mercredi 2 septembre 2009

"Le rapport de Brodeck" - Philippe Claudel

Leçon d'inhumanité, par Ingannmic.


Un village frontalier avec l’Allemagne, après la 2nde guerre mondiale. Comme tout village, il compte ses notables (maire, notaire, instituteur), ses "brebis galeuses", et les plus respectables ne sont pas toujours ceux que l'on croit... Brodeck est l’un de ses habitants. Un soir, alors qu’il passe à l’auberge pour acheter du beurre, il y surprend une grande partie de la population masculine de la commune, qui vient de commettre un meurtre sur la personne de l’ « Anderer » -l’ « autre »-, un inconnu établi dans ladite auberge depuis quelques semaines. Dans un souci de justification, les hommes alors présents demandent à Brodeck de rédiger un rapport –lui qui de par sa profession en écrit déjà sur la faune et la flore de la région- pour expliquer les événements qui ont conduit à cet assassinat collectif.

Il est au départ un peu ardu de s’y retrouver dans ce récit : le narrateur suit le cours de ses pensées pour s’éloigner du rapport demandé, et passer sans transition de ses souvenirs de camp de concentration (dont il est un rescapé) à ses années d’étudiant, de son enfance aux événements survenus depuis l’arrivée au village de l’Anderer…
Et puis on finit par être en harmonie avec Brodeck, et par suivre sans difficulté ses différents pans d’histoire. Il livre peu à peu la clé de certains des mystères que dans un premier temps il évoque juste (le mutisme de sa femme Emelia, …), et au fur et à mesure de ces éclaircissements, c’est au cœur de l’infamie et la cruauté des hommes qu’il nous plonge, de ce qu’ils sont capables de perpétrer lorsque l’émulation de groupe les galvanise. A tel point que parfois, j’ai ressenti comme un trop-plein d’horreur : l’auteur ne laisse émerger que peu d’espoir, comme si les âmes justes –qui se retrouvent systématiquement dans le rôle de victimes- étaient en nombre bien insuffisant pour contrebalancer la noirceur des autres…

Ph.Claudel prend le parti de rester quelque peu vague : pas une seule fois le nom du pays où se déroule l’action n’est cité, et le lecteur devine que Brodeck est juif, car à aucun moment ce terme n’est employé. C’est comme s’il avait ainsi voulu sous-entendre l’universalité du mal, tout en donnant au lecteur suffisamment d’indices pour que celui-ci se réfère à des événements concrets et historiques, afin qu’il n’oublie pas que l’homme a réellement déjà prouvé qu’il était capable du pire, par ignorance, par superstition… par essence ?
Toujours est-il que c’est dans la plupart des cas la peur de l’autre qui provoque cette cruauté.

On retrouve dans « Le rapport de Brodeck » le pessimisme dont faisait déjà preuve l’auteur dans ses « Ames grises ». Certes, on ne peut pas vraiment qualifier cette lecture de réjouissante, mais il est parfois bon aussi de se rappeler la facilité avec laquelle l'homme peut se laisser aller à obéir à ses pires instincts…

mardi 1 septembre 2009

"Le grand jardin" - Francis Dannemark (1)

Plantée devant ma bibliothèque, par 32 Octobre


" Il était une fois deux frères qui étaient de faux jumeaux mais des frères authentiques. Il était une fois un homme fragile qui avait épousé une femme folle et adopté des nains hongrois qui, selon la légende, avaient quitté leur pays pliés en quatre dans une valise. Il était une fois un étranger peu loquace qui attendait avec un revolver à la ceinture de pouvoir un jour régler une dette morale. Il était une fois un très vieux médecin anglais qui avait appris que le monde est un jardin. Il était une fois un homme et une femme qui s'aimaient d'un grand amour mais ne le savaient pas encore... »

Si vous aimez la nature, détrompez-vous, vous ne découvrirez pas un livre de botanique à emporter dans vos expéditions.

Si vous aimez le jardinage, détrompez-vous, vous ne découvrirez pas un livre plein de trucs pour réussir parfaitement vos tomates ou vos pommes de terre.

Si vous aimez la vie, alors là vous allez vous régaler.
Et ce n’est pas qu’une vie que vous allez découvrir ou vivre au fil de ces 262 pages

C’est au moins dix vies, où des gens vont se croiser, se perdre, de retrouver, se tricoter un manteau pour l’hiver, laisser s’effilocher leurs sentiments, se perdre de nouveau pour mieux se retrouver. Des vies et les souvenirs qui s’y attachent vont se dissoudre au fil des jours, se mélanger, faire des bulles, renaître. Les gens sont se faire mal, se heurter, s’aimer, se déchirer. Ils vont avoir des bleus au cœur et à l’âme. Ils vont vous laisser aussi plein de questions et plein d‘envies de rencontres.

Qui n’aimerait pas croiser Christopher et Jacqueline ? Qui n’aimerait avoir le droit de pousser leur porte ? Qui n’aimerait pas pouvoir s’asseoir et juste partager leurs échanges de regards ?

Vous comme moi, je suis sûre que vous voudrez croiser Mario pour lui demander votre impossible.

Et en plus si vous aimez le jazz... vous en aurez plein la tête tout le long de ce livre que vous ne pourrez quitter qu’au point final.

Une des plus belles phrases qu’il m’a été donnée de lire depuis longtemps (et que je l’avoue, j’aurais aimé pouvoir écrire).
Comme moi vous allez vouloir revoir « La fille sur le pont » (2) ou découvrir ce film.
Comme moi, vous allez mettre ces dernières phrases dans un coin de votre tête ou de votre cœur (moi, je ne sais pas encore très bien où je vais la déposer) :

« De toute façon, on n’a pas le choix… On ne peut pas continuer.
- Continuer quoi ?
- À ne pas être ensemble.
»

Pourquoi ce livre ?
Un matin, je m’étais plantée devant ma bibliothèque et me demandais à quel auteur je n’avais pas rendu visite depuis longtemps.
Et là, tout d’un coup, il me fit comme un clin d’œil.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas vérifié si « La longue promenade avec un cheval mort » pouvait recommencer et si j’avais envie d’entendre les « Choses que l’on dit la nuit entre deux villes ». Cela faisait longtemps que je n’avais pas entendu la musique de ses mots.
Une recherche vite faite bien faite m’obligea à commander auprès de Catherine et de son « Jardin des lettres » de ma petite ville du Sud « Le grand jardin ».
Et tout d’un coup je retrouvais les mots, la musicalité, le monde de Francis Dannemark.
Et je n'ai plus qu’à me plonger dans toute sa bibliographie pour en trouver un autre qui me ravira au moins autant que celui-là…






(1) Francis Dannemark est né en 1955 sur la frontière franco-belge. Enseignant, directeur d'un centre culturel, organisateur de nombreux festivals littéraires européens, il est aujourd'hui conseiller littéraire et éditeur. Il dirige la collection «Escales des lettres» qu'il a fondée en 1998 au sein des éditions Le Castor Astral.Il est l'auteur d'une trentaine de livres publiés principalement chez Robert Laffont et au Castor Astral, parmi lesquels « Choses qu'on dit la nuit entre deux villes », « La Longue Promenade avec un cheval mort », « Qu'il pleuve », « Mémoires d'un ange maladroit », « Les Agrandissements du ciel en bleu ».

(2) "La Fille sur le pont" est un film français réalisé par Patrice Leconte, sorti en 1999. C'est un film sur la chance, représentant métaphoriquement une relation amoureuse par les liens entre un lanceur de couteaux et sa « cible ». Film intimiste et rythmé, "La Fille sur le pont" sortit en cinémascope et en noir et blanc et obtint un succès d'estime, porté par sa bande originale appréciée. (extrait de Wikipédia)

lundi 31 août 2009

"J'aurais adoré être éthnologue..." - Margaux Motin

Elle est trop croquignolette par Sandrounette


Décidément j'ai des amis sympas! Ils m'offrent des livres pour mon anniversaire! Ne sachant jamais quel livre m'offrir sans faire de doublon (il faut dire que ma bibliothèque déborde...), j'ai reçu cet album de BD retraçant les meilleurs billets d'une illustratrice que je ne connaissais pas, Margaux Motin.

Au départ, j'avais un peu peur d'être confrontée à une dessinatrice au style très ressemblant à celui de Pénélope Bagieu que j'aime beaucoup. Et puis tout s'est envolé en lisant!

Margaux raconte sa vie de femme de tous les jours avec une pêche et une auto-dérision énormes! J'ai éclaté de rire à plusieurs reprises! Son vocabulaire, sa franchise et son coup de crayon valent le détour!

Le seul problème que je rencontre toujours avec ce genre d'œuvre, c'est qu'elles sont vraiment trop courtes! Heureusement, on peut aller sur son blog pour avoir des piqûres de rappel!!!

samedi 29 août 2009

"L'ignorance" - Milan Kundera

J'ai la mémoire qui flanche, par Ingannmic.


La mémoire a des caprices qu’on lui pardonne parfois difficilement… Lycéenne, une amie m’avait fait découvrir –pour mon plus grand bonheur- Milan Kundera, dont je me suis empressée de dévorer un certain nombre de romans… que j’ai totalement oubliés depuis ! Imaginez un quidam en train d’examiner votre bibliothèque : « Tiens, tu as lu Kundera ? » « Bien sûr ! », répondez vous avec un air savamment désabusé, en priant pour qu’il n’embraye pas sur : « Et quel passage as-tu préféré dans « Risibles amours ? » ou « Tu te souviens, dans « L’insoutenable légèreté de l’être », quand… ? ». Voilà. Je crois que j’éprouve autant de honte que Zaph le jour où il nous a avoués qu’il n’avait jamais lu Dickens !
C’est pourquoi, lorsque Thom a publié son excellent (1) article sur « L’ignorance », j’y ai vu une occasion de combler, du moins dans une certaine mesure, cette terrible lacune, puisque selon ses propres termes, il s’agit du roman le plus achevé de l’auteur.
Je ne saurai vous dire (comme vous pouvez le comprendre au vu des explications ci-dessus) si c’est aussi mon avis. En revanche, quand Thom le qualifie de chef-d’œuvre, je ne peux que confirmer.

L’auteur y réussit la triple performance de puiser dans les émotions individuelles leur portée universelle, de s’intéresser aux résonnances de l’Histoire sur les destins personnels, et tout cela sans nous ennuyer une seule seconde, puisque c’est un livre que l’on ne peut plus lâcher une fois entamé.
A partir des histoires –séparées- d’Irena et Josef, qui ont fui la Tchécoslovaquie lors du Printemps de Prague, pour n’y revenir que 20 ans plus tard, avec la chute du bloc de l’Est, il s’interroge sur les véritables motivations de nos actes, les malentendus et l’incompréhension qui parasitent les relations humaines, sur les difficultés que chacun rencontre tout au long de son existence pour trouver sa place, et composer avec les carcans qu’il s’est lui-même imposé par ses choix de vie.
Leur statut d’émigrés est comme un révélateur des problématiques qui se posent aux individus dans leur coexistence avec autrui : étant considérés uniquement comme tels, on attend d’eux qu’ils se comportent en conséquence, comme des personnes habitées par la souffrance d’avoir été bannies de leur patrie, leur interdisant ainsi le droit de trouver le bonheur dans leur pays d’accueil. Et pourtant, en 20 ans d’exil, c’est bien une vie que l’on se construit… Que ses compatriotes d’adoption refusent de l’admettre constitue pour Irena une immense déception. D’autant plus que l’on peut se demander si cet exil n’était pas finalement, aussi bien pour Josef que pour Irena, une occasion de fuir non seulement le régime communiste, mais aussi –et surtout ?- un contexte personnel et familial qui ne leur permettaient pas de s’épanouir ?
Le comble, c’est que lorsqu’ils retrouvent leurs compatriotes, ceux-ci semblent vouloir occulter leur années d’exil, comme s’ils refusaient de l’autre sa part d’inconnu, parce qu’ils n’en n'ont pas été des acteurs. Seuls comptent les souvenirs d’avant qu’ils ont en commun. A cela s’ajoute le fossé que creuse la relativité de la mémoire : chacun entretient du passé ses propres souvenirs, nourris de ses impressions subjectives. L’immigré en cela a un handicap supplémentaire, lui qui pendant la durée de son éloignement ne peut s’appuyer sur des points de repères concrets (visuels ou humains) pour entretenir la mémoire de ce passé.
Décalages entre les souvenirs, les attentes, les désirs, incommunicabilité… n’apprécierait-on l’autre qu’en fonction de l’image qu’il nous renvoie de nous-mêmes ?

J’ai eu au final le sentiment que le contexte historique de « L’ignorance » n’avait pas tant d’importance, mais servait de prétexte à l’auteur pour dresser le portrait d’hommes et de femmes à travers lesquels chaque homme et chaque femme peuvent se retrouver. Et par là-même, c’est comme s’il désacralisait l’amour de la patrie, (en tous cas dans le sens d'une patrie à laquelle on devrait tout), en insistant sur l’importance de l’individu et de sa capacité à être maître de ses choix (par opposition notamment à l’approche collective de l’Homme du régime communiste).

(1) Et si tu nous taxes encore d’insolence, je te griffe !

vendredi 28 août 2009

"What I loved" - Siri Hustvedt

Le club des Nouveaux Intellectuels New-Yorkais, par Zaph

Ah, je n'ai pas fait mes devoirs.
Me voilà dans la délicate situation de devoir chroniquer un livre terminé depuis une dizaine de jours.
Un bon test pour décider si ce livre m'a laissé une impression mémorable.
En fait... pas tellement.
Le livre est divisé en trois parties, et je dois avouer que j'ai failli m'endormir plusieurs fois durant la première.
Siri (je peux utiliser votre petit nom ?) nous raconte par le menu la vie quotidienne d'intellectuels New-Yorkais. Ils ont comme tout le monde des déceptions, des peines de coeur, des difficultés dans l'éducation de leurs enfants, mais à la différence de nous (de moi), tout cela donne lieu à de terribles prises de tête mêlées de considérations sur l'Art, parce que bah oui, on est quand-même chez des intellectuels New-Yorkais. On voit que Siri connait son sujet, assurément (elle serait elle-même intellectuelle New-Yorkaise ou alors très proche d'un intellectuel New-Yorkais que ça ne m'étonnerait pas).
Seulement voilà, ils ont beau se prendre pour le nombril du monde, les I. N. Y. (ce qu'ils sont probablement, d'ailleurs), ça n'en rend pas pour autant tout ce blabla passionnant.

En fait, je me suis toujours dit que la faculté d'observation était une qualité prépondérante pour un écrivain, bien plus que l'imagination.Mais je me rends compte en lisant ce roman qu'un manque total d'imagination, même lorsque les personnages sont remarquablement dessinés et fouillés, ça a quand-même un goût de trop-peu.
Ce qui m'a fait persévérer dans ce roman, c'est avant tout que Siri écrit bien, et même très bien. Et puis, dans les seconde et troisième parties du livre, les choses accélèrent un peu, suite à deux drames.

Bon, ce qui m'a le plus plombé dans ce bouquin, encore pire que les discours sur l'Art, ce sont les descriptions d'oeuvres d'art supposées originales et talentueuses, mais qui n'ont généré chez moi que de l'ennui (faut dire que le personnage principal est professeur d'histoire de l'art, son meilleur ami est peintre, et leurs femmes respectives sont écrivains).

Bref, j'ai eu le sentiment très curieux et paradoxal de lire un roman trop réaliste pour être vraiment passionnant.
Mon conseil à Siri : Sortez un peu de la cinquième avenue, voyez un peu le Monde, car oui, il y a un monde en dehors du Club des Nouveaux Intellectuels New-Yorkais.

jeudi 27 août 2009

"La moisson rouge" - Dashiell Hammett

Du rouge au noir et blanc, par Ingannmic.

Ecrit à la fin des années 20, « La moisson rouge » est considéré comme LE roman précurseur du roman noir. Son auteur, quant à lui, qui fut détective privé durant 6 ans (expérience qui inspira son oeuvre), s’est vu attribuer le qualificatif de fondateur de la « hard-boiled school », soit « école des durs à cuire », en référence aux personnages violents et apparemment dépourvus de sensibilité qui peuplent ses livres.
De ce genre de personnages, « La moisson rouge » fourmille : édiles corrompus, vamp sulfureuse et vénale, mafieux, briseurs de grèves… qui s’intègrent parfaitement au contexte dans lequel ils évoluent, celui de la prohibition, des revendications sociales écrasées dans le sang… Et vous savez quoi ? En lisant ce roman à l’écriture efficace, factuelle, j’avais l’impression d’être plongée dans un vieux film de gangsters en noir et blanc, et c’est tout juste si je n’entendais pas en arrière plan la voix off du narrateur… Ce dernier, détective anonyme dont le lecteur ne connaîtra que le nom de la compagnie qui l’emploie et le sérieux penchant pour la boisson, fait preuve d’une assurance effrontée et d’une incroyable intuition qui font parfois sourire, mais qui donnent aussi à ce roman son charme un peu désuet, au même titre que l’argot utilisé par l’auteur (« Il eut beau tomber sur un bec en voulant appliquer le troisième degré à Whisper, il n’en fut pas défrisé » ou encore « J’opérai en conséquence, (…) fouillant l’ombre des quinquets, des feuilles et du blair ») (1).

Tout cela fait que, malgré la violence et le pessimisme qui se dégagent de cette « moisson rouge », j’ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture !
La couleur rouge du titre ? Vous ne l’avez pas deviné ? C’est celle du sang, bien sûr, celui des brigands que « ramasse » le héros (d’où la « moisson »), qui se rend compte qu’il finit lui-même par prendre goût à ce sang, tant le meurtre est devenu pour lui banal et quotidien… tiens, du coup je me rends compte que je ne vous ai même pas résumé l’histoire de ce roman. Vous n’avez qu’à le lire !

(1) Gallimard a publié cet été une nouvelle traduction de ce roman (à l'occasion de ses 80 ans), qui serait plus fidèle et plus proche du texte original, utilisant de façon moins systématique ce que certains qualifient de "scories argotiques" qui parasitaient la première version (avec des termes tels que "zigue", "tubard", "pèze").

mercredi 26 août 2009

"Le boulevard périphérique" - Henry Bauchau

Au-delà des mots, par Zaph

Que peut-on lire de pire que le radotage d'un écrivain finissant en panne d'inspiration, qui décide de nous raconter sa jeunesse en s'imaginant nous délivrer une sorte de testament littéraire quand le résultat ressemble plus à une suite d'anecdotes insipides cent fois ressassées en fin de soirée lors d'interminables réunions familiales bien arrosées ?
Je vous pose sincèrement la question. La réponse est probablement : rien.
Et donc, j'ai eu vraiment vraiment peur en commençant ce dernier livre d'Henry Bauchau qui ressemble furieusement à ... des souvenirs de jeunesse.
Heureusement, le me trompais. Vous avez eu peur, hein ?
Je me suis trompé parce qu'il y a plus que cela dans ce livre : il y a le travail de l'écrivain, et le travail du psychanaliste, qui est de créer des liens.
Ce livre parle de mort (voilà qui fait repenser au "testament") : Bauchau rend quotidiennement visite à sa belle-fille Paule, qui agonise du cancer. L'approche de la mort fait ressurgir du passé une autre mort, celle de Stéphane, un ami de jeunesse du narrateur, tué par les nazis pendant la guerre.
Inévitablement (surtout pour un psy) après la mort, vient la question des mots, ceux qu'on n'a pas pu prononcer quand il était encore temps, ceux qu'on regrette.
Alors, l'imaginaire prend le relais, on se prend à reconstruire toute une communication au-delà des mots, faite de gestes, de regards, simplement de présence. On essaie de reconstruire à postériori ce qui n'a pu être.
Cela donne finalement un roman tout en douceur et en mélancolie, que j'ai beaucoup aimé, écrit dans un style moins flamboyant que par exemple "Antigone", du même auteur, mais touchant quand-même par sa simplicité.

mardi 25 août 2009

"Trois carrés rouges sur fond noir" - Tonino Benacquista

Très coloré par Anne

Antoine travaille dans une galerie. Il aide à monter les expos. Ce n'est pas un travail évident. Souvent les oeuvres arrivent en puzzle et sans mode d'emploi. Ce jour-là, son collègue Jacques et lui doivent accrocher les tableaux d'Étienne Morand. Trente-cinq toiles, toutes noires sur fonds noirs, homogènes sauf une. Celle-là est très colorée, beaucoup de jaune vif avec quelque chose de fulgurant, le dessin académique d'une flèche d'église qui émerge de la couleur. Puisqu'elle cohabite mal avec les oeuvres noires, ils lui donnent une petite place discrète où l'on la verra uniquement en sortant. La toile s'intitule Essai 30 et elle est une petite orpheline bizarre. En plus Antoine est sûr d'avoir vu avant un tableau qui lui ressemble beaucoup. Il n'a pas le temps de s'attarder là-dessus. Il est temps de s'enfuir vers sa vie d'après dix-huit heures. Sa vrai vie. "L'académie de l'étoile", son temple où il s'occupe de son art à lui, le billard. Cette soirée c'est le champion de France, Langloff, qui y joue et Antoine est invité à jouer contre lui une partie en trois bandes. Il perd, évidemment, mais Langloff est impressionné et dit qu'il va s'occuper de lui, faire de lui un champion. Un vrai rêve... qui ne dure qu'une demi-journée. Quand le lendemain il retourne à la galerie pour sa paye un visiteur essaie de voler la toile jaune. Antoine fait tout pour l'éviter. Il se réveille à l'hôpital, un pansement collé d'une oreille à l'autre et la main droite enrubannée dans une pelote de gaze. Déterminé de déceler le mystère de cette maudite toile bizarre qui lui a coûté sa main, il part à la recherche de son agresseur.

Ce livre semble être fait pour notre activité "united colors". On trouve les couleurs dans toutes les pages. Ce qui n'est pas étrange puisque le personnage principal évolue dans le milieu des artistes de l'art moderne. C'est assez original et intéressant d'être introduit dans ce monde de cette façon. L'histoire est captivante, il y a du suspense et de l'humour. Un polar divertissant et instructif et si vous pensez comme Tonino Benacquista que l'art moderne "s'est mis à concurrencer la brocante", vous allez passer un bon moment avec "Trois carrés rouges sur fond noir".

lundi 24 août 2009

"Le mystère de la chambre jaune" - Gaston Leroux

"Le presbytère n'a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat" par Sandrounette

Après Alexandre Dumas, me voici embarquée chez Gaston Leroux et en particulier dans sa mystérieuse chambre jaune.

Le drame survient dans le domaine du Glandier, chez le professeur Stangerson, un éminent chercheur en chimie et sa fille Mathilde. Celle-ci se fait sauvagement agresser dans la chambre jaune alors qu'elle s'y est enfermée à double tour et que son père travaille dans le laboratoire attenant. En défonçant la porte, le professeur retrouve sa fille gisant au sol mais aucune trace de l'agresseur...

C'est ce qu'on appelle le "meurtre en chambre close"! Et j'adore ce genre d'enquête! On se demande toujours par quelle pirouette le meurtre a été commis. Heureusement, il y a toujours un détective débrouillard qui trouve la solution à l'énigme. Si vous aimez ce genre d'enquête, bienvenue chez Gaston Leroux!

J'avoue que le début du roman est un peu long... Joseph Rouletabille, l'ingénieux reporter, va fouiner partout et tenter de résoudre le crime. Evidemment, de nombreux événements vont se succéder et l'assassin ne va pas hésiter à narguer les enquêteurs. Rouletabille est un garçon un peu énervant quand même! Il avance ses pions petit à petit sans rien expliquer... Quelle frustration! Puis le rythme s'accélère pour le plus grand bonheur du lecteur qui ne peut plus rien faire d'autre que de lire, lire et lire encore pour arriver au bout du raisonnement de Rouletabille.

dimanche 16 août 2009

"Bleu presque transparent" - Ryû Murakami

Un Murakami peut en cacher un autre (et c'est peut-être pas plus mal), par Zaph

Attention attention : je lis l'autre Murakami !
Pas Haruki, l'autre, là, Ryû Murakami.
Pas sûr que je l'aurais jamais lu s'il n'y avait pas eu cette activité farfelue : "United colors of Chats de bibliothèque".
Mais bon, comme ça, j'en aurai au moins lu un, et ça me donnera de la légitimité pour affirmer que le grand, le vrai, le seul Murakami, c'est Haruki.

De quoi parle ce bouquin ?
En gros, c'est l'histoire d'une bande de jeunes qui passent leur temps à baiser, boire et se camer.
Chouette programme. Mais tiens ! Mais ça me rappelle furieusement quelque chose, ça !
Sauf que dans "Trainspotting", sans pour autant crier au chef-d'oeuvre, il y avait un style, et il y avait tout un arrière-plan significatif qui transparaissait dans le récit et lui donnait une sorte de profondeur. Et puis, il y avait des touches d'humour, pour prendre un peu de recul.
Ici : rien ! L'auteur colle aux faits, juste aux faits, mais ça ne décolle jamais vraiment. Les descriptions de partouzes et de shoots à l'héro s'enchaîent sans qu'on voie où il veut en venir. Peut-être que la réponse est justement "nulle part".
Ces jeunes n'ont pas d'opinions, pas de projets, pas d'espoirs, et ils préfèrent oublier le passé. Ils ne vivent que l'instant présent, dénué de sens ; ils sont résignés à se laisser utiliser, dominer comme des vaincus sans honneur et sans révolte.
Peut-être que si je cherchais bien, je verrais un symbole dans le fait que ces jeunes paumés se donnent à des soldats Noirs américains employés dans une base militaire, et qu'il y a quelque chose à révéler de l'inconscient collectif japonais ?
Ouais, bof... jusqu'où je suis prêt à aller pour trouver des excuses à un auteur qui met du sexe dans ses bouquins, quand-même !

Non, allez, franchement, maintenant, je peux le dire : si vous voulez lire un Murakami, lisez l'autre, le seul, le grand, le vrai !