Pas vraiment extraordinaires, par SandrineJe ne sais jamais comment faire la critique d’un recueil de nouvelles, faut-il parler de chacune séparément ou critiquer le tout ? En parlant d’un tout je dirai que je n’ai pas vraiment apprécié ce livre, mais il y a tout de même des histoires qui m’ont plu.
« Double assassinat dans la rue Morgue » et « La lettre volée » sont narrées et vécues par les mêmes personnages, histoires un peu ampoulées mais divertissantes. Comme dit précédemment les personnages sont vraiment les précurseurs de Holmes ou Rouletabille.
Un mystère, un personnage au caractère fantasque, une longue réflexion et un dénouement quelque peu tiré par les cheveux.
« Le scarabée d’or » reprend l’idée d’un personnage un peu fou au premier abord mais d’une grande intelligence. Il y a aussi un trésor… Celle m’a plu, elle m’a fait penser à du Jules Verne (le décodage + le trésor).
« Le canard au ballon » et « Aventures sans pareilles d’un certain Hans Pfaall » …pffff d’un ennui abyssal…même pas eu le courage de les finir, j’avoue…
« Manuscrit trouvé dans une bouteille » et « Une descente dans le Maelstrom » sont étranges, parlent en quelques sortes d’une quatrième dimension. J’ai aimé ce monde bizarre malgré les longs détails dans la nouvelle du Maelstrom.
Dans « Les souvenirs de M. Auguste Bedloe », « Morella », « Ligeia » et « Metzengerstein » l’auteur a voulu utiliser le genre horrifique, genre qui lui va bien je trouve, et leurs fins font frissonner.
Restent « La vérité sur le cas de M. Valdemar » et « Révélation magnétique ». La seconde parle de Dieu et s’emmêle et m’ennuie, la première m’a plu, de nouveau cette entrée dans une dimension non-habituelle. Donc mon bilan pour ce livre est mitigé, beaucoup d’ennui (les ballons…), quelques surprises aussi.
Auteur à continuer pour ma part mais sans beaucoup d’enthousiasme, je l‘admets.
Le regard froid de la science contre la folie des sentiments, par MbuJe redécouvre un monde que j’avais quitté à l’adolescence et dont je n’avais pas tout compris. Une redécouverte, donc.
De tous les commentaires que j’ai lu chez les chats, dernièrement, au sujet des « Histoires extraordinaires », il en ressortait que les nouvelles scientifiques étaient plutôt barbantes. Or, on ne peut pas nier que les aventures qui sont contenues sont toutefois très attractives : un ballon traversant l’Atlantique, un autre allant jusqu’à la lune ou l’incroyable aventure de ce marin pris dans le Maelström.
Mais pour les présenter, Poe a choisi une façon très tendance à l’époque, c’est à dire le point de vue scientifique. La fascination pour la science et l’imagination qui y est connectée est d’ailleurs très révélatrice à mon avis d’une époque où le désir d’explorer tous les possibles, et surtout, tous les impossibles était exacerbé (en est-il autrement aujourd’hui ?) mais ce qui rend Jules Vernes fascinant manque chez Poe.
Ce qui m’a particulièrement frappée, c’est la froideur scientifique du regard du narrateur. Comment il expérimente sur des chats (après avoir commis un meurtre de sang froid sans s’émouvoir le moins du monde) qui font le voyage avec lui ses théories et comment la perte de sa « petite famille » ne le touche absolument pas.
De même, le marin qui perd son frère dans le maelström, après lui avoir communiqué sans trop d’insistance son idée et regarde s’enfoncer son bateau dans le néant tandis qu’il observe que ses théories scientifiques se vérifient (ceci suivant le fait que, comme le soulève Poe, étrangement, son pouvoir d’observation éclate au moment le plus incongru, semblant justement annihiler tout autre sentiment en lui. Et cette même froideur se retrouve chez Dupin, alors que le personnage du Scarabée, plus sympathique, en est nettement moins affecté.
C’est tout naturellement que, après avoir exploré la physique, Poe se retourne vers la métaphysique, fort prisée aussi (ah le magnétisme, je ne peux m’empêcher de penser à Tournesol !). Et si le narrateur de l’étrange cas de Valdemar reste un froid scientifique qui ne trouve pas de scrupule à demander à un ami de faire une expérience pendant son agonie, la scène change et tire vers l’horreur, où Poe semble se sentir nettement plus à l’aise. Etrangement, à mon avis, les personnages prennent de la couleur, et des sentiments, même si ceux-ci les plonges dans la folie.
C’est avec délice que j’ai donc redécouvert l’inquiétante Morella et son pendant Ligeia, si semblables que je n’arrête pas de les confondre (je trouve que l’histoire de Ligeia correspond plus au caractère de Morella, rien que le nom m’inspire beaucoup). Elles restent pour moi parmi les meilleures nouvelles de Poe, tant elles sont impressionnantes et c’est avec délice que j’entre dans ce genre où Poe a pris ses lettres de noblesses, et pour lequel on l’aime tant. Vivement le Chat noir, la Chute de la Maison Usher, the Tell-tale Heart ou le puit et le pendule !
Style et densité, par IngannmicCela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu d’oeuvre issue de la littérature du XIXème siècle, et plus longtemps encore que je n’avais pas lu Edgar Allan Poe, dont les nouvelles, à l’adolescence, comblèrent mon attirance pour les ambiances morbides et baroques. Curieusement, je ne me souvenais guère de ces lectures, seule la résolution du crime de la rue Morgue m’étant restée en mémoire. C’est donc avec plaisir que je me suis -re-plongée dans les « Histoires extraordinaires », remarquables déjà par leur style, admirablement maîtrisé : chaque mot paraît choisi avec soin, Poe n’hésite pas à enrichir son texte en empruntant des vocables à la langue française, voire au latin. Sans doute faut-il aussi rendre hommage aux talents de traducteur de Charles Baudelaire, dont on comprend par ailleurs aisément l’intérêt qu’il portait à l’écrivain américain, chez lequel il a pu retrouver son goût des sombres atmosphères et des étranges phénomènes.
C’est Baudelaire lui-même qui a compilé les récits des « Histoires extraordinaires », et qui leur a attribué ce titre. Il a également pris le parti de les regrouper par thèmes :
- avec « Double assassinat dans la rue Morgue », « La lettre volée » et « Le scarabée d’or », le lecteur se voit expliquer, par la résolution d’énigmes a priori insolubles, la nature de ce que serait le véritable esprit d’analyse, mélange d’intuition et d’extrême logique.
- dans les 4 suivantes (« Le canard au ballon », « Aventure sans pareille d’un certain Hans Pfaall », « Manuscrit trouvé dans une bouteille » et « Une descente dans le Maelström »), il est question de voyages et d’aventure, de l’affrontement entre l’homme et les éléments naturels, qui prennent parfois une dimension SURnaturelle, née d’une fantasmagorie liée à la méconnaissance des contrées inexplorées (tels la Lune, où le Pôle Nord, décrit ici comme un immense trou noir). On sent chez Poe à la fois son intérêt pour les disciplines scientifiques que sont notamment l’astrologie, la physique, par de nombreuses références à des spécialistes en ce domaine, et l’étendue de ses propres connaissances, et une certaine ironie aussi. En effet, ces nouvelles –surtout les deux premières- sont traitées sur le ton de la farce, et versent parfois dans l’invraisemblance la plus totale.
- les histoires qui suivent (« La vérité sur le cas de M.Valdemar », « Révélation magnétique », « Auguste Bedloe », « Morella », « Ligeia » et « Metzengerstein ») évoquent des phénomènes paranormaux : magnétisme, métempsychose, apparitions de revenants. Ces récits, émaillés de descriptions de corps en décomposition, de malades atteints de catalepsie,…, sont baignés d’une ambiance morbide.
Des histoires, comme vous l’aurez compris, assez variées, et que je n’ai d’ailleurs pas toutes appréciées de la même façon. J’avoue même en avoir abandonné une en cours de lecture (« Révélation magnétique »), trop absconse à mon goût ! J’ai du me faire violence pour aller au bout des « Aventures de Hans Pfaall », agacée par les lourdes descriptions techniques et les détails fastidieux de son voyage en ballon…
En revanche, j’ai aimé la densité de la plupart de ses textes, sa façon de les raconter comme s’il les avait personnellement vécu, tout en restant un observateur anonyme (en utilisant le « je » sans jamais se nommer). Et ses histoires d’énigmes et de fantômes évoquent pour moi celles, à dormir debout, que l’on se racontait, enfant, pour se faire peur…
Le mot de ZaphJe suis assez d'accord sur les nouvelles scientifiques. Le scientisme ambiant parait ennuyeux et très daté vu depuis le XXIe siècle. A la limite, l'intérêt est presque plus historique que littéraire, mais c'est quand-même curieux de se replonger dans une époque où la moindre réalisation technologique passait pour une prouesse. Notez que moi, je trouve que Jules Verne souffre un peu du même défaut. La poésie et le merveilleux de la technique nous échappe un peu, à nous qui sommes baignés dedans. Ingannmic a quand-même relevé le côté ironique de ces nouvelles, ce qui je crois, les remet en perspective.
Bien vu aussi en ce qui concerne les émotions. Si certaines sont exacerbées, d'autres semblent définitivement hors de portée des personnages de Poe.
Et moi aussi, ce sont ces étranges histoires d'amour macabres (Morella, Ligeia, ...) qui m'ont toujours impressionné le plus (j'y reviendrai dans un prochain article).