lundi 30 mars 2009

"Le Livre des Jours" - Michael Cunningham

Et tel le reflux des marées..., par Thom


... l'histoire n'est qu'un éternel recommencement.

Tel est l'axiome, finalement simple, que ce roman très complexe s'attèle à démontrer par le biais d'une construction plutôt intéressante du point de vue conceptuel : trois époques, passé - présent - avenir ; trois histoires ; trois sociétés. Les unes répondant bien sûr en permanence aux autres. Points communs entre ces trois parties ? Un lieu (Manhattan). Des personnages similaires (enfant, jeune femme et vieillard) aux patronymes identiques, une violence sociale omniprésente et surtout, surtout, les vers de Whitman (poète libertaire incontournable doublé d'un théoricien habile, véritable statue du commandeur dans son pays - le Victor Hugo américain si vous voulez...).

Le projet est donc des plus imposants... osera t'on ajouter : un peu trop pour les frêles épaules de Cunningham, auteur intéressant mais par trop inconstant ? On ose ! On pourrait même dire que ce triple roman est à sa manière une métaphore habile de l'œuvre entière de Cunningham... c'est à dire : en dents de scie, parcouru par autant d'incroyables fulgurances que de lourdeurs caractéristiques de l'auteur « The Hours ».

Concrètement (comme dirait David Pujadas) cela se traduit par une première partie (In The Machine) captivante, une plongée en plein « Gangs Of New York » nageant aux confins du surnaturel. Personnages attachants et atmosphère troublante, à vrai dire on aurait bien envie d'en recommander une louche à l'auteur - cette fois-ci sur un roman entier. Les choses se gâtent hélas juste après, lorsque l'auteur nous ramène à l'époque contemporaine. Visiblement intimidé à l'idée d'évoquer le traumatisme post-11 septembre avec trop peu de recul, Cunningham pose des questions plutôt intéressantes sur le rapport à l'image et à la violence mais ne prend pas le temps d'approfondir et expédie le tout en quelques pages - sans doute était-il pressé de rédiger une partie plus ludique se déroulant cent-cinquante ans plus tard. Mal lui en a pris : Like the Beauty, ultime volet de son triptyque, laisse pantois tant il enfonce les portes ouvertes et accumule les lieux communs SF. Jugement sans doute un peu sévère, mais on est en droit d'attendre d'un auteur non spécialisé dans le genre qu'il lui apporte quelque chose - en l'occurrence qu'il s'approprie l'essence de la SF plutôt que ses gimmicks. Cette dernière partie est si mauvaise et contrariante (car jusqu'alors le livre tenait la route en dépit de ses imperfections) qu'on est presque tenté de relire le début, histoire d'être sûr qu'il s'agit bien du même ouvrage du même auteur...

Que dire pour conclure ? Difficile de dégager un seul avis - on aurait presque préféré que Cunningham publie trois livres distincts, une trilogie inégale qui aurait eu le mérite paradoxal de clairement décliner en qualité, plutôt que ce roman unique qui démarre tambour battant pour mieux plonger le lecteur dans la plus profonde perplexité. Sans doute pas un mauvais livre ; plutôt un édifice aussi ambitieux que bancal qui finit par interroger quant à l'identité littéraire d'un auteur qui, le cas échéant, chasse successivement sur les terres de Dickens, de Roth et d'Asimov, sans jamais hélas parvenir à se rappeler où il habite. Dommage...

L'avis d'Ingannmic.

1 commentaire: