre la maldresse de l'un et le mystère de l'autre se crée une alchimie indescriptible que l'auteur a su dépeindre avec... magie! Je ne vois pas d'autre mot. J'ajouterais même que les hommes peuvent en vouloir à l'auteur d'oser briser cette image d'assurance que nous, les hommes, avons tenté de travailler pendant des années. Jaenada ose montrer les hommes tels qu'ils sont lors d'un rendez-vous amoureux, de l'incertitude bénigne au stress paralysant. (M. Jaenada, vous n'êtes qu'un traître !).
Enfin, Le Chameau sauvage est une quête de soi qui peut parler à chaque lecteur. À plusieurs reprises, le narrateur erre dans les rues de Paris comme dans le flot de ses pensées, cherchant entre les lignes un sens à sa vie. Jusqu'à ce qu'il découvre le but ultime pour lui : aimer Pollux Lesiak. Mais avant de parvenir à cette conclusion, Halvard interroge, toujours sous l'oeil de l'humour, sa place dans le monde. Ce monde qui semble lui en vouloir, et qui pourtant ne cesse de lui démontrer, à travers les personnages qu'il rencontre, que sa vie n'est après tout pas si mal, qu'elle vaut mieux qu'une tournée des bars embrumée de whisky qui finit dans une amnésie passagère. Chaque second rôle qui croise la route de Halvard est une occasion pour lui de démontrer inconsciemment qu'il a foi en l'humain, qu'il est prêt à accepter ce monde qu'il semble rejeter de prime abord.



Singulière normalité
, par
Thom

Il y a quelque chose d'assez saisissant lorsque l'on prend la peine de lire un peu tout ce qui a été écrit, ici ou là, à propos de l'Aristochat en titre : les amateurs de Philippe Jaenada (du moins ceux qui le lisent depuis quelques années) sont... les amateurs de Philippe Jaenada. C'est à dire qu'ils sont de toute façon plus ou moins acquis à la (noble) cause. Au-delà de ses livres, tous semblent ressentir un attachement profond pour l'auteur lui-même, comme s'il était un bon copain dont ils avaient suivi l'évolution et le parcours au fil des années, comme s'il avait toujours été là, membre de la famille discret la plupart du temps et tapageur lors des grandes réceptions - mariages ou baptêmes - qu'il illuminerait toujours d'un discours fulgurant ou d'une cuite mémorable. On ne se contente pas, après une première lecture de Jaenada, d'en admirer l'inventivité ou la classe, d'en saluer l'écriture ou le génie du rythme. On s'attache, étrangement et viscéralement ; que celui qui après avoir lu son premier Jaenada ne s'est pas mis plus ou moins inconsciemment à imiter son style ou dérober ses parenthèses multiples me jette la première pierre. Il y a là quelque chose de rare, dans la littérature d'aujourd'hui, qui s'étend bien au-delà de l'usuel (et essentiel pour la bonne marche d'une lecture) processus d'identification à un narrateur ou à un personnage : quand on ouvre son premier Jaenada on ne va pas lire un livre - on va rencontrer un auteur.
La clé de ce phénomène me semble résider dans « Le Chameau Sauvage », premier roman imparfait mais grandiose. Ce n'est pas forcément son meilleur livre (il contient pas mal de longueurs, notamment dans l'exposition), mais en le relisant onze ans plus tard et avec un œil d'adulte j'ai compris pourquoi c'était presque systématiquement le Jaenada préféré de tous ceux qui l'avaient découvert en 1997. Parce que justement, c'est d'une rencontre au sens littéral du terme qu'il s'agit. Que cela marque passablement. Le premier Jaenada, c'est un peu comme le premier baiser ou le premier disque acheté : même en en reconnaissant les faiblesses objectives, on ne peut pas l'oublier et on ne peut pas le classer ; il n'est pas meilleur que les autres, pas au-dessus, il est juste à côté - hors-catégorie.
Or la force du « Chameau Sauvage », livre impossible à résumer tant, fondamentalement, il ne raconte rien de précis et donne surtout l'impression qu'un ami inspiré va vous causer magistralement de tout et de rien... c'est d'être totalement poignant - au sens propre : choper le lecteur pour ne plus le lâcher. Halvard Sanz, son héros au patronyme improbable, pourrait être à peu près n'importe lequel d'entre nous. C'est l'un des personnages les plus forts et les plus crédibles que la littérature contemporaine récente nous ait offert, et en même temps on aurait toutes les peines du monde une fois le livre refermé à renseigner les gens sur son âge, sa physionomie... même ses pérégrinations burlesques, qui constituent l'essentiel du roman, finissent par s'évaporer au bout de quelques temps - ce qui fait du « Chameau Sauvage » un de ces rares livres relisibles à l'infini. Ce qui marque durablement chez ce personnage, c'est son ton, sa vision du monde, son regard faussement candide, son auto-dérision permanente et sa capacité à rendre le tragique absolument hilarant. Vision dont on supposera sans trop se forcer qu'elle est également celle de l'auteur (pas besoin d'avoir lu tous ses livres pour prendre le risque de cette supposition ambitieusement digne d'un universitaire sous acides). Vision tout à fait... bukowskienne, en fait.

(...) A la relecture, cette veine bukowskienne est là, partout, subtile mais évidente. Jaenada est en fait l'auteur le plus bukowskien qui soit... simplement il en reprend l'essence plutôt que les gimmicks. La veine burlesque plutôt que les cuites sordides ; le génie du décalage plutôt que les parties de jambes en l'air avec des laiderons ; l'empathie profonde plutôt que la violence ; l'art de la digression fantaisiste plutôt que le langage... bref : Jaenada possède de l'art bukowskien tout ce que les trois mille imitateurs (pour la France - les statistiques mondiales ne nous ont pas encore été communiquées par l'ONU) du vieux dégueulasse manquent à tous les coups, trop occupés qu'ils sont à essayer de pomper une langue inimitable ou de recréer un univers auxquels ils ne comprennent rien.
L'identification, la fameuse, est du coup bien plus simple, évidente, universelle : à vrai dire on adore Chinaski, mais personne n'a jamais vraiment eu l'envie ni la capacité d'être lui. Alors que Halvard Sanz... c'est nettement plus dans nos cordes, à KMS, à Zaph, à moi-même. Sa normalité singulière le rend irrésistible - d'ailleurs quelqu'un quelque part a t'il déjà détesté ce livre... ? Qu'il se dénonce, nous aurons lui et moi des comptes à régler. On ne peut pas ne pas aimer « Le Chameau Sauvage » - impossible. Il est trop original, trop doux, trop drôle, trop léger, trop poétique, trop romantique... on ne peut pas ne pas adhérer. Sauf à l'avoir décrété préalablement, parce que le consensus fait un peu peur. En cela « Le Chameau Sauvage » c'est un peu l'inverse des bouquins de Bukowski : c'est son universalité et l'unanimité qu'il provoque qui le rend sulfureux. Un livre susceptible de plaire autant à ma grand-mère qu'à mon frère, à KMS, à Laiezza, à Lily, à Ingannmic... un tel livre ne peut être que porteur d'un maléfice, l'œuvre d'un malin génie capable de métamorphoser chaque lecteur en ami potentiel. Un peu comme Bukowski, en fait. Le seul écrivain que ses lecteurs appellent affectueusement par son surnom, comme s'il faisait partie de la famille, vieux tonton pervers et alcoolo revenu de tout.

Il serait peut-être temps que Jaenada se trouve un surnom...

samedi 26 juillet 2008

"Un garçon convenable" - Vikram Seth

Le titre est trompeur, par Jeanne


Quand j’ai fermé ce livre je me suis sentie assez perdue. Je voulais que l’histoire continue, tellement les personnages principaux sont attachants.

Un garçon convenable, le titre est trompeur. Certes, il s’agit bien de Lata et de sa mère qui fait tout pour lui trouver un mari convenable. C’est le fil rouge du livre, de cette saga familiale. Mais ce n’est pas une simple histoire d’amour, où l’histoire entremêlee de quatre familles : c’est l’histoire de l’Inde du début des années 50. De l’Inde indépendante et l’Inde d’après La Partition. Un pays où plusieurs religions doivent vivre ensemble, où on ne parle souvent pas la même langue.
En suivant le fil rouge on rencontre toutes sortes de personnages, des rajahs, des intouchables, des professeurs d'université, des cordonniers, des intellectuels, des fanatiques hindous ou musulmans, des écrivains, des femmes libres et des femmes soumises, des ministres, des juges, des révolutionnaires.
En tissant l’histoire de Lata, qui se déroule essentiellement à Bramhpur, ville fictive dans l'état tout aussi imaginaire de Purv Madesh, Vikram Seth nous apprend ce qui se passe dans ce pays où tout est en train de bouger. Les moeurs, les idéologies, la politique. C’est l’époque de l’abolution du système zamindar, du président Jawarharlal Nehru, de la corruption. Il nous fourmille des informations sur la musique, la poésie, la calligraphie de l'ourdou, la nourriture, les religions et les systèmes économiques et électoraux.

A Suitable Boy c’est 1500 pages de lecture passionnante qui donne goût d’en savoir plus sur ce pays fascinant.


Ce livre a été également chroniqué chez nos confrères (et néanmoins amis) de Biblioblog

vendredi 25 juillet 2008

"Tromperie" - Philip Roth

De l'art... par Thom


« Deception » (en VO) n’étant pas racontable je ne vais pas le raconter : ce n’est qu’une succession décousue de dialogues, entre Philip, écrivain juif américain en vacation en Angleterre, et des femmes. La sienne, ses maîtresses, ses amies, ses étudiantes, des inconnues…
Structuré en fragments, ce livre est totalement inaccessible. S’il existe encore de nos jours une littérature expérimentale il s’inscrit résolument dans cette catégorie. C’est ma seconde lecture, et j’avoue ne pas être encore certain d’en avoir saisi tout le sens et tous les enjeux…
Ce parti pris du dialogue multiple et de la suppression du narrateur n’est-il qu’un prétexte pour Roth ? N’est-ce qu’une manière de glisser des sentences définitives sur la vie et des petits aphorismes de rien du tout – chose qu’il n’a jamais faite dans aucun autre de ses romans ? Est-ce-même d’un roman qu’il s’agit ? Y a t’il un nom pour un pareil objet littéraire non identifié ? Ou peut-être s’inscrit-il dans la lignée du reste de l’œuvre de Roth, dans cette longue et minutieuse étude de mœurs entamée dès les années 60 avec « Goodbye Colombus » ?

Même après deux lectures je suis incapable de répondre à ces questions. Tout ce que je peux en dire, c’est que ce bouquin là fascine autant qu’il agace ; la provocation n’est jamais loin lorsqu’il s’agit de Roth. Peut-être cherche t’il juste à provoquer le lecteur en rendant ce livre le moins accessible possible ? Peut-être est-ce finalement un exercice de style très simple ?

Impossible à dire, là encore. Mais ce qui est sûr c’est qu’on le dévore goulûment, sans trop savoir pourquoi…



... ou du cochon ? par Laiezza

C'est un livre impossible à résumer. Du reste, pour parler franchement, j'ai détesté et j'ai bien failli arrêter à au moins trois reprises.

J'ai déjà lu des livres de Philip Roth, et je sais combien il peut parfois être brillant, mais ce n'est pas le cas dans celui-ci. Qu'il se refuse à appliquer des schémas de narration classiques, passe encore. Cela ne lui interdit pas de rendre son roman intéressant, or "Tromperie" est ennuyeux à mourir. Il est répétitif, verbeux, et sonne parfois vraiment très creux. D'autant que la compréhension de certains passages m'a semblée un peu délicate : durant les premiers chapitres, le fait de ne jamais précisément savoir qui parle, et à qui, est séduisant. Cela donne au texte un côté énigmatique. Mais 200 pages comme ça !
Enfin, il y a les thèmes : rien de bien original, juste du sexe et du judaïsme. Sacré Philip Roth, il ne s'en laissera donc jamais ! Depuis le temps, je pense que tous ses lecteurs ont bien saisi qu'il était juif et que cela le travaillait. Avant d'être juif, Philip Roth est humain : or son livre, à cause de cette forme (ou non-forme), contient énormément de judaïsme, mais très peu d'humanité.
Le plus amusant, c'est tout de même le quatrième de couverture qui loue "l'extrême originalité" du roman, et "l'inlassable créativité" de l'auteur... En effet, si être inlassablement créatif consiste à écrire n'importe quoi n'importe comment, "Tromperie" est un chef d'oeuvre.

jeudi 24 juillet 2008

"Shutter Island" - Dennis Lehane

Ma première fois avec Lehane, par cette coquine de Lhisbei


Quand Denis Lehane est devenu Aristochat je n’ai pas pu m’empêcher de penser « Aïe aïe un auteur de polar obsédé par la ville de Boston, ce n’est pas pour moi ». Je n’aime pas les polars et je n’ai jamais mis les pieds à Boston (et surtout je n’avais aucune envie d’y aller). Ça commençait mal. Je me suis donc rendue à la bibliothèque municipale et j’ai trouvé au rayon policier le premier roman de Lehane, Un dernier verre avant la guerre. J’ai tenu une vingtaine de page, juste le temps de prendre en grippe le « couple » de détectives privés, lui, un faux dur, vieux routier des enquêtes capable de nager dans les eaux troubles de la ville et amoureux d’elle, fausse dure mais vrai masochiste qui endure sans broncher les coups de son homme (et qui, bien sûr, pleuvent fréquemment). J’ai ensuite tenté Mystic River en pensant à Clint Eastwood et Gone Baby Gone en rêvant à Ben Affleck mais Clint a pris un coup de vieux et, finalement, Ben n’est pas mon genre. Je me suis dit « Laisse tomber. De toute façon les Aristochats et toi, vous êtes incompatibles ». Mais c’était sans compter sur mon libraire mauvais genres (auquel, faut-il le préciser, il m’est impossible de résister) qui m’a mis dans les mains un billet pour le ferry à destination de Shutter Island. Et j’ai bien cru que ce ne serait qu’un aller simple en débarquant avec les marshals fédéraux Daniels et Aule sur cette île glauque abritant un hôpital psychiatrique pour psychopathes dangereux. Je n’en avais rien à faire de cette Rachel Solando qui s’en était évadée et que les marshals devaient retrouver. Et pourtant je me suis attachée à Teddy Daniels. Et quand j’ai pris mon billet de retour sur la terre ferme c’est toute chamboulée (mais néanmoins pressée) que j’ai quitté l’île. Les tripes à l’envers et le cerveau tourneboulé.

Les précédents avis ont tout dit ou presque de ce livre : l’atmosphère angoissante, la tension oppressante qui monte en puissance au fil du récit, le retournement final qui « sonne » le lecteur même s’il s’y attendait à moitié. Des qualificatifs comme « prodigieux », « génial », « très fort », « cinématographique » ont été utilisés, et à juste titre. Que voulez-vous que j’ajoute à cela ? Il n’y a rien à ajouter. C’était ma première fois avec Lehane et c’était … bon.

A lire également chez les Chats les avis de :

mercredi 23 juillet 2008

"Walden" - Henry David Thoreau

Aujourd'hui plus que jamais ! par Lise CC

Walden et les autres ouvrages de Thoreau ont inspiré les écrits de Tolstoï, Mohandas K. Gandhi, Martin Luter King Jr - et Barrack.H.Obama, pour citer le dernier en date. Ont été influencé par la philosophie d'Henry Thoreau et par son génie littéraire, Frederick Douglass ( Narrative, 1845) la majeure partie de l'œuvre de Margaret Fuller, Harriet Beecher Stowe ( Uncle Tom;'s Cabin, 1852), Herman Melville ( Benito Cereno, 1855), Walt Whitman ( Préface de l'édition 1855 de Leaves of Grass)
Si nous pouvons considérer Henry D. Thoreau comme le plus important élément de ce que F.O. Matthiessen , soixante ans plus tard, appellera la Renaissance Américaine, nous ne devons pas perdre de vue qu'il est aussi l'un des plus grand réformateur de la moitie du dix neuvième siècle, et que sa philosophie, ses écrits, ont largement contribué a donner à la société l'impulsion vers une nouvelle direction, loin des cahots et des insanités du monde de ce temps-là. Pour Thoreau, et nous le voyons clairement dans Walden, la réforme doit passer par le combat contre deux mouvements négatifs et malsains : l'esclavage et le capitalisme industriel.
Nous retrouvons le chant idéologique de Thoreau repris par Emerson - " (...) public and private avarice, that make the air we breathe thick and fat ( … ) " ; et par Whitmann, demandant " ( …) scum floating atop of the waters, / Who are they as bats and night-dogs askant in the capitol? / What a filthy Presidentiad ! (...) "

Mots qui continuent d'être d'actualité aujourd'hui plus que jamais !

Ce qui m'enchante aussi, à chaque lecture de Walden, c'est la soyeuse et simple chanson des mots tendus sur la structure solide de l'arrière chant . Comme ( et j'ouvre le livre au hasard ) par exemple, la phrase qui ouvre le chapitre 14 : Former Inhabitants and Winter Visitors :

I weathered somme merry snow storms, and spent somme cheerful winter evenings by my fire-side, while the snow whirled widly without, and even the hooting of the owl was hushed …

Et les deux courtes phrases qui clôturent Walden :

There is more day to dawn. The sun is but a morning star…

Henry David Thoreau

par Lise CC


Thoreau a vécu dans une petite maison, une cabine, qu'il a construit de ses propres mains dans les bois, sur les bords d'un tout petit lac ( aujourd'hui a demi asséché ), le Walden Pond, situé a coté du village de Concord, Massachusetts. Thoreau s'y est installé le 4 juillet 1845 et y est resté jusqu'au 6 septembre 1847. Pendant tout ce temps, il a vécu seul, se nourrissant et vivant de ce que pouvait lui apporter la nature autour de lui . Il a régulièrement tenu son journal, cultivé son jardin, reçu quelques amis et surtout, écrit les majeures parties de Walden, Une semaine a Concord et sur les bords de Merrimack River, et établi la structure de ce qui sera plus tard, familièrement titré Civil Désobéissance., ou , Resistance civile contre le gouvernement.

Le 24 juillet 1846, H. D. Thoreau est arrêté et passe un nuit en prison, car il a refusé de payer une taxe ( Poll Tax).

On peut se demander comment un homme de confortable origine, et qui faisait partie d'un groupe d'amis choisis et cultivés - les transcendantalistes de Concord, MA, sous la houlette d'Emerson - a pu décider de vivre pendant de longs mois dans la solitude et l'inconfort de ce bois, et sans autres ressources que ce qu'allait lui procurer la nature. Cette question, évidemment, est plus facile à poser qu'à résoudre : les réponses sont, pour la majeure partie, dans l'ouvrage Walden, qui est considéré comme un des monuments de la littérature sociologique et philosophique américaine.
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mardi 22 juillet 2008

"L'Alchimiste" - Paulo Coelho

C'est même à ça qu'on les reconnaît, par Zaph


Selon la quatrième de couverture, ce livre est sensé nous faire retrouver notre âme d'enfant.

J'imagine que pour Coelho, "retrouver son âme d'enfant" signifie en réalité "devenir con comme un balai".

Je n'ai jamais vu un héros aussi insignifiant et limité de la comprenette que ce "jeune homme".
Il se fait voler deux fois sont argent comme un gros bleu, croit absolument tout ce qu'on lui raconte, fait tout ce qu'on lui dit de faire, prend des dictons de chamelier pour des puits de sagesse, et considère que ses moutons sont ses meilleurs professeurs.

En plus, comme le lecteur accède à la connerie en retrouvant son âme d'enfant, Coelho met sa prose au diapason grâce à une succession de petites phrases complètement plates et stéréotypées.

Et je suppose qu'on est sensé lire ça la bouche béante d'admiration tout en suçant des bonbons à la fraise.
Décidément, je ne suis pas client de l'âmedenfantisation. Déjà, je ne peux pas piffer le Petit Prince, mais alors ici, ça dépasse les bornes.

Et la quatrième qui nous parle en plus de "conte philosophique".
Haha. Vous savez ce qui fait la force d'un bon conte, Monsieur Coelho? C'est que tout n'y est pas exprimé. C'est que l'auteur laisse de la place pour l'imaginaire et l'interprétation personnelle. Même les enfants sont capables de saisir ça. Mais si un conte exprime un message trop clairement, il perd toute sa force.

Puis parlons-en des idées! Cette histoire de "légende personnelle" ne sent pas très bon. Comme si nous avions tous un destin merveilleux à accomplir, et qu'il suffise de le vouloir pour que la terre entière se plie en quatre pour nous aider. Ceux qui n'auraient pas accompli de légende personnelle comme quelques milliards d'êtres humains qui n'ont que le luxe de se préoccuper de leur survie au quotidien seraient vraiment de pauvres cons.

Allez, je vais être sympa, je ne vais pas parler du dénouement complètement ridicule et téléphoné, ce serait vraiment trop méchant.

lundi 21 juillet 2008

"Le Sanctuaire du Gondwana" - André Julliard & Yves Sente

Oh, My God ! par Sandrounette


Ayant ramené une roche mystérieuse de son expédition du pôle sud, Philip Mortimer mène des recherches et trouve dans des anciennes coupures de journaux les mêmes signes, non loin du fleuve Ngorongoro. Il n’en faut pas plus à l’aventurier qui sommeille en lui pour partir sur les traces d’une civilisation antique, avec l’Afrique en toile de fond.

Je suis une novice de Blake et Mortimer. J’avais lu « La marque jaune », un des premiers tomes, dessinée et scénarisée par Egar P.Jacobs, créateur de la série. L’auteur n’a livré que 10 aventures du tandem Francis Blake et Philip Mortimer avant de disparaître. La série continue tout de même avec différents dessinateurs et scénaristes.
Le sanctuaire du Gondwana, en l’occurrence, a été réalisé par André Juillard et Yves Sente. Les afficionados de Blake et Mortimer sont déçus dans l’ensemble par la « copie » des dessins du maître Jacobs qu’a tenté plus ou moins consciemment André Juillard.

Pour ma part, je ne connais pas assez la série pour comparer les styles et la qualité du scénario. Je vais donc donner mon avis en ne prenant en compte que ce tome-là.
Le scénario fonctionne jusqu’à un certain point. Tout se passe bien pendant les 2/3 de la BD : on comprend bien les tenants et les aboutissants de la mission, on est emmené en Afrique avec nos scientifiques et l’approche de la découverte d’un fabuleux trésor tient tout le monde en haleine…Et puis…c’est le drame… Que vient faire cette science-fiction dans un Blake et Mortimer ? Certes il y a toujours eu des machines scientifiques biscornues apparemment mais pas à ce point… Pour ceux qui ont vu le dernier Indiana Jones, c’est du même ordre…
Je ne suis pas contre un peu de science-fiction à partir du moment où elle n’est pas en contradiction avec la cohérence de l’ouvrage. Pour moi, cet apport nuit réellement à ce que l’auteur et le dessinateur avaient construit au fil des pages. Et au final, on ne retient que l’absurdité au détriment de l’histoire…

Dommage…

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dimanche 20 juillet 2008

"Pig Island" - Mo Hayder

L'Horrible & le Sordide, par Ingannmic


Une île perdue au large de l’Ecosse, sur laquelle étaient autrefois élevés des porcs, maintenant habitée par les adeptes d’une secte mystérieuse…

Des rumeurs concernant l’apparition, sur cette île, d’une créature diabolique, à la fois humaine et animale…

Des odeurs et des matières suspectes apportées aux habitants de la côte voisine par les vents et les courants…

Introduisez dans ce charmant contexte un journaliste fort curieux, à l’esprit terre-à-terre, et ayant eu maille à partir avec le gourou de ladite secte voici quelques années : ainsi est planté le décor de l’avant-dernier ouvrage de Mo Hayder, Pig Island (son dernier, Rituel, vient de paraître).

Vous l’aurez compris, l’atmosphère dans laquelle nous plonge l’auteure est lourde, morbide, voire parfois déstabilisante : on croit nager dans les eaux irréalistes d’une histoire fantastique, et voilà que le récit s’éclaire d’une approche cartésienne, ce qui le rend d’autant plus glaçant. En effet, en devenant crédible, l’horreur n’en n’est que plus sordide. De plus, tout au long de l’intrigue, M.Hayder joue avec nos nerfs : le danger est plus souvent suggéré que dévoilé, le héros s’empêtre dans des fantasmes inavouables, et est manipulé par un homme apparemment pervers et dément, mais introuvable.
Ainsi que j’ai pu le vérifier sur différents sites (où je suis allée glaner quelques critiques, suite à une remarque de Thom, précisant que les personnes de sa connaissance ayant lu ce roman avaient été déçues), Pig Island ne fait pas l’unanimité. On lui reproche notamment des incohérences au niveau de l’intrigue, voire un dénouement grossier. Ce qui est intéressant, c’est que L’homme du soir, de la même Mo Hayder, avait fait l’objet de reproches similaires, surtout au niveau de la conclusion, dont certains allaient jusqu’à croire qu’elle était incompatible avec le reste du récit. Pour les plus crédules, l’auteure aurait même commis une erreur dans son schéma narratif ! Je dis « crédules », car selon moi, c’est impossible de la part d’un tel écrivain. Conclusion : c’est elle qui nous induit volontairement en erreur par le biais d’apparences trompeuses, auxquelles on se laisse prendre parce qu’on ne considère les faits qu’elle nous décrit que sous un seul angle. Et personnellement, je trouve cela plutôt fort.

En ce qui me concerne, je n’ai donc pas été déçue par Pig Island. J’ai, certes, préféré Tokyo (de la même auteure), mais je trouve qu’elle a utilisé ici une autre des cordes qu’elle a à son arc, et qu’elle l’a fait avec talent.

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samedi 19 juillet 2008

"Tribulations d'un précaire" - Iain Levison

Dépasser l' "engagement"... par Livrovore


C’est l’histoire d’un type, il cherche un emploi. Alors il enchaîne petits boulots et missions d’interim. Et puis il trouve une mission en Alaska mais c’est très dur et il se fait exploiter. Donc il rentre et il recommence à chercher du boulot. Voilà.

On pourrait s’arrêter là pour parler de ce petit bouquin de Iain Levison. Je n’y ai pas trouvé grand-chose de plus, malheureusement. Autant j’avais été enchantée quand j’avais lu « Un petit boulot », récit mordant, drôle et bien mené, autant celui-ci ne m’a pas passionnée. Je dirais même que je me suis vaguement ennuyée.

Iain Levison avait écrit un premier roman très réussi à mon avis, mais il a voulu reprendre le même thème et s’est planté.
Bien sûr, l’auteur a voulu dénoncer les travers du marché du travail, de la recherche d’emploi, des diplômes qui ne donnent rien, des patrons qui exploitent. Mais ces belles dénonciations n’auraient pas dû dispenser Levison d’y mettre une histoire, quelque chose qui accroche, qui me fasse rentrer dans le récit. Là, je suis restée sur ma faim. Ces belles constatations, je n’avais pas besoin de ce livre pour les découvrir ou les dénoncer. J’aurais voulu que l’auteur dépasse « l’engagement » et pense à raconter un roman, comme il avait fait avec « Un petit boulot ». Dommage.
Donc, à lire uniquement si vraiment dans votre vie vous n’avez jamais été au chômage, que vous n’avez jamais rencontré personne qui cherche du boulot, et que vous n’avez jamais eu de patron. Peut-être que ça vous apportera quelque chose…

vendredi 18 juillet 2008

"Le Complot des janissaires" - Jason Goodwin

Où l'on se mêle d'oignons, par Lhisbei

Istanbul, 1836. Le corps d’un officier de la Nouvelle Garde, le corps d’élite formé à l’occidentale du Sultan Mahmud II, est retrouvé noyé dans un chaudron de la confrérie des marchands de soupe. 3 autres officiers ont disparu. Hachim, eunuque réputé pour son flair et sa discrétion, est chargé de l’enquête. Le même soir, la jeune vierge du harem promise au Sultan est étranglée. Hachim se retrouve aussi chargé de l’enquête. Au même moment la Validé, la mère du Sultan, s’aperçoit que ses bijoux (offerts par Napoléon) ont disparu. Elle charge Hachim de l’enquête. Les délais sont courts : Hachim n’a qu’une dizaine de jours pour résoudre ces affaires.

Trois enquêtes pour un seul homme, ça fait beaucoup. Surtout quand l’homme en question passe une partie de son temps à cuisiner (finement), prendre le thé (le plus souvent accompagné d’une ou deux bouteilles de vodka) avec son ami Palieski le diplomate polonais (la Pologne, envahie par la Russie n’existe plus officiellement) ou à discuter avec son amie Preen, une danseuse transsexuelle. L’enquête avance à grand peine et se résout presque d’elle-même. Hachim, assez passif pour un détective, pose peu de questions, réfléchit plutôt lentement et bénéficie de coups de chance monumentaux. Sa discrétion confine parfois à la transparence même si l’on apprécie le personnage. Ses aventures sont surtout le prétexte à une magnifique visite d’Istanbul, de son Grand Bazar, ses ruelles grouillantes de monde, ses palais opulents, et à l’exploration de son passé grandiose et sa cuisine savoureuse. En choisissant une période où les « modernes » (représentés par le nouveau corps de garde) et les « anciens » (les confréries réfractaires au changement) s’opposent, l’auteur dépeint les moeurs d’une société ottomane en mutation. Jason Goodwin est très bien documenté (sa biographie nous apprend qu’il a étudié l'histoire byzantine à l'université de Cambridge et qu’il est l'auteur d'une histoire de l'Empire ottoman) mais, dans Le complot des Janissaires, les intrigues policières et leur traitement restent des points faibles. Pour un roman paru dans la collection « Grands détectives » de 10/18 c’est un peu gênant.

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jeudi 17 juillet 2008

"Armageddon in Retrospect" - Kurt Vonnegut JR

Un faire-part de la famille Zaph, par Lise CC (dont c'est le grand retour !)

Mark Vonnegut a réuni pour notre plus grand plaisir, douze nouvelles inédites, et vingt cinq illustrations créées pas son père Kurt Vonnegut. Le résultat, c'est un ouvrage de 232 pages sur beau papier - c'est important, le papier et celui ci est doux au toucher comme à l'oeil.

Il s'agit de textes qui furent écrits dans le courant de la vie de l'écrivain. Le livre commence par la lettre, datée du 29 mai 1945, que Kurt Vonnegut, alors agé de 23 ans, ecrivait à ses parents pour leur raconter comment il fut fait prisonnier par les nazis, comment il a survécu et comment il se trouve présentement en France, " Red Cross Club in Le Havre P.O.W Repatriation Camp " faible et amaigri, mais bien vivant, et à quelques jours de revenir dans sa famille. Vonnegut nous livre ses pensées sur la destruction de Dresden aussi bien que l'histoire de ces trois soldats prisonniers de guerre, qui passent leur temps a élaborer le parfait menu de leur premier repas de rapatrié. ; en passant par la sombre, tragique constatation de l'impossibilité, ou nous sommes, de protéger nos enfants contre la tentation de la violence ; l'ensemble nous montre un Vonnegut soldat, écrivain, artiste, parent, et humain, celui que nous connaissons, luttant désespérément pour la paix.

Mark Vonnegut a écrit l'introduction et nous offre en prime le texte du dernier speech que devait dire son pere à l'occasion de la remise des diplômes à l'Université de d'Indianapolis, prévu pour le 27 avril 2007. Vonnegut n'a pas vécu jusqu'à cette date.

Et enfin, nous avons aussi l'occasion d'admirer les dessins et illustrations qui ressemblent aux écrits de Vonnegut, comme eux inattendus, colorés, poignants et en meme temps pleins d'humour.

Kurt Vonnegut Jr, ( 11 novembre 1922 - 11 avril 2007 ) était un écrivain, un professeur, et un peintre. Il fut publié pour la première fois en 1950. Nous connaissons de lui quatorze romans, quatre pièces de théatre, et trois recueils de courtes nouvelles, ainsi qu'un incalculable volume de textes brefs, discours, et essais non-fiction.

Mark Vonnegut
est le fils de Kurt Vonnegut jr. Il est pédiatre et auteur d'un mémoire, The Eden Express.

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mercredi 16 juillet 2008

"Le Chameau Sauvage" - Philippe Jaenada

Un plaisir de lecture rare, par Laiezza


"Le Chameau sauvage" raconte la vie tragicomique d'Halvard Sanz, héros malheureux d'une multitude d'aventures pas possibles, aussi malchanceux que maladroit. Alors évidemment, lorsqu'il rencontre une fille, ça ne peut pas être une fille normale, ce serait trop beau : il rencontre Pollux, nana fantasmagorique, complètement évanescente, qui n'arrête pas de disparaître, elle a l'air d'un mirage et il en tombe fou amoureux (c'est vrai qu'il avait peu de chances de retomber, un jour, sur une fille pourvue d'un nom plus ridicule que le sien).
C'est tout ? Et oui, c'est tout : "Le Chameau sauvage" est une enthousiasmante suite de digressions en tous genres, qui vaut surtout par la plume de Philippe Jaenada, étonnante par sa vivacité et sa force comique. Beaucoup de poésie dans ce livre, un côté "roman initiatique pour rire", de l'inventivité et surtout : une bonne humeur très communicative. "Le Chameau sauvage" est un livre qui ne se prend pas au sérieux, et provoque un plaisir de lecture rare, alors même qu'il ne possède pas plus d'intrigue, que de sujet digne de ce nom. Il suffit de l'ouvrir, pour se laisser emporter par le style de l'auteur, un peu bavard parfois, mais toujours touchant, et chaleureux. Oui, "chaleureux", c'est ça : le mot juste pour qualifier "Le Chameau sauvage". Avec "humain", "léger", et "tendre".
A peu près l'inverse du "Cosmonaute", en fait, que j'ai évoqué dans un précédent billet (ICI). Qui, probablement, me marquera sans doute plus, de par son âpreté. Mais qui ne m'aura pas autant réjouie que les aventures d'Halvard, antihéros nostalgique d'une femme à peine croisée, sur laquelle il projette fantasmes, rêves, folies... Toutes ces choses qu'on ne trouve plus tellement, dans les livres, aujourd'hui...


Pourquoi lire le Chameau Sauvage ? par Lily

Pourquoi lire Le Chameau Sauvage on me demande, maintenant que j'ai fait de Philippe (je l'appelle par son prénom, ouais, carrément) l'Aristochat.

Pourquoi ?

- parce qu'en croyant écrire sur un antihéros ordinaire vivant une vie ordinaire, Philippe Jaenada a créé un personnage unique en son genre. Qui tient le bouquin à lui tout seul, ce qui est rare.

- parce que le ton est unique en son genre : on jurerait que le narrateur vit à côté de sa vie, le décalage est permanent. Et donc, c'est drôle, forcément drôle.

- parce que Polux Lesiak est une fille incroyable, comme on en a tous et toutes connues. Le héros tombe amoureux d'elle en un coup d'oeil, nous, en une seule page.

- parce qu'Halvard Sanz (c'est le nom du héros) distille quelques préceptes essentiels pour survivre dans ce milieu hostile (hyper hostile) qu'est l'univers : NE CHERCHEZ PAS A VOUS VENGER, CA NE DONNE RIEN ; QUE FAIRE EN CAS DE CHUTE ? ; FUYEZ TOUJOURS A LA PREMIERE ALERTE... etc.

- parce que ce livre est un remède contre le désespoir, la solitude et l'ennui (les trois allant de paire, souvent) et qu'avec lui on si on ne retrouve pas foi en l'existence on arrive à rire d'elle (c'est déjà pas mal).

- parce que Philippe Jaenada touche à l'universel en parlant d'un mec inspiré de lui-même, ce qui est soit du génie soit un coup de bol (en tout cas ça marche).

- parce qu'il a élevé l'art de raconter n'importe quoi n'importe comment dans des sphères inégalées à ce jour, à part par quelques allumés pas assez talentueux pour mériter qu'on se souvienne de comment ils s'appellent.

- parce qu'Halvard Sanz est un compromis parfait entre Zaph et Thom (mais en plus sexy, parce que lui ne le sait pas, et ça c'est vachement plus sexy). Et qu'on fantasme toutes sur eux, même si on leur dit pas de peur qu'ils prennent la grosse tête.

A lire également chez les Chats : l'avis d'Ingannmic

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mardi 15 juillet 2008

"Chroniques d'une croqueuse" - Catherine Townsend

Quand j'approche du coma éthylique, par Gaël


Quatrième de couverture :

Les hommes qui accumulent les conquêtes? Des Don Juan! Mais qu'en est-il des femmes qui s'autorisent elles aussi à collectionner les aventures, en attendant de tomber sur le bon?
Avec Chroniques d'une croqueuse, Catherine Townsend, la chroniqueuse Sexe du journal anglais The Independent, nous livre le savoureux carnet de bord d'une jeune femme moderne et décomplexée (elle!) et passe en revue les pratiques sexuelles de notre époque, tout en tentant de cerner les nouvelles règles de la séduction...
Catherine teste tout, et ne nous cache rien. Sa passion pour la lingerie, comment elle a pris du Viagra, ses soirées de speed dating, ses coups de foudre et déconvenues amoureuses, ses nuits d'ivresse et sa passion pour les sex-toys... mais être une femme libérée, c'est pas si facile!

Il y a une dizaine d'années, les succès coup sur coup du Journal de Bridget Jones de Helen Fielding et de Sex and the City de Candace Bushnell lançaient un nouveau sous-genre littéraire qui allait déferler sur les rayons : la chick lit'. Bon, certains pinailleurs iront jusqu'à dire qu'on peut remonter jusqu'à Jane Austen et même Madame de La Fayette pour comprendre l'impact de ce phénomène. Je veux bien, mais là n'est pas le sujet. Ce qui est sûr, c'est qu'une brêche énorme s'est ouverte, dans laquelle moultes écrivaines se sont engouffrées à coups de féminisme libéré et autre revanche sur la littérature machiste... pour le meilleur, mais bien souvent aussi pour le pire. Parmi elles, Carrie Bradshaw Catherine Townsend tient une chronique "sexe" dans un journal national, et a décidé d'en faire un livre. Si les deux journalistes souffrent de ressemblances évidentes, Townsend enfonce le clou jusqu'à plagier certains dialogues que l'on retrouve dans la série. Et tant qu'à copier éhonteusement les copines, autant faire de même avec Le Journal de Bridget Jones, auquel Chroniques d'une croqueuse emprunte quasiment mot à mot certaines scènes. Si ce n'était que ça, on pourrait parler, à la limite, d'un hommage maladroit. Malheureusement, le livre entier est une "douleur dans le cul", comme on dit outre-Manche. Là où Fielding utilisait la forme du journal intime avec malice pour nous raconter une histoire qui tient la route, Townsend ne fait qu'aligner des épisodes sans queue(s) ni tête (enfin, surtout sans tête!), telles des aventures de Martine. Ainsi peut-on lire "Catherine et la sodomie", "Catherine et son nouveau sex-toy", "Catherine se retrouve dans un plan à trois", et ainsi de suite. Ce n'est pourtant pas que la belle n'a pas essayé de nous raconter quelque chose, mais elle n'y parvient tout simplement pas. Les personnages sont dépeints à coups de rouleau et à la gouache, si bien qu'on en confond à peu près tous les mecs qu'elle croise dans le livre, mais également ses copines. Le style dépasse rarement mon propre langage parlé, et encore quand j'approche du coma éthylique. Les situations qui se veulent croustillantes ne sont qu'un amas de clichés et de lieux communs, qui ne provoquent pas grand-chose si ce n'est des soupirs d'exaspération. Enfin la personne/le personnage de Catherine lui-même, s'il cherche à être émouvant, n'est qu'un concentré d'arrogance et d'incohérence qui empêche le lecteur de s'attacher vraiment à cette fille qui se cherche à travers le sexe. Quand on prône son intelligence, la moindre des choses est d'avoir un minimum de recul sur les choses et sur soi, si ce n'est une énorme autodérision.
Je conseillerai donc à First Editions d'éviter de perdre leur temps à éditer des inutilités pareilles et d'en passer un peu plus à corriger leurs coquilles, qui malgré tout restent le seul élément qui retienne vraiment notre attention.

lundi 14 juillet 2008

"Blaze" - Stephen King

Stephen je t'aime quand même, par Ananke


Qui a dit dans un commentaire qu’il n’avait pas encore lu le « dernier » Stephen King ? S’il s’agit de « Blaze » (Albin Michel 2008), en ce qui me concerne, c’est fait. Le livre est bien de Stephen King, mais il nous est vendu comme un manuscrit miraculeusement retrouvé de Richard Bachman. Ben voyons. Quand on sait que King archive même ses lettres de refus, et qu’il précise dans l’avant-propos (titré : « Aveux publics ») qu’il a relu deux fois le manuscrit depuis qu’il l’a écrit il y a une vingtaine d’années, on peut se demander en quoi consiste le miracle.

La vraie question, la seule qui m’intéresse là-dedans, la seule à laquelle King n’at jamais répondu à ma connaissance, c’est de savoir pourquoi il a écrit sous pseudonyme ? La première hypothèse pourrait se formuler ainsi : « Les gens achètent-ils mes livres pour le nom en couverture ou pour ce qu’il y a dedans ? » Cette hypothèse ne tient pas. Elle supposerait que les livres signés Richard Bachman soient écrits à partir de sujets 100% King et dans un style également cloné. Or il n’y a pas de sujet typiquement et exclusivement kingesque – il ratisse très large – et une différence qui saute aux yeux quand on lit du Richard Bachman, c’est que le travail sur l’écriture (style, langage…) essaye justement de marquer la différence. Ce qui laisse entrevoir une autre hypothèse : « Et si j’écrivais très différemment, au point de signer d’un autre nom, est-ce qu’on me reconnaîtrait ? » On sait aujourd’hui que la réponse est non. En gros, ce qu’écrivait Stephen King sous le nom de Richard Bachman, tout le monde s’en foutait. L’a pas fait un rond avec ça. Ce qui invalide l’hypothèse, mais de façon pour le moins ironique !

Perso, qu’il signe King ou Bachman, je suis plutôt client. Jusque là. Oui, parce que Blaze n’a pas grand intérêt. Je ne sais pas en quoi résidait au départ le travail de différenciation sur l’écriture, dont la quatrième de couverture nous assure qu’il est assez abouti pour rappeler « le meilleur de Jim Thompson et James Cain » - il faut dire que je ne connais aucun des deux – mais sachant que Blaze a été traduit, et qu’il l’a été par le traducteur habituel de King (W.O. Desmond) on peut penser qu’à l’arrivée, on a surtout du Desmond traduisant du King réécrivant du Bachman.

Il s’agit donc d’un mélo de 350 pages destiné à faire pleurer au chaud alors qu’au fil des pages la neige fait rage. Un colosse idiot décide d’enlever un bébé parce que son complice décédé, le seul des deux doté d’un semblant de cerveau, assurait que c’était un moyen infaillible pour se faire un max de tune. On est sensés être attendris par cette énorme chose s’occupant d’une toute petite, s’y attachant, tout en essayant d’échapper à la police. Large retour en arrière sur le passé du cervellement handicapé, enfance malheureuse, maison de redressement, adultes sadiques. Et comment pensez-vous que ça puisse se terminer ? Ben voilà. C’est exactement ça.

Pour moi, c’est un bouquin raté, pas du tout nécessaire, à ranger juste à côté de l’impossible à finir « Cell ». Ça n’enlève rien au grand intérêt que je porte à Stephen King, rien au plaisir que j’ai eu à lire la plupart de ses autres livres. Juste ça n’ajoute rien.

samedi 12 juillet 2008

"L'Historienne et Drakula, tome 1" - Elizabeth Kostova

Taaaatatataaaaaa (ç générique de Buffy contre les vampires…) ou quand Sandrounette veut faire de l’humour…


En 1972, une adolescente escalade la bibliothèque de son père, diplomate en voyage, pour combler son ennui. Elle tombe par hasard sur un ouvrage ancien qui l’intrigue. En effet, toutes les pages de ce petit libre sont blanches sauf la double page centrale contenant une enluminure : un dragon, entourant de ses griffes un seul mot, DRAKULA.
Elle trouve près de l’ouvrage une enveloppe contenant des lettres manuscrites commençant par ses mots : « Cher et infortuné lecteur ». Son destin était scellé…

Je dois avouer que je ne serai pas allée vers ce livre toute seule, pour la bonne raison que je déteste tous les livres « qui font peur » (et oui, on ne se refait pas !). Déjà que j’avais peur lors de certaines épisodes de Buffy ou de X-Files… Mais grâce à Amy qui m’a envoyé ce livre, j’ai fait une extraordinaire découverte.

Non seulement je ne suis pas morte de peur mais j’ai aspiré (en bon vampire) les 500 pages de ce premier tome.

La jeune fille demande des explications à son père au sujet de ce mystérieux petit livre. Et son père lui livre son histoire, son vécu. La narration est entrecoupée de récits qui nous emmène à l’université d’Oxford, à Istanbul, Budapest avec une description du décor et de l’Histoire des lieux à couper le souffle.
Car Elizabeth Kostova est une historienne. Tout ce qu’elle nous apprend dans cet ouvrage sont des faits historiques (les descriptions de Budapest dont on ressent les odeurs et les couleurs via les mots) mais aussi les documents concernant le Prince des Ténèbres. Je crois bien que je vais devenir une spécialiste de Vlad l’Empaleur (ça le fait dans les soirées mondaines…)

Ce grand travail d’archéologue est à féliciter et n’endort absolument pas le lecteur (il faut évidemment aimer les romans historiques…)

Je ne vais évidemment pas dévoiler le flot de morts-vivants, la disparition d’un personnage important, la mort de…. (oups…)

Trêve de plaisanterie, si vous aimez le roman historique, si vous voulez passer un excellent moment, ce livre est pour vous !

J’ai le tome 2 sous le coude avec ma gousse d’ail, mon crucifix, mes balles en argent, mon eau bénite…
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vendredi 11 juillet 2008

"Willard et ses trophées de bowling" - Richard Brautigan

Pour retrouver le sourire ! par Thom

On souffle… ouf… une semaine difficile ? des problèmes ? un temps trop caniculaire ?

Allons allons, un petit coup de Brautigan, et ça repart !


Dès le premier chapitre, on est en terrain connu – enfin : les amateurs de Brautigan sont en terrain connu. Un couple s’amuse à un délire SM tragicomique et pas pornographique pour deux sous, car Bob a attaché Constance n’importe comment, il n’a même pas réussi à la bâillonner correctement. Trop nul ce Bob. A sa décharge, il faut préciser que depuis quelques temps, nous dit-on, il n’arrive plus à faire quoi que ce soit correctement. Ce qui se confirme, puisque la scène torride annoncée n’arrive pas : sa femme est nue et attachée devant lui… et il commence à lui lire des fragments d’une anthologie d’odes et épopées grecques (ce qui par ailleurs peut totalement être considéré comme un sévice).
Le ton est donné ! La perversion annoncée dans le titre (NDLR : en anglais, ce roman est sous-titré : "A perverse mystery") n’apparaîtra jamais, mais par contre, on va bien rigoler et on ne va pas s’en plaindre.

Un roman de Brautigan n’étant jamais complètement un roman, celui-ci est plus un genre de série, plein de petites chroniques successives narrant les (més)aventures de toute une galerie de personnages aussi ordinaires que tordants. Il y a donc Bob et Constance, mais aussi un autre couple, John et Patricia. Ces derniers aiment beaucoup leur ami Willard, dont la seule raison de vivre c’est ses trophées de bowling. Parfois même il leur parle. John et Patricia se demandent si Greta Garbo et Willard pourraient devenir amis. Pourquoi ? Aucune idée… ah, et puis il y a aussi les redoutables Logan Brothers (plus une brève apparitions des Sisters) qui ont un trophée de bowling à la place du cerveau et n’ont qu’un seul but avouer : s’emparer des trophées de Willard. Ils ne savent pas pourquoi, mais ils ont bien l’intention de parvenir à leurs fins !

Autant être clair : si vous n’avez pas d’humour, passez votre chemin. Ici, pas de grandes prétentions artistiques, pas d’étude de mœurs nichées au creux d’une intrigue en apparence simplette… non, rien de toute cela : Brautigan veut s’amuser, et entraîner les lecteurs dans son univers délirant. Pour bien se figurer ce à quoi ressemble ce livre, il faudrait essayer d’imaginer le livre le plus pompeux de Hemingway (pastiché ouvertement et méchamment) adapté à l’écran par les frères Coen.
Le résultat, c’est un bouquin siphonné et jubilatoire, des personnages à moitié barges lorsqu’ils ne sont pas juste totalement cons (comme les Logan Brothers), des scènes de cul qui qui se métamorphosent en morceaux de bravoures comiques et un découpage structurel permettant d’en picorer quelques morceaux pour se revigorer avant de replonger des activités plus sérieuses. Et après y revenir - Brautigan, ça fait du bien !

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jeudi 10 juillet 2008

"99 francs" - Frédéric Beigbeder

Première et dernière fois, par Ingannmic


Octave, publicitaire trentenaire branché et fortuné, dopé à la cocaïne, décide d'écrire un roman. Le but est d'y attaquer le marketting tout-puissant qui le fait vivre afin de se faire licencier avec des indemnités conséquentes car, comme il l'avoue lui-même, il "n'a pas les couilles de démissionner" (et il est d'une vénalité affligeante!)
Il nous livre ainsi une description corrosive et sarcastique de ce qu'il considère comme étant la dictature qui nous gouverne depuis la fin du XXème siècle, une dictature universelle et quasiment invincible, puisqu'elle plonge dans une soumission adorée de ceux qui la subissent : la publicité.
En arrière-plan, on suit ses déboires sentimentaux, ceux d'un homme qui refuse tout engagement, et qui finit par en souffrir.

J'ai lu ce roman par curiosité : Frédéric Beigbeder est un personnage dont le peu que j'avais aperçu sur le petit écran m'avait donné une image de "bobo" faussement encanaillé, et le seul fait de savoir qu'il fût critique littéraire pour Voici me paraissait assez rédhibitoire. Puis, lors d'un entretien radiophonique au cours duquel il présentait son dernier roman ("Au secours, pardon"), j'ai été agréablement surprise par son sens de l'autodérision, et sa façon de s'exprimer.
Finalement, en lisant "99 Francs", j'ai plutôt renoué avec ma première impression. Bien que le fond du discours soit juste, la critique, même si elle est parfois savoureuse, a néanmoins fini par me lasser. Octave n'a de cesse de fustiger l'empire de la publicité, voire à comparer son emprise et ses méthodes à celles de la propagande utilisée par le régime nazi (et notamment par Goebbels) au cours du IIIème Reich, il n'en reste pas moins l'un de ses acteurs, et donne surtout le sentiment de cracher dans la soupe, tout en continuant à profiter du système.
Sans doute est-ce volontaire de la part de Beigbeder : il décrit finalement un système contre lequel on ne peut combattre, tant les enjeux financiers sont importants. Si combat il y a, il ne peut être qu'individuel, mais l'auteur semble sceptique sur la capacité de chacun de nous à ne pas se laisser gagner par l'influence du marketting et des médias.
A mon humble avis, une cinquantaine de pages aurait suffi pour parvenir au même résultat, et c'est probablement le premier et dernier roman de Beigbeder que je lirai.

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