samedi 31 octobre 2009

"A quand les bonnes nouvelles ?" - Kate Atkinson

So british, par Ingannmic.

J'aime bien Kate Atkinson.

Je crois avoir lu tous les romans qu'elle a publiés à ce jour et je l'avoue, j'appréhendais un peu la lecture de son dernier : "A quand les bonnes nouvelles ? " Peur d'être déçue... peur aussi d'être lassée, peut-être. Et puis, une fois de plus, la magie a opéré...

Nous retrouvons ici certains des personnages qui évoluaient dans deux de ses précédents ouvrages : "La souris bleue" et "Les choses s'arrangent mais ça ne va pas mieux". Jackson Brodie, tout d'abord, ex-flic et ex-détective privé qui n'exerce plus aucune de ces activités depuis qu'une richissime cliente a fait de lui son héritier. Louise Monroe, ensuite, qui elle est toujours inspecteur de police, et qui s'est récemment mariée avec un chirurgien orthopédiste. Une succession d'événements plus ou moins dramatiques (le déraillement d'un train, un enlèvement, la sortie de prison d'un meurtrier qui 30 ans plus tôt assassina une mère et ses deux enfants... ), va les faire se rencontrer de nouveau.

Sans doute ne peut-on pas dire de Kate Atkinson qu'elle a un style extraordinaire ou particulièrement original. Non, ce qui fait le charme de ses romans, ce sont d'une part ses histoires à rebondissements. Des histoires multiples qui finissent par se rejoindre, souvent juste sur un point de détail. D'ailleurs, l'auteur joue beaucoup sur les coïncidences ("une coïncidence n'étant qu'une explication qui attend son heure"), au point de donner parfois à ses récits un accent presque fantastique. Et c'est d'autre part le sens de l'humour de l'auteure qui rendent ses livres si plaisants. Un humour fait de clins d'oeils incessants, nourris de références qui vont de Shakespeare à la famille Simpson, de Dickens aux Rolling Stones. Références qui contribuent à donner au récit une identité forte, à la fois imprégnée d'un héritage culturel britannique classique, et d'une totale adéquation avec le monde moderne, dont elle stigmatise parfois les excès.

En écossaise digne de ce nom, elle use d'un certain flegme britannique, qui se traduit par une légèreté dédramatisant même les situations les plus tragiques. Ses personnages, abonnés aux catastrophes parce qu'ils n'ont pas de chance ou ont fait des mauvais choix, sont de plus particulièrement attachants...

J'aime bien Kate Atkinson.

vendredi 30 octobre 2009

"L'infortunée" - Wesley Stace

Salmacis à Londres, par Lhisbei

Wesley Stace est aussi connu comme chanteur folk sous le pseudonyme de John Wesley Harding (il a joué avec Springsteen et Joan Baez). De Miss Fortune, une de ses chansons, il a fait un roman « Misfortune », titre traduit en français par « L’infortunée ». Il lui a fallu 6 années pour écrire le destin de Miss Fortune, un nouveau-né garçon recueilli par l’homme le plus riche d’Angleterre et élevé comme une fille. L’histoire débute en 1823, dans un quartier de Londres miséreux et crasseux. Un bébé est abandonné dans une décharge de la ville mais par un heureux concours de circonstance incarné par un chien, il est trouvé par Geoffroy Loveall, fils unique de Lady Loveall, une vieille mégère qui attend désespérément que son fils perpétue la lignée. Geoffroy, inconsolable de la mort de sa sœur Dolores, vivant en reclus, elle attend depuis fort longtemps. Geoffroy emmène le bébé et décide de l’appeler Rose et d’en faire son héritière. Problème : le nourrisson est un garçon. Geoffroy le nie et décide de l’élever comme une fille ce qui ne va pas sans complications dans l’Angleterre victorienne. Surtout avec une famille de rapaces qui n’attendent qu’un faux pas pour mettre la main sur le colossal héritage des Loveall.

« L’infortunée » est riche en thématiques : la construction de la personnalité, de l’identité sexuelle, la folie, l’amour, la misère, les histoires de famille compliquées, la cupidité… Tout cela mélangé de façon parfois confuse et avec quelques longueurs. Les multiples interrogations de Rose provoquent parfois l’indigestion et le recours aux poètes ou mythes grecs et latins, tout érudit qu’il soit, alourdit parfois la sauce. Mais malgré ces défauts la lecture de « L’infortunée » procure beaucoup de plaisir. Le roman offre une belle galerie de personnages tous plus déjantés les uns que les autres et une histoire de vie rocambolesque (parfois cousue de fil blanc il faut l’avouer). Le personnage de Rose est complexe et torturé, attachant et parfois irritant de sensiblerie. Comme dans tout roman victorien qui se respecte, le château de Loveall est un personnage à part entière, tout aussi fascinant que Rose. Wesley Stace ne manque pas d’humour ni de piquant à défaut d’être original. Il a le sens de la tragédie et connaît ses classiques (l’influence de Dickens est un peu trop visible). Il a soigné la construction de son roman et évite les clichés notamment sur le sujet de l’identité sexuelle : féminité ne rime pas avec efféminé et Rose se retrouve vite encombrée d’un corps qu’elle ne maîtrise pas. A défaut d’être un chef d’œuvre, « L’infortunée » reste un bon (premier) roman.

jeudi 29 octobre 2009

"La femme fardée" - Françoise Sagan

La croisière s'amuse... vraiment? Par Sandrine

L'idée du livre surprise était assez rigolote, le tout étant évidemment d'avoir un pseudo et un jour de naissance s'accordant chanceusement. Pour moi, en résumé et partout où j'ai pu faire l'essai S +16 = Sagan, invariablement... J'ai donc été tentée de ne pas participer à l'activité d'octobre, en effet ma période Sagan remonte à une quinzaine d'années et fut assez remplie. Tentation grande mais la honte de lâcher mes camarades de jeux fut plus forte et me voici donc avec mon Sagan! Petite entorse à la règle, j'en ai pris un de mon énooorme PAL (le seul non lu durant la période susnommée pour cause de trop de pages (562).

L'histoire est simple : vous prenez un paquebot de luxe - le Narcisuss - et une douzaine de passagers mélomanes, riches, blasés, naïfs, malheureux (barrer la/les mentions inutiles si besoin) et laissez mijoter dix jours. Les masques tombent, les façades se lézardent, les couples se font et défont. The Loveboat ou presque. Car chez Sagan, il y a toujours cette mélancolie sous jacente et ce même dans les moments les plus heureux. La femme fardée(ou femme clown), personnage central, intriguant, est une femme mal mariée qui se cache sous un maquillage épais et ridicule, elle est fragile mais ne se laissera jamais briser et c'est elle peut-être qui s'en sortira le mieux une fois le livre refermé.

Le problème de ce livre -mis à part son âge qui se sent durant la lecture (paru en 81), ses personnages trop manichéens, ses situations quelques peu prévisibles et une fin trop happy end et malgré la description très drôle du capitaine-ours du bateau et de l'évocation hilarante de mouettes- est que l'on sent que Sagan aimerait bien faire plus, faire mieux, qu'elle en est capable mais qu'elle y renonce. La fin est bien trop heureuse et facile. Facile pour un écrivain de cette envergure... Il est vraiment dommage qu'elle ne se soit pas lâchée complètement, au risque de déstabiliser certainement mais aussi de monter d'un cran dans le talent.

mercredi 28 octobre 2009

"La route" - Cormac McCarthy

Mitigé, par Ingannmic.


Dans un monde dévasté, recouvert de cendres, cheminent un homme et son fils ("le petit"). Toutes leurs possessions sont entreposées dans un caddie qu'ils trainent avec eux. Les villes, pillées depuis des années, semblent désertes, toute végétation a disparu. De temps en temps, l'homme et l'enfant trouvent sur leur route des restes de cadavres calcinés. Ils croisent en revanche peu de vivants, et évitent tous contacts avec eux.
Ne vous engagez pas sur "La route" en vous demandant "pourquoi", vous n'obtiendrez pas de réponse. Des circonstances qui ont abouti à cette fin du monde, nous ne saurons rien, tout comme nous ignorerons le nom des protagonistes. De même, aucune indication précise ne permet de situer le récit dans l'espace ou le temps. On le devine contemporain, l'auteur évoque parfois l'"avant", mais cet "avant" paraît lointain, presque oublié.
Ce à quoi répond McCarthy, c'est au "comment" : de quelle façon survit l'homme sur une terre exsangue ? Est-il capable de préserver son humanité lorsque ses principales préoccupations sont de trouver sa nourriture, se protéger du froid et des "méchants" et surtout protéger son enfant ? En somme, que deviennent les émotions et les sentiments propres à l'homme lorsque celui-ci se retrouve quasiment réduit à l'état d'animal ?
En lisant "La route", j'avais l'impression d'évoluer dans un cauchemar grisâtre, où régnent le froid, la pluie, la mort, la maladie, impression accentuée par l'installation d'une routine de l'horreur, presque d'une monotonie : ce sont les mêmes gestes, les mêmes paroles qui sont répétés tout au long du récit. Et le style très dépouillé de l'auteur contribue lui aussi à renforcer cette sensation.
Bien que cette monotonie serve le propos du roman, elle a aussi altéré mon intérêt. J'avais lu à son sujet de multiples critiques dythirambiques, mais je dois avouer en ce qui me concerne qu'il ne m'a pas emballée tant que ça !

Lire l'avis (plus enthousiaste) de Sandrine.

mardi 27 octobre 2009

"Moi, Dora Maar" - Nicole Avril

Un "yo" effacé par Anne

Mon livre surprise est une sorte d'autobiographie fictive. À l’aide des livres déjà parus sur le sujet, Nicole Avril est entrée dans la peau de Dora Maar (Henriette Théodora Markovitch) qui raconte sa vie avec Picasso (Pablo Ruiz Picasso). L’histoire de Dora Maar c’est l’histoire d’une femme effacée. Quand elle rencontre Picasso en 1936 elle peint, elle est photographe, elle fait partie d’un groupe dit radicaliste, elle a des amis. Dora vit un amour fou et quand c’est fini en 1943 et que Picasso choisit une autre muse, il ne reste plus rien d’elle. Pour la reste de sa vie elle ne sera que l’ex-maîtresse de Picasso ; pour son entourage mais aussi pour elle-même parce qu’elle n’arrive pas à guérir de cet homme qu’elle a aimé comme on aime un dieu. Ce n’est pas étonnant qu’elle fuit dans la religion comme une noyée qui cherche une bouée de sauvetage.
Que dire de ce livre ? C’est d’abord une histoire d’amour comme il y en a tant. Qu’il s’agit de Picasso et de Dora Maar n’y change rien. Ça pourrait être intéressant si l‘on apprenait vraiment quelque chose sur Picasso et son temps mais en fait ce qu’on apprend sur lui on peut le résumer en une demi-page. Ce que je trouve toujours bizarre et ce qu'on voit aussi dans cette histoire, c’est comment un artiste célèbre attire des flagorneurs et des femmes prêtes à faire n’importe quoi. Des dévotes qui acceptent chaque comportement du maître. La leçon qu’on peut tirer de ce livre – Mesdames, messieurs, jetez vous dans l’amour avec coeur et corps, mais ne sacrifiez jamais votre âme.

samedi 24 octobre 2009

"Seul le silence" - R.J. Ellory

Cauchemar partagé, par Ingannmic.

Parce que vous avez naïvement lu la 4ème de couverture, vous croyez que vous allez vous plonger dans une sombre histoire de meurtres en série... et puis R.J. Ellory vous prend par la main pour, tout doucement, vous faire partager l'intimité de son héros et narrateur, Joseph Vaughan. Attention, cela n'empêche pas cette histoire d'être sombre, l'existence de Joseph semblant n'être qu'un interminable cauchemar dont il ne parvient pas à s'échapper, et qui englue le lecteur. En effet, il perd, dans diverses circonstances, tous les êtres qui lui sont chers, et porte en lui l'écrasante culpabilité de n'avoir pu empêcher l'assassinat d'une dizaine de fillettes dont il fut plus ou moins proche étant enfant puis adolescent. A cette époque, il vit à Augusta Falls -Géorgie- et la seconde guerre mondiale fait entendre son triste et lointain écho depuis l'Europe. En digne population de petite ville, celle d'Augusta Falls, traumatisée par le meurtre de ses enfants et aveuglée par la peur, fait preuve de méfiance et d'injustice envers ceux qui sont différents. Et Joseph l'est, différent. L'éducation qu'il a reçue de sa mère et l'attention que lui prodigue son institutrice lui ont permis de développer son ouverture d'esprit, et ces deux femmes vont de plus l'encourager à s'engager sur la voie de l'écriture pour laquelle il a de sérieuses prédispositions. Autant d'éléments qui peuvent être considérés comme des qualités, mais qui font de lui un être particulier aux yeux de concitoyens ignorants et hypocrites.
Plus que les événements, pourtant dramatiques, qui jalonnent le récit, c'est l'impact de ces événements sur le personnage principal qui importe ici. De la naissance de sa vocation d'écrivain à ses efforts désespérés pour construire sa vie en dépit de la succession de malheurs qu'il subit, il égrène ses souvenirs, détaille ses cauchemars et ses angoisses de telle sorte que le lecteur a l'impression de pénétrer dans ses pensées les plus profondes, créant une troublante sensation d'intimité. C'est une immense mélancolie qui se dégage de ce roman, dont la lecture provoque un sentiment d'impuissance -presque de frustration- à l'évocation de ce monde où la volonté de faire le bien n'est pas une garantie de reconnaissance.

vendredi 23 octobre 2009

"L'homme-soeur" - Patrick Lapeyre

Je m'appelle Cooper et j'attends ma soeur, par Livrovore

Voici donc mon "livre-surprise". Qui fut une vraie... surprise ! D'abord de tomber sur ce titre, qui m'a intrigué et qui m'a donné envie de le lire. L'histoire est on ne peut plus simple, et pourtant tellement compliquée... Le résumé ne dépasse pas cela : le personnage principal, Cooper, attend sa soeur. Point. Mais il ne l'attend pas juste un instant, juste pour un rendez-vous... Non, Cooper passe sa vie à attendre sa soeur. C'est son activité principale. Il a pourtant bien un métier et un semblant de vie sociale, rien de plus classique, mais il s'en contente uniquement comme activités parallèles à son attente. L'histoire de Cooper c'est l'histoire d'un amour incestueux, celle d'un homme qui ne vit que pour une autre. C'est l'histoire de l'absence, et celle de la solitude et de la déchéance. Il nous parle aussi du monde moderne, des relations de travail et familiales.

"Rien ni personne ne l'empêchera d'attendre. Et même si on le ligote dans un sac, avec une pierre, et qu'on le jette au fond d'un étang : son attente le fera remonter à la surface."

C'est un livre cruellement drôle. Dans tous les sens du terme "drôle" : bizarre, et marrant. Mais triste aussi, pourtant. Sur un ton plutôt décalé l'auteur nous emmène le long de courts chapitres dans la folie de son personnage, à la fois si "tout-le-monde" et si singulier.

Cette lecture fut donc une surprise agréable, j'ai apprécié ce roman pour son originalité et son humour cynique. Mon seul petit bémol serait quelques longueurs dans le dernier quart du livre.

Ce roman a été couronné par le prix du Livre Inter 2004 et le prix Initiales printemps 2004.

jeudi 22 octobre 2009

"Eau-de-feu" - François Nourissier

Mes illusions donnent sur la cour, par Thom.


On me demande parfois, souvent... comment je fais pour différencier une œuvre de littérature autobiographique d'un témoignage, pour distinguer la frontière souvent poreuse entre les deux. Alors je me noie dans des explications un brin longuettes et un peu pataudes afin de masquer mon embarras, afin de contourner une vérité un peu abstraite et si difficile à argumenter... à savoir que ce qui différencie une œuvre d'art d'une chaise à bascule, c'est tout bêtement son style. Le dernier (l'ultime ?) livre de François Nourissier en sera ma preuve irréfutable, mon joker imparable, celui que je sortirai de mon chapeau lorsqu'on ne me croira pas. Sans rire (on y rigole d'ailleurs très peu) : si vous vous demandez comment différencier la littérature autobiographique du témoignage pipole (ou non), on vous recommandera la lecture d' « Eau-de-feu », dont le seul titre, poétique, claquant... dit déjà tout. S'il s'était appelé « Ma femme est une alcoolique en phase terminale et je suis très malheureux », on aurait eu évidemment plus de doutes. Ce n'est pas le cas et l'on s'en réjouit. Carrément : lorsque l'expérience autobiographique se métamorphose en littérature et tend (donc) vers le Beau, oui, on a le droit de se réjouir du malheur des autres.

Lorsqu'on referme « Eau-de-feu » on a du mal à imaginer le même livre écrit par quelqu'un d'autre que Nourissier. On se demande qui aurait pu porter cette histoire plus sordide que tragique sans se complaire sans s'en rendre compte dans le pathos, dans cette lacrymophilie primaire inhérente aux sujet glissants. Personne, sans doute. Sauf à posséder les pouvoirs magiques de l'auteur du « Corps de Diane », cette verve gouailleuse, cette plume éclatante alternant le sarcasme puissant et l'empathie pudique. Nourissier ne cherche pas à verser dans le sensationnalisme lorsqu'il narre par le menu la descente aux Enfers de sa Reine (Lear ?), et son double Burgonde ne s'épargne guère. Surtout, il a la finesse de ne pas résumer cette histoire ô combien fait-diveresque au seul alcool : c'est la désagrégation d'un couple que raconte « Eau-de-feu », plus qu'un simple voyage au cœur de l'ivrognerie. Et sans doute Burgonde n'y est-il pas étranger, qui donne l'impression de vouloir au-delà de son récit solder tous les comptes encore en cours.
Etonnamment, le livre revêt parfois des accents de « Tender Is the Night » : l'alcool s'y substitue à la folie - n'est-il pas d'ailleurs une folie cruellement ordinaire ? Cette Reine déchue, souvent, évoque Nicole vers la fin du chef-d'œuvre de Francis Scott Fitgzerald. Et dans ses sursauts d'orgueils on devine souvent son éclat passé, sèchement recouvert désormais par la maladie, par le déni, par la douleur (de moins en moins) sourde qui emporte chaque pan de sa vie. Non, décidément : on ne rigole pas beaucoup dans le dernier Nourrissier.

On ne s'afflige pas non plus, ceci dit - ce n'est pas le genre de la maison. Le misérabilisme ? François Nourissier ne connaît pas. Il narre son récit avec panache, emportement... l'histoire le plonge dans la noirceur mais l'acte de raconter sembler ne pouvoir s'épanouir que dans l'allégresse. Ce livre plus déchirant que poignant n'est pas qu'une histoire triste ; c'est aussi un festival des mots, un régal pour le lecteur. Même âgé (quatre-vingt un an), même diminué (il est atteint de la maladie de Parkinson depuis de nombreuses années), Nourissier n'a rien perdu de son œil acéré ni de cette hargne élégante qui fit ses plus grands livres (« L'Eau grise » ou « Bleu comme la Nuit »). Il paraît même parfois plus habité que jamais... on ignore si un jour il y en aura d'autres, des livres de Nourissier, dont on dit que depuis le décès de sa Reine l'an passé il vit retiré de tout. On lui souhaite de trouver la force d'en écrire d'autres. Dans le cas contraire il pourra dormir tranquille : il aura fini sur une œuvre absolument remarquable, très au-dessus de tout ce qu'il a pu offrir ces vingt dernières années.

mardi 20 octobre 2009

"L'étoile du diable" - Jo Nesbo

Harry touche le fond, par Ingannmic.

Canicule à Oslo...
La découverte du cadavre de deux femmes mutilés (elles ont été amputées d'un doigt), et la disparition d'une troisième dont le majeur est envoyé au chef de la police amènent les enquêteurs à se rendre à l'évidence : ils sont en présence d'un serial killer, et n'ont pas le moindre début de piste à se mettre sous la dent !

"L'étoile du diable" peut être considéré comme l'aboutissement de l'enquête entamée dans "Rouge-gorge" et poursuivie dans "Rue Sans-souci", qui consiste pour l'inspecteur Harry Hole à réunir assez de preuves pour faire tomber un flic corrompu et responsable de la mort de sa collègue et amie Ellen. C'est sans l'appui de sa hiérarchie qu'il a décidé de résoudre cette affaire, et son enlisement, ainsi que les fantômes qui le poursuivent chaque nuit, le pousse à retomber dans son éternelle faiblesse : l'alcool.
Entre la résolution de l'enquête pour démasquer le tueur en série et l'affrontement opposant Harry à celui qu'il veut à tout prix confondre, le rythme du récit ne faiblit pas un instant. On croit avoir trouvé le coupable, pour être détrompé ensuite, car Jo Nesbo a le chic pour imbriquer les fausses pistes et donner à son lecteur juste assez d'indices pour le faire douter et l'induire en erreur...
Le tout se concluant par un final à couper le souffle !

lundi 19 octobre 2009

"Les orpailleurs" - Thierry Jonquet

Maîtrise et réalisme, par Ingannmic.

La brigade criminelle du commissaire Sandoval a fort à faire en ce mois de septembre. Des cadavres de femmes sont retrouvés amputés d'une main, point de départ d'une enquête compliquée, sur fond de trafic de viande et de faux papier. L'un des inspecteurs chargés des investigations est préoccupé par une situation familiale difficile, la juge qui travaille sur l'affaire semble quant à elle avoir des démêlés avec un ex-conjoint top pressant... en découvrant le nombre de ramifications, de rebondissements, de personnages sur lesquels s'attarde l'auteur, on se dit que ce roman aurait pu se métamorphoser en un indescriptible fouillis... eh bien non !
Thierry Jonquet maîtrise son intrigue à la perfection, sait jouer des effets de surprise au bon moment. Bref, pas une seconde d'ennui à la lecture de ce roman aux personnages attachants et au dénouement inattendu. L'écriture efficace, les dialogues parfois gouailleurs, en font un récit à la fois réaliste et passionnant.
Un réalisme qui n'est pas surprenant, quand on connait un tant soit peu le parcours de l'auteur qui, au cours d'une carrière professionnelle chaotique (il fut entre autres marchand de lessive, peintre de bandes sur routes, livreur de chapeaux de mariée, ergothérapeute dans un centre de gériatrie, soignant en psychiatrie, enseignant dans une classe de section d'éducation spécialisée), a eu l'occasion de rencontrer nombre d'individus aux destins brisés et malheureux.

dimanche 18 octobre 2009

"M comme Mohican" - Corinne Royer

Ne pas oublier Pierre… par 32 Octobre

Ce livre est encensé , vilipendé … moi il m’a émue, chavirée, interloquée, abasourdie, laissée pantelante...
Si j’avais voulu faire du Corinne Royer, j’aurais écrit :
«Ce livre. Encensé. Vilipendé. Émue. Chavirée. Interloquée. Abasourdie. Pantelante…»
Une autre façon de raconter une histoire toute simple.
Elle l’a aimé, ne lui a jamais appartenu. Vingt ans plus tard, elle le croise, il la retrouve, la veut mais comme autrefois, il la laissera sur le bord de la route.
La différence, aujourd’hui, elle conte au jour le jour ses trois mois de folie.
Elle les raconte à Maria, sa grande tante. Elle nous la raconte. Elle nous prend à témoin.

Elle nous fait nous regarder en face. Quelle femme lui jettera la première pierre ? Aucune. L’une aurait aimé vivre ces trois mois. Une autre a vécu quinze jours de cette même folie. Une autre vit depuis plus de trente deux mois la même aventure, avec ou sans ange gardien. Une autre meurt pour lui. Une autre…
Il n’y a pas que la femme, «Ma Petite», le mari, Alexandre et l’amant, M.
Il y a aussi Maria et Tomahawk, anges d’un autre monde. Monde de l’au-delà. Monde impuissant témoin de l’histoire. Ma ria veille sur elle. La preuve, Maria quittera le monde quand « Ma Petite » aura grandi. Au revoir Esméralda !
Il y a aussi le Cri. Pages faisant froid dans le dos. À lire dans sa tête. À lire à haute voix pour en saisir la force.
Il y en a d’autres...
Il y a aussi les deux enfants de «Ma Petite» et les pages délicieuses nous racontant la pêche à la truite. Paul. Camille.
Lien vers Pierre.
«À chaque grande étape de ma vie, il y a eu Pierre».
Peut-être qu’en quittant ce monde, Pierre a sauvé Claire.
Pourquoi le bonheur ne rend-il pas heureux… (Page 239)


PS : il faut lire aussi ce livre pour son écriture, l’architecture des phrases, la richesse de son vocabulaire, ses envolées, ses trouvailles …270 pages de pur bonheur


samedi 17 octobre 2009

"Mémoires d'un rat" - Andrzej Zaniewski

Rat(é), par Zaph

Quand on écrit (un roman) sur la vie des animaux, c'est difficile de ne pas céder à l'anthropomorphisme. C'est probablement même impossible. Comment savoir vraiment ce que pensent les animaux, ce qu'ils ressentent ?

Alors, tant qu'à faire, autant l'assumer complètement, l'anthropomorphisme. C'est ce que fait La Fontaine quand il fait parler un renard ; c'est pas vraiment à la psychologie des renards qu'il s'intéresse, mais à celle des humains, même si elle est un peu caricaturée pour les besoins de la démonstration.
C'est un peu différent quand Maeterlinck écrit "La vie des fourmis" (j'adore ce livre) ; il se place en observateur externe, mais ne se gêne pas pour décrire la vie des bestioles avec des termes propres aux comportements humains. Au-delà de l'observation amusée de ces sociétés de fourmis aux moeurs aussi étranges que complexes, c'est surtout le parallèle avec les sociétés humaines qui est le but souterrain de l'auteur.

Chez Andrzej, ce n'est pas la même approche, quoi qu'il en dise dans sa préface. Ce qui ne fonctionne pas pour moi, c'est que l'auteur donne la parole à un rat, sensé nous raconter ses "mémoires". Le bouquin est écrit à la première personne (en alternance avec des phrases à la seconde personne, par un effet de style incompréhensible).
Ce sont donc, les préoccupation d'un rat (principalement, bouffer et ne pas se faire bouffer, et accessoirement, copuler) qui nous sont contées au fil des pages, mais avec un langage parfaitement humain, au vocabulaire et à la syntaxe irréprochables.

Or, si je devais imaginer me glisser dans la tête d'un rat, je crois que je n'aurais pas une vision du monde aussi humaine. Il me semble que de ce point de vue, l'échec était inévitable. Finalement, ce livre ne m'apprend pas grand chose sur les rats, et rien sur les humains.

Les journées d'un rat sont donc extrêmement peu passionnantes (du moins pour le lecteur que je suis) : invariablement, le rat a faim, le rat bouffe, le rat a peur, le rat tue. Mais aussi, parfois, le rat voyage.

A la question "où vont les rats ?", je crois finalement que la réponse est assez évidente : "on s'en fout".

Bien plus délicat est de répondre à la question "où veut en venir cet auteur ?".
Ce n'est pas qu'il écrive mal ; sa prose n'est pas désagréable, si ce n'est le problème de l'anthropomorphisme, qui n'a cessé de me perturber jusqu'à la fin. Parce que si le but était que je m'identifie à un rat, c'est raté ; je ne suis jamais entré dans la peau de la petite bête (et je n'irai pas jusqu'à dire que je le regrette).

Est-ce que notre raton devrait être considéré comme un espion infiltré dans la société humaine ? On voit bien que le pays qu'il traverse est en guerre et sujet à toutes les violences, mais tout cela se passe en marge de sa vision et ne suscite que peu d'intérêt chez lui (sauf quand il y a un cadavre humain pour le dîner; s'il faut l'en croire, c'est un délice).

Est-ce que les humains ne valent pas mieux que les rats qu'ils abhorrent tant ? En d'autres mots, est-ce que nous sommes tous des rats ? Si c'est la thèse d'Andrzej, en tout cas, il n'a pas réussi à m'en convaincre.

Bref, je ne vois pas vraiment où il veut en venir, et j'aurais tendance à dire : "nulle part".

Ne reste qu'une impression d'ennui pour un livre que je risque d'oublier très rapidement.
Ah non, quand-même, je ne suis pas près d'oublier son horrible couverture !

vendredi 16 octobre 2009

"Pop Heart" - Barbara Israël

Surpriiiiiise ! par Ingannmic.


Voilà, j'y suis. J'ai choisi une grande librairie, en me disant que des auteurs dont le nom commence par i, il ne doit pas y en avoir pléthore. Voyons : Ionesco,..., Irving, Irving, Irving, (oh, non, pas lui),..., Ishiguro... ça y est, 28, et le hasard fait bien les choses, puisque c'est le dernier roman à la lettre i ! "And the winner is..." : "Pop Heart" de Barbara Israël. Connais pas. Au moins, c'est vraiment une surprise. Et en plus, c'est un premier roman.

Cela aurait pu être pire : "Pop Heart" a le mérite d'être vite lu, sans trop d'ennui, et m'a même fait sourire parfois. Ce roman relate les tribulations, dans les années 80, de 3 jeunes niçois de 25 ans, qui peuvent se payer le luxe de zoner de bars en boîtes de nuit en se défonçant à l'alcool ou à l'ecsta parce qu'ils vivent encore chez papa et maman, tout en touchant le RMI. Ce sont des jeunes désabusés, qui rejettent en bloc le mode d'existence que leur propose la société, mais qui n'en profitent pas moins du système. En réalité, ils donnent plus l'impression d'être réfractaires aux normes établis par flemme que par conviction ! J'avoue qu'au départ, j'ai eu peur de me retrouver à lire un "Bleu presque transparent" à la française, mais il faut reconnaître à Barbara Israël un style plutôt agréable (bien qu'elle donne parfois l'impression de tomber dans la facilité, notamment en ce qui concerne ses pointes d'humour) et des personnages qui s'avèrent au final attachants, parce qu' heureusement, ils ne se contentent pas de boire et d'écouter de la musique (de la pop anglaise, évidemment) : ils aiment, se posent des questions sur eux-mêmes, sur leurs relations aux autres,... Disons que c'est davantage "Moins que Zéro" que m'a évoqué ce roman, en plus édulcoré. Il n'y a en effet dans "Pop Heart" ni la violence ni le vide angoissant que l'on ressent à la lecture du livre de Bret Easton Ellis. Il faut dire aussi que Nice n'est pas Los Angeles... et que "Pop Heart" a été publié en 2007 (pour rappel, "Moins que zéro" est paru en 1985).

En conclusion, je dirai que ce ne fut pas une si mauvaise surprise, mais je n'ai pas non plus l'intention d'aller plus loin dans la découverte de cette auteure.

jeudi 15 octobre 2009

Jean-Louis Fournier - Où on va, papa ?


Deux enfants appartenant au "peuple du désastre" par 32 Octobre

Ce livre ne pouvait qu’être, dans mes lectures la continuité de la lecture de celui d’Henry Bauchau, « L’enfant bleu ».

Ce livre, prix Fémina 2008, est une lettre d’amour écrite par Jean-Louis Fournier, à Mathieu et à Thomas, ses deux fils handicapés moteurs et mentaux. Quand il parle de ses enfants, il dit « qu’ils ne sont pas « comme les autres ». Ça laisse planer un doute. Einstein, Mozart, Michel-Ange n’étaient pas comme les autres. »

Je ne connaissais de Jean-Louis Fournier que le trublion, producteur et réalisateur de « La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède », avec Pierre Desproges. Je ne connaissais pas l’auteur de déjà quelques vingt-trois ouvrages. Personne n’est parfait surtout quand on regarde le titre des certains des essais publiés : « La grammaire française et impertinente » (1992), « L'arithmétique appliquée et impertinente » (1993), « Peinture à l'huile et au vinaigre » (1994) ou encore « Je vais t'apprendre la politesse, p'tit con » (1998) et un petit dernier titre « A ma dernière cigarette » (2007).

Pierre Desproges, son ami, l’a accompagné dans une de ses visites. « Il n’avait pas beaucoup envie », l’auteur avait « insisté ». Pierre Desproges, « cette visite l’a beaucoup remué », « lui qui adorait l’absurde, il avait trouvé des maîtres. »

Jean-Louis Fournier évoque à mots couverts, Marie, qui « a raconté à ses camarades d’école qu’elle avait deux frères handicapés. Elles n’ont pas voulu la croire. Elles lui ont dit que ce ‘n'était pas vrai, qu’elle se vantait. » Comme si on pouvait se vanter d’avoir deux frères « avec de la paille dans la tête ».

Il nous parle aussitôt de Josée, la femme qui eut la charge de Thomas et Mathieu pendant quelques temps : « Pourquoi, Josée, avez-vous jeté les enfants par la fenêtre ? ». Regard interloqué de la femme. « Ce n'est pas bien, Josée, ce que vous avez fait. Je sais bien qu'ils sont handicapés, ce n'est pas une raison pour les jeter ».

La symphonie des « Si vous étiez comme les autres, je vous aurais… » (pages 106 à 108) se termine par la terrible conclusion « On l’a échappé belle. ».

Cet opus retrace certains épisodes de leur vie commune, par des chapitres très brefs.

Tout cela nous fait réfléchir et va nous obliger à regarder autrement les autres, ceux parfois pour lesquels on détourne la tête.

« Grâce à eux, j’ai eu des avantages sur les parents d’enfants normaux. Je n’ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n’avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu’ils feraient plus tard, on a su rapidement que ce serait : rien.

Et surtout, pendant de nombreuses années, j’ai bénéficié d’une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j’ai pu rouler dans des grosses voitures américaines. »

Terribles phrases qui doivent nous faire réfléchir et nous faire tendre la main.

Ne soyons pas si cyniques et rendons le sourire que ces enfants, jeunes et adultes dit handicapés nous font ; ils n’ont pas de prix ; ils sont gratuits et nous réchauffent le cœur.

Et pour avoir un autre éclairage, aller sur le site de la maman de ces enfants appartenant au peuple du désastre.


mardi 13 octobre 2009

"Juillet" - Marie Laberge

Un dimanche à la campagne, par Lhisbei

Zaph a parfois de drôles d’idée. La dernière en date a conduit les chats vers la lecture du livre surprise. A partir d’un principe très simple (le livre surprise dépend du hasard, hasard incarné par la première lettre du pseudo et la date de naissance), il a réussi à transformer ma vie de chat (paresseux) en enfer. Dans la première librairie que j’ai visitée, à la lettre L se trouvait le « Goût du bonheur », la trilogie romanesque de Marie Laberge. Et c’était par le tome 2 que j’aurais du commencer. 949 pages pour ce tome (tout de même) et 2 929 pages pour la saga. J’ai baissé les bras. Zaph le fourbe autorisant un minimum de tricherie, direction le rayon SF où s’offre à moi le tome 3 d’un cycle de Mercedes Lackey chez Milady ... et, bien entendu, pas de tome 1 en vue. Mon salut viendra de la bibliothèque municipale et de « Juillet » de Marie Laberge. Il est écrit que je n’échapperai pas au romanesque de Marie Laberge pour cette activité.

Ecrit en 1989, « Juillet » est le premier roman de Marie Laberge, cette artiste québécoise « multicartes » : écrivain, comédienne, réalisatrice de court-métrages, dramaturge, metteur en scène, elle a été récompensée à de nombreuses reprises outre Atlantique. Je n’avais jamais entendu parler d’elle jusqu’à présent. Et l’étiquette « romanesque » (dans le sens sentimental) accolée à ses livres m’aurait de toute façon dissuadé d’ouvrir un de ses romans.

Par une journée de juillet caniculaire, Simon prépare la fête d’anniversaire de Charlotte, son épouse. Médecins tous les deux, ils ont la soixantaine et forment un couple apparemment parfait. Simon a invité son fils unique, David qui a épousé à Catherine trois ans auparavant. Ils ont maintenant un enfant, Julien, 18 mois Julien. En attendant l’arrivée de Charlotte, partie donner une conférence à Montréal, Simon, David et Catherine se mettent aux fourneaux. Bientôt la réunion de famille tourne au malaise. Samuel est attiré depuis toujours par Catherine. Catherine n’est plus heureuse dans sa vie de couple. David quant à lui se sent écrasé par la figure paternelle. La chaleur met tout le monde sous pression. C’est l’arrivée de Catherine (qui déteste sa bru) qui va provoquer l’explosion finale.

Le schéma est classique (et prévisible aussi), la construction soignée (mais extrêmement convenue). La tension monte petit à petit (en même temps que l’orage qui se rapproche) et la fin, même si pas tout à fait inattendue, claque comme un coup de tonnerre : on l’attend mais on sursaute quand même quand on l’entend. Les dialogues sont en québécois parlé, c'est-à-dire savoureux parce qu’exotiques vus d’ici, mais impossible de déterminer s’ils sont justes. Sur le « romanesque sentimental » le lecteur est servi : amour déçu, amour impossible, désir puissant, passion secrète, désamour… l’Amour est présent à chaque page sous toutes ses formes. Le style de Marie Laberge est plutôt agréable malgré une propension à la guimauve et à l’emphase sentimentale. « Juillet » n’est ni très léger, ni très original mais se laisse lire. Disons que pour un livre surprise ce n’est pas une mauvaise surprise.

lundi 12 octobre 2009

"L'origine de la violence" - Fabrice Humbert

Un lourd héritage, par Ingannmic.


Lors d'une visite au camp de concentration de Buchenwald où il accompagne ses élèves, un professeur découvre sur une photographie un détenu qui ressemble à s'y méprendre à son propre père. Troublé, il entreprend des recherches qui vont le mener sur le double chemin de son histoire familiale et de la folie nazie.

Peut-on comprendre les mécanismes qui font que des hommes se livrent à la barbarie ? Peut-on percer l'essence du "Mal absolu" dont les camps de la mort furent le théâtre, quand, ainsi que le déplorait Jorge Semprun, le tourment moral qui habitait les détenus, au coeur de l'expérience de ces camps, est intransmissible ? Intransmissible parce que ce mal n'est pas un concept, mais quelque chose que l'on ressent à l'intérieur de soi, et qui est indicible parce que ne peuvent l'appréhender que ceux qui l'ont subi.

Fabrice Humbert a l'intelligence -ou l'humilité- de ne pas prétendre résoudre cette énigme. Au lieu de cela, il se sert de son récit et de son personnage principal (le professeur narrateur) pour s'interroger sur l'héritage que nous laisse ce terrible pan d'histoire, "ce laps de temps court mais effrayantouvrant la boîte de Pandore de l'Humanité", et qui ne serait que le révélateur du potentiel de violence que recèle l'homme depuis toujours. Et de rappeler qu'en effet, le nazisme ne fut pas l'oeuvre de quelques fous furieux dont la monstruosité aurait été évidente -et rassurante-, mais une violence administrative, organisée, dénuée de passion... C'est pour cela qu'en recherchant l'origine de cette violence en se basant sur l'exemple des camps, le narrateur en vient à s'interroger sur la genèse de sa propre violence, et par extension sur celle qui sommeille en chacun de nous. Et en partant du principe qu'en ce qui le concerne, ce sont ses peurs qui réveillent sa colère et sa brutalité, il imagine qu'en les analysant, il parviendra peut-être à comprendre le processus de cette violence. C'est pourquoi, lors de son enquête, il s'intéresse presque davantage au bourreau -un médecin SS- de son aïeul génétique qu'à ce dernier. En effet, ce médecin non seulement est le parfait exemple de ces individus qui furent des rouages du mécanisme d'extermination mis en place par le IIIème Reich (un homme somme toute banal) mais il est aussi pour cette raison celui que choisit notre professeur comme représentant de ses peurs. S'il élucide les raisons qui ont poussé le médecin à devenir ce monstre ordinaire, il maîtrisera ces peurs -nées, finalement de l'incompréhension face à l'horreur- et donc sa violence...

J'en reviens à cette notion d'héritage que j'évoque plus haut... l'abomination que furent les camps d'extermination (et l'ensemble des comportements qui y ont contribué : les dénonciations, la résignation...) nous a surtout laissé des questions sans réponse. Elle est une preuve de ce dont l'homme peut se révéler capable, et nous laisse démunis face à ce constat.
C'est ce qu'évoque Fabrice Humbert sans jamais tomber dans le manichéisme.

vendredi 9 octobre 2009

"The Good Life" - Jay McInerney

Tout ça pour ça, par Thom.


Jay McInerney a publié il y a déjà un paquet de temps “Bright Lights, Big City”, remarquable roman dont le héros, Dorian Gray moderne, peut tout à fait être vu comme un cousin du Patrick Bateman de Bret Easton Ellis.

Si je prends la peine d’entamer ma critique par cette petite précision c’est parce que McInerney est pour le moins tombé en désuétude, au point que lorsqu’on m’a offert ce livre je n’ai même pas réalisé que c’était du même auteur qu’il s’agissait.

Il faut dire aussi que notre écrivain autrefois rock’n’roll et sulfureux a vieilli – ou disons mûri. Du coup ses histoires et son style aussi. Et ses personnages : Russel et Corinne étaient en effet les héros de « Brightness Falls », et ils ont pris un sacré coup de vieux. Le hic c’est que n’ayant pas lu le premier volet de cette non-série (selon l’auteur c’est une pure coïncidence s’il a décidé de faire revenir ses deux personnages) c’est un aspect de l’œuvre que je n’ai guère pu goûter.

Ce que je n’ai en revanche pas manqué c’est le remarquable portrait de bobos que McInerney brosse au passage : elle élève leurs insupportables jumeaux, il est devenu un ponte de l’édition bouffi d’orgueil et de bêtise. Bref ils ont la belle vie, et rien ne les prédestine à devenir les héros d’un roman…jusqu’à ce que Salman Rushdie s’invite à la fête – ou plutôt ne s’invite pas : il décommande à la dernière minute et nos amis se retrouvent à passer une soirée mortellement ennuyeuse ce soir du lundi 10 septembre…2001. En somme l’idée est simple : montrer l’impact du 11/09 sur la vie quotidienne d’un couple d’américains de la upper middle class…mais quel impact ?

McInerney n’étant pas du genre à verser dans le lyrisme culcul et le patriotisme grandiloquent, il se lance dans un impressionnant numéro d’équilibriste afin d’éviter ces deux écueils. Ainsi il choisit tout simplement de sauteur du 10 au 12 septembre, comme un téléspectateur américain (ou français) affalé dans son fauteuil en train de zapper. Et lorsqu’il reprend les rennes de son histoire le jeudi matin, si peu de choses ont changé qu’on en frémit. Bien sûr ces personnages sont un peu traumatisés et la ville est pour le moins secouée…tout ceci n’a cependant qu’un temps : Russel et Corinne reprennent très rapidement leurs (mauvaises habitudes) – ou comment retourner en trente pages le vieil adage La vie reprend ses droits. Plus que reprendre une vie normale, les héros de « The Good Life » vont littéralement blacklister l’événement de leurs cerveaux au bout de quelques temps, sans se poser de questions, sans remettre quoi que ce soit en cause…et s’empresseront de revenir à des préoccupations qu’on imagine autrement plus vitales, comme leurs histoires de coucheries et les comptes de la maison d’édition.

C’est au final l’aspect le moins intéressant du livre, même si évidemment il sert la démonstration : comme l’idée est de souligner que rien ne se passe, on s’ennuie forcément un peu dans la troisième partie du roman. N’empêche : ce constat amer d’un statu quo annoncé fait tout à la fois rougir et sourire. Car la réflexion de McInerney s’étend bien au-delà d’un certain pan d’une certaine société américaine : « The Good Life » pointe du doigt l’incroyable capacité d’abstraction de chaque être humain. Ce pouvoir d’oubli qui lui permet de (sur)vivre, bien sûr…tout en l’aidant à se vautrer continuellement dans une saine et délicieuse futilité.

jeudi 8 octobre 2009

"Bad City Blues" - Tim Willocks

Épopée de la violence, par Ingannmic.

Ce sont ses personnages qui font de "Bad City Blues" un roman intense et atypique...
Il y a Callilou, ex-prostituée mariée à un pasteur évangéliste qui est aussi, accessoirement, vice-président de la banque qu'elle a dévalisée avec la complicité de son amant Luther. Ce dernier, vétéran du Vietnam, vit désormais du trafic de stupéfiants.
Il y Cicero, le frère de Luther, psychiatre qui met ses procédés peu orthodoxes au service de drogués pour lesquelles les habituelles méthodes de sevrage ont échoué.
Et il y a... LE personnage : Clarence Jefferson, magnifique d'ignominie, flic sadique et corrompu, mais extraordinairement intelligent, presque inhumain..

Tous ces protagonistes, évidemment, se rencontrent... rencontres qui culminent parfois à un degré de violence très fort, non pas tant en raison des sévices physiques qu'ils subissent, que par l'intensité de leurs affrontements psychologiques, nourris de démons intérieurs ardents et inavouables. Au-delà de cette violence, et en même temps par son intermédiaire, se nouent des enjeux relationnels ambivalents et troublants, dominés par ce qu'au fond recherchent tous les êtres, y compris ceux qui a priori sont les moins vulnérables : le respect, la reconnaissance, voire la connivence avec un autre qui nous ressemble et pourrait nous comprendre.
Il y a de la superbe dans la façon qu'a Tim Willocks de tisser les interactions entre les individus pourtant plutôt antipathiques qui peuplent son roman, dans le sens où il s'en dégage une sorte de puissance aux accents presque mythiques... comme d'une épopée de la violence urbaine, dont les ingrédients (drogue, sexe, arme à feu) ne seraient qu'accessoires et conjoncturels, puisque cette violence serait une constante de la civilisation humaine. Sans doute est-ce la raison pour laquelle l'auteur s'attache essentiellement à décrire les rapports entre victimes et bourreaux (dont les rôles peuvent être interchangeables), et que le reste : intrigue policière, environnement (une ville anonyme de Louisiane en pleine canicule), ne semble avoir été rajouté que parce qu'il fallait bien donner un cadre à son propos...

mercredi 7 octobre 2009

"Un dieu un animal" - Jérôme Ferrari

Ni dieu ni idéal, par Ingannmic.

Un homme rentre d'un pays en guerre, où il était mercenaire, dans son village du sud de la France. Sans doute s'est-il perdu lors de son absence, puisqu'il ne parvient pas à reconnaître ce village comme le sien, ni à se retrouver tel qu'il était auparavant. Il se sent étranger, lointain. Alors, dans une tentative pour renouer avec lui-même, il refait maintes fois les gestes d'avant, reprend quelques anciennes habitudes, évoque ses souvenirs, notamment celui de Magali, son flirt adolescent...

Ce qui m'a d'abord frappée, en ouvrant ce roman, c'est sa brièveté. Une brièveté qui, finalement, ne pénalise pas l'essence du récit. En effet, en très peu de pages, Jérôme Ferrari se penche sur quelques jours de l'existence d'un homme, et par le truchement des réflexions, des souvenirs de ce dernier, donne l'impression d'aborder l'ensemble des problématiques auxquelles toute existence peut avoir à se soumettre ainsi que le sens que l'on tente de lui donner. Problématiques telles que l'amour, la guerre, la mort, abordées sous le noir éclairage des regrets, de la violence, de la souffrance. C'est comme si le héros avait en quelques années accompli le parcours que d'autres effectuent en plusieurs décennies, voire n'effectuent jamais.
Cette brièveté, même, sert le récit, car elle implique une notion de vitesse qui paraît importante pour l'auteur. Course après les résultats, dans une société où c'est la valeur mercantile qui prime... les rapports humains eux-mêmes, souvent réduits à l'échange virtuel, en deviennent superficiels et succins. Jérôme Ferrari semble dépeindre une société où la vitesse emporte les hommes dans un tourbillon qui les empêche de s'arrêter pour s'écouter, se rencontrer, penser, analyser. Est-ce pour se confronter au "vrai monde" que certains partent combattre ? Et est-ce une solution ? Après tout, qu'ils émanent d'un directeur commercial ou d'un supérieur gradé, il s'agit toujours de recevoir des ordres conformes aux desiderata des instances en place, qu'elles soient militaires ou économiques (et souvent, les deux sont liées). Quelle est, dans ce contexte, la part de discernement individuelle et d'auto-responsabilisation ?
C'est en somme la perte de la capacité d'analyse personnelle face aux événements de cette société que déplore ici l'auteur. Ainsi qu'il nous le rappelle plusieurs fois, "les choses tournent mal", et apparemment nous ne possédons pas les armes adéquates pour y faire face. En ce qui concerne le héros, définitivement meurtri par la guerre, nulle foi, nul idéal, nul amour ne parviendront à pallier le dénuement de son âme.
Puisque même Dieu, qui semble lui aussi avoir vacillé, n'est plus un refuge...

mardi 6 octobre 2009

"Poussière" - Rosamond Lehmann

Liberté quand tu nous tiens…, par Salysand

Née en 1901 dans une famille d’intellectuels, étudiante à Cambridge, Rosamond Lehmann est révélée en 1927 par Poussière, archétype du roman d’apprentissage, évocation pleine d’ambiguïté des souffrances et des amours de l’adolescence. Proche du Bloomsbury Group, auteure de L’Invitation à la valse, La Ballade et La source, elle sera l’une des grandes figures de la littérature anglaise ;

« La Première Guerre mondiale vient de s’achever. À l’issue des ses études à Cambridge, Judith Earle, jeune fille de 18 ans, regagne la grande maison familiale au bord de l’eau. Elle assiste au retour de ses voisins, les cousins Fyfe, qu’elle a idolâtrés tout au long de son enfance solitaire. Dans une mosaïque qui fait alterner passé et présent, le lecteur est témoin du douloureux apprentissage sentimental de Judith qui, tour à tour, à des moments différents de sa courte existence, est tombée amoureuse de chacun des cousins… pour finir irrémédiablement déçue. »

Bravo à Rosamond Lehmann pour cette ouvrage ! L’écriture en est riche de subtilités et digne d’un roman de Jane Austen. Bien que je n’apprécie pas les comparaisons systématiques car souvent « pompeuses et réductrices », il faut reconnaître que cette auteure rejoint les maîtres de la littérature Anglo-Saxonne.

Judith, personnage principal, va au fur et à mesure de ses retrouvailles avec ses voisins d’enfance, approcher les sentiers ô combien tortueux qui mènent à la « liberté ».
N’ayant nulle conscience de sa propre quête, Judith découvrira, parfois douloureusement, que les chemins de traverses mènent aussi à l’indifférence et la cruauté…
De fait, ses amis ont évolué et il lui faudra « ré-apprivoiser » ces êtres chers à son cœur.
Femme de tête qui s’ignore encore, c’est avec fraîcheur et simplicité que notre héroïne traversera les épreuves sentimentales qui l’aideront à grandir et assumer fort heureusement son besoin de liberté.
L’époque ne s’y prêtant pas c’est donc à contre-courant que Judith mènera ce combat.
Bravo à l’auteure pour son ébauche du féminisme naissant !

lundi 5 octobre 2009

"La reine des lectrices" - Alan Bennett

A compulsive reader is born, par Lhisbei.

Tout le Royaume-Uni sait que les corgis de la reine Elizabeth II ont aussi bon caractère que leur maîtresse. Lors d’une promenade matinale, un bibliobus, garé derrière les jardins de Buckingham Palace, devient la cible de leurs aboiements furieux. La Reine d’Angleterre, soucieuse de ses sujets, pénètre dans le bibliobus et, pour ne pas paraître grossière, repart en ayant emprunté un ouvrage, au grand étonnement du bibliothécaire. Et parce que Elizabeth II traite avec sérieux toutes les affaires, qu’elles soient publiques ou privées, elle, qui ne lit jamais, met un point d’honneur à lire ce livre avant de le rendre au prochain passage du bibliobus. De cette façon l’incident sera clos avec toute la dignité qui sied à la famille royale. Oui mais voilà… quand elle revient au bibliobus, elle ne peut s’empêcher d’emprunter à nouveau un ouvrage…

Alan Bennett nous a concocté un roman aussi léger, éphémère et plaisant qu’une bulle de savon. Une bonne dose d’amour de la littérature, une pincée d’humour so british, un grain de folie douce, un soupçon de foutage de gueule politique (notre Président n’est pas épargné), une once de « gay friendly attitude », une pointe d’ironie et une fin à la chute savoureuse… pour un roman un tantinet subversif et surtout très fin. Tous les ingrédients sont réunis pour faire passer un très agréable moment à tous les lecteurs compulsifs. Un bonbon acidulé à consommer sans modération.

Lire aussi l'avis d'Anne.

dimanche 4 octobre 2009

"La boîte en os" - Antoinette Peské

Amour fou, par Ingannmic.


Norbert, le narrateur, retrouve par hasard l'un de ses vieux camarades, John Mac Corjeag, qui une dizaine d'années auparavant, fut interné à la suite d'une crise de démence. A sa demande, John lui raconte dans quelles circonstances il en est venu à perdre la raison...

"La boîte en os" est l'histoire de la quête de l'amour absolu par un homme qui ne peut accepter que le corps et l'esprit soient des obstacles à l'osmose de deux êtres qui s'aiment. Un homme pour qui "ne faire qu'un" avec l'élue de son cœur ne doit pas se borner à une simple expression... de quoi, effectivement, devenir fou, surtout lorsque vous luttez contre Dieu lui-même, cet être maléfique qui détient l'inacceptable pouvoir de vous priver, à tout moment, de votre aimée.
D'une écriture élégante et dénuée de toute superfluité, Antoinette Peské flirte avec le fantastique et nous plonge dans une atmosphère lugubre avec un talent qui n'est pas sans évoquer certaines nouvelles de Poe.

Un récit troublant et vertigineux, dont la dernière phrase mériterait à elle toute seule qu'on le lise jusqu'à la fin, si l'ensemble de ce roman n'était pas déjà plus que prenant!

vendredi 2 octobre 2009

"Le roman de la Cité Interdite" - Jirô Asada

Un trésor peut se cacher au fond d’un livre par Mbu

Quel drôle d’ovni a atterri dans la hotte du père Noël : un livre sur la cité interdite, écrit par un auteur japonais.

C’est avec curiosité, mais aussi avec méfiance que je me suis saisie des deux gros volumes de ce roman ambitieux. En effet, curieuse de voir ce qu’un auteur japonais avait à dire là-dessus, et méfiante face à la quatrième de couverture qui annonçait de la fantaisie, de l’ésotérisme même, sur une toile historique. L’histoire n’allait-elle pas être trop fantasque, voire trop romancée ? C’est ce que je me suis demandée en la lisant.

Le roman s’inscrit dans le dernier tiers du règne de l’impératrice Cixi (Tseu Hi) et se concentre sur les événements et les personnages autour de la Réforme des Cent jours. Cela permet à l’auteur de nous plonger dans la Chine traditionnelle avec ses rites de 5000 ans d’âge et de nous amener au seuil de sa difficile mutation vers la modernité.

Si les craintes se sont en partie réalisées, j’ai été déçue plutôt en bien : dans le premier volume, "Le mandat du ciel", l’auteur nous plonge dans l’histoire « transversale » : ainsi, on accompagne l’ambitieux mais naïf Tchouen Youn chez les eunuques et les faiseurs d’eunuque et, au travers de scènes très crues, explorons ce système cruel qui offre aux plus désoeuvrés une chance de prestige inimaginable comme esclave dans la Cité Interdite. Le réalisme de l’écriture et le charisme des personnages tient véritablement le lecteur en haleine. Parallèlement, un deuxième personnage tout aussi charismatique, Liang Wensiou, nous plonge, lui, dans le système des examens impériaux et le monde des mandarins. Passionnant ! Je ne plaisante pas !

En compagnie de ces deux héros, le lecteur va alors explorer l’opposition entre les réformateurs (Liang Wensiou ainsi que des personnages historiques comme Kang Youwei ou Sun Yatsen) et le camp des conservateurs en compagnie de l’eunuque favori de l’impératrice, le personnage fictif de Tchouen Youn. C’est sur cette opposition que le deuxième volume, Le dragon à deux têtes, se base. En compagnie de personnages historiques, on quitte le monde de la fiction et l’on suit l’histoire linéaire, avec par ci, par là quelques interventions romancées ou fantaisistes qui rajoutent au mystère. Moins passionnant, ce deuxième volume perd de son charme mais permet en revanche de s’intéresser de plus près à l’histoire du court règne de Tsai Tien, le neveu de l’impératrice, et à sa réforme des Cent jours. Autrement dit, aux courants de pensées réformistes de l’époque. Et c’est là que l’auteur perd de sa force : cette pensée n’est pas explorée en profondeur, on reste plutôt au niveau des intrigues, et c’est bien dommage.

En revanche, grâce à quelques scènes qui nous projettent au XVIIème siècle, l’ombre du passé s’étendant sur la Cité, j’ai fait une merveilleuse découverte : un trésor. Le peintre de cour Lang Shining, connu aussi sous le nom de Giuseppe Castiglione ! Ce génie du baroque qui s’était embarqué pour la Chine tout jeune, comme missionnaire jésuite, et qui a passé toute sa vie comme peintre à la cour de l’empereur de Chine. Je suis allée voir ses œuvres sur Internet : à couper le souffle. Je sens là une histoire passionnante et vais faire de plus amples recherches. Merci Asada Jiro pour cette fabuleuse découverte !

En résumé, ce roman est un moment de lecture agréable, intéressant sous pas mal d’aspects, mais aussi assez superficiel. Il passe comme une distrayante série télévisée que l’on a tôt fait d’oublier. A prendre en vacances (d’été, vu qu’une bonne partie se passe sous la canicule).

jeudi 1 octobre 2009

A la découverte du livre surprise


Est-ce que vous vous souvenez de la terrible époque où les Chats de bibliothèque(s) (et quelques autres blogs littéraires -certes moins bons) n'existaient pas ?
A cette époque, vous n'aviez probablement pas une PAL aussi vertigineuse, qui menaçait à tout moment de s'effondrer, et qui envoyait ses métastases dans les coins les plus inattendus de la maison, empiétant de plus en plus sur l'espace vital, et menaçant ainsi la toujours délicate paix des ménages.
Je ne sais pas si en ces temps reculés, il vous arrivait -comme à moi, d'être par moment victimes de l'angoisse du manque de livres ? De veiller tard le soir pour regarder une émission littéraire ennuyeuse, espérant quand-même y trouver de nouvelles idées de lecture ? De parcourir, le front légèrement moite, les rayons de votre bibliothèque en vous demandant quel classique vous alliez relire pour la troisième fois en cas de grave crise de manque ? D'aller fouiller plusieurs fois par semaine les rayons de votre bouquinerie habituelle, en espérant sans trop y croire qu'un Vonnegut ou qu'un Murakami (vous avez de bons goûts, dites-donc !) soit rentré ? Et puis, une fois votre espoir réduit à néant, de choisir par dépit un livre au hasard ? C'était souvent une déception, parfois une jolie découverte.

Ce n'est pas que je sois un nostalgique de ces époques barbares, mais le fait de partir à la chasse au livre sans autre guide que le hasard, avait un petit côté harrisonfordien pas désagréable.
Ce mois-ci, les Chats vous proposent rien moins que de retrouver un peu de ces frissons aventureux d'un autre temps.
Embarquez-vous donc avec nous à la découverte du livre surprise !
Mais n'ayez crainte, nous ne vous abandonnerons pas complètement dans ces territoires inexplorés et dangereux : nous vous fournissons un petit guide de survie, mais prenez soin de suivre scrupuleusement et honnêtement les règles !
Bon amusement, et que le Grand Kurt soit avec vous !

Comment trouver votre livre surprise ?

1. Vous vous rendez dans votre bouquinerie habituelle.

2. Vous allez directement au rayon qui correspond à la première lettre de votre pseudo. (*)

3. Vous comptez dans ce rayon autant de livres que la date de votre anniversaire.

Par exemple, moi, je devrai acheter le premier livre (je suis né le 1) de la lettre 'Z' (comme Zaph).

4. Si vous tombez sur un livre que vous avez déjà lu, vous passez au suivant.

5. Vous achetez ce livre, quel qu'il soit.

6. Vous le lisez. Si si !

7. Vous en faites le compte-rendu sur le blog des Chats. Vous avez jusque fin Octobre. (**)

Zaph le fourbe




(*) Si votre bouquinerie possède un rayon "polar" ou "SF", je vous autorise à tricher un peu, si vous en avez envie, et à appliquer le procédé à un de ces rayons.

(**) Si vous voulez rejouer une seconde fois en appliquant une autre règle de sélection tout aussi barge (même une formule avec des logarithmes, si vous voulez), ne vous en privez pas. Etonnez-nous !