vendredi 31 juillet 2009

"Océan mer" - Alessandro Baricco

Quand un chat de biblio rencontre un autre chat de biblio, par Ingannmic et Zaph


-Tiens, salut Zaph. J'étais justement en train de penser à toi : je viens de terminer un roman d'Alessandro Baricco, "Océan mer", et je me faisais la réflexion que c'est un livre qui te plairait sûrement.

- Bonjour Ingannmic. Non mais attends ! C'est dingue, ça ! Moi aussi je viens de terminer ce roman, et tu ne devineras jamais : je me disais justement que je devrais te le prêter ! Alors, tu as aimé, je suppose ?

-Beaucoup, c'est même un coup de cœur ! J'avais lu, il y a assez longtemps, "Châteaux de la colère", du même auteur, que j'avais aimé aussi, mais j'avais oublié à quel point Baricco a une écriture enchanteresse, à la fois drôle et poétique.

-Oui, poétique, drôle et légère, un vrai plaisir. Et dis-moi, qu'as-tu pensé de l'histoire ? J'aurais beaucoup de difficulté à la résumer, elle part un peu dans tous les sens. Ou plutôt, il y a plusieurs histoires qui se rejoignent. Et elles se rejoignent précisément en cet endroit curieux au bord de la mer : la pension Almayer.

-Je l'ai d'ailleurs trouvé très chouette, cette pension, pas toi ? D'abord, par sa situation, "posée sur la corniche ultime du monde", ainsi qu'elle est décrite sur la 4ème de couverture, et puis, par les rencontres qui s'y déroulent, surtout. On a l'impression que les plus grands éclopés de la vie s'y retrouvent, chacun étant susceptible de guérir les maux de l'un des autres pensionnaires, ou d'être l'écho de ses aspirations. C'est une très belle idée.

-Oui, la pension est intéressante, ça c'est sûr, bien qu'elle ne soit pas vraiment décrite, maintenant que j'y repense. Elle a surtout fonction de réunir tous ces personnages. Et qui plus est, de les réunir près de la mer ; c'est surtout ça qui m'intrigue. Le roman s'appelle quand même "Océan mer", et s'il y a bien une histoire de naufrage, je crois que la mer est surtout un genre de symbole de quelque chose. Ce pourrait être l'amour (ou pour certains, son contraire, la haine), car il me semble que si tous les personnages ont en effet à guérir de quelque chose, c'est chaque fois une "maladie" en rapport avec l'amour. Enfin, c'est ce qu'il me semble ; qu'en penses-tu ?

-J'ai plutôt eu l'impression, en ce qui me concerne, que tous ces pensionnaires avait en commun un manque, mais pas forcément d'amour, et que le destin les avait réunis là pour les aider à le combler, ou à vivre avec. Et effectivement, le rôle de la mer est primordial, à la fois comme un personnage à part entière, et comme un catalyseur qui révèle le pire ou le meilleur des hommes, qui les apaise ou les rend fous. Par son immensité et son invincibilité, elle les met face à des questions aussi bien intimes qu'existentielles. Ce qui m'a plu, aussi, et qui me conforte dans cette impression, c'est que le récit semble hors du temps et de l'espace. Certes, Baricco cite parfois des lieux concrets (le Sénégal, la France), mais il parle aussi d'un royaume qui semble imaginaire. De même, certains passages évoquent une atmosphère presque moyenâgeuse, quand d'autres semblent vraiment contemporains.

-Ah oui, c'est très juste, ça. D'ailleurs, au début de ma lecture, il m'a semblé que les personnages appartenaient à des époques différentes. Il y a comme une atmosphère de contes, dans ce livre. Les personnages vivent des choses étranges (et sont plus étranges les uns que les autres), mais ne s'en étonnent à aucun moment. En même temps, ils semblent malgré tout assez réels, je veux dire qu'on peut s'identifier à eux, enfin, je trouve.

-C'est d'ailleurs pour moi l'une des plus grandes qualités de ce livre : A.Baricco parvient à nous emmener très loin dans l'imaginaire et la fantaisie, tout en parvenant à conserver à son récit une certaine authenticité, voire une certaine crédibilité. J'ai du mal à l'exprimer ! En tout cas, c'est un roman que je conseillerai sans modération...

- Eh bien moi aussi je le conseille. D'ailleurs, je voulais justement te le conseiller ! Au fait, que dirais-tu de résumer notre petite discussion sur le blog des Chats ?

- Très bonne idée, cela m'évitera de rédiger une critique !

jeudi 30 juillet 2009

"Les cafards" - Jo Nesbo

C'est la même chanson, par Ingannmic.


Pour ce deuxième volet des aventures de l’inspecteur Harry Hole, Jo Nesbo nous emmène cette fois en Thaïlande où l’ambassadeur de Norvège est retrouvé assassiné dans une chambre de motel. Comme ledit ambassadeur était un proche du premier ministre norvégien, et que c’est une prostituée qui a découvert son cadavre, une extrême discrétion est préconisée au niveau de l’enquête. En raison –officiellement du moins- de la récente célébrité dont jouit Hole suite au succès de ses tribulations australiennes (voir « L’homme chauve-souris »), c’est lui qui est envoyé à Bangkok.
Une insupportable moiteur, des rues engorgées à l’excès par un développement galopant de la circulation, des odeurs extraordinairement présentes… une fois de plus, Jo Nesbo fait preuve d’un indéniable talent pour nous plonger dans l’atmosphère particulière du lieu de son intrigue. De même, il accorde au contexte économique, historique et social de son récit une place assez importante pour que son roman ne soit pas qu’une intrigue policière. Il est ici question de tourisme sexuel, de pédophilie et de corruption, d’un pays qui, bien que n’ayant jamais été colonisé, fut façonné pendant les années 60/70 par les occidentaux, puisqu’il servait aux troupes américaines postées au Vietnam de « bordel de campagne ».
Quant à la trame policière, elle est efficacement construite, riche de nombreux personnages secondaires qui ne sont pas que de simples figurants, et bien sûr toujours portée par l’attachante personnalité de l’inspecteur Hole, pourchassé jusqu’en Asie par ses démons.

Tout est parfait, donc ?

A vrai dire, non… le regret que j’ai à l’issue de ma lecture, en dépit des évidentes qualités de ce roman, c’est qu’il y manque ce tout petit quelque chose qui fait l’originalité d’un livre. Jo Nesbo maîtrise parfaitement son affaire, mais j’ai eu l’impression qu’il la maîtrisait trop parfaitement, justement. C’est comme s’il s’était contenté, ici, de transposer la recette utilisée pour la rédaction de « L’homme chauve-souris » : on change de lieu, d’enquête, mais on a une vague impression de « déjà vu », liée sans doute à la structure du récit, et à certaines ficelles utilisées pour tromper le lecteur. Un peu comme un chanteur dont on apprécierait la musique et les textes, mais dont on aurait le sentiment de toujours entendre plus ou moins la même chanson.
Cela ne m’empêchera pas de continuer à suivre l’inspecteur Harry dans ses aventures (le 3ème volet, « Rouge-gorge », est sur ma PAL), mais je vais auparavant faire une petite pause !

mercredi 29 juillet 2009

"Olivier Twist" - Charles Dickens

Zaph, tu peux le faire, par lui-même

J'ai un aveu à vous faire.
Allez, je me lance : je n'avais jamais lu Dickens.
Ouaip, je me mêle de causer de livres, mais bon, je n'avais jamais lu Dickens. La honte.

Faut savoir que je me dis depuis longtemps que Dickens est un grand écrivain, et que je devrais lire au moins un de ses livres, mais voilà, j'y arrivais pas, j'avais un énorme blocage. Je ne sais pas, j'avais l'impression que c'était long et lent, ardu et ampoulé, pleurnichouillard et misérabiliste.

Alors, avant de dire quoi que ce soit sur ce livre, je vous copie la première phrase :

"Among other public buildings in a certain town which for many reasons it will be prudent to refrain from mentioning, and to which I will assign no fictitious name, it boasts of one which is common to most towns, great or small, to wit, a workhouse; and in this workhouse was born, on a day and date which I need not take upon myself to repeat, inasmuch as it can be of no possible consequence to the reader, in this stage of the business at all events, the item of mortality whose name is prefixed to the head of this chapter."

Ouis, je disais quoi, déjà ? Lent et ampoulé ? Avouez que je ne suis pas tombé loin !

Mais c'est pour vous dire que, comme je le craignais un peu, la première partie du bouquin n'est que le récit d'une succession de malheurs plus tristes les uns que les autres. Personne n'aime Oliver, et tout le monde le maltraite avec un réel plaisir.

Pourtant, j'avais envie de continuer ma lecture. D'abord, j'avais envie de voir si Dickens allait changer de mode de récit, ou s'il allait oser continuer dans la même ligne jusqu'à la fin. Et puis, je commençais à m'habituer au style, et quelque chose me plaisait : c'est l'immense ironie de Dickens. Bon, je ne peux pas m'imaginer que cette histoire soit à prendre au premier degré ; et vu sous cet angle, Dickens se montre sous un jour cynique tout à fait réjouissant.

Notez que la médaille a un revers, c'est que l'ironie introduit une distance. Résultat, je ne me suis jamais senti proche d'Oliver. Si les personnages qui l'entourent et les décors sont pittoresques, Oliver, lui, fait un peu pâle figure.

A tel point qu'à un moment de ma lecture, je me suis dit que Dickens avait réussi l'exploit de créer le personnage le plus con de la littérature mondiale, toutes époques confondues.
En effet, Oliver Twist est vraiment un concentré de naïveté, de bons sentiments, de confiance aussi inébranlable que mal placée en la bonté humaine.
On se demande bien d'ailleurs d'où il tire sa rigueur morale dégoulinante de bonnes intentions.
Le fait que ce soit un gamin sans éducation n'excuse rien. Il aurait pu au moins devenir une petite racaille des bas fonds comme tous ses congénères, mais non ! Il subit les pires sévices avec une égale tranquillité d'esprit, jamais il ne se révolte, et si parfois il lui arrive de verser une larme égoïste sur sa propre condition, il se reprend bien vite en témoignant une fidélité et un dévouement d'épagneul aux rares personnes qui ont eu pour lui une geste ou une parole gentille.
Non content de se précipiter en gambadant et avec le sourire dans la gueule de chaque loup qui passe à proximité, ce garçon jouit en plus d'une malchance phénoménale. Lorsqu'il bouscule par inadvertance un passant dans la rue, il faut que ce soit justement l'horrible exploiteur d'enfants qui a jeté (va savoir pourquoi) son dévolu sur lui.

Est-ce que je vous ai dit que le personnage d'Oliver Twist m'énerve un peu ?
Heureusement que les personnages secondaires sont un véritable régal, surtout les méchants.
Dommage seulement qu'ils tournent autour d'un centre vide.

Bon, finalement, avec un peu de recul, je ne suis plus fâché contre Dickens (je ne suis pas du genre rancunier).
Il se fait que la dernière partie du livre est beaucoup moins centrée sur ce niais d'Oliver Twist (que j'exècre toujours autant), laissant aux personnages "secondaires" la place qu'ils méritent. Ensuite, Dickens a progressivement abandonné son ton ironique un peu pesant du début, pour vraiment nous raconter une histoire, et ne plus manier l'ironie qu'à petites touches bien senties, ce qui la rend d'autant plus efficace.

mardi 28 juillet 2009

"Si par une nuit d'hiver un voyageur" - Italo Calvino

Greimas, Oulipo... Kézako ?, par Ingannmic.



Etrange ouvrage que ce roman…
Pour commencer, l’auteur donne l’impression de nous interpeller (par l’utilisation du pronom « tu »), nous donnant des conseils pour bien aborder notre lecture, pour subrepticement faire émerger, par le truchement de cette particularité narrative, un personnage à part entière de son roman, le Lecteur, qui sera durant tout le récit son fil conducteur.
Ledit Lecteur entame le dernier roman d’Italo Calvino : « Si par une nuit d’hiver un voyageur », pour se rendre compte au bout d’une trentaine de pages que, suite à une anomalie d’impression, le livre n’est qu’une succession de débuts de l’histoire. Il se rend donc chez son libraire afin d’échanger cet exemplaire défaillant. Il fait au passage connaissance avec la Lectrice, qui vient de subir la même mésaventure, et dont les charmes ne le laissent pas indifférent. De retour chez lui, le Lecteur entreprend aussitôt de lire la suite de l’histoire, pour se rendre compte, d’une part, qu’il ne s’agit pas du bon roman, mais qu’en plus, il s’interrompt lui aussi à la fin du 1er chapitre, ne comportant plus que des pages blanches. Au total, le Lecteur entamera ainsi onze romans tronqués –à chaque fois pour une raison différente- au moment où l’action commence à se développer. Et à chaque fois, il se met à la recherche de la suite du nouveau livre qu’il vient de commencer, recherche qui va le mener sur la trace de personnages souvent étranges, comme ce traducteur faussaire, pour qui seules les mystifications sont détentrices de la vérité, ou cet auteur irlandais en mal d’inspiration, qui espionne à la longue vue depuis la chambre d’un chalet montagnard une jeune femme en train de lire…
Difficile d’évoquer un tel roman… en faisant quelques recherches sur Internet (1), j’ai appris à son sujet tout un tas de choses intéressantes, notamment qu’il s’agit d’une œuvre influencée par l’appartenance de l’auteur à l’Oulipo (ou Ouvroir de Littérature Potentielle (2))! Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, c’est la première fois que j’entends parler de cette chose-là ! Pour résumer, il s’agit d’un groupe littéraire (fondé par Queneau et un mathématicien en 1960) qui souhaite remettre en question le genre traditionnel du roman en s’imposant des contraintes dans le but de produire des œuvres originales. Ses membres se définissent d’ailleurs comme des « rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir ».
Et la contrainte que s’est imposé Italo Calvino dans « Si par une nuit… », est celle du carré de Greimas (ou carré sémiotique). Ne me demandez pas de vous l’expliquer précisément… il s’agit d’une contrainte très complexe et invisible pour le lecteur, dont vous trouverez plus de détails sur le lien ci-dessous (3), si cela vous intéresse (C’EST intéressant, mais assez ardu à comprendre, et un peu tordu aussi, cela devrait plaire à Zaph).
Ceci dit, au moment de ma lecture, je n’avais absolument aucune idée de ce que sont l’Oulipo ou le carré sémiotique (et heureusement, sinon je me serais gâchée le plaisir à tenter d’identifier un mécanisme de narration ultra sophistiqué !). Ce que moi, modeste lectrice, j’ai retiré de ce roman, c’est beaucoup de plaisir. Et pourtant, cela aurait pu tourner au cauchemar : qu’y a-t il de pire pour un lecteur que de ne pouvoir connaître la fin (ou du moins la suite) d’un ouvrage commencé ? Surtout quand l’histoire est prometteuse, ce qui est ici le cas : intrigues policières, suspense psychologique, aventures amoureuses dans un contexte révolutionnaire,… à l’instar du Lecteur, le lecteur est à chaque fois bel et bien ferré (car ils découvrent en même temps tous ces débuts de romans, qui sont entièrement retranscrits)! Seulement, Italo Calvino parvient à éveiller notre intérêt au-delà des questions de fond ou d’intrigue.
Son roman, qui se joue du système narratif habituel, est une succession de mises en abymes, de clins d’œil littéraires, de jeux de miroirs, sans pour autant que le lecteur se sente perdu une seconde, car l’auteur maîtrise à la perfection la structure de son récit.
Je l’ai aussi compris comme un livre sur la lecture, sur les lecteurs et les interactions entre ces derniers et les auteurs de livres, sur l’humilité dont doivent savoir faire preuve les écrivains en acceptant la possibilité qu’il existe autant d’interprétations de leurs œuvres que de personnes qui les lisent…

(1) Je me suis rendue compte ensuite que tout cela était également expliqué dans la préface de mon édition (je ne lis jamais les préfaces…).
(2) Pour en savoir plus sur l’Oulipo, cela peut-être ici… ou .
(3) Si vous souhaitez des détails sur le carré de Greimas utilisé comme contrainte dans ce roman, c’est par .

lundi 27 juillet 2009

"A l'abri de rien" - Olivier Adam

Attachez vos ceintures! par Anne


Marie a été brusquement arrachée de sa jeunesse quand sa soeur est morte dans un accident de voiture. Elle s’est accrochée à la premier bouée qui s’est présentée à elle et s'est marié avec Stéphane. On la retrouve une dizaine d’années plus tard dans un quartier où toutes les maisons et familles se ressemblent. Elle a deux enfants. L’ainée a dix ans. On apprend qu’elle a déjà vécu une dépression il y a quelques années. Marie est sur le seuil d’un nouvelle dépression et ne fait rien pour l’éviter. Le quotidien la dégoûte, la ville et sa vie aussi. Elle aime ses enfants mais en même temps elle se sent prisonnière de l’amour qu’ils lui rendent. Marie néglige la maison, elle ne fait rien de son temps. Elle voit bien que c’est le bordel mais elle n’arrive pas à faire quoi que ce soit. Souvent même elle oublie d’aller chercher les enfants à l’école. Elle ne parle plus à son mari. Un jour, par hasard, elle commence à travailler dans un centre de bénévoles qui aident des sans papiers. Là au moins elle se sent bien. Elle ne rentre que tard dans la nuit. Mais quand elle réalise qu’elle ne peut rien changer, que ce ce qu’elle fait ne change rien à la situation de ces pauvres gens, même si elle donne tout ce qu’elle possède, cette impuissance l’enrage. C’est la dernière goutte qui fait déborder le vase. Elle craque complètement.

Ce n’est pas un livre gai. C’est Marie elle-même qui raconte l’histoire. Le rythme du texte m’a fait beaucoup penser à la chanson du groupe Abba – "The day before you came". L’histoire est assez bouleversante, souvent même choquante. La façon dont elle traite ses enfants est vraiment cruelle. On se demande si c’est possible et en même temps on sait que oui, que dans chacun de nous se cache une partie de nous qui ressemble à Marie. Marie, les réfugiés, le lecteur - pendant la lecture de ce livre, tous ne sont "à l’abri de rien". Un livre qu’on n’oublie pas facilement.

samedi 25 juillet 2009

"Petite musique des adieux" - Jennifer Johnston

Adieu, Jennifer, par Zaph

Pour tout vous dire, me voilà face à un défi de taille.
Celui de présenter un livre lu il y a deux semaines, et qui m'est déjà en grande partie sorti de la tête. En plus, comme je l'ai déjà rendu à la bibli, impossible de me replonger dedans au moment d'écrire ces lignes (ce que je n'aurais pas fait, de toute façon, je me connais).
Si je me souviens bien, le style de Johnston n'est pas inintéressant. Il y a cette tentative un peu déstabilisante au début du livre, lorsque les deux personnages se rencontrent, de mêler les points de vues des personnages et celui d'un narrateur objectif, si bien que le style est à l'image de la rencontre : tour à tour incertain, timide, embrouillé, fait d'avancées et de reculs ; mais ce n'est pas une réussite totale.

Après, c'est difficile de décrire une rencontre, et de vouloir se cantonner à cette zone limite de transformations et d'échanges.
Dans le reste du livre, on en apprend davantage sur les personnages qui vont se révéler peu à peu, mais ces révélations, si elles sont tristes, voire dramatiques comme la vie, n'en sont pas vraiment passionnantes pour autant.
C'est une rencontre entre deux personnes qui souffrent, qui se trouvent par hasard dans un petit coin d'Irlande, qui vont passer un peu de temps ensemble, et puis... je ne vais pas vous raconter la fin, mais on a un peu l'impression que tout cela débouche sur le vide.
Pourquoi pas ? La vie est parfois faite de vide, et de nombreuses petites choses impalpables. Le problème est qu'il faut être un très grand écrivain pour faire de la littérature en partant de presque rien.
Est-ce que Johnston a réussi son pari ? Pas sûr. Le problème est qu'après des mois, des livres comme "Le soleil se lève aussi", ou "Le coeur est un chasseur solitaire" sont encore très présents dans mon esprit ; alors qu'après deux semaines, je n'arrive déjà plus à chantonner "La petite musique des adieux".

L'avis de Livro

vendredi 24 juillet 2009

"Perdido street station" - China Mieville

Vacances en train, par Zaph

Les histoires de science-fiction ou de fantasy ont ceci de particulier qu'elles se déroulent assez souvent dans des lieux plutôt éloignés (dans l'espace et/ou dans le temps) de notre environnement habituel. (Vous aviez remarqué aussi ?)
Cela présente des avantages et des inconvénients.
D'un côté, on peut être sûr d'y trouver du dépaysement. Cela en fait pour moi une lecture de vacances idéale puisqu'on peut ainsi voyager très loin en esprit sans utiliser d'autre moyen de transport.
D'un autre côté, l'auteur qui crée un univers de toutes pièces se voit contraint de nous en expliquer le B-A BA, et cela peut prendre un nombre impressionnant de pages (un peu comme ces wargames pour lesquels il faut se taper deux cents pages de règles avant de pouvoir commencer une partie). J'avoue que c'est ce qui me fait parfois un peu peur en SF. En plus, il faut que l'univers soit convaincant, qu'il tienne debout, et qu'il soit vraiment original, et non la pâle copie de mondes déjà vus cent fois ailleurs.
C'est d'autant plus important que bon nombre d'œuvres de cette catégorie se résument finalement à cela : la création d'un univers. Soit ! Je n'ai rien contre. Si le défi est réussi, cela peut donner une lecture plaisante et même stimulante. Il faut dans ce cas accepter que la même intrigue transposée dans un environnement normal se révèlerait bien fade si on retirait le super-méchant-mutant de Bételgeuse et les combats au boulgotron à molette.

Un jour, il y a très longtemps, sur un forum de lecture, dans une discussion au titre évocateur de "Les meilleurs romans de SF", j'ai été titillé par le titre "Perdido street station", que je trouvais très joli, et que plusieurs participants qualifiaient d'adjectifs plus ronflants les uns que les autres.
L'air de rien, un bon titre, ça aide, car quand je suis tombé dessus par hasard à la bibli des années plus tard, je me suis dit "mon vieux Zaph, voilà le truc idéal à emporter en vacances".
Ce qui fut fait.

Et le résultat est ma fois assez convaincant, dans la lignée de mon introduction. Le monde créé par China Mieville (je ne sais toujours pas si c'est une femme ou un homme), est original et assez captivant, sans pour autant nous noyer sous d'inutiles détails géographiques, politiques, sociologiques et autres. Les personnages sont cohérents et suffisamment détaillés pour susciter l'intérêt du lecteur. Bon, l'intrigue est clairement le point faible, car elle repose surtout sur l'utilisation à bon escient des méchants monstres qui peuplent le monde de "Perdido street station". Je ne prendrai donc pas la peine de résumer l'histoire (en plus j'ai horreur de ça). Une mention spéciale toutefois pour le happy end qui n'est pas si happy que ça, l'auteur a su éviter ce piège.

En plus, le style de l'auteur se situe nettement au dessus de la moyenne du genre, ce qui au final, fait de "Perdido Street station" (je le dis encore une fois tant j'aime ce titre), si pas un chef-d'oeuvre, au moins une lecture de vacances très agréable, que je recommande.

jeudi 23 juillet 2009

"Le chanteur de gospel" - Harry Crews

Harry chez les ploucs, par Ingannmic.

Enfant, Harry Crews contracta la poliomyélite, puis tomba accidentellement dans un chaudron d’eau bouillante, événements malheureux qui lui laissèrent de lourdes séquelles physiques qui firent qu’il fut considéré comme un phénomène de foire. Est-ce pour cela que plus tard, il travailla pour une foire itinérante de monstres (freaks) en tant que Mr Loyal ? Toujours est-il qu’il a conservé de ces expériences un sentiment d’affinités avec tous ceux qui sont considérés comme hors norme ; à l’inverse, il n’a que mépris pour ceux qui exhibent un physique aseptisé, imbus du pouvoir que leur confèrent leur plastique irréprochable, mais qui sont finalement les vrais « monstres », symboles de l’ « American way of life » qu’il exècre.

Tel est, entre autres, le thème du « Chanteur de gospel », excellent roman caustique et terrifiant, qui stigmatise la dictature des apparences et la bêtise des foules qui se laissent séduire jusqu’au fanatisme par le premier quidam venu, pourvu qu’il renvoie une image conforme à celle de leurs espérances… C’est le cas du « Chanteur de gospel ». Né à Enigma, bled de péquenots du Sud des Etats-Unis, d’une famille qui élève des porcs, il est LE miracle de cette bourgade de 600 âmes. D’une blonde beauté angélique, il est surtout doté d’une voix exceptionnelle et charismatique, qui lui a apporté une notoriété nationale. Il se rend ainsi d’un endroit de la nation à l’autre afin de chanter devant des foules qui ont eu vite fait de déduire qu’un tel talent ne pouvait être que divin. Et de prêter à notre chanteur la capacité de guérir les malades et de convertir à la foi les plus sceptiques. C’est pourquoi tout Enigma est en émoi : l’enfant chéri du pays a prévu d’y donner un spectacle, et chacun l’attend avec impatience, y compris Willalee Bookatee, qu’il connaît depuis l’enfance. Ce dernier vient d’échouer en prison, accusé d’avoir violé et sauvagement assassiné la belle et pure Mary Bell, autre enfant chérie du pays, crime d’autant plus horrible pour les habitants d’Enigma que Willalee est noir.
En même temps que « Le chanteur de gospel », une foire de monstres, dirigée par un nain affublé d’un pied démesuré, s’installe au village.
Les attentes des uns, les frustrations des autres, font que la situation va devenir explosive...

Harry Crews s’y entend pour reconstituer l’atmosphère de ce patelin de « bouseux », où, si certains individus peuvent sembler assez sympathiques, ils se révèlent, pris en masse, capables du pire, guidés par l’obscurantisme, le racisme, la violence… Il fait preuve d’un humour cynique pour dénoncer également leur extraordinaire hypocrisie : créant eux-mêmes les idoles qu’ils vénèrent par le truchement d’une religion-superstition censée absoudre leurs actes, ils sont aussi prompts à les anéantir si elles ne répondent plus à leurs exigences. L’auteur semble presque prendre plaisir à briser les mythes galvaudés de ces ploucs à l’esprit étroit, en insistant sur les travers de leurs prétendues idoles, et en restituant à ceux qui sont considérés comme des monstres leurs statuts d’êtres humains.

mardi 21 juillet 2009

"Les Annales de Brekkukot" - Halldór Laxness

Un talent pur par Anne.

L'histoire se déroule au début du vingtième siècle en Islande. On fait connaissance avec le petit Alfgrimur qui vit avec un vieux couple qu'il appelle ses grand-parents. Ils vivent dans une petite ferme simple appelée Brekkukot pas loin de Reykjavik qui est encore une toute petite ville sur le seuil de la modernité. La famille est pauvre, néanmoins la maison est toujours un refuge pour toutes sortes de gens qui cherchent un endroit où dormir pour une nuit ou pour toujours, pour récuper leur forces ou pour mourir ou juste parce qu'il y sont les bienvenus. Sur la petite ferme on aime les traditions et ce qui compte, ce sont les valeurs comme la sincérité et la modestie. Pour Alfgrimur, Brekkukot c'est le paradis. Ses grand-parents l'aiment beaucoup et il aimerait devenir pêcheur de lompe comme son grand-père. Mais Alfgimur grandit et le monde change, ainsi que son monde à lui. Son grand exemple positif comme négatif est Gardar Holm, le célèbre chanteur islandais. Connu dans le monde entier et pour cela vénéré par les habitants de Reykjavik. Pourtant personne ne l'a jamais entendu chanter. Chaque fois qu'il doit venir son bateau n'arrive pas ou Gardar part avant la performance promise. Petit à petit Alfgrimur découvre qui est ce Gardar. Bon chanteur lui aussi, Alfgrimur lui demande comment atteindre la vraie note pure. Il devra quitter L'Islande pour l'atteindre.

"les Annales de Brekkubrot" est une histoire curieuse, touchante et pleine d'humour. Les mots coulent paisiblement vers la fin. C'est un roman qu'on lit comme on boit un bon vin doux sous un ciel bleu à la fin de l'après-midi.

Laxness est l'écrivain le plus célèbre d'Islande. Il a écrit plus de 60 ouvrages et en 1955 il a remporté le prix Nobel de Littérature. Je dois admettre, avant d'emprunter ce livre j'avais jamais entendu parler de cet auteur. Et je suis ravie de cette découverte.

lundi 20 juillet 2009

"L'homme chauve-souris" - Jo Nesbo

Le premier d'une longue série ?, par Ingannmic.


Premier opus des aventures de l’inspecteur Harry Hole –et premier roman de Jo Nesbo-, « L’homme chauve-souris » contient tous les ingrédients qui vont amener le lecteur à vouloir persévérer dans la découverte de cet auteur, et à s’attacher à son héros. Ce dernier, inspecteur de la police d’Oslo, rongé par la culpabilité suite à sa responsabilité dans la mort de l’un de ses collègues, est envoyé en Australie pour enquêter sur le meurtre d’Inger Holter, une jeune norvégienne qui vivait à Sydney. Il est accueilli sur place par son homologue Andrew Kensington, un aborigène pour lequel les bas-fonds de la métropole australienne semblent n’avoir aucun secret.
En même temps qu’Harry, nous faisons connaissance avec un pays fait de contrastes, dont l’histoire est à la fois jeune et ancienne, au sein duquel cohabitent tant bien que mal les autochtones dont on a oublié qu’ils étaient le vrai peuple australien, touchés plus souvent qu'à leur tour par la misère et ses corollaires (alcoolisme, …) et les « colons » qui, pour calmer d’éventuelles revendications nationalistes, concèdent aux indigènes quelques droits qui dépassent rarement le stade de la théorie. Ajoutez à cela une proportion non négligeable d’habitants issus de l’immigration d’origine asiatique, et l’une des plus importantes communautés homosexuelles du monde… vous êtes à Sydney !
Voilà pour le décor, qui n’a pas été sans m’évoquer la Nouvelle-Zélande que dépeint Caryl Férey dans « Utu » et « Haka », mais là où l’auteur français s’engouffre dans la noirceur jusqu’au malaise, Jo Nesbo quant à lui, bien qu’il n’épargne ni ses personnages ni son lecteur, laisse émerger de son récit une petite part d'espoir. En effet, Harry Hole a beau passer pour un anti héros, et sombrer facilement dans certains excès, il conserve néanmoins son instinct de survie (ce qui n'est pas le cas des personnages de Férey), et reste guidé par une certaine idée de la justice.
L’intrigue est très bien menée, l’auteur sait utiliser les détails significatifs et les retournements de situation, et surtout, il intègre ladite intrigue dans un environnement auquel il donne une réelle consistance, éveillant notre intérêt non seulement pour l’histoire policière, mais aussi pour celle de la société qu’il décrit.
Cet intérêt a été assez éveillé pour que je vous donne rendez-vous après ma lecture de la suite des aventures de Harry : « Les cafards ».

Lire aussi l'avis de Sandrounette.

samedi 18 juillet 2009

"La voleuse de livres" - Markus Zusak

Et si la Mort vous racontait une histoire... par Sandrounette

Allemagne, début 1939. Une femme, accompagnée de ses deux enfants, prend un train. Elle les conduit dans une famille d'accueil. C'est alors que l'aînée, Liesel, âgée de 10 ans rencontre la Mort pour la première fois. Celle-ci emporte son petit frère avant la fin du trajet.

Je n'enlèverai pas le suspens du livre en disant que la narratrice n'est autre que la Mort elle-même. Elle nous raconte le destin singulier de cette petite Liesel, de sa reconstruction au sein de sa famille d'accueil, de sa vie quotidienne dans une petite ville de la banlieue de Munich en plein cœur du IIIème Reich.

Ce roman m'a énormément touchée parce qu'il raconte le quotidien, l'extrême banalité de la vie d'une petite fille confrontée à une horreur qu'elle ne décèle pas tout de suite. Qui pourrait lui en vouloir?

Une énorme douceur se dégage de l'ensemble. Les personnages sont touchants de vérité, de sincérité, d'humanité. J'ai particulièrement apprécié Rudy, le meilleur ami de Liesel qui se damnerait pour un baiser de sa belle. Trop fière pour lui accorder ce qu'ils souhaitent tous les deux, elle ne s'en rendra compte que trop tard.

"La voleuse de livres" est un titre parfait. Liesel vole son premier à la mort de son frère et ne sait pas lire à l'époque. C'est son père nourricier, Hans, qui lui apprendra à accorder les lettres pour en faire des mots, puis des phrases. Ces épisodes d'apprentissage de la lecture en "taggant" les murs de l'abro anti-aérien sont d'une intelligence et d'une beauté sans pareille. Et que dire de la relation que Liesel entretiendra avec les livres et les mots... L'Homme-plume, La secoueuse de mots... Il ne m'en faut pas plus pour crier au génie! C'est vraiment ce genre de prose qui me fait vibrer!

Markus Zusak m'a réellement transporté. Classé parmi les oeuvres de littérature jeunesse, ce roman a tout pour être un de mes outils pédagogiques pour aborder la vie sous le nazisme. Il traite cette période sombre de l'Histoire allemande à travers les yeux de civils essayant de survivre malgré tout. Il permet de se placer du côté allemand de la barrière de manière très touchante.

Si vous n'avez pas encore compris, il s'agit d'un énorme coup de coeur!

vendredi 17 juillet 2009

"L'homme ralenti" - John Maxwell Coetzee

Un goût d'inachevé, par Ingannmic.


Paul Rayment, un homme de 60 ans, est victime d'un accident de vélo à l'issue duquel il est amputé d'une jambe. Il refuse, par principe, le port de toute prothèse, préférant se déplacer avec des béquilles, ce qui limite son autonomie. Il s'éprend de Marijana, infirmière d'origine croate qui lui prodigue des soins à domicile, dont la vigueur et la maternité le font s'interroger sur la superficialité de sa vie, vide d'enfants et de passion. C'est alors qu'apparaît dans sa vie Elisabeth Costello, écrivain sexagénaire venue de nulle part, et à l'arrivée de laquelle le récit prend un tour presque fantastique...

L'action est posée dès les premières lignes, le style est froid et efficace, l'auteur sans concession envers le personnage de Paul, dont les questionnements fournissent matière à une réflexion plus vaste sur les aléas de la vieillesse et de l'amoindrissement physique : la perte de la dignité, la solitude, la dépendance, l'amour impuissant.
Le début m'a enthousiasmée, puis j'ai finalement eu l'impression de rester sur ma faim : une fois l’action lancée, elle piétine, l’auteur lance des pistes de réflexion mais ne semble pas vouloir les exploiter jusqu’au bout. Sa volonté était-elle de laisser le lecteur effectuer ses propres analyses et tirer ses propres conclusions concernant ces pistes ?
Personnellement, j’aurais préféré qu’il développe davantage les sujets abordés, ce qui aurait aussi donné à ses personnages plus de consistance. J'avais trouvé "Au coeur de ce pays", du même auteur, tellement riche et original, que j'avoue avoir été déçue par cet "Homme ralenti".

jeudi 16 juillet 2009

"Chaos Calme"- Sandro Veronesi

Je pense donc je suis faillible par Anne


Le livre commence par une scène pleine de suspense mais aussi d'humour. Carlos et Pietro, deux hommes, deux frères d'une quarantaine d'années sont à la plage pour surfer. Quand ils sortent de l'eau ils entendent du tumulte un peu plus loin. Ils vont voir se qui se passe et ils voient deux femmes en train de se noyer. Personne ne bouge pour les sauver. Les deux frères se regardent, se jettent dans l'eau pour porter secours. Ce qui ne parait pas si facile : la femme en danger que Pietro veut sauver se débat, essaie de le prendre avec elle. Après une lutte difficile Pietro réussit à la sortir de l'eau, Carlo aussi sauve sa victime. Mais quand les spectateurs portent les femmes sur la plage Carlo et Pietro sont vite oubliés et d'autres personnes se vantent de l'exploit. Carlo et Pietro s'en moquent un peu quand il rentrent chez eux.
Là, les attend un autre événement choquant. Pendant qu'il était en train de jouer les héros en sauvant une femme, la compagne de Pietro, Lara, est décédée d'une morte brutale. Pietro reste seul avec sa fille de 10 ans. Il ne sent rien, aucun chagrin. Chez sa fille non plus il ne sent aucun changement. Le temps passe, les vacances sont finies, l'école et le travail vont recommencer et toujours rien, il ne sent rien et il se demande quand commencera le deuil.
Quand il emmène sa fille à l'école le jour de la rentrée il décide de rester là, devant l'école. La deuxième journée aussi. Il se sent bien là, il n'a pas envie d'aller au bureau, il peut bien travailler dans sa voiture. Les amis, les collègues le comprennent ; c'est normal, il lui est arrivé un grand malheur, il lui faut donner le temps. Pendant qu'il est là devant l'école de sa fille à regarder se dérouler le calme chaos de la vie quotidienne, ses collègues qui souffrent à cause de la fusion à venir, ses amis, ses connaissances, son frère, des inconnus, tous viennent le voir et tous vont lui raconter leurs problèmes comme s'il était un psychologue en consultation. Ainsi le temps passe et toujours il ne souffre pas de la mort de Lara. Après tant de semaines d'auto-réflexion il commence à se comprendre et à comprendre les gens autour de lui... du moins c'est ce qu'il croit. Jusqu'au jour où toutes ces nouvelles notions ne paraissent plus si évidentes que ça et c'est à ce moment là, qu'il comprend qu'on ne peut jamais être sûr de ce que pensent les autres.


Avec "Chaos Calme" Sandro Veronesi a écrit un livre génial. D'une façon émouvante, drôle, réaliste et satirique il montre ce que sont les vraies motivations de nos actes. C'est un livre très captivant, un vrai chef d'oeuvre. Un grand coup de coeur.

mercredi 15 juillet 2009

"Le cadavre du métropolitain" - Lee Jackson

Londres et ses bas-fonds par Sandrounette

A la fin du XIXème siècle, Londres est une cité tentaculaire où le crime s'épanouit. Decimus Webb, inspecteur à Scotland Yard traque les malfaiteurs dans cette capitale lugubre. Lorsqu'une jeune femme est retrouvée étranglée dans le wagon du tout neuf métropolitain, toute la presse s'empare de l'affaire et fait ses gros titres avec "l'étrangleur du métropolitain". Que se passe-t-il quand un jeune homme sans histoires se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment? Il est accusé de meurtre évidemment!

J'avoue que j'adore les romans historico-policier. Et je me suis trompée! Je pensais que c'en était un d'après la quatrième de couverture et bien pas du tout!!! Le meurtre perpétré sert de prétexte pour nous faire arpenter le Londres des bas-fond de cette fin de siècle. Finalement, peu importe le meurtrier, peu importe le mobile.
Les chapitres sont courts mais servent à faire alterner les personnages. J'ai longtemps été perdue : je n'arrivais pas à me rappeler du nom des personnages et c'était très gênant dans la lecture!

Au final, il ne me reste pas grand chose de ce roman... Je ne l'ai pas trouvé très captivant même s'il se laisse lire tout de même (son petit nombre de pages joue en sa faveur!).

mardi 14 juillet 2009

"Index" - Camille Laurens

L'A part de soi, par Thom.


« Pour Claire Desprez, aucun livre n'avait jamais eu d'importance. Elle lisait peu, faute de temps, sinon les journaux et de somptueux ouvrages d'art qu'elle classait par siècle dans sa bibliothèque [...] Elle voyait parfois, en flânant sur les quais, des ces bouquins fanés qui lui semblaient n'avoir d'autre fonction que celle de compenser dans les appartements les nivellements des planchers. Elle emportait volontiers en vacances un gros volume choisi parmi les meilleures ventes, qui perdait avant la fin de l'été ses pages ensablées. Elle achetait aussi quelques fois un livre au hasard d'une gare ; elle lisait alors comme d'autres fument, ses doigts tournant les pages comme ses lèvres auraient soufflé la fumée... »

... et pourtant, un livre va changer la vie de Claire Desprez - comme l'annonce l'incipit. Mais ça, le lecteur le saura sans jamais le voir. Là n'est pas l'essentiel, et « Index » de s'attarder plus volontiers sur la découverte (forcément) médusée... d' « Index », roman policier acheté au hasard d'un voyage (justement) et dont les pages renferment ni plus ni moins que le plus intime, le plus lourd de tous les secrets de la jeune héroïne. Par quel maléfice ? Connaîtrait-elle l'auteur ? Et quand bien même : comment cet auteur pourrait-il être au courant de quoi que ce soit... ?

Quel meilleur premier roman que celui dressant une splendide ode au roman ? Si (re)lire le premier des deux « romans romanesques » (avec « Romance ») de Camille Laurens à présent qu'il est sûr et certain qu'elle n'en fera plus jamais a quelque chose d'étrange et de perturbant, difficile de résister à la séduction mystérieuse de cet « Index » disposant déjà, en filigranes, nombre des obsessions de l'auteure (à tel point qu'on s'interroge : ce titre renvoie t'il à la construction alphabétique de l'ouvrage, ou bien s'agit-il d'un index figuratif, d'une carte de visite - somme toute ce que se doit d'être tout premier roman réussi ?). Avec bien sûr, en tête de liste, la question du rapport au réel, ici posée par le prisme d'une fiction distordue jusqu'au vertige. Que peuvent bien signifier les mots réalité et vérité dans une œuvre de littérature ?

Lectrice passionnée avant même d'être une auteure passionnante, Camille Laurens se défie de ces notions complexes de cette même écriture sensuelle et troublante qui atteindra son Zénith à l'aune des années 2000. Avec, au-delà de la question du Qui parle ? soulevée par un quatrième de couverture (pour une fois) remarquable, une autre question que chacun, un jour ou l'autre, a été amené à se poser : qui est ce démiurge inconnu qui nous écrit, nous touche, nous bouleverse et - parfois - change notre vie ? La réponse, laconique et évidente aux yeux de quiconque a déjà côtoyé de près un auteur, est livrée au terme de cet étonnant puzzle, quasi austerien par instants : mieux vaut ne pas chercher à savoir.

lundi 13 juillet 2009

"Le Jeu de l'Ange" - Carlos Ruiz Zafon

Faut-il passer le zafon?, par Anne


Un premier livre, c'est difficile à écrire, un deuxième quand le premier a été un succès, encore plus. Le seul avantage c'est que les chiffres de ventes seront bons a priori. J'ai donc acheté le nouveau Zafon le jour de sa parution. J'avais déjà lu les deux premières chapitres sur internet qui étaient très prometteurs mais j'ai dû attendre les vacances pour pouvoir continuer. "L'Ombre du Vent" étant un de mes coups de coeurs j'avais de grandes espérances.

"Le Jeu de l'Ange" se passe à Barcelone dans les années 20. C'est l'histoire de David Martín. Fils d'un vétéran de guerre, il grandit dans un milieu pauvre ou l'on se méfie des livres. Il doit lire ses livres en cachette. Un de ses préférés est "Grandes Espérances" de Charles Dickens. Il commence à travailler pour le journal "La voix de l'industrie" où le riche Pedro l' aide à révéler son talent d'écrivain quand un jour il n'y a personne pour écrire le feuilleton. Ses histoires sont un grand succès mais avec le succès vient la solitude. Les choses vont si mal qu'il finit par vendre son âme d'écrivain à Monsieur Correlli qui lui demande d'écrire un livre sur une nouvelle religion. En fait il doit inventer cette religion lui-même et il recevra pour ce livre une somme de 100.000 francs français. Vous comprenez qu'avec une telle somme ce n'est pas une vie de détente qu'il achète. Une fois engagé dans cette voie infernale, impossible de retourner sur ses pas et quand il commence a faire des recherches sur ce mystérieux "Monsieur" il devient clair qu'il est entré dans un jeu très dangereux et qu'il lui reste peu d'amis.

Le thème Faustien, beaucoup de références littéraires, Barcelone comme décor, le retour du "cimetière des livres oubliés", ce n'est pas assez pour faire du deuxième livre de Zafon un nouveau chef-d'oeuvre. Écrit à la première personne par un personnage principal pédant, égoiste et vide, avec trop d'explications inutiles qui gâchent l'ambiance, un plot assez prévisible, lardé d'une histoire d'amour ridicule et totalement superflue, "Le jeu de l'Ange" est devenu un livre très médiocre.

samedi 11 juillet 2009

"Vente à la criée du lot 49" - Thomas Pynchon

Laborieux, par Ingannmic.

Oedipa Maas a la surprise d’être désignée comme exécutrice testamentaire de feu Pierce Inverarity, un de ses ex petits-amis, magnat de l’immobilier dans la région de Los Angeles, qui laisse en héritage une curieuse collection de timbres. Dans le cadre de cette mission, elle se retrouve sur la piste d’un réseau de services postaux clandestins dont l’origine remonterait à plus de trois siècles. Au cours de ses pérégrinations sur les traces de cette obscure association, elle croise des personnages énigmatiques, certains complètement loufoques, et elle-même semble parfois sur le point de basculer dans la folie.

Il paraitrait que « Vente à la criée du lot 49 » est le roman le plus accessible de T.Pynchon… ou bien je suis complètement neuneu, ou bien je suis insensible à la plume de cet auguste auteur, qui accumule symbolismes, 2nd degré –si ce n’est plus- et références culturelles réelles aussi bien qu’inventées. D’ailleurs, j’avais déjà entamé ce roman il y a quelque temps, pour le laisser tomber au bout d’une trentaine de pages, en me disant que ce n’était pas le bon moment pour aborder une œuvre aussi complexe. Finalement, il n’y aura peut-être jamais de bon moment pour lire un tel ouvrage, du moins en ce qui me concerne !
Pourtant, au départ, pleine de bonne volonté, j’ai apprécié l’humour décalé dont fait preuve l’auteur, et la bizarrerie de son récit. Parce que j’aime bien les histoires bizarres, en général. Mais là, désolée, je crois que T.Pynchon et moi ne nous sommes pas réellement rencontrés lors de cette « Vente à la criée ». Il faut probablement y voir une métaphore de ceci, ou une parabole de cela, simplement, le sens caché de ce roman est resté… caché, justement. Je l’ai trouvé trop abscons, il y a des passages que je n’ai pas vraiment compris. Je ne l’ai terminé que parce qu’il ne fait que 200 pages.
Je n’ose même pas imaginer la complexité de ses autres romans, qu’il y a peu de chances que j’ouvre un jour…
Ah, au fait, vous ai-je dit que « Vente à la criée du lot 49 » est considéré comme un chef-d’œuvre (c’est ce que j’ai lu dans plusieurs critiques, en tout cas) !?

vendredi 10 juillet 2009

"Les exclus" - Elfriede Jelinek

Jeux d'enfants, par Thom.


Je n’ai jamais été en vacances en Autriche, mais tout à fait entre nous si on reconnaît vraiment un pays à ses artistes je ne suis pas du tout certain d’en avoir envie. C’est pas pour dire, mais si vous mettez côte à côte les trois artistes autrichiens contemporains les plus connus par chez nous (à savoir Jelinek, Handke et Haneke)… avouez qu’il y a de quoi se poser quelques questions quant à la qualité de vie au cœur du beau pays de Musil et de Werner (génies eux aussi connus pour être de joyeux drilles).

Le second degré (voire même le sourire) n’est pas la principale qualité d’Elfriede Jelinek, à sa décharge il faut bien reconnaître qu’avec un sujet comme celui des « Exclus » il est assez difficile de provoquer l’hilarité. Inspiré du même fait divers que la « Clockwork Orange » de Burgess, auquel est appliqué un traitement bien plus réaliste, ce roman raconte en effet la course folle d’un quatuor d’ados autrichiens désoeuvrés dont le principal passe-temps est d’exploser la gueule à ceux qui croisent leur route – rien de très rigolo donc. Raconté par quelqu’un d’autre ça n’aurait sans doute aucun autre intérêt que d’être bassement moralisateur sous des dehors provoc. Sous la plus froide et clinique de Jelinek, ça devient une réflexion sur la violence et l’ennui des plus terrifiantes :

« Il ne faut pas cogner sur les gens par haine, il faut cogner sans raison aucune, c’est une fin en soi… »

… explique d’entrée Rainer, sinistre maestro de ce gang d’autant plus effrayant qu’il est complètement imprévisible. Perdu pour à peu près tout, cet adolescent à glacer le sang entraînera sa sœur et ses deux disciples dans une escalade de violence qui s’achèvera par un massacre… et une succession de prises de positions lénifiantes de la part des intellectuels autrichiens de l’époque (1959), que Jelinek renvoie sans se forcer à leurs cris d’orfraies. Non contente de poser la question de la responsabilité collective, elle contourne le problème du didactisme en collant strictement aux faits ; se contente de dresser un tableau aussi distancié que glacial : ces jeunes gens n’étaient pas issus d’un milieux défavorisé, ils n’étaient ni des idiots ni des bêtes (au contraire : leur raffinement s’étale sur deux cent soixante-cinq pages) – pas mêmes des fous. De simples ados, presqu’ordinaires, dévorés par la part d’ombre que la société a oublié de leur apprendre à dominer, trop occupée qu’elle était à oublier son passé.

Dire que « Les exclus » est un roman dérangeant serait une litote assez maladroite. « Lust » était dérangeant… quand ce texte-ci est au-delà de cela. A l’instar du « Funny Games » de Haneke (qui a d’ailleurs fini par adapter Jelinek pour « La Pianiste », quelle surprise), « Les exclus » est une œuvre profondément choquante car faisant de la violence la plus crue une illustration frappante de l’absurdité de la condition humaine. Pas de motifs, pas d’excuses, pas d’explications. Pas même une circonstance atténuante ; juste un plaisir macabre, une jouissance malsaine banalisant jusqu’au meurtre. De même qu’au cinéma la violence la plus crue est bien plus impressionnante qu’une scène de « Kill Bill », la violence des « Exclus » se révèle d’autant plus éprouvante que d’une simplicité déconcertante. Car oui : c’est facile de tuer quelqu’un. Facile… et à la portée de tout un chacun. Le Mal Absolu n’est-il pas celui qui n’a besoin de rien d’autre que lui-même pour se légitimer ?

jeudi 9 juillet 2009

"Man Crazy" - Joyce Carol Oates

Tout est mal qui finit bien, par Ingannmic.

La narratrice, Ingrid Boone, est la fille de Luke, aviateur traumatisé par sa participation à la guerre du Vietnam, et de Chloé, femme séduisante qui collectionne les conquêtes masculines malgré l'amour passionné qu'elle porte à son pilote de mari. En effet, ce dernier est perpétuellement absent, et finit même par disparaître définitivement de leurs vies.
Dans ce contexte familial bancal, Ingrid est une enfant puis une adolescente en quête éperdue d'amour et de reconnaissance, quête qui va l'amener à se laisser manipuler par de douteux individus, jusqu'au reniement de son intégrité morale et physique.
Elle nous raconte sa chute inexorable d'une façon chaotique, bousculant la chronologie de ses souvenirs, mêlant faits réels et "ce qui aurait pu être", révélant les obsessions et les angoisses d'une fille intelligente mais très perturbée.
Ce style saccadé, cette succession de souvenirs éclatés dépeignent avec justesse l'impression qu'a voulu rendre, je pense, J.C.Oates, celle d'une existence déstructurée par une descente aux enfers, vécue par une pitoyable victime dont les plus cruels exploitent les faiblesses jusqu'à l'extrême.
Alors, bien que la fin fleure le "happy end" à l'américaine, elle m'a aussi parue plutôt rassérénante après l'horreur qui la précède.

mercredi 8 juillet 2009

« Poisson d’or » - Le Clézio

Fluide mais… par Sandrine


Depuis mes débuts en LeClézioïsme, voici le titre le plus accessible que j’ai lu. Un roman, dévoré en deux jours, dévoré parce que l’écriture de Le Clézio, qu’elle soit accessible ou un peu moins me fascine. Mais…

D’abord le résumé : Laïla n’est encore qu’une fillette quand on la vole en plein rue, elle est vendue à une vieille dame qui l’éduque comme elle peut jusqu’à sa mort. Passant de « bras en bras », elle découvre les travers et la mesquinerie des gens qui l’entoure. Elle recherche sans cesse la liberté mais elle ne tombe jamais que sur des gens qui l’apprivoisent pour mieux se l’approprier. Alors elle fuit, toujours plus loin jusqu’à revenir à la source pour pouvoir enfin libérer ses fantômes et vivre plus sereinement. Entretemps elle se découvre un talent, perd énormément d’illusions, traversera son pays, la France et les Etats-Unis…

Le Clézio semble approfondir l’histoire de Lalla qu’il racontait dans "Désert", d’une manière plus fluide, plus simple, plus oubliable aussi. J’ai apprécié "Poisson d’or" mais il m’a manqué un petit quelque chose… une force, une émotion, des odeurs, de la langueur (quel horrible mot mais le plus proche de ce que je voudrais dire !). Ce petit quelque chose que l’on retrouve dans "Désert" et qui en fait un livre magnifique et inoubliable.
Je le conseille tout de même, et particulièrement à toutes personnes ayant abandonné l’idée de lire un jour ce fantastique aristochat !
Ici la critique d'Ingannmic!

mardi 7 juillet 2009

"Un minuscule inventaire" - Jean-Philippe Blondel

La vie, avec un petit "v", par Ingannmic.

Antoine a la quarantaine. Après 13 ans de vie commune, sa femme, Anne, le quitte. Elle lui reproche son manque de communicabilité, son indifférence de plus en plus pesante. Elle part, avec leurs deux enfants, Mathilde, la préférée d'Antoine, et le petit Léo, avec lequel il ne sait pas s'y prendre. Ils vont vivre tous les trois chez le dentiste qu'Anne a rencontré. Antoine décide alors de faire table rase du passé, de tout "liquider" avant de repartir à zéro. C'est pourquoi, lorsqu'un vide-grenier est organisé dans son quartier, il profite de l'occasion pour se débarasser de tous les objets témoins de son "ancienne vie".

Tel est l'inventaire de Jean-Philipe Blondel, composé de ces choses qui ont accompagné puis matérialisé certains moments de l'existence du héros, et qui, comme autant de madeleines proustiennes, au fur et à mesure qu'il s'en défait, lui remémorent des tranches de vie. Et c'est ainsi qu'il reconstitue un peu plus de trente ans de rencontres, de joies, de déceptions, sans auto-complaisance, ni faux attendrissement. Car au final, de trahisons envers les uns en oubli des autres, que reste-t-il des amis d'enfance, des relations estudiantines, des amours de jeunesse, des rêves profondément enfouis sous les couches volontairement opaques d'un quotidien ordinaire et conformiste ? Comme un miroir de nous-mêmes, Antoine pose le temps d'un après-midi l'équation douloureuse à laquelle se résument bien souvent nos vies, faite de regrets et d'angoisse face à tout ce temps perdu et qui ne pourra jamais être rattrapé. Et puis... dans une seconde partie, l'espoir, timide, survient : la vie continue, porteuse d'autres projets, même insensés ; les objets vendus sont aussi des objets achetés, prétextes à d'autres histoires, catalyseurs de futurs autres souvenirs.
"Un minuscule inventaire" est un roman très touchant. L'écriture de Jean-Philippe Blondel, juste équilibre entre humour et sensibilité, entre lucidité et auto-dérision, y est pour beaucoup. Mais ce n'est pas que cela : ce récit nous parle parce qu'il nous ressemble étrangement, il titille les souvenirs enfouis des coups bas que nous n'avons jamais avoués, des prénoms et des visages que l'on ne peut évoquer avec personne, les "si j'avais su"que l'on n'ose pas prononcer.

Heureusement, au-delà de l'amertume et de la nostalgie, il y a aussi dans cet ouvrage l'écho rassérenant de la reconnaissance envers ceux qui nous aiment, ceux qui ont contribué à nous faire humainement évoluer, et puis surtout, la conviction qu'il n'est pas besoin de fuir aussi loin que possible pour trouver le bonheur ou, à défaut, des "petits bonheurs". Serait-ce cela, la maturité : savoir reconnaître la fatuité de ses rêves de jeunesse, pour apprendre à jouir d'un bien-être plus modeste mais plus accessible ?

lundi 6 juillet 2009

« Diego et Frida » - Le Clézio

Quand l’art et la révolution s’entremêle par Sandrine


Essai se lisant facilement mais avec une condition, avoir quelques notions d’art mexicain et d’histoire du Mexique de ces années 20 et 30. Je n’ai ni l’un ni l’autre donc j’ai un peu galéré sur le début mais cette histoire d’amour, de conflit et d’art est passionnante. Si Diego ne m’a pas « affolée » plus que cela, Frida est un vrai personnage dramatique, pas simple à cerner, muet souvent, n’en pensant pas moins bien sûr et que j’aurais voulu plus approfondi (jamais contente je sais :) ).

Ce récit comporte 3 héros en fait, Diego, Frida et le plus important, cette révolution, qui les entoure, les prends par la main, les fait se découvrir et rend leur art encore plus percutant ! Révolution culturelle, intellectuelle et politique, révolution si imposante que Diego par elle et avec elle, en fera ses plus belles œuvres (dommage vraiment qu’il n’y ait pas de reproductions des œuvres citées et décrites !).
Ce livre est une vraie découverte d’un peuple, d’un art, de deux personnalités incroyables et d’un amour fort, original bien sûr, embrouillé souvent mais présent toujours.
Voir aussi l'excellente critique d'Ingannmic ici!

dimanche 5 juillet 2009

"Echo Park" - Michael Connelly

Cold Case, par Thom

Tandis que certains auteurs nous accompagnent toute notre vie, il arrive que d'autres s'éloignent de nous, comme de vieux amis qu'on a perdus de vue et qu'on est toujours content de revoir même si l'on a alors l'impression qu'on n'a plus grand chose à se dire.

En des temps reculés où Le Golb et les Chats n'existaient même pas, Connelly était sans doute l'un des mes auteurs de polar favoris, aussi à l'aise dans le roman (très) noir (« The Black Echo ») que dans le procédural (« Angel's Flight ») ou le thriller pur et simple (« The Poet »). Sans doute à l'époque devinais-je déjà en lui toutes les caractéristiques requises pour devenir un mega-seller brossant à la chaîne des romans pop-corn à dévorer sur les plages - qu'importe : il y avait chez lui (et plus spécialement chez son personnage fétiche Harry Bosch) ce supplément d'âme faisant cruellement défaut au premier John Grisham venu (Grisham que j'aime plutôt bien, mais c'est une autre histoire). Traumatisé par le Vietnam, claustrophobe et passablement torturé, Bosch était un de ces héros black typiques qui vous prennent pas la main pour vous faire traverser les ténèbres. Chaque fois plus amoché par la vie, il revenait tous les deux ans pour affronter une nouvelle enquête encore plus sombre que la précédente, la surenchère guettait un peu parfois mais vraiment : les cinq premiers tomes de la série comptent assurément parmi ce que le polar US nous a offert de plus passionnant dans les années quatre-vingt dix.

C'est à partir des années deux mille que sont apparus les premiers signes du déclin, signes qui n'ont fait que s'accentuer avec le temps : incapable de mettre un terme à la carrière de Bosch alors même que ses romans sans lui sont pour la plupart excellents, Connelly en a fait progressivement un genre de Jack Bauer du pauvre, perdant de vue l'essentiel de ce qui faisait son charme - son extrême fragilité en tête. Redresseur de torts de plus en plus hanté par tout et n'importe quoi, Bosch a quitté la crim' en 2002 (après « City of Bones », dernière de ses « grandes » aventures), a été un peu détective privé, a réintégré la police, peut-être repartira-t-il dans quelques temps... dans le fond peu importe : voilà bien longtemps que ses enquêtes ne sont plus crédibles (un comble de la part d'une icône du polar procédural - division romanesque ultra-réaliste s'il en est). Désormais il semble espérer intégrer prochainement l'équipe de « Cold Case », c'est en tout cas l'impression qu'on a en notant avec une certaine stupéfaction que cet « Echo Park » est le cinquième volume consécutif le montrant rouvrant une affaire non classée (ou une affaire mal classée ou une affaire bien classée cachant une affaire en passe de l'être). Ce qui était assez peu probable dans le précédent épisode (« The Narrows ») devient ici carrément risible (il n'y a pas assez de criminels en activité à Los Angeles ou quoi ?), si encore il s'agissait de la part de Connelly d'une évolution majeure dans son œuvre, de la naissance d'une nouvelle obsession (celle du passé)... mais non, pas vraiment. Du moins n'est-ce pas assez bien mis en scène pour être acceptable, Bosch passant surtout beaucoup de temps à se livrer à des interrogatoires dont les lecteurs habitués de ses aventures connaissent déjà trop bien la fin : mort, trahisons, mais Bosch va quand même s'en tirer. Peu importe que le cas échéant un condamné à mort avoue un crime non classé afin de retarder (sinon d'échapper à) l'exécution... tout ce qu'on voit, dans « Echo Park », c'est que le personnage de Bosch n'a plus évolué depuis quatre épisodes, bloqué en position dépressif-mélancolique-qui-écoute-du-jazz. Histoire de coller avec l'ère du temps Connelly, qu'on pourra difficilement suspecter de sympathie pour l'administration en place, a ajouté un plaidoyer anti-Bush suffisamment peu manichéen pour toucher le lecteur. Est-ce assez ? C'est au contraire trop peu. Et « Echo Park » de s'avaler sans déplaisir... mais sans plaisir non plus. Pour le supplément d'âme, il faudra relire « The Black Echo ».

samedi 4 juillet 2009

"Le sauveur" - Jo Nesbo

Un sans faute, par Ingannmic.

Oslo, à l’approche des fêtes de Noël. L’Armée du Salut prépare le traditionnel concert de fin d’année leur permettant de récolter des fonds. L’un de ses officiers, Robert, est assassiné en pleine rue devant des dizaines de témoins qui curieusement, sont incapables de donner un signalement précis du meurtrier. Harry Hole est l’inspecteur chargé de l’enquête, qui, de surprises en rebondissements, va nous mener d’Oslo à Zagreb, et sur la piste d’événements passés et présents.

C’est le premier roman de Jo Nesbo que je lis, et je me demande bien comment j’ai pu attendre tout ce temps ! Tout m’a plu, dans « Le sauveur » : l’ambiance, très « pays nordique » (neige, froid, verglas…), le personnage principal, inspecteur rétif aux ordres, porté sur l’alcool, mais d’une intuitivité aigue et d’une humanité touchante… bon, vous allez me dire que cela n’a rien d’original, ce genre d’antihéros de polar, on en trouve à la pelle. Certes, mais c’est une recette qui marche si bien lorsqu’elle est mitonnée avec subtilité, et Nesbo est en cela un excellent cuisinier ! Son autre force est de ne pas occulter les personnages secondaires au profit de ce personnage principal. Chaque protagoniste –et ils sont nombreux- est traité en profondeur. Et puis, la maîtrise de l’intrigue est parfaite : vrais « faux-coupables », mobiles obscurs, retournements de situation : sur presque 600 pages, l’auteur nous tient en haleine sans que notre intérêt ne faiblisse une seconde. D’autant plus que Nesbo sait jouer du contexte social de son récitpour donner à sa trame policière consistance et véracité.
Finalement mon seul regret est de n’avoir pas débuté avec le premier opus de la « série » des Harry Hole : « L’homme chauve-souris ».
Je vais m’y mettre…

vendredi 3 juillet 2009

"De grâce et de vérité" - Jennifer Johnston

Le lourd héritage du secret, par Livrovore


Sally est une comédienne de théâtre à succès. De retour à Dublin d'une tournée en Europe, exténuée, elle ne s'attendait pas à ce que va lui annoncer Charlie, son mari : il a décidé de la quitter. Elle savait bien qu'il était coureur de jupons, mais elle pensait que son couple tiendrait pour toujours. Ce choc la ramène face à sa réalité : elle n'a pas de frères et soeurs, elle n'a jamais su qui est son père, et sa mère s'est suicidée il y a quelques années. Elle est seule et n'a aucune famille. Sauf un grand-père évêque anglican, froid et distant, qu'elle n'a quasiment pas connu. Elle va tenter de se rapprocher de lui, de son unique lien familial, de la seule personne qui pourrait encore lui révéler les secrets qui pèsent sur son identité, sur ce que sa mère a toujours refusé de lui dire : qui est son père.

On retrouve dans ce roman l'écriture douce et pudique de Jennifer Johnston, ainsi que ses sujets de prédilection : une femme discrète, sur qui pèse le secret. Je me suis encore une fois plongée totalement dans l'histoire, avec frissons et émotion. Je suis également toujours intéressée et intriguée par le poids du secret dans une famille, sur l'héritage psychologique que cela impose. La vérité n'est pas toujours bonne à dire, elle peut être extrêmement bouleversante. Pourtant, Sally ne s'arrêtera pas avant de l'avoir atteinte. Un récit poignant d'apparence anodin, mais d'une profondeur qui marque l'esprit.

"J'ai envie de crier ; mais mon cri assourdirait le monde.

Ce n'est pas ma faute.

C'est ce que je dois répéter, à jamais.

Encore et encore.

Sally, stupide, pathétique moitié de personne, ce n'est pas ta faute."

jeudi 2 juillet 2009

"Le meunier hurlant" - Arto Paasilinna

Foutus p'tis patelins, par Thom.

Ces petits patelins n’en finiront donc jamais de poser des problèmes aux gens un peu différents ! Mazette ! C'est presque devenu un cycle officieux des chroniques de bouquins : Splendeur et Misère des petits patelins – on pourrait presque en faire une catégorie à part entière. Cette fois-ci le petit patelin en question se trouve en Finlande, mais objectivement ça n’a aucune importance : en France, en Finlande ou en plein milieu du désert, un petit patelin reste un petit patelin, à savoir un endroit arriéré dans tous les sens du terme où il ne fait pas bon être étranger ou simplement original. Les habitants de celui-ci ont donc, comme de juste, une mentalité étriquée et des préjugés sur tout… notamment sur leur meunier, homme au demeurant fort sympathique quoiqu’affublé d’un défaut pour le moins original : il hurle au milieu de la nuit lorsque ça ne va pas bien. Or, ça va rarement bien, et ses concitoyens ont donc régulièrement l’occasion de l’entendre hurler. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour que l’ensemble de cette petite communauté évidemment respectable n’en déduise que Huttunen est un fou qu’il faut faire enfermer avant qu’il ne s’en prenne à quelqu’un… et pourtant il est diablement sympathique, ce Huttunen, toujours à travailler à son potager, à repeindre son moulin ou à se construire des petites cabanes. A peu près n’importe qui de normalement constitué lui donnerait le bon dieu sans confession – à se demander qui dans ce roman n’est pas normal. Ici se niche la morale, assez simple mais néanmoins capitale, d’un petit bouquin qui me laisse encore tout songeur tant il m’a paru poétique dans sa simplicité même. L’histoire est celle d’un petit conte délicat – très séduisante donc ; les personnages sont hauts en couleurs et plus attachants les uns que les autres, et l’ensemble s’avale d’une traite en rêvassant à un monde meilleur.A se demander pourquoi on est séduit, d’ailleurs : l’écriture n’a a priori rien d’exceptionnel, l’intrigue est d’une simplicité presque déconcertante. Et pourtant ça marche ! On est enthousiaste et on en redemande, de cette chronique faulknerienne simplifiée et téléportée dans un pays encore moins accueillant que le Comté de Yoknapatawpha. Inutile de chercher plus loin : cela s’appelle Le Charme, et ça ne se discute pas.

mercredi 1 juillet 2009

"Duma Key" - Stephen King

Retour aux sources, par Laiezza


Considérablement diminué et traumatisé après que sa voiture ait été écrasée par une grue, Edgar Freemantle hésite à en finir, avant de se laisser convaincre de se remettre à la peinture et de changer de vie.

C'est ainsi qu'il emménage à Duma Key, réalisant, au large de la Floride, le célèbre fantasme de l'île déserte, et peignant comme un damné, dans l'espoir secret de s'oublier. Mais bien sûr, comme l'on pouvait le craindre, son art, de plus en plus macabre, semble devenir peu à peu incontrôlable. A tel point que le lecteur, terrifié, se cache sous la couette.

L'essentiel à propos de ce livre a déjà été dit, sur de nombreux autres sites. Dans une volonté de retour aux sources, Stephen King, dont on pensait pourtant qu'il avait cumulé assez de points retraite pour couler des jours heureux, vient de signer un de ces excellents thrillers dont il a le secret. Avec des personnages trop humains, confrontés à des situations trop horribles, dans un cadre à la fois idyllique, et effrayant. "Retour aux sources" ne signifiant pas, en l'occurrence, "redite". Au contraire, Stephen King reprend les choses là où les avait laissées "Dreamcatcher", il y a quelques années. D'une certaine manière, son art atteint ici une sorte d'apogée : la construction est plus maîtrisée que jamais, le style, particulièrement percutant.

Réflexion à peine voilée sur l'art, comment il se révèle à nous et nous amène la lumière, tout en étant exclusivement bâti à partir des ténèbres, "Duma Key" est un livre profond et émouvant, en plus d'être un thriller redoutable. Qui trustera sûrement sans mal le hit des plages 2009, à juste titre.